La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/02/2016 | FRANCE | N°13-27136

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 février 2016, 13-27136


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, (Aix-en-Provence, 25 octobre 2013), que M. X..., engagé le 13 septembre 1998 par la société Sodeblan, qui exploite un restaurant à l'enseigne Mc Donald's, exerçant en dernier lieu les fonctions de superviseur opérationnel et désigné en 2006 en qualité de représentant syndical au sein du comité d'entreprise, a été licencié pour faute grave par lettre du 2 juillet 2007 après autorisation de l'inspecteur du travail ; que cette autor

isation ayant été annulée par la juridiction administrative, il a saisi la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, (Aix-en-Provence, 25 octobre 2013), que M. X..., engagé le 13 septembre 1998 par la société Sodeblan, qui exploite un restaurant à l'enseigne Mc Donald's, exerçant en dernier lieu les fonctions de superviseur opérationnel et désigné en 2006 en qualité de représentant syndical au sein du comité d'entreprise, a été licencié pour faute grave par lettre du 2 juillet 2007 après autorisation de l'inspecteur du travail ; que cette autorisation ayant été annulée par la juridiction administrative, il a saisi la juridiction prud'homale de référé d'une demande de réintégration ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'ordonner la réintégration de M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que la décision de l'employeur de refuser de réintégrer un salarié protégé dont l'autorisation de licenciement a été annulée ne saurait caractériser un trouble manifestement illicite au sens de l'article R. 1455-6 du code du travail, lorsque cette réintégration est impossible, notamment lorsque l'emploi de l'intéressé a disparu ; qu'en se bornant, en l'espèce, à relever que les documents produits ne justifient pas d'une telle impossibilité, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de l'employeur, développé oralement à l'audience, qui faisait valoir que des raisons économiques rendaient la réintégration absolument impossible, dès lors d'une part qu'aucun poste de superviseur opérationnel n'était disponible au sein de l'entreprise, d'autre part qu'aucun poste équivalent n'était à pourvoir, ni en interne, ni au sein des autres entités de l'unité économique et sociale, de troisième part que l'employeur ne pouvait être contraint de créer un poste à seule fin d'y affecter le salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que si le juge judiciaire ne peut remettre en cause l'appréciation, par le juge administratif, du bien fondé du motif de licenciement d'un salarié protégé, il ne saurait se retrancher derrière cette appréciation pour trancher le point de savoir si le refus de réintégrer un salarié dont l'autorisation de licenciement a été annulée caractérise ou non un trouble manifestement illicite au sens de l'article R. 1544-6 du code du travail ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que la dangerosité du salarié avait été relativisée par le juge administratif, invité à statuer sur la légalité de l'autorisation administrative de licenciement, pour en déduire qu'en l'absence d'élément nouveau, cette dangerosité ne peut faire obstacle à la réintégration de M. X..., sans rechercher elle-même si cette dangerosité ne rendait pas la réintégration impossible, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a entaché sa décision d'un excès de pouvoir ;
3°/ que la dangerosité du salarié, susceptible de rendre sa réintégration absolument impossible, ne s'apprécie pas seulement au regard des risques d'atteintes à la sécurité des personnes mais doit encore prendre en considération toutes les conséquences dommageables de la violence manifestée par l'intéressé ; que, dès lors, en estimant au contraire que la condamnation pénale de M. X..., postérieure à son licenciement, ne concernait que des dégradations matérielles, pour en déduire que la dangerosité du salarié n'était pas de nature à faire obstacle à la demande de réintégration, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-1 du code du travail ;
4°/ qu'aucune mesure de prévention ne peut être mise à la charge de l'employeur lorsque le danger auquel sont exposés des salariés caractérise un cas de force majeure ; qu'en estimant, pour décider qu'aucune considération ne faisait obstacle à la réintégration du salarié, que l'employeur, prévenu de la dangerosité de l'intéressé, était à même de prendre les dispositions adéquates, sans mieux préciser la nature de ces dispositions, ni rechercher, comme le soutenait l'employeur, si compte tenu du caractère persistant de la violence manifestée par M. X..., constitutive d'un cas de force majeure, la seule mesure apte à préserver la sécurité des travailleurs n'était pas de refuser la réintégration de ce dernier, de sorte que cette décision ne pouvait caractériser un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 2422-1 et R. 1455-6 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'en application de l'article L. 2422-1 du code du travail et en conséquence de la décision du tribunal administratif du 25 janvier 2011 annulant l'autorisation ministérielle de licenciement du salarié, celui-ci pouvait se prévaloir d'une réintégration de plein droit dans son emploi et retenu, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'impossibilité de réintégrer le salarié dans un emploi équivalent à celui qu'il occupait avant son éviction n'était pas établie, et que le caractère dangereux du comportement du salarié était justifié par les mêmes motifs que ceux écartés par la juridiction administrative, la cour d'appel a pu en déduire, répondant aux conclusions prétendument délaissées et dans les limites de ses pouvoirs, que l'impossibilité pour le salarié d'obtenir sa réintégration constituait un trouble manifestement illicite ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sodeblan aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Sodeblan.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la réintégration de Monsieur X... au sein de l'EURL SODEBLAN ;
AUX MOTIFS QUE l'EURL SODEBLAN soutient que tout retour de Monsieur X... sur son lieu de travail non seulement serait impossible faute de poste disponible mais serait en outre source de troubles graves pour la sécurité du personnel et de l'établissement, en raison de la violence de Monsieur X..., qui depuis des années terrorise le personnel et sabote le travail de l'entreprise ; l'EURL SODEBLAN fait ainsi état de faits postérieurs à l'avis de l'Inspection du travail, s'agissant de dégradations, pour lesquelles Monsieur X... a été condamné par le tribunal correctionnel le 28 mai 2009 ; l'EURL SODEBLAN argue en conséquence de ses obligations en sa qualité d'employeur d'assurer la sécurité des salariés dans son entreprise ; Monsieur X... oppose que ces moyens ont déjà été écartés par les décisions du juge administratif qui a tranché en sa faveur et que, en tout état de cause, le juge départiteur n'était pas fondé à se substituer à ce juge lorsque, en l'espèce, le droit à réintégration prime ; cependant, ont été rappelées dans l'ordonnance du 14 janvier 2013 les dispositions de l'article L 2422-1 du Code du travail qui prévoient que, lorsque le juge administratif annule la décision d'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié concerné a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; le juge des référés est en l'espèce pleinement dans ses attributions dès lors qu'il se doit de constater que les moyens soulevés par l'EURL SODEBLAN ont été analysés par les juridictions administratives qui ont estimé qu'au regard du principe selon lequel en cas de litige relatif au licenciement, si un doute subsiste, il profite au salarié, les éléments retenus par l'inspection du travail étaient, soit contrecarrés par d'autres, soit sujets à caution comme affectés d'une suspicion de pressions de l'employeur ; ces décisions et les motifs qui les soutiennent ne peuvent plus être discutés et elles s'imposent à la présente juridiction qui a ainsi compétence pour en tirer la conclusion que la non réintégration de Monsieur X... constitue un trouble illicite ; le dépôt de plainte pour escroquerie au jugement qu'a opéré l'EURL SODEBLAN n'est pas suffisant pour remettre en cause le cadre juridique actuel ; ne peut, au regard de l'évidence juridique des décisions rendues, être argué de l'impossibilité de procurer à l'intéressé un poste équivalent à celui qu'il occupait au motif de prétendues difficultés économiques et du caractère vain des recherches effectuées pour le reclasser : l'obligation qui pèse sur l'employeur est ici absolue et les documents produits ne justifient pas d'une telle impossibilité ; s'agissant de la dangerosité de Monsieur X..., cet obstacle n'est pas à négliger ; pour autant, il est à nouveau rappelé que le juge administratif l'a relativisée et que, en l'absence d'éléments nouveaux qui remettraient en cause cette appréciation (la condamnation pénale de Monsieur X... ne concernant que des dégradations matérielles), il ne peut faire obstacle à la demande de réintégration, l'employeur étant en outre prévenu et à même de prendre les dispositions adéquates (arrêt, page 4) ;
1°/ ALORS QUE la décision de l'employeur de refuser de réintégrer un salarié protégé dont l'autorisation de licenciement a été annulée ne saurait caractériser un trouble manifestement illicite au sens de l'article R 1455-6 du Code du travail, lorsque cette réintégration est impossible, notamment lorsque l'emploi de l'intéressé a disparu ; Qu'en se bornant, en l'espèce, à relever que les documents produits ne justifient pas d'une telle impossibilité, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de l'employeur, développé oralement à l'audience, qui faisait valoir (conclusions, page 11) que des raisons économiques rendaient la réintégration absolument impossible, dès lors d'une part qu'aucun poste de superviseur opérationnel n'était disponible au sein de l'entreprise, d'autre part qu'aucun poste équivalent n'était à pourvoir, ni en interne, ni au sein des autres entités de l'unité économique et sociale, de troisième part que l'employeur ne pouvait être contraint de créer un poste à seule fin d'y affecter le salarié, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE si le juge judiciaire ne peut remettre en cause l'appréciation, par le juge administratif, du bien fondé du motif de licenciement d'un salarié protégé, il ne saurait se retrancher derrière cette appréciation pour trancher le point de savoir si le refus de réintégrer un salarié dont l'autorisation de licenciement a été annulée caractérise ou non un trouble manifestement illicite au sens de l'article R 1544-6 du Code du travail ; Que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que la dangerosité du salarié avait été relativisée par le juge administratif, invité à statuer sur la légalité de l'autorisation administrative de licenciement, pour en déduire qu'en l'absence d'élément nouveau, cette dangerosité ne peut faire obstacle à la réintégration de Monsieur X..., sans rechercher elle-même si cette dangerosité ne rendait pas la réintégration impossible, la Cour d'appel, qui a méconnu son office, a entaché sa décision d'un excès de pouvoir ;
3°/ ALORS QUE la dangerosité du salarié, susceptible de rendre sa réintégration absolument impossible, ne s'apprécie pas seulement au regard des risques d'atteintes à la sécurité des personnes mais doit encore prendre en considération toutes les conséquences dommageables de la violence manifestée par l'intéressé ; Que, dès lors, en estimant au contraire que la condamnation pénale de Monsieur X..., postérieure à son licenciement, ne concernait que des dégradations matérielles, pour en déduire que la dangerosité du salarié n'était pas de nature à faire obstacle à la demande de réintégration, la Cour d'appel a violé l'article L 2422-1 du Code du travail ;
4°/ ALORS QU'aucune mesure de prévention ne peut être mise à la charge de l'employeur lorsque le danger auquel sont exposés des salariés caractérise un cas de force majeure ; Qu'en estimant, pour décider qu'aucune considération ne faisait obstacle à la réintégration du salarié, que l'employeur, prévenu de la dangerosité de l'intéressé, était à même de prendre les dispositions adéquates, sans mieux préciser la nature de ces dispositions, ni rechercher, comme le soutenait l'employeur, si compte tenu du caractère persistant de la violence manifestée par Monsieur X..., constitutive d'un cas de force majeure, la seule mesure apte à préserver la sécurité des travailleurs n'était pas de refuser la réintégration de ce dernier, de sorte que cette décision ne pouvait caractériser un trouble manifestement illicite, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L 2422-1 et R 1455-6 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-27136
Date de la décision : 18/02/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 25 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 fév. 2016, pourvoi n°13-27136


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:13.27136
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award