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17/02/2016 | FRANCE | N°14-18381;14-20236

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 février 2016, 14-18381 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° U 14-18.381 et K 14-20.236 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en la forme des référés, que le 13 décembre 2012, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Banque populaire du Nord a désigné le cabinet FHC conseil afin qu'il réalise une expertise sur les risques psycho-sociaux pesant sur les salariés de l'entreprise ; que par acte d'huissier de justice du 25 juillet 2013, la société Banque populaire du Nord a s

aisi le président du tribunal de grande instance afin qu'il annule cette déli...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° U 14-18.381 et K 14-20.236 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en la forme des référés, que le 13 décembre 2012, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Banque populaire du Nord a désigné le cabinet FHC conseil afin qu'il réalise une expertise sur les risques psycho-sociaux pesant sur les salariés de l'entreprise ; que par acte d'huissier de justice du 25 juillet 2013, la société Banque populaire du Nord a saisi le président du tribunal de grande instance afin qu'il annule cette délibération ;
Sur la recevabilité du pourvoi n° K 14-20.236, examinée d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu le principe "pourvoi sur pourvoi ne vaut" ;
Attendu que, par application de ce principe, le pourvoi formé le 3 juillet 2014 par la société Banque populaire du Nord sous le n° K 14-20.236, qui succède au pourvoi n° U14-18.381 formé par elle le 28 mai 2014 contre la même décision signifiée dans le délai de l'article 978 du code de procédure civile, n'est pas recevable ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° U 14-18.381 :
Vu les articles L. 4614-13, R. 4614-19 et R. 4614-20 du code du travail, ensemble l'article 2224 du code civil du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande de l'employeur aux fins d'annulation de la délibération du 13 décembre 2012 et le condamner à payer une somme au CHSCT au titre des frais exposés en appel, l'arrêt énonce que si aucun délai pour saisir un juge de la contestation d'une délibération du CHSCT ordonnant expertise n'est prescrit, celui de l'article R. 4614-18 du code du travail ne concernant que la réalisation de la mission, toutefois l'économie générale des textes et le bon sens imposent de saisir à bref délai un juge à qui la loi impose de statuer en urgence, laquelle s'impose en effet dans la mesure où le comité désigne un expert au vu d'un risque grave qui interdit de laisser la situation en l'état ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action de l'employeur en contestation de l'expertise décidée par le CHSCT n'est soumise, en l'absence de texte spécifique, qu'au délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° K 14-20.236 ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Banque populaire du Nord aux dépens ;
Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société Banque populaire du Nord à payer au CHSCT de la société Banque populaire du Nord la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi n° U 14-18.381 par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire du Nord
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société BANQUE POPULAIRE DU NORD de sa demande en annulation de la délibération du CHSCT désignant le cabinet FHC Conseil pour évaluer les risques psycho-sociaux pesant sur l'entreprise et de l'avoir condamnée à payer au CHSCT les sommes de 5 606,25 ¿ et de 6 120 ¿ au titre des frais d'avocat en première instance puis en appel ;
AUX MOTIFS QUE « l'ordonnance déférée relève que la saisine est intervenue le 25 juillet 2013, soit plus de 6 mois après la délibération contestée et en déduit que, la décision ne pouvant avoir pour effet l'annulation d'une mesure déjà largement en cours, les demandes tendant à l'annulation de la délibération et leurs conséquences quant aux frais d'expertise sont mal fondées. L'employeur fait valoir qu'il a saisi la juridiction une première fois le 11 février 2013. Ses demandes ont été déclarées irrecevables au motif qu'il avait assigné les personnes composant le CHSCT et non cet organisme en tant que tel par ordonnance du 16 juillet 2013. Aucun délai pour saisir un juge de la contestation d'une délibération du CHSCT ordonnant expertise n'est prescrit, celui de l'article R. 4614-18 du code du travail ne concernant que la réalisation de la mission. Toutefois l'économie générale des textes et le bon sens imposent de saisir à bref délai un juge à qui la loi impose de statuer en urgence. L'urgence s'impose en effet dans la mesure où le comité désigne un expert au vu d'un risque grave qui interdit de laisser la situation en l'état. Certes en l'espèce l'employeur conteste la réalité du risque, mais c'est précisément ce débat qui doit se tenir à bref délai faute de permettre de faire obstacle à une démarche nécessairement urgente. Cette exigence est objective de sorte que l'employeur ne peut arguer de sa bonne foi dans l'accomplissement de diligences que seule l'erreur a retardées, ce d'autant plus qu'en l'espèce son attention a été attirée sur ce point dès la première audience de référé dont la date n'est pas précisée mais qui a précédé d'une ou deux semaines l'ordonnance de réouverture des débats du 11 juin 2013. Même si l'irrégularité ne pouvait être couverte au sens procédural du terme s'agissant de l'assignation d'un défendeur qui n'était pas personnellement concerné, rien n'interdisait la délivrance d'une nouvelle assignation dès le début du mois de juin. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle déboute la BPN de ses demandes. Aux termes de l'article L. 4614-13 du code du travail, les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur, ainsi que les frais de procédure sauf abus du comité, qui n'est pas caractérisé en l'espèce et qui sont justifiés à hauteur de 6 120 ¿ » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « par délibération en date du 13 décembre 2012, le Comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail de la BANQUE POPULAIRE DU NORD a voté le recours à un expert, le cabinet FHC CONSEIL, agréé par le ministère du travail, pour réaliser une étude relative à l'exposition des salariés aux risques psychosociaux au sein de la banque dans le cadre des dispositions des articles L. 4614-12 et 13 et R. 4614-6 qui prévoient que le comité peut faire appel à un tel expert « lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle à caractère professionnel et constaté dans l'établissement ». Sauf contestation de l'employeur, les frais d'expertise sont à la charge de ce dernier. En l'espèce, la BANQUE POPULAIRE DU NORD a, sur le fondement de l'article L. 4114-13 du code du travail, saisi le Président du tribunal de grande instance pour contester la nécessité de l'expertise mise en oeuvre par le CHSCT. À cet égard il sera relevé que la saisine n'est intervenue que par acte du 25 juillet 2013. Si l'article L. 4614-13 susvisé ne subordonne à aucun délai la contestation de l'employeur, il apparaît toutefois que les textes prévoient d'une part, un court délai qui ne peut excéder 45 jours pour la réalisation de l'expertise et d'autre part, l'obligation pour le juge de statuer en urgence. La condition d'urgence est ainsi implicite et dès lors la saisine du juge par l'employeur, plus de sept mois après la décision du CHSCT est manifestement tardive et non justifiée. Dans ces conditions, alors que la décision du juge ne saurait avoir pour effet l'annulation d'une mesure déjà largement en cours, situation qui n'est nullement envisagée par le code du travail, les demandes tardives de l'employeur tendant à l'annulation et leurs conséquences quant aux frais d'expertise se trouvent privées de bien-fondé. En conséquence, la BANQUE POPULAIRE DU NORD doit être déboutée de toutes ces demandes. Enfin, il paraît équitable d'allouer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5 606,25 euros au CHSCT de la BANQUE POPULAIRE DU NORD » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'article L. 4614-13 du code du travail dispose que l'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise saisit le juge judiciaire ; que si les articles R. 4614-18 et R. 4614-19 du même code prévoient que la contestation doit être portée devant le président du tribunal de grande instance statuant en urgence et en la forme des référés, aucun texte n'impose à l'employeur d'exercer son action en justice dans un bref délai à compter de la délibération du CHSCT relative à l'expertise ; qu'en déboutant la société BANQUE POPULAIRE DU NORD de sa contestation relative à la désignation d'un expert par son CHSCT, sans examiner le bien-fondé de cette contestation, au motif que la mesure était « déjà largement en cours » et que la contestation présentait un caractère tardif, la cour d'appel a ajouté à la loi et a violé les articles L. 4614-12, L. 4614-13, R. 4614-19 et R. 4614-20 du code du travail, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge, tenu de trancher le litige au regard des règles de droit applicables, ne peut, pour refuser d'examiner les prétentions d'une partie, lui opposer une forclusion qui n'est prévue par aucun texte ; qu'en refusant d'examiner la contestation de la société BANQUE POPULAIRE DU NORD au motif que cette dernière n'avait pas saisi le juge à bref délai ce que lui imposait « l'économie générale des textes et le bon sens », la cour d'appel a violé les articles 4 du code civil, 12 et 31 du code de procédure civile et 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE l'employeur a intérêt à contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise tant que la mesure est encore en cours et que la décision du juge judiciaire est susceptible de mettre fin à l'expertise et à limiter les frais à la charge de l'entreprise ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'expertise était encore en cours au moment de l'introduction de l'action de l'employeur ; qu'en déboutant néanmoins la société BANQUE POPULAIRE DU NORD de son recours, la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile, ensemble les articles 1er du protocole additionnel n° 1 et 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE lorsque la désignation d'un expert par la CHSCT a pour motif l'existence d'un prétendu risque grave au sein de l'établissement, l'employeur conserve, nonobstant la réalisation de l'expertise et la mise à sa charge des frais y afférents, un intérêt à contester la nécessité d'une telle mesure pour faire constater judiciairement l'absence de risque actuel et avéré au sein de l'établissement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 4614-2 du code du travail, 31 du code de procédure civile et 6-1 de la convention européenne de sauvegardes des droits de l'hommes et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société BANQUE POPULAIRE DU NORD à payer la somme de 6 120 ¿ au titre des frais exposés par le CHSCT en appel ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article L. 4614-3 du code du travail, les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur, ainsi que les frais de procédure sauf abus du comité, qui n'est pas caractérisé en l'espèce et qui sont justifiés à hauteur de 6 120 ¿ » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE si, compte tenu de l'absence de patrimoine du CHSCT, l'employeur est tenu, en cas de litige, de supporter les frais de justice et honoraires d'avocats engagés par le comité, il incombe au juge judiciaire de déterminer, en cas de contestation, les sommes correspondant aux frais de justice réellement exposés par le CHSCT et aux prestations réellement effectuées par son avocat ; qu'au cas présent, la société BANQUE POPULAIRE DU NORD faisait valoir qu'elle avait déjà réglé une facture de 5 606,25 ¿ à l'avocat du CHSCT au titre de ses honoraires de première instance et que les honoraires mis à sa charge au titre de la procédure d'appel devaient donc être strictement limités aux prestations accomplies au cours de cette instance ; qu'en condamnant l'exposante à payer une somme de 6 120 ¿ au titre des frais exposés par le CHSCT en appel, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si cette somme correspondait à des prestations effectivement accomplies au cours de l'instance d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-13 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les décisions de justice doivent être motivées à peine de nullité ; qu'en estimant que les frais de procédure, dont le montant était contesté par l'employeur, étaient « justifiés à hauteur de 6 120 ¿ » sans se fonder sur le moindre élément produit aux débats, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-18381;14-20236
Date de la décision : 17/02/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 28 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 fév. 2016, pourvoi n°14-18381;14-20236


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.18381
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