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28/03/2014 | FRANCE | N°13/03119

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 28 mars 2014, 13/03119


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 28/03/2014



***



N° de MINUTE :

N° RG : 13/03119



Jugement (N° 10/06062) rendu le 11 Avril 2013

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : FB/VC





APPELANTE

SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 5]

[Local

ité 4]



Représentée par Me Florent MEREAU, membre de la SELARL MEREAU-MACHEZ, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉES

SARL SCOFII

Ayant son siège social

[Adresse 5]

[Localité 4]



société en...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 28/03/2014

***

N° de MINUTE :

N° RG : 13/03119

Jugement (N° 10/06062) rendu le 11 Avril 2013

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : FB/VC

APPELANTE

SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Florent MEREAU, membre de la SELARL MEREAU-MACHEZ, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES

SARL SCOFII

Ayant son siège social

[Adresse 5]

[Localité 4]

société en liquidation judiciaire

SELAS SOINNE ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL SCOFII, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

assignée le 1er août 2013 à personne habilitée, n'ayant pas constitué avocat

SCI RIPAS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 1]

SCI DJS IMMO prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentées par Me Dominique LEVASSEUR, membre de la SCP DOMINIQUE LEVASSEUR-VIRGINIE LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistées de Me Frédéric PLANCKEEL, avocat au barreau de LILLE

SA GÉNÉRALI IARD agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée par Me Bernard FRANCHI, membre de la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Jacques SELLIER, avocat au barreau de LILLE

SA ALLIANZ IARD agissant par la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Emmanuel MASSON, membre de la SCP MASSON-DUTAT, avocat au barreau de LILLE

Assistée de Me Marie-Christine DUTAT, membre de la SCP MASSON-DUTAT, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 17 Décembre 2013, tenue par Dominique DUPERRIER magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS Claudine POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Gisèle GOSSELIN, Président de chambre

Fabienne BONNEMAISON, Conseiller

Dominique DUPERRIER, Conseiller

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 mars 2014 après prorogation du délibéré en date du 12 Février 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame Fabienne BONNEMAISON, Conseiller le plus ancien en remplacement de Madame Gisèle GOSSELIN, Président empêché et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 décembre 2013

***

Par jugement du 11 Avril 2013 assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de Grande Instance de LILLE, écartant les conclusions tardives de la société SCOFII et celles postérieures à l'ordonnance de clôture, a condamné :

- la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN à verser à la SCI DJS IMMO la somme de 32 734,60 € outre la somme trimestrielle de 6 933,65 € jusqu'à remise en état du mur, à la SCI RIPAS une somme de 1 650,09 €, aux sociétés RIPAS et DJS IMMO une indemnité de procédure de 4 000 €,

- les sociétés SCOFII, GÉNÉRALI et ALLIANZ à garantir la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN des condamnations mises à sa charge,

- la société GÉNÉRALI à garantir la société SCOFII des condamnations mises à sa charge,

- la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN sous astreinte à procéder à ses frais aux réparations du mur mitoyen selon les préconisations de l'expert judiciaire dans les six mois de la signification du jugement,

- les sociétés INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN, SCOFII, GÉNÉRALI et ALLIANZ aux dépens.

La SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN a relevé appel de ce jugement 30 Mai 2013 et a transmis le 16 Décembre 2013 des conclusions tendant à voir infirmer le jugement entrepris, ordonner une nouvelle mesure d'expertise sinon constater l'absence de comportement préjudiciable de la SCI, l'absence de trouble anormal de voisinage et de préjudice pour les intimées, par suite débouter celles-ci de toutes leurs demandes, subsidiairement condamner les sociétés RIPAS, DJS IMMO, GÉNÉRALI et AGF-ALLIANZ à réparer le préjudice et supporter l'ensemble des frais de justice, d'expertise et de recours, plus subsidiairement partager par moitié les frais de remise en état et, en tout état de cause condamner la société SCOFII et les assureurs à la garantir de toutes condamnations éventuelles, fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SCOFII à la somme de 280 899,84 € sinon dire que GÉNÉRALI et ALLIANZ ont manqué à leur devoir de conseil et les condamner solidairement au paiement d'une somme de 280 899,84 € ainsi qu'aux frais et dépens et tout succombant au paiement d'une indemnité de procédure de 4 000 €.

Au terme de conclusions transmises le 13 Décembre 2013, les SCI RIPAS et DJS IMMO sollicitent au visa des articles 655 sinon 1382 et 1383 du code civil la confirmation du jugement entrepris excepté en ce qui concerne la période d'indemnisation de la SCI DJS IMMO, réclamant de ce chef une indemnité trimestrielle de 6 933,65 € à compter du 1er Février 2013 jusqu'à stabilisation de l'immeuble outre une indemnité de 3 000 € en réparation du préjudice à subir par le nouveau locataire le temps des travaux de remise en état du mur, demandant par ailleurs à l'encontre de la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN une indemnité de procédure de 12 000 € et la fixation au passif de la société SCOFII d'une indemnité de même montant.

Suivant conclusions transmises le 11 Décembre 2013, la société ALLIANZ IARD (ci-après désignée ALLIANZ) sollicite l'infirmation du jugement entrepris, le rejet des demandes adverses, sinon la condamnation des sociétés SCOFII et GÉNÉRALI à la garantir de toutes condamnations éventuelles et la condamnation de la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN ou de tout succombant à lui verser une indemnité de procédure de 3 000 €.

Par conclusions transmises le 13 Décembre 2013, la société GÉNÉRALI IARD (ci-après désignée GÉNÉRALI) demande à la Cour de constater que les dommages ne rentrent pas dans l'activité garantie, qu'ils affectent un mur mitoyen et que les travaux de réparation incombent aux deux propriétaires sauf à rapporter la preuve d'une faute de l'un d'eux non rapportée en l'espèce, que l'effondrement du mur est la conséquence de sa vétusté et non des travaux de la société SCOFII, de débouter par suite les société RIPAS et DJS IMMO de toutes leurs demandes, de dire irrecevables sinon mal fondées les demandes de la société ALLIANZ, de dire que la police d'assurance de la société SCOFII ne couvre la responsabilité civile vis à vis des tiers que pour les dégâts des eaux, incendie, explosion et événements assimilés, de dire ces garanties non mobilisables au titre des dommages au mur mitoyen, de débouter par suite la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN de ses demandes au titre de la reconstruction du mur, de dire enfin que le congé donné par la société JANO'S est sans lien avec le sinistre et de débouter la SCI DJS IMMO de ses demandes.

Assignées suivant exploits des 7 et 9 Octobre 2013, la société SCOFII et la SELAS SOINNE représentée par Maître [H] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SCOFII suivant jugement du Tribunal de Commerce de LILLE du 10 Mai 2013, n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 Décembre 2013.

SUR CE

Il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties au jugement entrepris duquel il résulte essentiellement que :

* la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN (ci-après désignée INE) est propriétaire à [Adresse 5], d'un immeuble (ci-après désigné le '144") loué à la société SCOFII qui y a réalisé en 2008 des travaux à l'occasion desquels est survenu l'effondrement partiel du mur le séparant de l'immeuble voisin sis au n° 142, à l'époque propriété de la SCI RIPAS et loué à la société JANO'S (ci-après désigné le '142")

* à l'initiative de la SCI RIPAS, une expertise judiciaire a été confiée par ordonnance de référé du 12 Mai 2009 à M. [Y] qui, au terme d'un rapport déposé le 31 Mars 2010, a considéré que ce mur séparatif avait été 'conçu' porteur, les planchers de deux immeubles prenant appui sur lui, ne présentait pas une maçonnerie d'origine de bonne constitution, avait perdu plusieurs de ses constituants, notamment lors des travaux litigieux de 2008, et présentait un renflement ('ventre') préexistant, dont la datation était impossible, attribué à la déficience de la maçonnerie au rez de chaussée, l'équilibre de ce mur, resté statique du fait de pression et flexion combinées, ayant été modifié par les travaux de 2008, expliquant l'effondrement d'une partie de la maçonnerie à l'origine du présent litige

* La SCI RIPAS et la SCI DJS IMMO, à laquelle la première a cédé son immeuble en 2009, ont assigné en Juin 2010 la SCI INE devant le Tribunal sur le fondement du trouble anormal de voisinage pour l'entendre contraindre à effectuer la réparation du mur et indemniser leurs préjudices

* La SCI INE a appelé en garantie sa locataire la société SCOFII, aujourd'hui en liquidation judiciaire, et les sociétés ALLIANZ IARD et GÉNÉRALI assureurs susceptibles, selon elle, de garantir le sinistre

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement dont appel qui, rejetant la demande de contre-expertise de la SCI INE, a notamment attribué le sinistre aux travaux de la société SCOFII, consacré par suite la responsabilité de la société INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN envers le propriétaire voisin, condamné l'intéressée aux réparations, condamné la société SCOFII à garantir sa propriétaire des condamnations mises à sa charge et les sociétés ALLIANZ et GÉNÉRALI à garantir les conséquences financières du sinistre.

Sur les responsabilités

* de la SCI INE

La SCI INE fait grief au Tribunal d'avoir admis, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, sa responsabilité envers les propriétaires successifs du 142 alors qu'elle est étrangère au trouble allégué, exclusivement imputable à sa locataire, et que ne sont pas démontrées les nuisances excessives invoquées dans la mesure où le dommage n'affecte pas le mur côté propriété DJS IMMO, où l'utilité des étais posés n'est pas démontrée et où l'immeuble de la SCI DJS IMMO a été entièrement rénové et est à nouveau exploité.

Elle fait valoir, subsidiairement, au visa de l'article 655 du code civil, que la réparation de ce mur 'présumé' mitoyen doit être supportée par parts égales par les deux propriétaires dans la mesure où l'effondrement du mur n'a pas pour seule cause l'intervention de la société SCOFII, le déshabillage du mur ayant révélé qu'il souffrait de désordres anciens, le voisin ayant en outre appuyé des étagères sur le mur sans l'avertir ou solliciter son autorisation en violation des dispositions de l'article 662 du code civil.

Les sociétés RIPAS et DJS IMMO objectent que l'effondrement partiel du mur mitoyen et son instabilité ainsi que les risques qui en découlent pour leur propre immeuble caractérisent à l'évidence un grave trouble anormal de voisinage dont elles sont fondées à solliciter réparation à la SCI INE.

Elles ajoutent que la mitoyenneté du mur ne fait pas obstacle à la condamnation de cette dernière à la réparation intégrale du mur dès lors que ces réparations sont rendues nécessaires par son fait ou celui de sa locataire.

Elles plaident la faute lourde de la société SCOFII pour avoir sans précaution et alors qu'elle ne disposait d'aucune compétence en matière de bâtiment démoli à coups de masse l'habillage du mur.

La Cour observe tout d'abord que la fragilisation du mur mitoyen, dont les différents professionnels consultés affirment qu'à tout moment il peut s'écrouler (voir en ce sens le dernier compte-rendu de PREVENTEC du 12 Décembre 2013 insistant sur l'urgence de travaux de confortement) génère incontestablement pour le 142 un trouble anormal de voisinage dont la réparation peut être réclamée au propriétaire de l'immeuble siège de l'événement générateur de cette situation de péril, quand bien même celui-ci serait le fait de sa locataire, étant au surplus relevé qu'en autorisant le gérant de la société SCOFII, dépourvu de toute compétence en matière de construction (le contraire n'est en tout cas pas soutenu) à mettre lui-même à nu le mur mitoyen sans exiger l'intervention d'un professionnel ne serait-ce que pour vérifier préalablement l'état du mur et sa capacité à supporter les travaux projetés ni même s'inquiéter de l'existence d'une assurance garantissant les conséquences d'une éventuelle responsabilité de sa locataire au titre de ces travaux, la SCI INE a singulièrement manqué à son devoir élémentaire de prudence.

L'action exercée sur le fondement du trouble anormal de voisinage par les SCI RIPAS et DJS IMMO à l'encontre de la SCI INE est donc recevable.

S'agissant de l'expertise judiciaire :

En l'état de conclusions contradictoires de l'expert judiciaire [Y] et de son propre expert, M. [J], la SCI INE estime indispensables avant toute décision au fond des investigations complémentaires notamment pour déterminer l'impact sur l'état d'un mur qualifié de vétuste et de constitution un peu particulière des charges générées par les dalles de béton coulées dans l'immeuble de la SCI DJS IMMO, aggravées par l'entreposage massif de vêtements, dans la mesure où le déshabillage du doublage en placo réalisé par la société SCOFII ne peut être la cause prépondérante de l'effondrement partiel d'un mur porteur.

Elle estime sur ce point lacunaire le rapport de M. [Y] qui n'a pas réalisé de sondages côté DJS IMMO et a, au cours de son expertise, renoncé sans raison à solliciter un calcul de descente de charges du mur après l'avoir demandé auprès du magistrat chargé du contrôle des expertises.

Les SCI RIPAS et DJS IMMO objectent que cette demande a été légitimement rejetée par le juge de la mise en état dans une ordonnance d'incident du 29 Août 2011 puis par le Tribunal dans la mesure où M. [Y] a répondu à cette thèse de la SCI INE qui n'apporte aucun élément nouveau en cause d'appel, le rapport non contradictoire établi par M. [J] dans l'intérêt de la SCI INE ne pouvant justifier une telle mesure.

La Cour constate que ces deux architectes, tous deux experts judiciaires aux compétences reconnues, s'accordent (ou en tout cas ne se contredisent pas) sur certains points :

- la constitution particulière, 'hétéroclite', de ce mur très ancien (il daterait du XVIIème siècle) qui ne répond pas aux exigences contemporaines d'une maçonnerie de briques destinée à supporter, comme en l'espèce, la charge du report des poids des planchers, ce dont la Cour déduit une fragilité structurelle intrinsèque du mur, aggravée par sa vétusté,

- le caractère porteur de ce mur sur lequel s'appuient les planchers des deux immeubles, dès lors nécessairement affecté par les modifications structurelles réalisées dans chacun des deux immeubles, dont M. [Y] n'a pu reconstituer l'historique précis mais dont il a pu se convaincre par ses constatations matérielles :

ainsi la présence d'une poutraison métallique au 144 témoigne d'un désordre structurel ancien (note 2, page5), la modification de l'implantation des solives au niveau du plancher haut du premier étage du 144 indique une déficience antérieure des charges structurelles dans cet immeuble (rapport, page14), enfin des chapes en béton ont été ajoutées au 142 qui ont, à l'évidence, eu un impact sur la portance du mur du fait des charges conséquentes apportées,

- ce mur a souffert d'un phénomène de déformation évolutif, invisible du fait de l'habillage du mur, dont aucun expert ne peut dater précisément le point de départ ni indiquer le fait générateur mais dont ils s'accordent à dire qu'il a contribué à sa fragilisation.

Leurs divergences portent donc essentiellement sur :

- sur le mode constructif de ce mur :

Il serait constitué de deux parois accolées, insuffisamment liaisonnées, selon M. [J], d'un seul mur de 37 centimètres d'épaisseur (hors habillages) selon M. [Y] qui, sur cette question, a eu l'avantage de pouvoir visiter de manière approfondie les deux immeubles et fonder son analyse sur les constatations qu'il a opérées notamment dans les combles.

Cette question n'apparaît pas déterminante dans la recherche de la cause du dommage, les deux experts s'accordant à dire de toute façon que le mur est intrinsèquement fragilisé par son mode constructif.

- sur les causes déterminantes de la fragilisation du mur :

Dans son ultime compte-rendu du 2 Décembre 2010, M. [J] pense prépondérant l'impact des charges créées par les chapes de béton coulées au 142, considérant que ce ne sont pas quelques coups de massette qui peuvent expliquer l'effondrement d'un mur porteur de 37 centimètres d'épaisseur

De son côté, M. [Y] privilégie la déficience de la maçonnerie au rez de chaussée et dénonce l'impact des coups de masse qui a affecté l'équilibre du mur.

Il ajoute, en réplique à son confrère, que si la charge supplémentaire générée par les chapes de béton était aussi déterminante que le suggère M. [J], des désordres se seraient manifestés dès avant les travaux de 2008, ce qui n'a pas été le cas.

Au-delà de ces divergences, la Cour constate que ces deux experts s'accordent à reconnaître que plusieurs facteurs ont contribué à la fragilisation du mur mitoyen : son mode de construction, sa vétusté, la portance des charges des planchers des deux immeubles et leur aggravation au fil des travaux entrepris, leur désaccord portant sur le rôle prépondérant de l'une ou l'autre de ces causes.

Pousser plus avant les investigations comme le souhaite INE, notamment pour mesurer les charges supplémentaires induites par les planchers en béton posés dans l'immeuble 142, n'apparaît pas indispensable au regard des règles de la responsabilité au titre des troubles de voisinage, dès lors qu' il est incontestable pour les deux experts que le déshabillage sans précautions du mur par SCOFII constitue la cause immédiate de l'effondrement partiel de la paroi (et donc le fait générateur du trouble de voisinage invoqué) du fait, selon M. [J], des vibrations provoquées par les coups de masse ou massette qui ont entraîné une désorganisation de la maçonnerie, ces travaux ayant, selon M. [Y], en le privant de plusieurs constituants, déséquilibré un mur atteint d'une 'pathologie structurelle' mais qui, du fait de pression et flexion combinées, s'était stabilisé et restait 'statique'.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il rejette la demande de complément d'expertise et consacre la responsabilité de la SCI INE envers les SCI RIPAS et DJS IMMO, le fait que le mur soit mitoyen n'étant pas de nature à justifier l'imputation à celles-ci d'une partie des travaux de reconstruction du mur dès lors que le fait générateur de l'effondrement du mur est imputable à la seule SCI INE.

* de la société SCOFII

L'expertise judiciaire stigmatise la faute de la société SCOFII pour avoir entrepris sans aucune précaution et alors qu'elle n'avait aucune compétence en la matière des travaux de démolition de l'habillage du mur mitoyen.

La SCI INE est, dès lors, fondée à voir consacrer sa responsabilité dans les désordres.

Le jugement sera, par contre, réformé en ce qu'il condamne la société SCOFII à garantir la SCI INE des condamnations financières mises à sa charge compte-tenu de la procédure collective dont l'intéressée fait l'objet.

Sur la réfection du mur

M. [Y] a préconisé la reconstruction du mur dont il a estimé le coût à 85 000 € HT sur la base du devis de la société FREYSSINET sous réserve d'une validation technique du mode constructif de l'entreprise choisie par un organisme de contrôle technique.

La SCI INE prétend qu'aucune entreprise sollicitée n'a accepté d'agir en fonction des préconisations de M. [Y] mais que la société HABITAT TRAVAUX accepte, sur la base de l'étude du BET [C] [L] qu'elle produit, de réaliser des travaux de démolition et reconstruction par tranches pour le prix global de 45 127,44 €.

La SCI DJS IMMO ne se prononce pas sur cette proposition.

Dans la mesure où ni les calculs du BET. [L] ni le devis de la société HABITAT TRAVAUX n'ont été soumis au contrôle de M. [Y], il est impératif que le procédé proposé par cette entreprise soit préalablement validé par un bureau de contrôle technique dont l'avis sera transmis à la SCI DJS IMMO.

Sur les préjudices subis

* pour la SCI RIPAS

Celle-ci est fondée à solliciter, au titre de la réparation des conséquences du trouble anormal de voisinage subi, l'indemnisation coût de la location puis de l'achat des étais pour 1 650,69 €, le jugement étant confirmé de ce chef sauf à rectifier l'erreur matérielle relative au montant attribué (1 659,69 € et non 1 659,09 €).

* pour la SCI DJS IMMO

Celle-ci est de même fondée à solliciter l'indemnisation :

* de la reprise des habillages du mur côté 142, indépendante de la reconstruction proprement dite du mur, pour 5 000 € selon l'estimation de l'expert judiciaire, le jugement étant confirmé de ce chef

* du trouble de jouissance à subir pendant les six semaines de travaux soit 3 000 € selon l'estimation de l'expert judiciaire, le jugement étant confirmé de ce chef.

* de la perte locative subie :

La SCI DJS IMMO justifie que la société JANO'S, locataire de l'immeuble depuis 1999, lui a, le 6 Juillet 2011, notifié son congé à effet du 31 Janvier 2012 après avoir dénoncé le 1er Juin 2011 l'insécurité et la gêne occasionnées par l'état du mur mitoyen et la présence d'étais.

Il en résultait au 1er Février 2013 une perte de loyers de 27 734,60 € dont elle est fondée à être indemnisée ( le jugement étant confirmé de ce chef) la liquidation judiciaire de la société JANO'S invoquée par la SCI INE pour s'opposer à cette réclamation étant bien postérieure au départ de la locataire.

La Cour constate, par ailleurs, qu'en dépit de l'exécution provisoire dont était assorti le jugement la SCI INE n'a pas entrepris les travaux préconisés par l'expert judiciaire dont le Tribunal prescrivait l'exécution dans les six mois de la signification du jugement.

La SCI DJS IMMO est, dès lors, fondée à obtenir l'indemnisation de la perte locative postérieurement au 1er Février 2013 et jusqu'en Octobre 2013, date à laquelle elle a reloué son immeuble, la dispense de paiement de loyers prétendument consentie à son nouveau locataire n'étant pas établie.

Une indemnité complémentaire de 18 500 € sera donc attribuée à la SCI DJS IMMO à ce titre, le jugement étant réformé en ce qu'il accore une indemnité au titre de la perte de loyers jusqu'à la reconstruction du mur.

L'indemnité globale revenant à la SCI DJS IMMO s'élève donc à la somme de 54 234,60 €.

Sur la créance des SCI INE, RIPAS et DJS IMMO au passif de la liquidation judiciaire de la société SCOFII

Ces trois sociétés justifient de leur déclaration de créance entre les mains du liquidateur judiciaire de la société SCOFII.

Elles sont fondées à voir fixer comme suit leur créance au passif de la liquidation judiciaire :

* les SCI RIPAS et DJS IMMO pour une somme de 2 500 € chacune à titre d' indemnité de procédure

* la SCI INE pour les sommes suivantes :

- la perte de loyers :

Il est justifié que SCOFII a cessé de régler le loyer mensuel de 1 546 € à compter du mois de Juin 2008 au prétexte du préjudice de jouissance subi du fait de l'effondrement du mur qui lui était pourtant imputable (voir son courrier du 27 Mai 2008).

Dans la mesure où le bail expirait le 1er Janvier 2013, sa créance sera admise dans la limite d'une somme de 85 030 €.

- les frais d'étais et déblaiement pour 1 843,25 €

- les embellissements : 10 156 € (selon l'évaluation d'ESCIP expertises)

- les frais de reconstruction du mur qui seront repris ici pour mémoire, la SCI DJS IMMO n'ayant pas donné son accord sur le devis de la société HABITAT TRAVAUX

- les frais d'expertise :9 057,22 € + 815,03 € + 1 123,74 €

La créance de la SCI INE au passif de la liquidation judiciaire s'élève donc à la somme de 108 025,24 € augmentée du coût de la reconstruction du mur qui ne pourra pas excéder le montant de 85 000 € HT admis par l'expert judiciaire (mémoire).

Sur la garantie des assureurs

* de la société GÉNÉRALI

Se prévalant d'un préjudice global de quelques 280 899,84 €, la SCI INE sollicite la garantie de la société GÉNÉRALI auprès de laquelle la société SCOFII avait souscrit une police responsabilité civile étendant à sa propriétaire le bénéfice des garanties souscrites.

La société GÉNÉRALI objecte successivement que ne sont garantis par cette police que l'activité de bureaux et non des travaux de démolition tels que ceux entrepris par SCOFII, que les événements limitativement énumérés à savoir l'incendie, l'explosion et les événements 'assimilés', que les garanties profitent à l'occupant et non au propriétaire non occupant, enfin que la qualité d'assurée conférée au propriétaire, la SCI INE, au même titre que sa locataire du fait de leur communauté d'intérêts exclut tout recours du propriétaire à l'encontre de sa locataire.

La Cour constate que la police 'Tout en un commerciale GFA' souscrite par la société SCOFII auprès de GÉNÉRALI et étendant à la SCI INE le bénéfice de l'assurance, comporte :

- une assurance 'incendie, explosions et événements assimilés' garantissant les dommages aux bâtiment, matériel et marchandises lorsqu'ils sont provoqués par les événements suivants : incendie, explosion, foudre, dommages électriques, choc de véhicule terrestre ou appareil de navigation ainsi que les mesures de sauvetage destinées à combattre l'événement dont la garantie est acquise.

Cette garantie n'a donc pas vocation à couvrir les dommages résultant de travaux entrepris par l'assuré.

- une assurance responsabilité civile couvrant les conséquences de la responsabilité civile encourue par le locataire occupant vis à vis de son propriétaire et/ ou vis à vis des voisins et des tiers sur le fondement des articles 1382 à 1384 et 1386 du code civil lorsque les dommages résultent d'événements garantis en incendie, explosion, événements assimilés et dégâts des eaux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

La société GÉNÉRALI est donc fondée à plaider sa non garantie.

La Cour estime, par ailleurs, la SCI INE mal fondée à plaider la faute de GÉNÉRALI par manquement à son devoir de conseil, pour ne pas avoir proposé à la société SCOFII de souscrire une assurance 'adéquate', alors que l'activité commerciale exercée par cette dernière n'impliquait pas de travaux immobiliers qui auraient nécessité que l'intéressée se préoccupe avant son intervention sur le mur de la nécessité de souscrire une assurance spécifique à cet effet.

Le jugement doit être, par suite, réformé en ce qu'il condamne GÉNÉRALI à relever indemne la SCI INE des condamnations financières mises à sa charge.

* de la société ALLIANZ

La SCI INE sollicite de même le bénéfice de l'assurance responsabilité civile qu'elle a souscrite à titre personnel auprès de la société AGF devenue ALLIANZ garantissant les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile du fait de dommages matériels, corporels et des pertes pécuniaires causés à autrui du fait de l'immeuble assuré.

ALLIANZ dénie sa garantie aux motifs d'une part que celle-ci ne couvre pas les dommages causés à l'immeuble de l'assuré mais seulement les dommages causés aux tiers, d'autre part que cette garantie est subordonnée à la condition que soit établie la responsabilité de l'assuré ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque les dommages sont imputables à sa locataire, enfin que sont exclus de sa garantie les dommages ou désordres relevant des articles 1792 à 1792.6 du code civil, ce qui est le cas en l'espèce, l'atteinte à la solidité du mur étant avérée.

La Cour observe en premier lieu que les dommages causés à un mur mitoyen s'analysent pour partie en des dommages aux tiers puisque le mur appartient indivisément au propriétaire de l'immeuble voisin en sorte que la société ALLIANZ ne peut dénier sa garantie sur ce fondement.

La Cour constate ensuite que la SCI INE voit sa responsabilité civile engagée envers les propriétaires de l'immeuble voisin au titre du trouble anormal de voisinage qu'ils ont subis en sorte que les conditions de la garantie de l'assureur sont réunies.

Par contre, il est exact que les dispositions générales de la police (article 8 : exclusions générales, page 25) excluent la garantie de l'assureur dans le 'domaine construction' pour les dommages ou désordres relevant des dispositions des articles 1792 à 1792.6 du code civil ainsi que pour toutes responsabilités découlant de la loi du 4 Janvier 1978.

Au cas d'espèce, les désordres dont souffrent le mur mitoyen, menacé de ruine, et par voie de conséquence l'immeuble voisin, atteint dans sa solidité, sont principalement la conséquence de travaux de démolition et relèvent au sens de la clause susvisée des dispositions des articles 1792 à 1792.6 du code civil en sorte que la société ALLIANZ est fondée à décliner sa garantie au titre de ce sinistre.

La SCI INE est par contre fondée à solliciter la prise en charge par ALLIANZ des frais et honoraires d'expertise dont elle a fait l'avance (amiables de M. [J] et de la société ESCIP, judiciaire de M. [Y], ainsi que le rapport du BET) en vertu de la clause de défense -recours (article 4.2 des conditions générales de la garantie responsabilité civile).

Le jugement sera, par suite, réformé de ce chef et la garantie d' ALLIANZ cantonnée à la prise en charge des frais ci-dessus rappelés et des dépens.

* sur les autres appels en garantie

La mise hors de cause de la société GÉNÉRALI rend sans objet l'appel en garantie subsidiaire formé par ALLIANZ à l'encontre de cette dernière.

Enfin, la société ALLIANZ est fondée à solliciter la garantie de Maître [W] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SCOFII au titre des dépens.

Sur les demandes accessoires

* La mise hors de cause de la société GÉNÉRALI commande la réformation du jugement quant à sa condamnation aux dépens.

* L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société ALLIANZ et de la SCI INE

Elle commande, par contre, de faire application de cet article au profit des SCI RIPAS et DJS IMMO suivant modalités prévues au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il :

- rejette la demande de contre-expertise

- consacre la responsabilité de la société SCOFII dans les désordres du mur mitoyen

- consacre la responsabilité de la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN à l'égard des propriétaires successifs de l'immeuble 142, les SCI RIPAS et DJS IMMO, sur le fondement du trouble anormal de voisinage

- condamne la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN à verser à la SCI RIPAS la somme de 1 650,69 € (et non 1 650,09 € comme indiqué par erreur au jugement) et aux SCI RIPAS et DJS IMMO une indemnité de procédure de 4 000 €

- condamne la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN à procéder à ses frais à la reconstruction du mur sous réserve des modalités ci-après fixées

Le réforme pour le surplus.

Statuant des chefs réformés et y ajoutant :

Condamne la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN à verser à la SCI DJS IMMO la somme de 54 234,60 € au titre de ses préjudices.

Dit que les travaux de reconstruction du mur mitoyen devront être réalisés dans les six mois de la signification du présent arrêt selon les préconisations techniques de M. [Y] et après validation par un bureau de contrôle technique du mode constructif proposé par l'entreprise désignée, cet avis devant être transmis à la SCI DJS IMMO.

Assortit cette mesure, passé le délai imparti, d'une astreinte de 60 € par jour de retard pendant quatre mois sous réserve de son renouvellement par le juge de l'exécution.

Fixe comme suit les créances de SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN, RIPAS et DJS IMMO au passif de la liquidation judiciaire de la société SCOFII :

- pour les SCI RIPAS et DJS IMMO une somme de 2 500 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- pour la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN la somme de 108 025,24 € augmentée du coût des travaux de reconstruction du mur dans la limite du plafond de 85 000 € HT admis par l'expert judiciaire (mémoire).

Condamne la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN à verser aux SCI RIPAS et DJS IMMO une indemnité de procédure globale de 3 000 €

Prononce la mise hors de cause de la société GÉNÉRALI.

Exclut la garantie de la société ALLIANZ au titre des désordres affectant le mur mitoyen.

Condamne, par contre, la société ALLIANZ IARD à relever la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN indemne des condamnations mises à sa charge au titre des dépens de référé, de première instance et d'appel, des frais d'expertise amiables, judiciaire et de l' étude de BET.

Condamne la SELAS SOINNE représentée par Maître [H] [W] ès qualité de mandataire liquidateur de la société SCOFII à relever indemne la société ALLIANZ IARD de cette condamnation

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne in solidum la SCI INVESTISSEMENT NOUVEL ELAN, la société ALLIANZ IARD et Maître [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SCOFII aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise et de référé avec faculté de recouvrement au profit des avocats constitués conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierPour le Président,

C. POPEKF. BONNEMAISON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 13/03119
Date de la décision : 28/03/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°13/03119 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-28;13.03119 ?
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