Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Mesut X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 30 octobre 2015, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du Morbihan sous l'accusation de viol aggravé et violences aggravées ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-23 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé M. X... devant la cour d'assises du chef de viol commis par conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte de solidarité civile ;
" aux motifs que ¿ l'appel est régulier et recevable ; que les certificats médicaux produits par Mme Eliane Y... attestent de multiples hématomes, les 8 avril 2009 et 21 octobre 2011 ; que les témoignages recueillis auprès de ses proches, qui ont observé des traces de violence sur son corps, notamment, sur les bras et les jambes, corroborent l'existence de violences physiques habituellement exercées par M. X... sur son épouse durant leur vie commune ; qu'au demeurant, le mis en examen en admet le principe même s'il en minimise la fréquence et la gravité ; que s'agissant des faits de viol pour lesquels M. X... a été mis en examen les éléments à décharge sont :- l'absence de trace traumatique au niveau de l'anus et de la marge anale, lors de l'examen, le 13 décembre 2011, par M. Z..., docteur,- le fait admis par Mme Y... qu'elle ait eu après les faits du 15 octobre 2011 des relations sexuelles consenties avec M. X...,- sa réaction le 17 décembre 2011 lorsque M. X... a voulu la quitter, deux témoins attestant qu'elle a cherché à le retenir ; que, pour autant, ces éléments ne peuvent suffire à renverser les éléments à charge dont l'importance justifie la mise en accusation ; que l'absence de trace traumatique dans la sphère anale n'est pas déterminante, dès lors qu'un rapport sexuel de ce type n'entraîne pas systématiquement de lésions ; qu'il est établi que M. X... se montrait habituellement violent envers son épouse, ce qui accrédite les déclarations de Mme Y... sur les violences subies le 15 octobre 2011 ; que la partie civile a décrit comme suit la scène du 15 octobre 2011 : « j'avais mes règles, il a voulu avoir une relation. J'ai souhaité dormir, je me suis tournée ¿ il est venu derrière moi, m'a embrassée dans le cou et ensuite il a essayé de me prendre par derrière. J'ai dit non, je trouvais ça sale. Il a dit que non, a insisté. Il a enlevé le bas de mon pyjama, ma culotte, et en tout en maintenant un bras il m'a sodomisée. J'ai crié de douleur, il a cessé me traitant de pétasse, me crachant au visage. Je me suis levée du lit, il m'a attrapée dans le haut des escaliers, m'a mis une claque, m'a saisie par les cheveux et m'a tirée en arrière, je suis tombée sur le lit. Il s'est mis à me donner des coups de pied, sur les cuisses, les jambes, j'ai des bleus sur les genoux car je suis tombée à cet endroit. Il m'a insultée, vivement, moi je restais dans mon coin espérant qu'il s'endorme ¿ c'est après cet événement du 15 octobre 2011 que j'ai pris rendez-vous chez mon médecin traitant que j'ai vu le 21 octobre 2011. Il a établi un certificat médical que je vous remets faisant état des hématomes constatés. J'ai déclenché une poussée d'eczéma liée certainement au stress » ; que le certificat de M. A..., docteur, du 21 octobre 2011, énonce que Mme Y..., divorcée X... « dit avoir été battue le samedi 15/ 09 (lire 15/ 10) Elle rapport également des rapport sexuels non consentis » ; qu'on trouve donc, six jours après les faits, deux doléances de Mme Y..., divorcée X..., les violences et le viol ; que le médecin décrit les hématomes du bras droit, du bras gauche, du genou et du membre inférieur gauche, qui correspondent à ce que décrit la victime ; que la partie civile explique que son mari a voulu ce soir là, une pénétration anale à laquelle elle lui dit qu'elle était opposée car elle était indisposée et qu'il l'a pénétrée de force, en la maintenant, c'est à dire en la contraignant physiquement, qu'elle a hurlé et qu'il s'est retiré en l'insultant et la frappant ; qu'or la seule explication du déclenchement d'une telle violence est l'interruption, contre son gré, de cette sodomie douloureuse devant le refus clairement exprimé, de sa femme et la frustration qui en est résulté ; qu'il y a donc des éléments objectifs forts en faveur de la thèse de la partie civile ; qu'ils sont renforcés par un autre élément ; que Mme Y... a expliqué que souvent le soir M. X... regardait des sites pornographiques sur son portable alors qu'elle était couchée et qu'il voulait ensuite reproduire avec elle ce qu'il avait vu ; qu'or l'expertise du téléphone de M. X... a confirmé le visionnage de séquences pornographiques entre adultes, comportant des scènes de sodomie, entre le 14 juillet et le 22 octobre 2011, et notamment, le 14 octobre 2011, veille des faits ; que cette expertise montre un attrait incontestable de M. X... pour cette pratique, contradiction avec ses déclarations ; qu'on peut certes se demander pourquoi Mme Y... a porté plainte seulement après les faits du 15 octobre 2011, alors que les violences étaient bien antérieures ; qu'elle s'en est expliquée devant le juge d'instruction et l'expert psychologue, en déclarant qu'elle avait toujours l'espoir que son mari changerait, que les fois précédentes il s'était excusé, et que l'élément déclencheur avait été cette dernière scène du 15 octobre dont il ne s'était pas excusé le lendemain ; que la relation entre les époux était tumultueuse et Mme Y... était d'une certaine façon ambivalente, comme l'a relevé l'expert psychologue, l'intéressée ayant du mal a admettre qu'elle a pu se tromper sur l'homme qu'elle avait idéalisé et qu'elle continuait d'aimer en dépit de son comportement ; que, pour autant, la composante sadomasochiste relevée par M. B..., docteur, laquelle sous-entend que l'épouse était consentante, ne peut être retenue :- d'une part, parce qu'elle est contredite par M. C..., docteur, qui parle au contraire d'une relation d'emprise dont elle a fini par sortir,- d'autre part, parce que dans la relation sadomasochiste, la violence est consentie et facteur de plaisir alors que Mme Y... a constamment déclaré qu'elle n'éprouvait aucun plaisir à souffrir ; qu'il apparaît en définitive que Mme Y..., très amoureuse de M. X..., décrite comme vulnérable et manipulable, avait une difficulté d'identification du lien d'emprise et de contrainte aux désirs d'autrui et que l'événement qui a contribué à lui permettre de sortir de ce lien est l'acte de pénétration sexuelle imposé par la contrainte, suivi de violences, du 15 octobre 2011 ; qu'il y a donc des charges suffisantes contre M. X... d'avoir commis le fait de viol du 15 octobre 2011, pour lequel il a été mis en examen, les éléments du dossier ne permettant pas d'étendre l'accusation à d'autres faits situés entre le 8 avril 2009 et le 15 avril 2011, comme le demande la partie civile dans son mémoire et pour lesquels au surplus, il n'est pas mis en examen ;
" 1°) alors que les arrêts de la chambre de l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif ; que si les chambres de l'instruction apprécient souverainement, en fait, les éléments constitutifs des crimes et des délits, c'est à la condition que leur appréciation soit motivée et qu'elle ne soit entachée ni de contradiction ni d'illégalité ; que le doute doit profiter à l'accusé en vertu de la présomption d'innocence et de la maxime in dubio pro reo ; que la mise en accusation d'un époux pour le viol de son épouse est un acte d'une particulière gravité qui ne peut résulter que de charges sérieuses et graves, considérant qu'il existe une présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l'intimité de la vie conjugale, que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme accorde à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, et interdit toute ingérence non justifiée, d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit ; qu'en l'espèce, l'accusé avait bénéficié d'une décision de non lieu conforme au réquisitoire du ministère public, que les examens médicaux pratiquées sur la plaignante n'avaient permis « d'objectiver ni lésion physique, ni traumatisme en relation avec de tels faits, lesquels étaient susceptibles selon l'expert de s'inscrire dans une relation sadomasochiste » ; que les tendances et comportements sexuels relèvent de l'intimité de la vie privée ; qu'il s'ensuit que les seules « déclarations » et accusations de l'épouse à l'encontre du mari, pour des faits survenus dans l'intimité de leur vie privée, en l'absence de toute trace matérielle du prétendu viol, n'est pas de nature à justifier le renvoi de celui-ci devant la cour d'assises ;
" 2°) alors que l'élément de violence, contrainte, menace ou surprise constitutif du viol, justifiant le renvoi aux assises doit aussi être établi de manière non ambiguë ni équivoque, et ne saurait être déduit ni du caractère de l'épouse, « très amoureuse de M. X..., décrite comme vulnérable et manipulable », ni de son supposé « lien d'emprise et de contrainte aux désirs d'autrui », ni encore de la violence supposée habituelle de l'époux ; ces motifs d'ordre général et contradictoires ne peuvent être admis, sauf à criminaliser toutes les relations sexuelles à l'intérieur du couple ;
" 3°) alors qu'en énonçant que, la relation tumultueuse du couple et sa composante sadomasochiste retenue par l'expert psychologue, ne pouvait être retenue, la chambre de l'instruction a porté atteinte à la présomption d'innocence, et a présenté un élément à décharge comme, étant un élément à charge, privant sa décision de base légale ;
" 4°) alors qu'en énonçant que « l'absence de trace traumatique dans la sphère anale n'est pas déterminante dès lors qu'un rapport sexuel de ce type n'entraîne pas systématiquement de lésions » après avoir considéré l'absence de trace traumatique comme un élément à décharge, la chambre de l'instruction a statué par des motifs contradictoires ;
" 5°) alors que la violence, contrainte, menace ou surprise ne saurait non plus résulter du fait que l'époux ait embrassé son épouse dans le cou et ait insisté pour avoir un rapport sexuel, ni du fait qu'il s'est arrêté devant la persistance du refus de son épouse ; que les violences constitutives du viol doivent être antérieures ou concomitantes en vue d'obtenir une faveur sexuelle, et non pas postérieures au refus de la plaignante ; que de même, le visionnage de sites pornographiques même comportant des scènes de sodomie n'est pas interdit par la loi, et n'entre pas dans les éléments constitutifs du viol ; qu'en se fondant sur ces éléments pour renvoyer l'accusé devant la cour d'assises, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'illégalité " ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre M. X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de viol aggravé et violences aggravées ;
Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient, souverainement, si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Larmanjat, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.