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27/01/2016 | FRANCE | N°14-11200

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 janvier 2016, 14-11200


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 26 novembre 2013), que M. X... a été engagé à compter du 16 mai 2000 par la société Isotec en qualité de monteur plafond-menuisier ; que son contrat de travail a été transféré à la société Legoupil aménagement Malitourne ; qu'il a été élu délégué du personnel à compter du 12 janvier 2009 ; qu'il a été déclaré par le médecin du travail inapte à tout poste dans l'entreprise ; qu'après l'autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail,

il a été licencié le 1er mars 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 26 novembre 2013), que M. X... a été engagé à compter du 16 mai 2000 par la société Isotec en qualité de monteur plafond-menuisier ; que son contrat de travail a été transféré à la société Legoupil aménagement Malitourne ; qu'il a été élu délégué du personnel à compter du 12 janvier 2009 ; qu'il a été déclaré par le médecin du travail inapte à tout poste dans l'entreprise ; qu'après l'autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail, il a été licencié le 1er mars 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir déclarer nul son licenciement et obtenir des dommages-intérêts, outre un rappel de salaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail alors, selon le moyen, qu'à défaut pour l'employeur d'avoir fait bénéficier le salarié, victime d'un accident du travail, d'une visite de reprise dans le délai utile, le contrat de travail à durée indéterminée ne peut être résilié qu'en cas de faute grave du salarié ou en cas d'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l'accident ; que dans ses conclusions d'appel, le salarié rappelait qu'il avait été victime d'un accident de travail le 17 juin 2008, puis d'une rechute le 28 juillet 2008, et qu'à l'issue de la période d'arrêt de travail au titre de l'accident initial, il n'avait pas passé de visite de reprise ; qu'en constatant qu'entre la fin de la période d'arrêt de travail relative à l'accident initial et la période d'arrêt de travail afférente à la rechute, le salarié n'avait passé aucune visite de reprise, puis en se déclarant incompétent pour examiner le licenciement au motif que « le juge judiciaire ne peut, en l'état d'une autorisation administrative non frappée de recours accordée à l'employeur de licencier, pour inaptitude, le salarié protégé, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard du respect par l'employeur de son obligation de reclassement », cependant que la question qui se trouvait posée en l'espèce au juge judiciaire n'était pas d'apprécier l'existence d'une cause réelle et sérieuse susceptible de justifier le licenciement du salarié, point sur lequel l'inspecteur du travail s'était effectivement prononcé, mais de statuer en amont de la décision administrative sur la nullité du licenciement de l'intéressé, au regard de l'absence de visite de reprise organisée dans le délai utile, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 1226-9 du code du travail et par fausse application le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que l'inspecteur du travail avait accordé à l'employeur, par une décision non frappée de recours, l'autorisation de licencier le salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, la cour d'appel a exactement décidé qu'elle ne pouvait, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, se prononcer sur la cause du licenciement au regard du respect par l'employeur de son obligation de ne pas laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail sans le faire bénéficier d'une visite de reprise par le médecin du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des indemnités de grands déplacements alors, selon le moyen que l'indemnité dite de « grand déplacement » est de droit pour tous les travailleurs qui en raison de l'éloignement du lieu de leur travail, sont empêchés de regagner chaque soir leur domicile en utilisant les transports en commun ; que la charge de la preuve de la réalité des déplacements ne pèse pas exclusivement sur l'une des parties ; qu'en déboutant le salarié de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de grand déplacement, au motif que celui-ci « n'apporte aucune preuve » de ce qu'il ne pouvait regagner chaque soir son lieu de résidence compte tenu des moyens de transport en commun utilisables, sans elle-même se prononcer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 8.21 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 et l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 8.21 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant plus de 10 salariés) du 8 octobre1990, est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille sur un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit, compte tenu des moyens de transport en commun utilisables, de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu'il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur sa lettre d'engagement ; qu'ayant relevé que le salarié ne justifiait pas que l'éloignement des chantiers sur lesquels il travaillait lui interdisait, compte tenu des moyens de transport en commun utilisables, de regagner chaque soir son lieu de résidence, la cour d'appel, a, sans inverser la charge de la preuve, exactement décidé qu'il ne se trouvait pas en situation de grand déplacement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... n'était entaché d'aucune nullité et de l'avoir débouté de toutes ses demandes à ce titre ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le juge judiciaire ne peut, en l'état d'une autorisation administrative non frappée de recours accordée à l'employeur de licencier, pour inaptitude, le salarié protégé, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard du respect par l'employeur de son obligation de reclassement (Cass. Soc. 10 novembre 2009, n° 08-42.660) ; que dès lors que l'inspection du travail a, par décision du 25 février 2010, autorisé le licenciement de M. X..., salarié protégé, l'examen des demandes de ce dernier par la juridiction prud'homale ne pourrait être effectué qu'en violation de ce principe ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le déroulement de la procédure ayant conduit au licenciement de M. X... pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 1er mars 2010 a été le suivant : - accident du travail du 17 juin 2008 au 20 juillet 2008 ; - congés payés du 21 juillet 2008 au 27 juillet 2008 ; - rechute de l'accident du travail du 17 juin 2008 avec effet le 28 juillet 2009 ; - visite de préreprise avec le médecin du travail le 23 septembre 2009 ; - congé formation accepté par Fongecif de Haute-Normandie du 23 septembre 2009 au 10 novembre 2009, formation « conseiller technique maintenance de cycle » ; - première visite de reprise le 17 novembre 2009 ; - seconde visite de reprise le 2 décembre 2009 ; - avis et consultation des délégués du personnel le 4 janvier 2010 ; - courrier informant M. X... de l'absence de reclassement ; - entretien préalable à éventuel licenciement ; - demande d'autorisation de licenciement auprès de l'inspecteur du travail le 21 janvier 2010 ; - autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail le 25 février 2010 ; - notification du licenciement par lettre du 1er mars 2010 ; que M. X..., pour argumenter sa demande, considère qu'il aurait dû bénéficier d'une visite de reprise le 20 juillet 2008 au terme de sa première période d'accident du travail et non pas le 22 septembre 2009 au terme de son congé formation ; que, d'une part, M. X... a posé des congés payés du 21 juillet 2008 au 27 juillet 2008 et n'était donc pas en situation de reprendre son poste de travail et que, d'autre part il a été placé en situation de rechute dès le 28 juillet 2008 jusqu'au 23 septembre 2009 date de sa visite de pré-reprise et du début d'un congé individuel de formation qu'il a sollicité et obtenu auprès du Fongecif jusqu'au 10 novembre 2009, autre situation ne lui permettant pas de reprendre son poste de travail ; que le contrat de travail de M. X... a été suspendu de manière continue du 17 juin 2008 au 17 novembre 2009 sans que M. X... ait travaillé une seule journée ; que la procédure a été respectée, les deux visites de reprise prévues à l'issue de l'arrêt de travail conformément à l'article R.4624-21 du code du travail étant organisées après le 10 novembre 2009, date à laquelle M. X... était en situation de reprendre son travail ; que par courrier du 25 février 2010, l'inspection du travail a accordé l'autorisation de licenciement de M. X... en argumentant sur le fait que les recherches de reclassement n'ont pas permis d'identifier de postes vacants en interne, mais que les recherches effectuées au sein des entités du groupe ont mis en évidence des possibilités de reclassement sur trois postes identifiés mais que M. X... n'a pas donné suite favorable à ces propositions ; qu'une autorisation administrative non frappée de recours, ce qui est le cas en l'espèce, accordée à l'employeur de licencier pour inaptitude du salarié protégé, interdit toute remise en cause du caractère réel et sérieux du motif invoqué ; qu'en conséquence, le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. X... est intervenu dans le respect de la procédure et que M. X... sera débouté de sa demande de nullité de son licenciement ;
ALORS QU' à défaut pour l'employeur d'avoir fait bénéficier le salarié, victime d'un accident du travail, d'une visite de reprise dans le délai utile, le contrat de travail à durée indéterminée ne peut être résilié qu'en cas de faute grave du salarié ou en cas d'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l'accident ; que dans ses conclusions d'appel (p. 10 et 11), M. X... rappelait qu'il avait été victime d'un accident de travail le 17 juin 2008, puis d'une rechute le 28 juillet 2008, et qu'à l'issue de la période d'arrêt de travail au titre de l'accident initial, il n'avait pas passé de visite de reprise ; qu'en constatant qu'entre la fin de la période d'arrêt de travail relative à l'accident initial et la période d'arrêt de travail afférente à la rechute, M. X... n'avait passé aucune visite de reprise (motifs adoptés, p. 3, alinéa 1er), puis en se déclarant incompétent pour examiner le licenciement au motif que « le juge judiciaire ne peut, en l'état d'une autorisation administrative non frappée de recours accordée à l'employeur de licencier, pour inaptitude, le salarié protégé, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard du respect par l'employeur de son obligation de reclassement » (arrêt attaqué, p. 4 in fine), cependant que la question qui se trouvait posée en l'espèce au juge judiciaire n'était pas d'apprécier l'existence d'une cause réelle et sérieuse susceptible de justifier le licenciement de M. X..., point sur lequel l'inspecteur du travail s'était effectivement prononcé, mais de statuer en amont de la décision administrative sur la nullité du licenciement de l'intéressé, au regard de l'absence de visite de reprise organisée dans le délai utile, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L.1226-9 du code du travail et par fausse application le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à ce que la société Legoupil Aménagement Malitourne soit condamnée à lui payer la somme de 5.916,98 ¿ correspondant à un rappel de salaire au titre des indemnités de grands déplacements ;
AUX MOTIFS QUE cette demande concerne des indemnités de grand déplacement en application de la convention collective du bâtiment (entreprises de plus de dix salariés) ; qu'aux termes de l'article 8.21 de cette convention, « est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille sur un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit - compte tenu des moyens de transport en commun utilisables - de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole (...) » ; qu'il appartient donc au salarié qui demande le paiement d'indemnités de grand déplacement de prouver qu'il en remplit les conditions et qu'il lui était interdit - compte tenu des moyens de transport en commun utilisables - de regagner chaque soir son lieu de résidence ; que M. X... n'apporte aucune preuve en ce sens, se bornant, d'une part, à produire des tableaux relatant des catégories numériques de zones et les tarifs qui auraient dû selon lui être appliqués, d'autre part, à contester un exemple, tiré du trajet depuis son domicile jusqu'à Notre Dame de Gravenchon, qui est imputé aux premiers juges, mais à tort puisque leur motivation ne comporte pas cet exemple ; que rien ne démontre donc la réalisation de la condition requise par la convention collective (impossibilité de regagner le domicile chaque soir compte tenu des moyens de transport en commun utilisables) ;
ALORS QUE l'indemnité dite de « grand déplacement » est de droit pour tous les travailleurs qui en raison de l'éloignement du lieu de leur travail, sont empêchés de regagner chaque soir leur domicile en utilisant les transports en commun ; que la charge de la preuve de la réalité des déplacements ne pèse pas exclusivement sur l'une des parties ; qu'en déboutant M. X... de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de grand déplacement, au motif que celui-ci « n'apporte aucune preuve » de ce qu'il ne pouvait regagner chaque soir son lieu de résidence compte tenu des moyens de transport en commun utilisables, sans elle-même se prononcer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 8.21 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 et l'article 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-11200
Date de la décision : 27/01/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 26 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 jan. 2016, pourvoi n°14-11200


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.11200
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