LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 621-2, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-7 du même code ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que seuls l'administrateur, le mandataire judiciaire et le ministère public ont qualité pour agir en extension du redressement judiciaire sur le fondement de la confusion des patrimoines ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le 2 décembre 2013, l'entreprise agricole à responsabilité limitée D...- X... (l'Earl), dont M. et Mme X... sont les associés et cogérants, a déclaré la cessation de ses paiements en vue de l'ouverture à son égard d'une procédure de redressement judiciaire, M. et Mme X... demandant que cette procédure leur soit étendue personnellement sur le fondement de la confusion des patrimoines ; que par un jugement du 16 décembre 2013, le tribunal a ouvert le redressement judiciaire de l'Earl mais a rejeté la demande d'extension ; que sur nouvelle demande de M. et Mme X..., le tribunal, par un jugement du 27 janvier 2014, a ouvert le redressement judiciaire de M. X... et l'a étendu à Mme X... ; que M. Y..., propriétaire de parcelles agricoles données à bail à Mme X..., a formé tierce opposition à cette décision ;
Attendu que pour dire opposable à M. Y... le jugement du 27 janvier 2014, l'arrêt, après avoir déclaré recevable sa tierce opposition, retient que Mme X... démontre la réalité de son exercice personnel et habituel de la profession d'agriculteur au sein de l'Earl et l'existence de l'état de cessation de ses paiements, ce qui justifie l'extension à son égard du redressement judiciaire de M. X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait du jugement du 27 janvier 2014 que la demande d'extension à Mme X... de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de M. X... émanait de celui-ci et de son conjoint, qui n'avaient pas qualité pour la former, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la tierce opposition formée par M. Y..., l'arrêt rendu le 29 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;
Condamne M. et Mme X... et la SCP Bro-Ponroy, en qualité de mandataire judiciaire, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Jean-Marc Y... de son recours en tierce-opposition contre le jugement du Tribunal de grande instance de Bourges du 27 janvier 2014 ayant prononcé l'extension de la procédure de redressement judiciaire ouverte contre M. Gérard X... à l'égard de son épouse, Mme A...- X...,
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte de l'article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime que la notion d'agriculteur applicable à un professionnel personne physique se définit non pas en fonction de la qualité de gérant ou de salarié d'une société d'exploitation agricole de ce dernier, mais du caractère agricole de l'activité qu'il exerce personnellement et à titre de profession habituelle au sens de l'article L. 311-1 précité ; qu'ainsi, a la qualité d'agriculteur celui qui exerce personnellement et à titre de profession habituelle des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime ; que la loi ne requiert pas pour bénéficier des dispositions relatives aux procédures collectives que l'agriculteur associé exerce de façon individuelle et distincte l'activité de la société agricole ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites que Mme A...- D... épouse de M. Gérard X... est inscrite à la Caisse de Mutualité sociale agricole Beauce Coeur de Loire depuis le 5 mai 2006 en qualité de chef d'exploitation, membre non salarié agricole de l'EARL D...- X... ; qu'elle a fait l'objet d'une notification le 25 novembre 2013, par l'Association des Assureurs AAEXA d'un rappel de cotisations dues au titre de l'assurance obligatoire contre les accidents de travail et les maladies professionnelles, qui est produite aux débats ; qu'enfin, M. Georges C..., retraité agricole à ..., 18340 Saint-Germain-des-Bois, atteste le 15 octobre 2014, que « M. et Mme X..., gérants de l'EARL D...- X..., ont effectué le broyage de pierres en 2007 sur la parcelle ZK 35 et en 2010 sur les parcelles ZK 16 et ZK 14 » ; que dès lors, Mme A...- D... épouse de M. Gérard X... démontre la réalité de l'exercice personnel et à titre habituel, de la profession agricole au sein de l'EARL D...- X... ; que par ailleurs, la Cour, par adoption de motifs, confirmera le jugement du 27 janvier 2014 du Tribunal de grande instance de Bourges qui a relevé l'existence de l'état de cessation des paiements de Mme A...- D... épouse de M. Gérard X... ; que dans ces conditions, l'extension à Mme A...- D... épouse de M. Gérard X... du redressement judiciaire prononcé à l'égard de M. Gérard X... était justifiée ; qu'en conséquence, le jugement du 10 juin 2014 sera infirmé ;
ALORS QU'en vertu de l'article L. 621-2 du Code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 applicable à la cause, ni le débiteur ni les tiers n'ont qualité pour demander l'extension de la procédure de redressement judiciaire ; qu'en déboutant M. Y... de son recours en tierce-opposition contre le jugement du 27 janvier 2014 ayant, à la demande de M. X... et de son épouse, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard du premier et étendu cette procédure à l'égard de la seconde, la Cour d'appel a violé l'article susvisé ;
ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à l'absence de motifs ; qu'en déboutant M. Y... de son recours en tierce-opposition contre le jugement du 27 janvier 2014 ayant, à la demande de M. X... et de son épouse, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard du premier et étendu cette procédure à l'égard de la seconde, sans répondre aux conclusions de M. Y... faisant valoir que M. X... n'avait pas qualité pour demander l'extension de cette procédure au profit de son épouse, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Jean-Marc Y... de son recours en tierce-opposition contre le jugement du Tribunal de grande instance de Bourges du 27 janvier 2014 ayant prononcé l'extension de la procédure de redressement judiciaire ouverte contre M. Gérard X... à l'égard de son épouse, Mme A...- X...,
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte de l'article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime que la notion d'agriculteur applicable à un professionnel personne physique se définit non pas en fonction de la qualité de gérant ou de salarié d'une société d'exploitation agricole de ce dernier, mais du caractère agricole de l'activité qu'il exerce personnellement et à titre de profession habituelle au sens de l'article L. 311-1 précité ; qu'ainsi, a la qualité d'agriculteur celui qui exerce personnellement et à titre de profession habituelle des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime ; que la loi ne requiert pas pour bénéficier des dispositions relatives aux procédures collectives que l'agriculteur associé exerce de façon individuelle et distincte l'activité de la société agricole ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites que Mme A...- D... épouse de M. Gérard X... est inscrite à la Caisse de Mutualité sociale agricole Beauce Coeur de Loire depuis le 5 mai 2006 en qualité de chef d'exploitation, membre non salarié agricole de l'EARL D...- X... ; qu'elle a fait l'objet d'une notification le 25 novembre 2013, par l'Association des Assureurs AAEXA d'un rappel de cotisations dues au titre de l'assurance obligatoire contre les accidents de travail et les maladies professionnelles, qui est produite aux débats ; qu'enfin, M. Georges C..., retraité agricole à ..., 18340 Saint-Germain-des-Bois, atteste le 15 octobre 2014, que « M. et Mme X..., gérants de l'EARL D...- X..., ont effectué le broyage de pierres en 2007 sur la parcelle ZK 35 et en 2010 sur les parcelles ZK 16 et ZK 14 » ; que dès lors, Mme A...- D... épouse de M. Gérard X... démontre la réalité de l'exercice personnel et à titre habituel, de la profession agricole au sein de l'EARL D...- X... ; que par ailleurs, la Cour, par adoption de motifs, confirmera le jugement du 27 janvier 2014 du Tribunal de grande instance de Bourges qui a relevé l'existence de l'état de cessation des paiements de Mme A...- D... épouse de M. Gérard X... ; que dans ces conditions, l'extension à Mme A...- D... épouse de M. Gérard X... du redressement judiciaire prononcé à l'égard de M. Gérard X... était justifiée ; qu'en conséquence, le jugement du 10 juin 2014 sera infirmé ;
ALORS QUE le gérant associé d'une EARL, qui n'a pas la qualité d'agriculteur et qui n'exerce pas pour son propre compte et indépendamment de cette société une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du Code rural, ne peut faire l'objet en son nom personnel d'une procédure collective ; qu'en retenant, pour placer en redressement judiciaire les associés gérants d'une EARL, que la loi ne requérait pas, pour bénéficier des dispositions relatives aux procédures collectives, que l'agriculteur associé exerce de façon individuelle et distincte l'activité de la société agricole, la Cour d'appel a violé les articles L. 351-8, L. 311-1 et L. 311-2 du Code rural et l'article L. 631-2 du Code de commerce ;
ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QU'ont le même objet et la même cause la demande en extension d'une procédure collective faite par les associés gérants d'une EURL et la demande en ouverture d'une procédure collective faite par ces associés, en leur nom personnel, à raison de leur activité au sein de cette société ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par jugement définitif du 16 décembre 2013, la société X...- D... a été mise en redressement judiciaire et que ses gérants, les époux X..., ont été déboutés de leur demande d'extension à leur égard de ladite procédure ; qu'en jugeant néanmoins que M. X... devait être personnellement mis en redressement judiciaire à raison de l'activité exercée au sein de cette société et que son épouse devait, par extension, également bénéficier de cette procédure, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE l'extension de la procédure de redressement ou de liquidation ne peut être étendue à un tiers qu'en cas de confusion de patrimoines ou de fictivité de la personne morale ; qu'en retenant, pour dire que la procédure de redressement judiciaire de M. X... devait être étendue à son épouse, que celle-ci était inscrite à la caisse de mutualité sociale agricole en qualité chef d'exploitation et membre non salarié agricole de l'EURL qu'elle exploitait avec son époux, qu'elle avait fait l'objet d'un rappel de cotisations de la part de l'assurance obligatoire contre les accidents de travail et les maladies professionnelles et qu'une personne avait attestée qu'elle et son époux avaient effectué le broyage de pierres sur une des parcelles, de sorte qu'elle démontrait la réalité de l'exercice personnel et à titre habituel de la profession agricole au sein de ladite société, la Cour d'appel, qui n'a caractérisé l'existence d'aucune confusion du patrimoine de Mme D... avec celui de son époux ni même la fictivité de la société qu'il exploitaient, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-2 et L. 631-7 du Code de commerce ;
ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QU'en se bornant, par des motifs éventuellement adoptés, pour dire que la procédure de redressement judiciaire de M. X... devait être étendue à son épouse séparée de biens, que le compte bancaire personnel de cette dernière avait permis de régler les factures du couple et qu'ils avaient souscrits des engagements financiers communs, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir l'existence de relations financières anormales constitutives d'une confusion de patrimoines et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-2 et L. 631-7 du Code de commerce.