LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° J 14-28. 860 et X 15-10. 591 ;
Sur les deux moyens réunis :
Vu l'article 1315 du code civil, ensemble l'article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse de Crédit mutuel de Saint-Quentin (la banque) a consenti à M. Thierry X... et à Mme Marie Y..., son épouse, un prêt dit « préférence » ayant donné lieu à une offre préalable de crédit du 28 février 1997, un prêt personnel non daté et un prêt visant à financer l'acquisition d'une automobile ; qu'invoquant la défaillance des emprunteurs, la banque les a assignés en paiement, ainsi qu'André X..., décédé en cours d'instance, et Mme Gisèle Z..., son épouse, en leur qualité de cautions ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de la banque, l'arrêt énonce qu'elle ne produit pas d'historiques de comptes clairs et complets permettant à la juridiction de vérifier la date du premier incident de paiement non régularisé qui marque le point de départ du délai de deux ans à l'issue duquel l'action du prêteur est atteinte de forclusion ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le juge ne peut retenir la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action du prêteur si elle ne résulte pas des faits qu'il incombe à la partie intéressée d'invoquer et de prouver, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de la banque formées au titre du prêt ayant servi à financer l'acquisition d'une automobile, l'arrêt rendu le 17 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens identiques produits aux pourvois n° J 14-28. 860 et X 15-10. 591 par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils pour la caisse de Crédit mutuel de Saint-Quentin
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SAINT QUENTIN de toutes ses demandes au titre du crédit préférence ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Selon offre préalable de crédit « préférence » signée le 28 février 1997, M. Thierry X... a souscrit auprès de la Caisse de Crédit mutuel de Saint Quentin un crédit utilisable par fractions-assorti d'une carte EUROCARD-soumis aux dispositions des articles L 311-1 et suivants du code de la consommation, aux termes duquel il bénéficiait d'un découvert en compte autorisé dans les limites de la somme de 25 000 francs, soit 3 811, 22 euros, moyennant un T. E. G. de 12, 83 %. Pour débouter le Crédit mutuel de Saint Quentin de ses demandes concernant le « crédit préférence », le tribunal a :- procédé à un juste rappel des dispositions de l'article L 311-37 du code de la consommation « dans sa version applicable à l'espèce » et de l'article L 311-52 du même code, et du caractère d'ordre public de cette fin de non-recevoir,- relevé qu'il n'est fourni aucun historique de compte mais un simple relevé des échéances impayées et le relevé d'écritures enregistrées sur le compte commun,- considéré que : *il n'est ainsi pas permis de retracer un historique clair ni même de s'assurer qu'il s'agit bien du compte de prélèvement, *il est impossible de vérifier si la date du premier impayé non régularisé se situe bien au 6 février 2010 comme affirmé, *en s'abstenant, malgré sommation de communiquer du 16 janvier 2012, de produire l'historique de compte complet, le Crédit mutuel de Saint Quentin ne met pas le tribunal en mesure de vérifier la date du premier impayé par application de la règle de l'imputation des paiements sur les mensualités les plus anciennes prévue à l'article 1256 du code civil, et ne rapporte pas la preuve, faute d'historique retraçant les retraits ou emplois, du montant de la créance qu'il invoque. Le Crédit mutuel de Saint Quentin fait valoir au soutien de son appel que les relevés des échéances (ses pièces 3 et 17) révèlent que le premier incident de paiement non régularisé est en date du 5 février 2010, que l'assignation introductive d'instance est donc bien intervenue dans le délai de deux ans de l'article L 311-37 du code de la consommation, qu'il produit en outre un historique complet du compte concernant le « prêt préférence » (sa pièce 15) révélant qu'à compter du mois de mai 2009 les paiements ont été irréguliers de sorte qu'en vertu des règles concernant l'imputation des règlements, l'incident de paiement peut être fixé au mois de février 2010. Il soutient qu'il serait vain d'invoquer l'existence d'une quelconque prescription, voire le dépassement du compte courant, le principal du crédit soit la somme de 3. 561, 27 euros étant nettement inférieur au montant maximum du plafond du crédit contractuellement fixé, soit 3. 811 euros. M. Thierry X... et Mme Marie Y... épouse X... affirment que pas davantage qu'en première instance le Crédit mutuel de Saint Quentin ne permet à la juridiction, au vu des pièces produites, de vérifier la date du premier incident de paiement non régularisé, ou même le montant de la créance, que le Crédit mutuel n'est pas en mesure d'établir qu'il avait toujours à la date de l'assignation la possibilité de recouvrer ces sommes à l'encontre de M. Thierry X..., que les pièces 19 à 24 communiquées par le Crédit mutuel de Saint Quentin, simples courriers non constitutifs d'un historique des remboursements, font état de la reconstitution du solde du crédit entre 2006 et 2007 puis d'une nouvelle utilisation antérieure à 2009, et ne signifient pas qu'aucun incident de paiement non régularisé ne soit intervenu antérieurement, que la pièce 15 de l'appelant ne fait pas état de remboursements au titre du crédit « préférence ». Au moyen de la liste des mouvements du compte 15629 02673 00015661240 EUR ouvert au nom de M. ou Mme Thierry Jean X... pour les années 2002 à 2010 (pièce 17) et des courriers d'information annuelle sur les conditions de reconduction du crédit « préférence » adressés à ses clients de 2004 à 2009 (pièces 19 à 24), la Caisse de Crédit mutuel ne fournit pas davantage qu'en première instance où elle avait produit, outre le contrat, un relevé des échéances « en retard » et un décompte arrêté au 18 janvier 2011 (pièces 3 et 4) ainsi que le « relevé des mouvements » mensuel d'un compte 00032821140 ouvert au nom de M. Jean X... (pièce 15), un historique de compte clair et complet permettant à la juridiction de vérifier la date du premier incident de paiement non régularisé et le montant de la créance du Crédit mutuel de Saint Quentin. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le Crédit mutuel de Saint Quentin de sa demande à ce titre » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Aux termes de l'article L 311-37 du Code de la consommation dans sa version applicable en l'espèce, et de l'article L 311-52, les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion, le point de départ de ce délai se situant à la date du premier impayé non régularisé en matière de crédit renouvelable qui doit lui-même se situer à la date du dépassement du maximum autorisé en cas de convention expresse prévoyant un découvert en compte assorti d'un montant maximal ; Il est constant que ce texte institue une fin de non-recevoir d'ordre public qui doit être relevée d'office en application de l'article 125 du N. C. P. C. et que sommation d'avoir à communiquer l'historique du compte a été faite par à la demanderesse. Qu'en l'espèce, la demanderesse verse à l'appui de sa demande I'offre préalable de crédit en date 28 février 1997, signée par Monsieur THIERRY X... ; qu'aux termes de cette offre, il lui a été consenti un découvert en compte avec un découvert maximum autorisé de 25 000 francs, soit 3 811. 22 euros. Qu'il n'est fourni aucun historique de compte mais un simple relevé d'échéances impayées et le relevés d'écritures enregistrée sur le compte commun, sans qu'il soit permis par ce biais de retracer un historique clair ni même de s'assurer qu'il s'agit bien du compte de prélèvement. Qu'il est impossible de vérifier si la date du premier impayé non régularisé se situe bien au 5 février 2010, comme affirmé. En s'abstenant de produire l'historique de compte complet, la demanderesse ne met pas le tribunal en mesure de vérifier la date du premier impayé par application de la règle de l'imputation des paiements sur la mensualité la plus ancienne prévue à l'article 1256 du Code civil. En outre, en l'absence de tout historique retraçant les retraits ou emplois, la preuve du montant de la créance n'est pas rapportée. La Caisse de Crédit Mutuel de Saint-Quentin est en conséquence déboutée de ses demandes concernant le crédit préférence » ;
1) ALORS, D'UNE PART, QU'il revient à la partie qui invoque la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action du prêteur d'en justifier et d'établir que la date de la première échéance impayée et non régularisée se situe plus de deux ans avant la date de délivrance de l'assignation ; qu'en l'espèce, et alors qu'il était loisible aux emprunteurs de produire les relevés de compte dont ils avaient été destinataires aux fins de déterminer la date de la première échéance impayée non régularisée, la Cour a déclaré forclose l'action de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SAINT QUENTIN au motif que celle-ci ne produisait pas les pièces permettant de vérifier la date du premier incident de paiement ; que ce faisant, la Cour a violé les articles L. 311-37 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause antérieure à la loi du 1er juillet 2010, outre l'article 1315 du Code civil ;
2) ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la preuve d'un fait juridique est libre et qu'en conséquence la preuve de la date du premier incident de paiement non régularisé peut être apportée par tous moyens ; qu'en conséquence, en décidant que cette preuve ne pouvait être rapportée qu'au moyen d'un « historique de compte » pour priver par principe de toute valeur probante les pièces produites par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SAINT QUENTIN, dont la liste des mouvements du compte, la Cour a violé les articles 1315, 1341 et 1353 du Code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté les demandes de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SAINT QUENTIN au titre du remboursement du prêt personnel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Suivant contrat non daté, soumis au code de la consommation-ce qui n'est pas contesté-la Caisse de Crédit mutuel de Saint Quentin a consenti à M. Thierry X... un prêt personnel de 23 000 euros moyennant un taux d'intérêt de 7 % par an, remboursable en 120 mensualités successives de 267, 05 euros chacune, la première mensualité étant fixée au 30 novembre 2003. Pour débouter le Crédit mutuel de sa demande en paiement de la somme de 11 861, 54 euros à ce titre, le tribunal a relevé que celui-ci ne fournissait qu'un décompte et un relevé d'échéances mais non un historique complet permettant de vérifier le respect des dispositions d'ordre public et la recevabilité de la demande. Au soutien de son appel, la Caisse de Crédit mutuel de Saint Quentin affirme que les dispositions de l'article L311-37 du code de la consommation ne sont pas applicables, l'exploit introductif d'instance ayant été délivré le 8 février 2011, alors que les incidents de paiement étaient intervenus en janvier 2010, qu'elle verse aux débats l'historique complet des écritures ainsi que la liste des mouvements du compte (pièces 7 et 18). M. Thierry X... et Mme Marie Y... épouse X... opposent que, comme en première instance et malgré sommation du 16 janvier 2012 de communiquer l'historique des paiements et un décompte actualisé des intérêts versés jusqu'au 8 février 2011, le Crédit mutuel néglige de verser aux débats l'historique précis des remboursements du prêt depuis l'origine, ne permettant pas à la Cour de déterminer la date du premier incident de paiement non régularisé par application de la règle de l'imputation des paiements sur la mensualité la plus ancienne prévue à l'article 1256 du code civil, alors qu'au vu des sommes réclamées et du montant des échéances mensuelles, celui-ci doit être antérieur à deux années précédant l'acte introductif d'instance. Ils soulignent que le Crédit mutuel a fait supporter les échéances de ce crédit, au demeurant sans leur accord, sur un compte numéroté 15629 02673 00015661240 puis sur un deuxième compte, numéroté 15629 02673 00032821140, ce qui rend totalement illisibles les décomptes de créances. La Cour observe que le Crédit mutuel verse au dossier, outre le contrat, le tableau d'amortissement du prêt (pièces 5 et 9), un relevé des « échéances en retard » et un décompte arrêté au 18 janvier 2011 (pièces 7 et 8) déjà produits en première instance, la « liste des mouvements du compte 15629 02673 00032821140 » ouvert au nom de M. Thierry X..., années 2002 à 2010 (pièce 18) et la liste sus-évoquée des mouvements du compte numéroté 15629 02673 00015661240 (pièce 17), que cependant pas davantage qu'en première instance et malgré sommation de communiquer du 16 janvier 2012, il ne fournit un historique clair et complet permettant de vérifier les dates auxquelles sont survenus les différents incidents de paiement et leur régularisation éventuelle, ainsi que le montant de la créance » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Il sera au préalable constaté au vu des écritures respectives des parties qu'ils ont bien convenu de soumettre le présent contrat au code de la consommation. De la même façon, il n'est fourni en l'espèce qu'un décompte et un relevé d'échéance mais non un historique complet permettant de vérifier le respect des dispositions d'ordre public et la recevabilité de la demande. En outre et en application combinée des articles L. 311-8 à L. 311-13 et R. 311-7 du Code de la consommation dans leur version applicable en l'espèce, une offre préalable de crédit doit comporter une date d'émission de l'offre, une date limite de validité de l'offre et une date d'acceptation de l'offre. Un contrat de crédit à la consommation sans date d'émission et sans date limite de validité n'est pas conforme aux exigences formelles de l'offre de crédit et encourt la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'article L. 311-33 du Code de la consommation. Il en est de même pour un contrat de crédit à la consommation sans date d'acceptation. La mention de la date d'acceptation est une mention particulière en ce que cette date marque le point de départ du calcul du délai de rétractation de 7 jours prévu par l'article L. 311-15 du Code de la consommation, dans sa version applicable en l'espèce. S'il n'existe pas de date au contrat, le délai de rétractation de 7 jours n'a pas pu commencer à courir et le contrat n'a pas pu être valablement formé. Le défaut de cette mention peut être sanctionné de la nullité. La Caisse de Crédit Mutuel de Saint-Quentin ne pourra qu'être déboutée de ses demandes au titre du prêt personnel. Il ne pourra en conséquence être fait droit à la demande concernant les cautions, ces dernières n'étant d'ailleurs pas identifiables sur l'offre de prêt » ;
1) ALORS, D'UNE PART, QU'il revient à la partie qui invoque la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action du prêteur d'en justifier et d'établir que la date de la première échéance impayée et non régularisée se situe plus de deux ans avant la date de délivrance de l'assignation ; qu'en l'espèce, en déclarant forclose l'action de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SAINT QUENTIN motif pris de l'absence de production d'un historique de compte permettant de vérifier la date du premier incident de paiement, la Cour a violé les articles L. 311-37 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause antérieure à la loi du 1er juillet 2010, outre l'article 1315 du Code civil ;
2) ALORS, D'AUTRE PART, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la preuve d'un fait juridique est libre et qu'en conséquence la preuve de la date du premier incident de paiement non régularisé peut être apportée par tous moyens ; qu'en conséquence, en décidant que cette preuve ne pouvait être rapportée qu'au moyen d'un « historique de compte » pour priver par principe de toute valeur probante les pièces produites par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SAINT QUENTIN, dont la liste des mouvements du compte, la Cour a violé les articles 1315, 1341 et 1353 du Code civil.
3) ALORS, ENFIN, SUBSIDIAIREMENT QUE la nullité du prêt ne dispensait pas les emprunteurs d'avoir à restituer le capital emprunté de sorte qu'en déboutant la CCM DE SAINT QUENTIN de l'intégralité de ses demandes motif pris de la nullité du prêt personnel, la Cour a violé l'article 1902 du Code civil.