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14/01/2016 | FRANCE | N°14-23134

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 janvier 2016, 14-23134


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 16 mai 2014), que M. X... est propriétaire d'un local commercial donné à bail à M. Y... ; qu'aux termes d'un accord transactionnel du 21 juin 2004, les parties étaient convenues d'une dispense du paiement des loyers, le temps de la réalisation de travaux, jusqu'à la constatation de la réintégration des locaux par le preneur sous le contrôle d'un huissier de justice ; que, les 21 mai et 3 juin 2010, M. Y... a assigné M. X... en paiement d'une indemnitÃ

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 16 mai 2014), que M. X... est propriétaire d'un local commercial donné à bail à M. Y... ; qu'aux termes d'un accord transactionnel du 21 juin 2004, les parties étaient convenues d'une dispense du paiement des loyers, le temps de la réalisation de travaux, jusqu'à la constatation de la réintégration des locaux par le preneur sous le contrôle d'un huissier de justice ; que, les 21 mai et 3 juin 2010, M. Y... a assigné M. X... en paiement d'une indemnité compensatoire au titre du dépassement du délai d'exécution des travaux, en condamnation à lui remettre les lieux sous astreinte, ou une indemnité d'éviction pour résiliation abusive du bail aux torts du propriétaire ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 145-60 du code de commerce ;

Attendu que, pour déclarer prescrite l'action de M. Y..., l'arrêt retient que toutes les actions relatives au bail commercial se prescrivent par deux ans ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la prescription biennale s'applique aux seules actions exercées sur le fondement du statut des baux commerciaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. Naji Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Monsieur Naji Y... ;

Aux motifs propres que le tribunal n'a pas suppléé d'office le moyen tiré de la prescription de l'action ; il a fait application de la disposition invoquée par Monsieur Adnan X... à l'appui de la fin de non-recevoir qu'il a soulevée ; qu'il entre en revanche dans l'office du juge d'appliquer les règles d'application de la loi dans le temps, et de rechercher la version du texte applicable à l'espèce qui lui est soumise ; qu'en retenant la version de l'article L. 145-60 du code de commerce, postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, et la sanction de la prescription qui s'est substituée à celle de la forclusion, les premiers juges, d'une par se sont conformés aux règles des dispositions transitoires, contenues dans l'article 26 III de la loi du 17 juin 2008, puisque l'action a bien été introduite postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, et d'autre part, n'ont pas violé l'article 2247 du code civil ; que le jugement n'encourt donc pas la nullité ; que sur le fond, le tribunal a exactement retenu que toutes les actions relatives au bail commercial se prescrivent par deux ans, et la cour adopte les motifs du jugement sur ce point ; que le point de départ du délai se situe à la date à laquelle le titulaire du droit a eu connaissance des faits lui permettant de l'exercer ; qu'il s'agissait en l'espèce de sanctionner l'inexécution de travaux qui auraient dû être terminés pour le 30 avril 2005 ; que le litige sur la bonne réalisation de ces travaux, le refus de prendre possession des lieux par le preneur, ouvrant les questions juridiques de la résiliation du bail et la naissance d'un éventuel droit à une indemnité d'éviction, est né immédiatement après, un état des lieux contradictoire dressé par constat d'huissier ayant notamment été dressé en février 2006 ; à défaut d'invocation de tout fait suspensif ou interruptif de prescription postérieur, et ayant suspendu ou interrompu le délai pour agir jusqu'à l'assignation des 21 mai et 3 juin 2010, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a constaté la prescription de l'action de Monsieur Naji Y... ;

Et aux motifs adoptés des premiers juges qu'aux termes de l'article L. 145-60 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2008, toutes les actions exercées en matière de bail commercial sont soumises à un délai de forclusion de deux ans ; que dans sa rédaction nouvelle, l'article précité dispose que toutes les actions exercées en matière de bail commercial se prescrivent par deux ans ; attendu qu'en l'espèce, Monsieur Adnan X... oppose à Monsieur Naji Y... la forclusion de son action ; attendu que Monsieur Naji Y... considère son action comme étant recevable, motif pris de ce que son action serait fondée sur un protocole transactionnel, soumis au régime de droit commun des obligations contractuelles prévu par les articles 1134, 1147, 2044 et 2224 et suivants du code civil ; mais attendu que l'action introduite par Monsieur Naji Y... a manifestement pour objet le bail commercial conclu entre les parties ; que le protocole d'accord est intervenu en exécution d'un jugement, rendu lui-même à l'occasion d'un litige portant sur un bail commercial ; qu'il est constant que lorsqu'un jugement est rendu en matière de bail commercial, il ne lui substitue pas le délai de prescription applicable aux décisions de justice, seul demeurant applicable le délai de prescription de l'article L. 145-60 ; qu'il doit en être de même pour un protocole d'accord conclu en exécution d'un jugement ; qu'en outre, les prétentions de Monsieur Naji Y... ne sauraient se fonder sur le seul protocole d'accord, lesdites prétentions se fondant également sur le contrat de bail et ne pouvant prospérer sans le support de celui-ci ; attendu eu égard à l'ensemble de ces éléments que l'action introduite par Monsieur Naji Y... est nécessairement soumise aux règles relatives au bail commercial, l'article L. 145-60 ayant donc vocation à s'appliquer au cas d'espèce ; attendu que la formulation ancienne de l'article L. 145-60 ne pouvait s'appliquer qu'aux litiges en cours avant sa modification ; que le présent litige ayant été introduit postérieurement à la loi du 4 août 2008, il doit être soumis à l'empire de la loi nouvelle, s'agissant d'une modification d'une disposition de procédure ; attendu qu'il est constant qu'entre la date du 22 février 2006, jour du constat d'huissier de Maître Z... ayant pris acte du refus des clefs par Monsieur Naji Y..., et l'acte introductif d'instance, signifié le 21 mai 2010, un délai supérieur à deux années s'est écoulé sans que ne soit accomplie la moindre formalité de la part de Monsieur Naji Y... ; que par conséquent, aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu pendant deux années, il y a lieu de constater la prescription de l'action diligentée par Monsieur Naji Y... à l'égard de Monsieur Adnan X..., et de déclarer irrecevable Monsieur Naji Y... dans son action, en application des articles 122 du code de procédure civile, et L. 145-60 du code de commerce pris conjointement ;

Alors, de première part, que la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce s'applique aux seules actions exercées sur le fondement du statut des baux commerciaux ; qu'en énonçant que « toutes les actions relatives au bail commercial » se prescrivent par deux ans, la cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du code de commerce ;

Alors, de deuxième part, que la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce s'applique aux seules actions exercées sur le fondement du statut des baux commerciaux ; qu'en se bornant à retenir que toutes les actions relatives au bail commercial se prescrivent par deux ans, sans constater que l'action ainsi exercée avait bien pour fondement l'application du statut des baux commerciaux, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 145-60 du code de commerce ;

Alors, de troisième part, que la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce s'applique aux seules actions exercées sur le fondement du statut des baux commerciaux ; que Monsieur Naji Y...sollicitait le paiement d'une indemnité compensatoire journalière de dépassement du délai d'exécution des travaux du local ; qu'une telle action, qui ne relève pas du statut des baux commerciaux, n'était pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;

Alors, de quatrième part, que la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce s'applique aux seules actions exercées sur le fondement du statut des baux commerciaux ; que Monsieur Naji Y...sollicitait, à titre subsidiaire, la réparation de son préjudice résultant de la résiliation unilatérale et abusive du contrat de location gérance ; qu'une telle action, qui ne relève pas du statut des baux commerciaux, n'était pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Monsieur Naji Y... ;

Aux motifs propres que le point de départ du délai se situe à la date à laquelle le titulaire du droit a eu connaissance des faits lui permettant de l'exercer ; qu'il s'agissait en l'espèce de sanctionner l'inexécution de travaux qui auraient dû être terminés pour le 30 avril 2005 ; que le litige sur la bonne réalisation de ces travaux, le refus de prendre possession des lieux par le preneur, ouvrant les questions juridiques de la résiliation du bail et la naissance d'un éventuel droit à une indemnité d'éviction, est né immédiatement après, un état des lieux contradictoire dressé par constat d'huissier ayant notamment été dressé en février 2006 ; à défaut d'invocation de tout fait suspensif ou interruptif de prescription postérieur, et ayant suspendu ou interrompu le délai pour agir jusqu'à l'assignation des 21 mai et 3 juin 2010, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a constaté la prescription de l'action de Monsieur Naji Y... ;

Et aux motifs adoptés des premiers juges qu'entre la date du 22 février 2006, jour du constat d'huissier de Maître Z... ayant pris acte du refus des clefs par Monsieur Naji Y..., et l'acte introductif d'instance, signifié le 21 mai 2010, un délai supérieur à deux années s'est écoulé sans que ne soit accomplie la moindre formalité de la part de Monsieur Naji Y... ; que par conséquent, aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu pendant deux années, il y a lieu de constater la prescription de l'action diligentée par Monsieur Naji Y... à l'égard de Monsieur Adnan X..., et de déclarer irrecevable Monsieur Naji Y... dans son action, en application des articles 122 du code de procédure civile, et L. 145-60 du code de commerce pris conjointement ;

Alors que pour déclarer prescrite l'action exercée par Monsieur Naji Y..., la cour d'appel a retenu qu'il s'agissait en l'espèce de sanctionner l'inexécution de travaux qui auraient dû être terminés « pour le 30 avril 2005 », que le litige sur la bonne réalisation de ces travaux « est né immédiatement après », un état des lieux contradictoire ayant notamment été dressé « en février 2006 » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inintelligibles s'agissant de la caractérisation du point de départ du délai de prescription, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, en toute hypothèse, que les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en déclarant prescrite l'action de Monsieur Naji Y..., sans à aucun moment préciser la date de connaissance des faits marquant le point de départ de la prescription retenue, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-23134
Date de la décision : 14/01/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 16 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 jan. 2016, pourvoi n°14-23134


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.23134
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