LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 mai 2014), qu'engagé en mars 1996 par M. X... aux droits duquel vient Mme X... M. Y... qui exerçait en dernier lieu les fonctions de patron de pêche et capitaine de bateau, a été licencié pour faute grave par lettre du 15 juillet 2011 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que la violation par un salarié des règles élémentaires de sécurité caractérise un comportement fautif justifiant la rupture du contrat de travail; que tel est le cas du défaut d'entretien caractérisé et de suivi par un capitaine de bateau lequel est garant de l'ordre, de la sûreté et de la sécurité du bateau et des personnes embarquées ; qu'en l'espèce, pour dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute du salarié, la cour retient que les négligences de ce patron de pêche dans l'entretien et le suivi du bateau relèvent de la qualification d'insuffisance professionnelle non fautive, en sorte que son licenciement disciplinaire est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, cependant que les défauts d'entretiens et de suivi du navire étaient multiples, avérés et lourds de conséquences, ce qui caractérisait bien des abstentions volontaires, la cour viole les articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 4122-1 du code du travail et L. 5531-1 du code des transports ;
2°/ que le comportement d'un salarié peut être fautif et justifier un licenciement, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait donné lieu à des remarques ou sanctions préalables ; que pour dire que le défaut d'entretien et de suivi du bateau pouvant avoir les pires conséquences sur la sécurité à bord et de l'embarcation, ne relève pas de la qualification de faute, la cour retient qu'aucune remarque n'a jamais été faite auparavant au salarié sur l'état d'entretien du navire et qu'il a encore moins été sanctionné pour un tel grief ; qu'en statuant ainsi, la cour viole les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu qu'aucune abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée de la part du salarié dans les négligences concernant l'entretien du navire n'était démontrée et ce d'autant moins qu'il n'avait jamais fait l'objet de remarque antérieure sur ce point ; qu'elle en a déduit à bon droit que le licenciement, prononcé à titre disciplinaire pour des faits relevant de l'insuffisance professionnelle non fautive, était sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen qui critique un motif surabondant en sa seconde branche n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur la base du premier moyen entraînera par voie de conséquence l'annulation pour perte de fondement du chef ici querellé de l'arrêt et application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°/ que la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice subi par le salarié en raison des circonstances de son licenciement suppose que soit caractérisée, à la charge de l'employeur, une faute à l'origine du préjudice ainsi que l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi ; qu'en se bornant à affirmer que la brutalité de la rupture, précédée d'une mise à pied conservatoire, a occasionné au salarié, un préjudice distinct, le licenciement étant vexatoire, sans caractériser ni l'existence d'un comportement fautif de l'employeur ni l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi, la cour d'appel prive sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis que la cour d'appel a constaté le caractère brutal de la rupture précédée d'une mise à pied conservatoire ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié la somme de 415,36 euros à titre de rappel de salaire, alors selon le moyen, qu'il faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le salarié s'était vu confier un navire avec des cuves pleines, que l'approvisionnement en gasoil effectué le 16 juin correspondait à l'utilisation du bateau du 1er au 15 juin 2011 et devait donc être décompté dans les frais communs correspondant à cette période ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant pour se borner à affirmer que le salarié n'avait travaillé que pendant la première quinzaine du mois de juin, la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du code de procédure civile, ensemble celles de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le salarié n'avait travaillé que pendant la première quinzaine du mois de juin 2011 et que l'employeur ne pouvait ainsi lui imputer la totalité de sa part au titre des frais de gasoil engendrés à la date du 16 juin 2011, la cour d'appel a nécessairement écarté le moyen contraire soutenu par l'employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Mme X... à verser à M. Y... des indemnités de rupture ainsi qu'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur qui, bien qu'informé d'un ensemble de faits qu'il reproche au salarié, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour un ou certains d'entre eux épuise son pouvoir disciplinaire relativement aux faits dont il avait connaissance, et ne peut prononcer un licenciement pour des faits antérieurs à la sanction prononcée et faisant partie de ceux dont il avait connaissance ; que comme le relève à juste titre M. Y..., il ressort des termes mêmes de la lettre de licenciement que c'est depuis le 1er juin 2011, donc avant la notification de l'avertissement du 14 juin 2011, que Mme X... connaissait le rythme et la durée des sorties en mer depuis la mise en service du nouveau navire ; qu'en réalité, il est certain, alors que le nouveau bateau était exploité depuis le mois de septembre 2010, que Mme X... n'ignorait nullement le nombre hebdomadaire ni la durée des sorties en mer puisque c'est elle qui assurait la commercialisation de la pêche et assurait toute la gestion administrative de l'entreprise ; que par conséquent, et alors que les faits incriminés ne se sont pas poursuivis, M. Y... n'ayant jamais repris son travail à l'issue de la suspension du contrat de travail pour maladie, du fait de sa mise à pied conservatoire, Mme Y..., en notifiant l'avertissement du 14 juin 2011, a épuisé son pouvoir disciplinaire relativement à ce grief, étant précisé que l'insuffisance de résultat allégué n'en est que la conséquence et ne constitue pas un grief distinct ;
AUX MOTIFS ENCORE QU'en revanche, faute d'avoir exercé elle-même des fonctions, à l'époque considérée, sur le bateau, Mme X... ne pouvait pas connaître son état, s'agissant de son entretien et de son suivi ; que s'agissant de ce grief, Mme X... n'avait donc pas épuisé son pouvoir disciplinaire par l'envoi de l'avertissement ; que toutefois, l'insuffisance professionnelle, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié ne constitue pas une faute ; que si les diverses attestations produites par Mme X... font ressortir des négligences dans l'entretien du bateau (vidange tardive, remplissage insuffisant des cuves de gasoil, manque de nettoyage, vitre cassée non remplacée), ces éléments de preuve ne font pas ressortir une abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée, si bien que le grief relève de la qualification de l'insuffisance professionnelle non fautive, étant observé qu'aucune remarque n'a jamais été faite à M. Y... sur l'état d'entretien du navire et il a encore moins été sanctionné pour un tel grief ; que décidé pour un fait non constitutif d'une faute, le licenciement disciplinaire pour faute grave est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ;
ET AUX MOTIFS ENFIN QUE M. Y... a été licencié avec 15 années d'ancienneté ; que son salaire moyen mensuel était en dernier lieu de 3 866¿ ; qu'il a retrouvé un emploi moins rémunéré dès le mois de septembre 2011 ; qu'en considération de ces éléments, et par application de l'article 1235-5 du Code du travail, il y a lieu de lui allouer une indemnité d'un montant de 20 000¿, qui répare l'entier préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat de travail ; que les indemnités de ruptures, dont le calcul ne fait pas l'objet de discussion, seront productives d'intérêts au taux légal, à compter du 26 mars 2014, date de la demande en justice sur ce point, ces indemnités n'ayant pas été réclamées en première instance ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la violation par un salarié des règles élémentaires de sécurité caractérise un comportement fautif justifiant la rupture du contrat de travail; que tel est le cas du défaut d'entretien caractérisé et de suivi par un capitaine de bateau lequel est garant de l'ordre, de la sûreté et de la sécurité du bateau et des personnes embarquées ; qu'en l'espèce, pour dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute de M. Y..., la Cour retient que les négligences de ce patron de pêche dans l'entretien et le suivi du bateau relèvent de la qualification d'insuffisance professionnelle non fautive, en sorte que son licenciement disciplinaire est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, cependant que les défauts d'entretiens et de suivi du navire étaient multiples, avérés et lourds de conséquences, ce qui caractérisait bien des abstentions volontaires, la Cour viole les articles L.1234-5, L.1234-9, L.4122-1 du Code du travail et L.5531-1 du Code des transports ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, le comportement d'un salarié peut être fautif et justifier un licenciement, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait donné lieu à des remarques ou sanctions préalables ; que pour dire que le défaut d'entretien et de suivi du bateau pouvant avoir les pires conséquences sur la sécurité à bord et de l'embarcation, ne relève pas de la qualification de faute, la Cour retient qu'aucune remarque n'a jamais été faite auparavant à M. Y... sur l'état d'entretien du navire et qu'il a encore moins été sanctionné pour un tel grief ; qu'en statuant ainsi, la Cour viole les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme X... à payer à M. Y... la somme de 1 000¿ à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire ;
AUX MOTIFS QUE la brutalité de la rupture, précédée d'une mise à pied conservatoire, a occasionné à M. Y..., un préjudice distinct, lié au caractère vexatoire du licenciement ; qu'il sera alloué, à ce titre, une somme de 1 000¿ qui répare intégralement ce préjudice ;
ALORS QUE D'UNE PART, la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur la base du premier moyen entraînera par voie de conséquence l'annulation pour perte de fondement du chef ici querellé de l'arrêt et application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
ET ALORS QUE D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice subi par le salarié en raison des circonstances de son licenciement suppose que soit caractérisée, à la charge de l'employeur, une faute à l'origine du préjudice ainsi que l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi; qu'en se bornant à affirmer que la brutalité de la rupture, précédée d'une mise à pied conservatoire, a occasionné à M. Y..., un préjudice distinct, le licenciement étant vexatoire, sans caractériser ni l'existence d'un comportement fautif de l'employeur ni l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi, la Cour d'appel prive sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Mme X... à verser à M. Y... la somme de 415,36¿ à titre de rappel de salaire, outre les intérêts au taux légal à compter du 14 février 2012, avec capitalisation annuelle, pour la première fois le 14 février 2013 ;
AUX MOTIFS QU'alors que M. Y... n'a travaillé que pendant la première quinzaine du mois de juin, Mme X... ne pouvait pas lui imputer la totalité de sa part au titre du plein de gasoil fait le 16 juin 2011 ; que par voie de réformation du jugement déféré il sera donc fait droit à la demande de ce chef ;
ALORS QUE Mme X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel (page 33) que M. Y... s'était vu confier un navire avec des cuves pleines, que l'approvisionnement en gasoil effectué le 16 juin correspondait à l'utilisation du bateau du 1er au 15 juin 2011 et devait donc être décompté dans les frais communs correspondant à cette période ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant pour se borner à affirmer que M. Y... n'avait travaillé que pendant la première quinzaine du mois de juin, la Cour méconnaît les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile, ensemble celles de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.