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12/01/2016 | FRANCE | N°14-22221

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2016, 14-22221


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles 1129 et 1134 du code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Mangin Egly entreprises, sise à Vitry-le-François (51), et occupait, en dernier lieu, les fonctions de chef de chantier ; que son contrat de travail stipulait une clause selon laquelle « ce poste pouvant nécessiter des interventions tant en France qu'à l'étranger, vous pourriez être amené à vous rendre et à s

éjourner dans tous les pays susceptibles d'intéresser les activités de notre ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles 1129 et 1134 du code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Mangin Egly entreprises, sise à Vitry-le-François (51), et occupait, en dernier lieu, les fonctions de chef de chantier ; que son contrat de travail stipulait une clause selon laquelle « ce poste pouvant nécessiter des interventions tant en France qu'à l'étranger, vous pourriez être amené à vous rendre et à séjourner dans tous les pays susceptibles d'intéresser les activités de notre société ou de ses filiales » ; qu'ayant refusé une mission de quatre mois sur un chantier à Origny (02), le salarié a été licencié le 7 octobre 2010 ;
Attendu que pour dire nulle la clause stipulée au contrat de travail, sans cause réelle et sérieuse le licenciement et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes, l'arrêt retient qu'il s'évince du libellé de la clause une indétermination de la zone géographique qui dépend des futurs clients, que ce constat n'est pas utilement remis en cause par le moyen de l'employeur tendant à soutenir que la clause n'avait vocation à s'appliquer que pour des déplacements temporaires sans être incompatible avec la fixation contractuelle de son lieu habituel de travail à Vitry le François, de sorte qu'il s'en déduit selon lui que la décision d'affecter, pour une durée limitée le salarié en un lieu distinct ressortissait au pouvoir de direction de l'employeur sans emporter modification du contrat de travail requérant l'accord non équivoque du salarié, que cette analyse s'avère contredite par le libellé trop général, et donc imprécis de la clause litigieuse, et que même la référence aux interventions et l'expression « vous rendre et séjourner », sans mention d'un caractère exclusivement temporaire, ni précision de durée, ni même un renvoi aux grands déplacements prévus par la convention collective, exclut que la clause avait sans équivoque pour objet une condition de travail, et non pas une condition contractuelle régissant toutes les mobilités temporaires ou modifiant le lieu habituel de travail ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés des conditions de validité d'une clause de mobilité, alors qu'il résultait de ses constatations que le déplacement refusé par le salarié s'inscrivait dans le cadre habituel de son activité de chef de chantier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit nulle la clause stipulée à l'article 8 du contrat de travail, sans cause réelle et sérieuse le licenciement, et condamne la société Mangin Egly Entreprises au paiement de sommes à ces titres, l'arrêt rendu le 25 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Mangin Egly entreprises.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, considérant que la clause prévue à l'article 8 du contrat de travail était une clause de mobilité au sens strict, d'en AVOIR PRONONCE la nullité et D'AVOIR CONDAMNÉ la société Mangin-Egly à payer à M. X... des dommages et intérêts de ce chef, ainsi qu'au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... s'avère recevable en sa demande de nullité de la clause de mobilité incluse dans son contrat de travail et libellée comme suit : "Ce poste pouvant nécessiter des interventions tant en France qu'à l'étranger, vous pourriez être amené à vous rendre et à séjourner dans tous les pays susceptibles d'intéresser les activités de notre Société ou de ses filiales" ; (...) ; que l'employeur ne peut se prévaloir de ce que M. X... avait signé sans réserve son contrat de travail ; que Monsieur X... rappelle à bon droit les principes qui régissent la validité d'une clause contractuelle de mobilité ; que la clause considérée doit s'avérer suffisamment précise afin de prohiber toute possibilité pour l'employeur d'en étendre unilatéralement, voire de manière potestative, la portée ; que le libellé de la clause précitée encourt cette critique alors qu'il s'en évince une indétermination de la zone géographique qui dépend des futurs clients ; que ce constat n'est pas utilement remis en cause par le moyen de la SAS tendant à soutenir que la clause n'avait vocation à s'appliquer que pour des déplacements temporaires - ouvrant droit aux indemnités conventionnelles - sans être incompatible avec la fixation contractuelle de son lieu habituel de travail à Vitry le François, de sorte qu'il s'en déduit selon elle que la décision de l'employeur d'affecter, pour une durée limitée le salarié en un lieu distinct ressortissait au pouvoir de direction de l'employeur sans emporter modification du contrat de travail requérant l'accord non équivoque du salarié, mais ne constituant donc qu'une modification d'une condition de travail; que cependant cette analyse de l'intimée s'avère contredite par le libellé là encore trop général, et donc imprécis de la clause litigieuse ; que même la référence aux "interventions" et l'expression "vous rendre et séjourner", sans mention d'un caractère exclusivement temporaire, ni précision de durée, ni même un renvoi aux "grands déplacements" prévus par la convention collective, exclut que la clause avait sans équivoque pour objet une condition de travail, et non pas une condition contractuelle régissant toutes les mobilités temporaires ou modifiant le lieu habituel de travail ; que la nullité de la clause sera donc prononcée, et subséquemment Monsieur X... qui en a conçu un nécessaire préjudice, sera rempli de son droit à réparation par la condamnation de la SAS à lui payer l'indemnité de 1.000 euros qu'il réclame ; Que ce fait juridique - non soumis aux premiers juges de sorte qu'ils ne sont pas critiquables de ne pas en avoir tiré les conséquences s'agissant de la rupture du contrat de travail - suffit, ainsi que le fait valoir Monsieur X..., à priver de cause réelle et sérieuse son licenciement ; que c'est le refus par Monsieur X... d'exécuter une mission dans un autre lieu de travail que celui contractuellement désigné qui - au terme de la lettre de licenciement fixant les limites du litige - constitue le grief retenu par l'employeur comme caractérisant un manquement à la clause précédemment annulée ; que le seul reproche distinct s'avère celui tiré du fait que Monsieur X... avait lui-même averti le client TEREOS de son refus, ce qui ne suffit pas à caractériser une cause sérieuse de rupture ;
1°) ALORS QUE seule une clause de mobilité par laquelle l'employeur se réserve la possibilité de modifier le lieu habituel de travail, est soumise aux exigences de délimitation précise de sa zone géographique, de proportionnalité au but recherché et de justification au regard de la tâche à accomplir; que ne constitue pas une telle clause celle conclue entre une entreprise d'installations électriques et un électricien devenu chef de chantier, énonçant : "Ce poste pouvant nécessiter des interventions tant en France qu'à l'étranger, vous pourriez être amené à vous rendre et à séjourner dans tous les pays susceptibles d'intéresser les activités de notre Société ou de ses filiales", cette clause n'ayant pas pour objet de permettre à l'employeur de modifier le lieu habituel de travail du salarié; qu'en jugeant le contraire pour en déduire que la clause prévue à l'article 8 du contrat de travail était nulle, et que par suite, le salarié n'avait commis aucun manquement en refusant une mission temporaire sur un site autre que son lieu habituel de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1129 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE dans ses conclusions soutenues à l'audience (arrêt p. 4), l'employeur s'est expressément prévalu de la règle jurisprudentielle selon laquelle « la clause de mobilité prévoyant des déplacements temporaires (et non pas une affectation permanente) n'est pas incompatible avec la stipulation du contrat de travail fixant un lieu de travail dans une ville déterminée, lorsqu'elle tient compte de la nature des fonctions exercées par le salarié et prévoit des travaux d'assistance technique chez des clients tant en France qu'à l'étranger » (conclusions de la société Mangin-Egly Entreprises p. 16, 1er§) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, qui commandait de retenir la validité de la clause prévue à l'article 8 du contrat de travail et de lui faire produire ses effets, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS en toute hypothèse QUE l'employeur indépendamment de toute clause du contrat de travail le prévoyant, est autorisé à imposer à un salarié une mission temporaire en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement, dès lors que cette mission est justifiée par l'intérêt de l'entreprise et que la spécificité des fonctions exercées par l'intéressé implique de sa part une certaine mobilité géographique, une telle affectation ne constituant pas alors, une modification du contrat de travail; qu'en l'espèce il ressort de l'arrêt attaqué d'une part, que l'entreprise avait pour activité la réalisation d'installations électriques et que le salarié occupait des fonctions de chef de chantier (arrêt p. 2, 1er § et p. 3 alinéa 4) et d'autre part, que l'employeur faisait valoir que sa décision d'affecter le salarié pendant une durée limitée en un lieu distinct de son lieu habituel de travail, précisément pour participer à une campagne sucrière chez l'un de ses clients durant quatre mois, relevait de son pouvoir de direction et ne constituait pas une modification du contrat de travail (arrêt p.5 avant dernier alinéa); qu'en écartant ce moyen aux motifs inopérants de la généralité et de l'imprécision de la clause prévue à l'article 8 du contrat de travail, sans avoir constaté que la mission litigieuse n'était pas justifiée par l'intérêt de l'entreprise et que les fonctions exercées par M. X... n'impliquaient pas de sa part une certaine mobilité géographique, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L. 1221-1 et L.1232-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-22221
Date de la décision : 12/01/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 25 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 2016, pourvoi n°14-22221


Composition du Tribunal
Président : M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.22221
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