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16/12/2015 | FRANCE | N°15-81823

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 décembre 2015, 15-81823


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Georges X...,
- Mme Nicole Y..., épouse X...,
- Mme Georgette X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 27 février 2015, qui, dans l'information suivie, notamment, contre le premier, des chefs de travail dissimulé, abus de biens sociaux, faux et usage, blanchiment, a confirmé les ordonnances du juge d'instruction rejetant leurs demandes de restitution de saisie pénale et de refus de restitution ; >
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 novembre 2015 où éta...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Georges X...,
- Mme Nicole Y..., épouse X...,
- Mme Georgette X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 27 février 2015, qui, dans l'information suivie, notamment, contre le premier, des chefs de travail dissimulé, abus de biens sociaux, faux et usage, blanchiment, a confirmé les ordonnances du juge d'instruction rejetant leurs demandes de restitution de saisie pénale et de refus de restitution ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 novembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Germain, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général GUÉGUEN ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 16 avril 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, préliminaire, 99, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de saisie pénale des meubles ainsi que l'ordonnance de refus de restitution ;

" alors que les dispositions de l'article 99, alinéa 2, du code de procédure pénale, qui n'impartissent au juge d'instruction aucun délai pour statuer sur une requête en restitution d'un bien saisi dans le cadre d'une information judiciaire, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus exactement au droit de propriété ainsi qu'au droit à un recours effectif devant une juridiction ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a statué à la fois sur l'appel d'une ordonnance de refus de restitution, du 5 juin 2014, relative à une demande présentée, le 27 novembre 2012, et sur l'appel de l'ordonnance de saisie pénale spéciale de ces mêmes biens également rendue le 5 juin 2014 ; qu'ainsi, la déclaration d'inconstitutionnalité de ces dispositions qui interviendra privera de tout fondement l'arrêt attaqué " ;

Attendu que, le Conseil constitutionnel ayant différé au 1er janvier 2017 les effets de la décision par laquelle il a déclaré inconstitutionnelles les dispositions de l'article 99 du code de procédure pénale, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier protocole additionnel à cette convention, 131-21 et 324-7 du code pénal, préliminaire, 99, 706-141, 706-148, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de saisie pénale des meubles ainsi que l'ordonnance de refus de restitution ;

" aux motifs qu'en raison de la connexité des procédures il y a lieu de les joindre et de statuer par un seul et même arrêt sur les deux appels ; que M. X... a été mis en examen, le 14 septembre 2012, du chef de blanchiment de fonds provenant d'un crime ou d'un délit ; que l'article 324-7, 12°, du code pénal prévoit la peine complémentaire de la confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, des biens dont il a la libre disposition ; que la thèse des consorts X... est que l'intégralité des meubles saisis appartient en réalité à Georgette X..., tiers à la procédure, qui en a laissé la jouissance à son frère M. Z... et à sa belle-soeur Mme Y..., épouse X..., en vertu d'un protocole d'accord, produit aux débats, en date du 19 janvier 1991 ; qu'en premier lieu, certains meubles saisis ne figurent pas sur le protocole d'accord : il en est ainsi du fusil de chasse « Pichon » et de l'ordinateur de marque Apple ; qu'en second lieu, il est constant que les meubles dont s'agit appartenaient initialement à Mme Y..., épouse X..., qui les aurait vendus à sa belle-soeur en 1990 lors de la liquidation de son commerce parce qu'elle souhaitait éviter que ses meubles de famille ne soient dispersés ; qu'il s'agissait donc d'éviter que ces biens ne soient appréhendés par les créanciers ; que l'enquête a révélé que certains des meubles ont été vendus en août 2012 à un antiquaire M. A... qui en témoigne comme suit (D381/ 1 à 4) : « Mme X... m'a appelé par téléphone courant juin 2012 pour me proposer une armoire normande. Nous avons fixé rendez-vous, le 3 juillet 2012 à 19 heures 30, à son domicile à la Croix Blanche à Etrelles (35). J'y suis allée avec mon épouse avec un fourgon Renault trafic de couleur bleue. Sur place, M. et Mme X... étaient présents. Nous avons visité le rez-de-chaussée de leur maison qui était très meublée. Elle a expliqué que tout le mobilier lui appartenait excepté la chambre à coucher et le bureau qui appartenait à son mari. Elle a précisé qu'une partie de ce mobilier lui avait été donné par son père qui était commissaire-priseur, et que l'autre partie avait fait l'objet d'achats de sa part ¿ ce jour-là nous avons remarqué la présence d'une autre femme qui nous a été présentée comme étant la soeur de M. X.... Cette femme est restée à l'écart dans la cuisine sans doute par politesse et qui n'est jamais intervenue dans les transactions. Nous sommes restés sur place 5 ou 6 heures, et cette dame est simplement venue à la fin de nos transactions pour boire le champagne. Elle n'a joué aucun rôle dans la vente de tout le mobilier. Seuls M. et Mme X... étaient avec nous et intervenaient dans la négociation. Mme X... m'a alors expliqué qu'ils quittaient la France pour s'établir à Marrakech (Maroc). Dans la conversation, elle nous a confié qu'ils avaient acheté un Ryad dans la Palmeraie, qu'ils avaient recruté un jardiner, un garde du corps et une maîtresse de maison » ; qu'en cote D 381/ 8 figurent deux actes de vente sous seing privés, du 13 août 2012, de vente de plusieurs biens meubles à M. A... dans lesquels Mme Y..., épouse X..., se déclare propriétaire des biens cédés ; qu'en cote D 381/ 7 l'attestation de vente de l'armoire normande fait apparaître Mme X... comme propriétaire de ce bien alors que le témoin explique que celle-ci est restée à l'écart, n'a joué aucun rôle dans cette vente et que Mme Y..., épouse X..., s'est présentée comme la propriétaire ; qu'en cote D381/ 5, c'est cette fois Mme Y..., épouse X..., qui se présente comme propriétaire d'autres meubles vendus à M. A..., le 13 août 2012, et c'est également à son nom qu'est établie par l'antiquaire le 10 août 2012 une facture de travaux sur un petit bureau de style Louis XV (D 381/ 6) ; qu'il se déduit de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que M. X..., mis en examen, avait la libre disposition des biens meubles saisis, d'autre part, que le montage juridique destiné initialement à empêcher que les créanciers de Mme Y..., épouse X..., ne saisissent ses biens sert aujourd'hui pour empêcher la saisie pénale des meubles dans le cadre de l'information suivie contre M. X... ; que les circonstances de la vente de certains meubles, en août 2012, un mois avant la mise en examen de M. X..., alors que l'information était ouverte depuis mai 2012, révèlent la confusion volontairement entretenue aux yeux des tiers par M. X... et son épouse sur leur qualité de propriétaire des meubles, avec l'accord de Mme X..., qui les laissaient faire en toute connaissance de cause et dont la mauvaise foi est ainsi caractérisée ; que les meubles dont s'agit pouvant donc être confisqués, la saisie pénale est légalement justifiée, ce qui conduit à la confirmation de l'ordonnance qui l'a décidée et de celle ayant rejeté la demande de restitution de Mme X... ;

" 1°) alors que le droit à un recours effectif tel qu'il est garanti par les articles 13 et 6, § 1, de la Convention européenne des droit de l'homme impose d'offrir à toute personne dont les biens sont saisis dans le cadre d'une information judiciaire la possibilité d'en solliciter utilement la restitution ; que ces exigences conventionnelles impliquent que le juge d'instruction saisi d'une demande de restitution sur le fondement de l'article 99 du code de procédure pénale se prononce dans un délai raisonnable, et que la chambre de l'instruction puisse examiner l'appel formé à l'encontre de la décision de refus de restitution ; qu'en l'espèce, c'est au mépris du droit au recours effectif de Mme X... que le juge d'instruction a statué, le 5 juin 2014, sur une demande de restitution présentée dès le 27 novembre 2012, tout en rendant le même jour une ordonnance de saisie pénale, et que la chambre de l'instruction a statué par un seul et même arrêt sur les appels formés à l'encontre de ces deux décisions ;

" 2°) alors que, si l'article 324-7 du code pénal prévoit la peine de confiscation de tout ou partie des biens dont le condamné a la libre disposition, c'est sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi ; que la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance, par le propriétaire, de l'existence d'une infraction ; qu'en se bornant à affirmer que les époux X... ont disposé des meubles de Mme X..., qui « les laissaient faire en toute connaissance de cause », la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision " ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance rejetant la demande de restitution des objets revendiqués, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain, exposé, sans insuffisance ni contradiction, les motifs pour lesquels elle a estimé que Mme Georgette X... n'est pas de bonne foi ;

D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait, comme tel irrecevable en sa première branche, doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 131-21 et 324-7 du code pénal, préliminaire, 56, 56-1, 56-4, 94, 96, 706-141, 706-148, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de saisie pénale des meubles ainsi que l'ordonnance de refus de restitution ;

" aux motifs qu'en raison de la connexité des procédures il y a lieu de les joindre et de statuer par un seul et même arrêt sur les deux appels ; que M. X... a été mis en examen, le 14 septembre 2012, du chef de blanchiment de fonds provenant d'un crime ou d'un délit ; que l'article 324-7, 12°, du code pénal prévoit la peine complémentaire de la confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, des biens dont il a la libre disposition ; que la thèse des consorts X... est que l'intégralité des meubles saisis appartient en réalité à Georgette X..., tiers à la procédure, qui en a laissé la jouissance à son frère M. Z... et à sa belle-soeur Mme Y..., épouse X..., en vertu d'un protocole d'accord, produit aux débats, en date du 19 janvier 1991 ; qu'en premier lieu, certains meubles saisis ne figurent pas sur le protocole d'accord : il en est ainsi du fusil de chasse « Pichon » et de l'ordinateur de marque Apple ; qu'en second lieu, il est constant que les meubles dont s'agit appartenaient initialement à Mme Y..., épouse X..., qui les aurait vendus à sa belle-soeur en 1990 lors de la liquidation de son commerce parce qu'elle souhaitait éviter que ses meubles de famille ne soient dispersés ; qu'il s'agissait donc d'éviter que ces biens ne soient appréhendés par les créanciers ; que l'enquête a révélé que certains des meubles ont été vendus en août 2012 à un antiquaire M. A... qui en témoigne comme suit : « Mme X... m'a appelé par téléphone courant juin 2012 pour me proposer une armoire normande. Nous avons fixé rendez-vous, le 3 juillet 2012 à 19 heures 30, à son domicile à la Croix Blanche à Etrelles (35). J'y suis allée avec mon épouse avec un fourgon Renault trafic de couleur bleue. Sur place, M. et Mme X... étaient présents. Nous avons visité le rez-de-chaussée de leur maison qui était très meublée. Elle a expliqué que tout le mobilier lui appartenait excepté la chambre à coucher et le bureau qui appartenait à son mari. Elle a précisé qu'une partie de ce mobilier lui avait été donné par son père qui était commissaire-priseur, et que l'autre partie avait fait l'objet d'achats de sa part ¿ ce jour-là nous avons remarqué la présence d'une autre femme qui nous a été présentée comme étant la soeur de M. X.... Cette femme est restée à l'écart dans la cuisine sans doute par politesse et qui n'est jamais intervenue dans les transactions. Nous sommes restés sur place 5 ou 6 heures, et cette dame est simplement venue à la fin de nos transactions pour boire le champagne. Elle n'a joué aucun rôle dans la vente de tout le mobilier. Seuls M. et Mme X... étaient avec nous et intervenaient dans la négociation. Mme X... m'a alors expliqué qu'ils quittaient la France pour s'établir à Marrakech (Maroc). Dans la conversation, elle nous a confié qu'ils avaient acheté un Ryad dans la Palmeraie, qu'ils avaient recruté un jardiner, un garde du corps et une maîtresse de maison » ; qu'en cote D 381/ 8 figurent deux actes de vente sous seing privés, du 13 août 2012, de vente de plusieurs biens meubles à M. A... dans lesquels Mme Y..., épouse X..., se déclare propriétaire des biens cédés ; qu'en cote D 381/ 7 l'attestation de vente de l'armoire normande fait apparaître Mme X... comme propriétaire de ce bien alors que le témoin explique que celle-ci est restée à l'écart, n'a joué aucun rôle dans cette vente et que Mme Y..., épouse X..., s'est présentée comme la propriétaire ; qu'en cote D381/ 5, c'est cette fois Mme Y..., épouse X..., qui se présente comme propriétaire d'autres meubles vendus à M. A..., le 13 août 2012, et c'est également à son nom qu'est établie par l'antiquaire le 10 août 2012 une facture de travaux sur un petit bureau de style Louis XV (D 381/ 6) ; qu'il se déduit de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que M. X..., mis en examen, avait la libre disposition des biens meubles saisis, d'autre part, que le montage juridique destiné initialement à empêcher que les créanciers de Mme Y..., épouse X..., ne saisissent ses biens sert aujourd'hui pour empêcher la saisie pénale des meubles dans le cadre de l'information suivie contre M. X... ; que les circonstances de la vente de certains meubles, en août 2012, un mois avant la mise en examen de M. X..., alors que l'information était ouverte depuis mai 2012, révèlent la confusion volontairement entretenue aux yeux des tiers par M. X... et son épouse sur leur qualité de propriétaire des meubles, avec l'accord de Mme X..., qui les laissaient faire en toute connaissance de cause et dont la mauvaise foi est ainsi caractérisée ; que les meubles dont s'agit pouvant donc être confisqués, la saisie pénale est légalement justifiée, ce qui conduit à la confirmation de l'ordonnance qui l'a décidée et de celle ayant rejeté la demande de restitution de Mme X... ;

" alors qu'une saisie pénale spéciale ne peut porter sur des biens déjà saisis et placés sous main de justice à l'occasion d'une perquisition ; qu'en confirmant une ordonnance de saisie spéciale, prise sur le fondement de l'article 706-148 du code de procédure pénale, et portant sur des biens préalablement saisis par les enquêteurs à l'occasion d'une perquisition réalisée au domicile des époux X..., la chambre de l'instruction a violé la loi " ;

Attendu qu'aucune disposition de la loi n'interdit de saisir, en application de l'article 706-148 du code de procédure pénale, des biens placés sous main de justice ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize décembre deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-81823
Date de la décision : 16/12/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, 27 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 déc. 2015, pourvoi n°15-81823


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:15.81823
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