LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X... docteur en médecine et qualifié en anesthésie réanimation, a été engagé en janvier 1990 par le centre hospitalier Saint-Joseph-Saint-Luc à Lyon et occupe depuis février 2006 le poste de médecin chef de spécialité à temps plein au service des grands brûlés de l'établissement ; qu'estimant avoir été l'objet d'une inégalité de traitement quant à la rémunération des gardes accomplies et ne pas avoir pu prendre ses congés payés, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en rappel de salaires, alors, selon le moyen, qu'une différence de statut juridique entre les travailleurs effectuant un travail de même valeur au service d'un même employeur ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une différence de situation au regard de l'égalité de traitement en matière de rémunération ; qu'en se bornant pour décider que le salarié ne pouvait prétendre, au titre des gardes qu'il effectuait, à une rémunération équivalente à celle perçue par les médecins extérieurs effectuant également des gardes dans le centre hospitalier Saint-Joseph-Saint-Luc, à énoncer que ces médecins ne se trouvaient pas dans une situation comparable, au motif inopérant tiré du caractère libéral de leur mode d'exercice, de la différence de statut et de réglementation applicable, sans rechercher l'existence d'éléments objectifs pertinents justifiant une différence de traitement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » ;
Mais attendu que le salarié qui se prévaut du principe d'égalité de traitement ne pouvant utilement invoquer la comparaison de sa situation avec des non salariés, la cour d'appel qui a constaté que l'intéressé se comparait avec des médecins exerçant à titre libéral et que les médecins salariés étaient tous indemnisés sur la même base, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 3141-12 et L. 3141-14 du code du travail ;
Attendu qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/ 88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes en dommages-intérêts en réparation des congés payés non pris et au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient que la somme réclamée au titre des seuls congés non pris n'est dès lors pas justifiée et qu'il ne démontre pas avoir demandé à bénéficier du solde de ses congés non pris, ni s'être heurté à une quelconque opposition de la part du centre hospitalier Saint-Joseph-Saint-Luc qui les lui aurait refusés, ou l'aurait seulement dissuadé de les prendre ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation à intervenir du chef des congés payés sur la période 2005 à 2010, entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif rejetant la demande de dommages-intérêts formée par le salarié pour exécution déloyale du contrat de travail ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande au titre des congés payés non pris, ainsi que de sa demande en dommages-intérêts en découlant pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 27 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne l'association Centre hospitalier Saint-Joseph-Saint-Luc aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association Centre hospitalier Saint-Joseph-Saint-Luc et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur François X... de sa demande tendant à voir condamner l'Association Centre Hospitalier Saint-Joseph Saint-Luc à lui payer la somme de 27. 131, 45 euros à titre de rappel de salaires, outre celle de 10. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur François X... prétend que l'effectif du CENTRE DES BRÛLÉS, soit 3, 5 équivalents temps plein d'anesthésie-réanimation, n'aurait pas permis de respecter la durée hebdomadaire de travail, de sorte que les gardes auraient été effectuées en dehors de la durée légale sur des plages de « temps additionnel » que l'établissement rémunère sur la base d'une indemnité de sujétion correspondant à une rémunération de moitié inférieure à celle consentie aux médecins extérieurs à l'établissement, et pourtant moins qualifiés et moins expérimentés ; que pour demander la confirmation du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes ayant condamné le CENTRE HOSPITALIER SAINT JOSEPH-SAINT LUC à lui payer à ce titre la somme de 27. 131, 45 ¿ sur la base des tableaux annuels des gardes qu'il a versés aux débats, Monsieur François X... soutient que la direction du CENTRE HOSPITALIER SAINT JOSEPH-SAINT LUC aurait convenu en juin 2005 que la rémunération des gardes serait calquée sur les indemnisations posées par les arrêtés relatifs à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins dans les établissements publics de santé, et notamment l'arrêté du 30 avril 2003 fixant à 250 ¿ la rémunération d'une garde n'entraînant pas le dépassement de la durée maximale légale du travail et à 450 ¿ celle d'une garde entraînant un dépassement de cette durée ; qu'il ne rapporte toutefois pas la preuve de cette décision que conteste formellement le CENTRE HOSPITALIER SAINT JOSEPH-SAINT LUC ; que les gardes auxquelles il a ainsi participé à tour de rôle ont été réalisées conformément aux dispositions prévues par l'article M. 05. 02 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but non lucratif (convention FEHAP) applicable exclusivement aux établissements privés de santé, de sorte qu'il ne peut se prévaloir de l'arrêté du 30 avril 2003 qui ne concerne que les établissements publics de santé ; que cependant, le CENTRE HOSPITALIER SAINT JOSEPH-SAINT LUC reconnaît procéder selon l'usage à l'indemnisation des gardes sur une base forfaitaire plus favorable aux salariés que celle de la convention collective, et même de l'arrêté précité du 30 avril 2003, pour être de 251, 39 ¿ pour une garde de semaine, 376, 55 ¿ pour une garde du samedi et 501, 25 ¿ pour une garde du dimanche ou jour férié ; que Monsieur François X... a sollicité le 5 juillet 2010 par l'intermédiaire de son conseil le paiement de la somme de 23. 010, 00 ¿, correspondant à 67 gardes effectuées pour 37 d'entre elles en semaine, 10 le samedi et 20 les dimanches et jours fériés ; que sur la base de l'usage ainsi précité, il aurait été en droit de percevoir pour la rémunération de ces 67 gardes une somme totale de 23. 091, 93 ¿ ; que la somme qui lui a été versée a été en réalité de 23. 844, 57 ¿ selon ses bulletins de paie régulièrement versés aux débats, qui comportent une ligne « GARDE GD BRÛLÉS » suivie de la mention de leur catégorie (semaine, samedi ou dimanche/ jour férié), correspondant ainsi à un montant supérieur à celui alors réclamé ; que pour condamner le CENTRE HOSPITALIER SAINT JOSEPH-SAINT LUC au paiement de la somme de 27. 131, 45 ¿ au titre des gardes que prétendait avoir effectuées Monsieur François X... après le 29 décembre 2005, le Conseil de prud'hommes s'est ainsi abstenu de prendre en considération leur indemnisation d'ores et déjà intervenue pour la somme de 23. 844, 57 ¿ ; qu'il a en outre considéré que la demande présentée par Monsieur François X... de percevoir une rémunération équivalente à celle que percevaient les médecins extérieurs était justifiée, alors que la situation de ces derniers n'est pas comparable dans la mesure où ceux-ci exercent sous la forme libérale, ne relèvent pas du même statut ni de la même réglementation et ne sont pas soumis à la convention collective FEHAP ; qu'en revanche, tous les médecins salariés du CENTRE HOSPITALIER SAINT JOSEPH-SAINT LUC au service des brûlés sont indemnisés sur la même base ; qu'enfin, Monsieur François X... produit les correspondances électroniques de médecins indiquant que les conditions d'indemnisation des gardes des médecins salariés du centre hospitalier auraient finalement été alignées sur celles des médecins extérieurs ; qu'il apparaît toutefois que ces deux courriers électroniques sont datés du 1er octobre 2010, et qu'ils ne démontrent en conséquence pas que l'alignement dont se prévaut l'appelant aurait été appliqué pendant la période pour laquelle il situe sa réclamation, soit de juin 2005 à juin 2010 ; que le courrier électronique envoyé par Monsieur Y...mentionne au demeurant expressément que l'alignement du paiement des gardes effectuées par les médecins salariés du centre hospitalier sur celui des intervenants extérieurs n'interviendra qu'à partir du mois de novembre 2010 ; que dans ces conditions, Monsieur François X..., qui a été rempli de ses droits, ne peut obtenir une nouvelle fois l'indemnisation des gardes qu'il sollicite ; qu'il importe en conséquence de le débouter de cette demande et d'infirmer sur ce point le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes ;
ALORS QU'une différence de statut juridique entre les travailleurs effectuant un travail de même valeur au service d'un même employeur ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une différence de situation au regard de l'égalité de traitement en matière de rémunération ; qu'en se bornant, pour décider que Monsieur X... ne pouvait prétendre, au titre des gardes qu'il effectuait, à une rémunération équivalente à celle perçue par les médecins extérieurs effectuant également des gardes dans le Centre hospitalier SAINT JOSEPH-SAINT LUC, à énoncer que ces médecins ne se trouvaient pas dans une situation comparable, au motif inopérant tiré du caractère libéral de leur mode d'exercice, de la différence de statut et de réglementation applicable, sans rechercher l'existence d'éléments objectifs pertinents justifiant une différence de traitement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal ».
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur François X... de sa demande tendant à voir condamner l'Association Centre Hospitalier Saint-Joseph Saint-Luc à lui payer la somme de 65. 787 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice subi du fait des congés non pris, outre celle de 10. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur François X... prétend ensuite avoir été dans l'impossibilité de solder ses congés au 31 mai 2011 pour les années 2005 à 2010 du seul fait du CENTRE HOSPITALIER SAINT JOSEPH-SAINT LUC en raison de l'insuffisance notoire de son effectif par rapport à celui des autres centres de brûlés du territoire français qui ne permet pas aux praticiens de couvrir le nombre d'heures nécessaires, et qui n'ont d'autre solution que celle de ne pas observer la totalité de leurs congés ; que dans la lettre précitée adressée par son conseil le 5 juillet 2010, il avait demandé le paiement de la somme de 15. 52, 00 ¿ au titre de 41 jours de congés restant à solder, outre 27. 256 ¿ au titre de 72 jours de RTT, sur les années 2005 à 2010 incluses, soit un montant total de 42. 777, 00 ¿ ; que, sans préciser le nombre de jours de congés qu'il n'aurait pas pris, il a sollicité du Conseil de prud'hommes dans ses premières conclusions leur indemnisation pour les années 2005 à 2010 à hauteur de 45. 048, 00 ¿ à titre de dommages et intérêts ; que pour la même période des années 2005 à 2010, il a ensuite élevé devant le Conseil de prud'hommes dans ses dernières conclusions, puis devant la Cour, sa demande en paiement de dommages et intérêts pour l'indemnisation de ses congés non pris à la somme de 65. 787, 00 ¿, alors que ce montant représentait celui qu'il avait initialement demandé par lettre de son avocat en date du 5 juillet 2010 au titre de l'intégralité de sa réclamation, incluant non seulement les congés non pris mais encore les gardes effectuées ; que la somme ainsi réclamée au titre des seuls congés non pris n'est dès lors pas justifiée ; que la CENTRE HOSPITALIER SAINT JOSEPH-SAINT LUC reconnaît cependant que 11 jours de congés n'ont pas été pris, représentant une créance d'environ 2. 195, 90 ¿ ; que le droit à congés s'exerçant en nature, Monsieur François X... ne peut en obtenir l'indemnisation financière ; qu'il n'a toutefois pas perdu le bénéfice de ses droits à congés et peut solliciter leur prise afin de les solder ; que Monsieur François X... conteste le décompte ainsi effectué de ses congés non pris ; qu'il a cependant été établi sur la base des plannings des réanimateurs et tableaux de garde dressés par le CENTRE HOSPITALIER SAINT JOSEPH-SAINT LUC pour les années 2005 à 2010 que l'appelant a lui-même versés aux débats et dont il s'est précisément prévalu pour justifier le nombre de gardes qu'il avait effectuées entre 2005 et 2010 ; qu'ils établissent ainsi la prise de 37 jours ouvrables de congés sur l'année civile 2010 et de 30 jours ouvrables de congés sur l'année civile 2011 ; qu'ils démontrent également que les congés annuels de Monsieur François X... étaient bien programmés par le CENTRE HOSPITALIER SAINT JOSEPH-SAINT LUC ; qu'ils tenaient compte de la continuité des soins et de la permanence des gardes ; que l'appelant est dès lors mal fondé à se prévaloir d'un sous-effectif ou de conditions de travail difficiles l'ayant empêché de bénéficier de ses congés, alors que le service avait été organisé pour qu'il puisse les prendre ; qu'il ne démontre pas davantage avoir demandé à bénéficier du solde de ses congés non pris, ni s'être heurté à une quelconque opposition de la part du CENTRE HOSPITALIER SAINT JOSEPH-SAINT LUC qui les lui aurait refusés, ou l'aurait seulement dissuadé de les prendre ; qu'en outre, le CENTRE HOSPITALIER SAINT JOSEPH-SAINT LUC justifie que Monsieur François X... a très largement utilisé le congé formation d'une durée maximale de 15 jours par an dont il bénéficiait, établissant ainsi qu'il avait la capacité de planifier l'ensemble des congés auxquels il avait droit ; qu'au demeurant sa qualité de chef de service lui conférait une autonomie certaine pour l'organisation de l'ensemble de son service et de la prise de congés de son personnel ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que le Conseil de prud'hommes a débouté Monsieur François X... de sa demande relative à l'indemnisation de ses congés payés ; que le jugement entrepris doit dès lors être confirmé ;
1°) ALORS QUE tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur ; qu'il appartient à celui-ci de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ; qu'en énonçant, pour refuser à Monsieur X... l'indemnisation des congés non pris, qu'il ne justifiait pas avoir été mis dans l'impossibilité de les prendre, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles L. 3141-12 et L. 3141-14 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur ; qu'il appartient à celui-ci de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ; qu'en se bornant, pour refuser à Monsieur X... l'indemnisation des congés non pris, à énoncer qu'il résultait des plannings que les congés annuels avaient été programmés, sans rechercher, comme elle y était invitée, si celui-ci avait effectivement été en mesure de les prendre aux dates prévues, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3141-12 et L. 3141-14 du Code du travail.