LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
M. Dylan X..., Mme Sandrine Y..., M. Christophe X..., tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur Dylan X..., civilement responsables ;
contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre spéciale des mineurs, en date du 17 juin 2014, qui, pour homicide et blessures involontaires aggravés, a condamné le premier à un an d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10novembre2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller FARRENQ-NÉSI, les observations de Me RICARD, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, Guillaume Z..., passager du véhicule appartenant à sa mère, Mme Z..., et assuré auprès de la société MAAF, est décédé le 23 juillet 2012 des suites d'un accident de la circulation occasionné, par le mineur Dylan X..., à qui il avait confié la conduite du véhicule ; que Dylan X... a été poursuivi notamment du chef d'homicide involontaire aggravé ; que le tribunal pour enfants, l'ayant déclaré coupable et tenu à réparation avec ses parents, civilement responsables, les a condamnés in solidum à verser aux consorts Z...- B..., parties civiles, diverses sommes en réparation de leur préjudice ; qu'appel a été interjeté par Dylan X... et ses parents, et par le ministère public ;
En cet état ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 385-1, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, violation de la loi, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a constaté que la société Carma assurances Carrefour est fondée à opposer l'exception de non-garantie résultant de l'intervention de l'assureur du véhicule s'agissant de l'indemnisation de M. et Mme Paul-Pierre Z..., de Mme Emeline Z... et de Mme Nicole B... ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 385-1 du code de procédure pénale, que " dans les cas prévus par les articles 388-1 et 388-2, l'exception fondée sur une cause de nullité ou sur une clause du contrat d'assurance et tendant à mettre l'assureur hors de cause est, à peine de forclusion, présentée par celui-ci avant toute défense au fond ; qu'elle n'est recevable que si elle est de nature à exonérer totalement l'assureur de son obligation de garantie à l'égard des tiers ; que la société Carma-assurances Carrefour fait valoir que le contrat d'assurance habitation souscrit le 2 décembre 2009 par M. X... comprend une garantie " responsabilité civile vie privée " aux termes de laquelle elle assure l'indemnisation des dommages corporels ou matériels causés par les personnes assurées à des tiers, lorsqu'ils sont consécutifs à ces termes du contrat sont apparents, clairs et précis ; qu'or, l'assureur du véhicule est déjà intervenu pour procéder à la réparation des préjudices subis par les consorts Z...- B..., puisque chacun des quatre membres de la famille qui s'est constitué partie civile a signé le 12 novembre 2013 un procès-verbal de transaction avec la société MAAF assurances, assureur du véhicule ; qu'il s'ensuit que la société Carma-assurances Carrefour est fondée à opposer cette exception de non-garantie ; qu'elle ne peut cependant être mise hors de cause dans la mesure où son intervention concerne également une autre partie civile, Mme C... en qualité de représentante légale de sa fille Camille C..., sur l'indemnisation de laquelle aucun élément n'est produit ;
" 1°) alors qu'aux termes de l'article 385-1 du code de procédure pénale, l'exception fondée sur une clause du contrat d'assurance et tendant à mettre l'assureur hors de cause n'est recevable que si elle est de nature à exonérer totalement l'assureur de son obligation de garantie à l'égard des tiers ; que la cour d'appel, qui retient, d'une part, que l'assureur est fondé à opposer aux consorts X... l'exception de subsidiarité stipulé au contrat d'assurances et, d'autre part, que son intervention concerne également une autre partie civile, Mme C... en qualité de représentante légale de sa fille Camille C..., sur l'indemnisation de laquelle aucun élément n'est produit, n'a pas, en déclarant fondée, donc recevable, l'exception de non-garantie opposée par l'assureur, tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et violé les textes visés au moyen ;
" 2°) alors qu'aux termes de l'article 385-1 du code de procédure pénale, l'exception fondée sur une clause du contrat d'assurance et tendant à mettre l'assureur hors de cause n'est recevable que si elle est de nature à exonérer totalement l'assureur de son obligation de garantie à l'égard des tiers ; que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'exception dont se prévalait l'assureur, et résidant dans la clause de subsidiarité stipulée au contrat d'assurance, était de nature à l'exonérer totalement de son obligation de garantie, ne pouvait recevoir ladite exception sans violer les textes susvisés " ;
Attendu que, pour dire que la société Carma-assurances Carrefour, assureur des parents du prévenu au titre de la responsabilité civile, est fondée à opposer l'exception de non-garantie résultant de l'intervention de l'assureur du véhicule s'agissant de l'indemnisation de M. et Mme Paul-Pierre Z..., de Mme Emeline Z... et de Mme Nicole B..., la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que l'exception de non-garantie soulevée par la société Carma-assurances Carrefour était de nature à l'exonérer uniquement à l'égard des consorts Z...- B..., en raison de la transaction signée par chacun d'eux avec l'assureur du véhicule impliqué, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil et 3 de la loi du 5 juillet 1985, du principe de la réparation intégrale du préjudice, des articles, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, violation de la loi, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal pour enfants de Châlons-en-Champagne du 17 décembre 2013, en ses dispositions civiles ;
" aux motifs que, sur l'action civile, la faute de la victime n'étant pas la cause exclusive de l'accident, le tribunal pour enfants a, à juste titre, déclaré Dylan X... responsable du préjudice subi par les consorts Z...- B... ; que M. et Mme Z... sollicitent réparation du préjudice personnel souffert par leur fils Guillaume au titre de la souffrance morale éprouvée avant son décès ; que, cependant les juges du second degré, saisis des seuls appels du ministère public, du prévenu et des civilement responsables, ne peuvent réformer au profit de la partie civile, non appelante et intimée, un jugement auquel elle a tacitement acquiescé ; que par suite, le jugement entrepris est confirmé s'agissant des indemnisations accordées ; que (¿), l'assureur du véhicule est déjà intervenu pour procéder à la réparation des préjudices subis par les consorts Z...- B..., puisque chacun des quatre membres de la famille qui s'est constitué partie civile a signé le 12 novembre 2013 un procès-verbal de transaction avec la société MAAF assurances, assureur du véhicule ;
" 1°) alors que la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; que les consorts X... faisaient valoir que les consorts Z...- B..., parties civiles, avaient été indemnisés par leur assureur et qu'il convenait donc de rejeter leur demande indemnitaire ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'indemnisation accordée par les premiers juges, ne faisait pas double emploi avec celle du préjudice faite par la MAAF assurances, assureur du véhicule accidenté des consorts Z...- B..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et du principe visés au moyen ;
" 2°) alors que la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'il ressortait des différents procès-verbaux de transaction du 12 novembre 2013, produits par la société Carma-assurances Carrefour, que les consorts Z...- B... avaient été indemnisé de leur préjudice d'affection résultant du décès de Gillaume Z... par la MAAF assurance ; que la cour d'appel, qui confirmait le jugement en ses dispositions civiles ayant condamné Dylan X... in solidum avec ses parents à payer aux consorts Z... différentes sommes en réparation de leur préjudice d'affection, a relevé que leur assureur était intervenu pour procéder à la réparation de leur préjudice, chacun des quatre membres de la famille qui s'est constitué partie civile ayant signé le 12 novembre 2013 un procès-verbal de transaction ; qu'en procédant ainsi à une double indemnisation du même préjudice, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe visés au moyen " ;
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité sans perte ni profit pour aucune des parties ;
Attendu que confirmant le jugement, l'arrêt, après avoir déclaré Dylan X... responsable du préjudice subi par les consorts Z...- B..., le condamne, in solidum avec ses parents, civilement responsables, à verser aux parties civiles des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d'affection ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il résulte de ses constatations que la société MAAF, assureur du véhicule, était déjà intervenu pour procéder à la réparation du préjudice subi par les consorts Z...- B..., puisque chacun des quatre membres de la famille avait signé le 12 novembre 2013 un procès-verbal de transaction avec cet assureur pour un montant au moins égal à l'évaluation de son préjudice par la juridiction, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 17 juin 2014, en ses seules dispositions condamnant Dylan X... et ses parents, civilement responsables, à payer aux consorts Z...- B... des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d'affection, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.