LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que saisi par la société ABS constructions Tahiti d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. X..., le tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire ; que M. X..., reprochant au tribunal de s'être irrégulièrement saisi d'office, a formé un appel-nullité contre le jugement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité du jugement et d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire alors, selon le moyen :
1°/ qu'aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats après l'ordonnance de clôture, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; que, dès lors, en retenant la compétence du tribunal mixte de commerce pour statuer sur l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de M. X..., cependant qu'il résultait des pièces de la procédure que les conclusions de la société ABS constructions aux fins de désistement de son appel formé contre le jugement rendu le 25 février 2013 étaient irrecevables comme ayant été notifiées et déposées le 7 juin 2013 au greffe du tribunal, après l'ordonnance de clôture en date du 25 mai 2013, la cour d'appel a méconnu l'article 68 du code de procédure civile de Polynésie française ;
2°/ que le tribunal qui ouvre une procédure de redressement judiciaire en lieu et place de la liquidation judiciaire demandée par le créancier poursuivant et dont il estime que les conditions ne sont pas remplies, se saisit d'office de cette première procédure ; que l'arrêt attaqué ayant constaté que le tribunal mixte de commerce avait été saisi par la société ABS constructions en vue de l'ouverture de la liquidation judiciaire de M. X... et que, estimant que les conditions n'étaient pas remplies pour ouvrir une telle procédure, et en l'absence même de demande en ce sens formée à titre subsidiaire dans l'acte introductif d'instance ou à l'audience en présence du débiteur ou de son représentant, le tribunal avait décidé d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. X..., la cour d'appel, dès lors, en jugeant, pour écarter comme non fondé le moyen de nullité de l'acte introductif d'instance et du jugement, que le tribunal ne s'était pas saisi d'office de l'ouverture d'une telle procédure, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'imposaient au regard de l'article 9 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990, ensemble l'article L. 621-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en Polynésie française ;
Mais attendu, d'une part, qu'il résulte des mentions de l'arrêt, qui font foi jusqu'à inscription de faux, que l'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 novembre 2013 et non le 25 mai 2013 ;
Attendu, d'autre part, que si le tribunal, saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, s'est nécessairement saisi d'office pour prononcer le redressement judiciaire, les juges du second degré avaient le pouvoir, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande initiale, dont la régularité n'était pas contestée, de la société ABS constructions Tahiti tendant au prononcé de la liquidation judiciaire de M. X... ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, est inopérant pour le surplus ;
Et sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur ce moyen, pris en sa sixième branche :
Vu les articles L. 622-1 et L. 621-7 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en Polynésie française ;
Attendu que le jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ne peut fixer une date de cessation des paiements antérieure de plus de dix-huit mois à celle de son prononcé ;
Attendu que l'arrêt, prononcé le 6 février 2014, fixe la date de cessation des paiements de M. X... au 1er janvier 2010 ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la date de cessation des paiements de M. X... au 1er janvier 2010, l'arrêt rendu le 6 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté l'état de cessation des paiements et l'absence d'activité de M. Serge X..., fixé la date de cessation des paiements au 1er janvier 2010, prononcé la liquidation judiciaire de M. Serge X..., et désigné M. Maurice Y... en qualité de liquidateur judiciaire et Poema Z... en qualité de juge commissaire ;
AUX MOTIFS QUE, comme fort justement décidé par le tribunal, la société ABS Constructions s'étant désistée de son appel formé contre le jugement rendu le 25 février 2013, il s'ensuit que le tribunal mixte de commerce était pleinement compétent pour trancher le litige afférent à l'ouverture éventuelle d'une procédure collective ; qu'il ne saurait être considéré, comme le soutient à tort l'appelant, que le tribunal se serait saisi d'office d'une demande de redressement judiciaire, qui n'était pas formée à titre subsidiaire, et que cette saisine d'office, qui s'est faite en violation des dispositions de l'article 9 de la délibération n° 90-36 A du 15 février 1990, devrait avoir pour conséquence l'annulation du jugement entrepris ; qu'en effet, le tribunal a été saisi par assignation du 8 septembre 2010 aux fins d'ouverture d'une procédure collective, en l'occurrence une procédure de liquidation judiciaire à la suite d'une créance impayée faisant suite à un arrêt définitif de la cour de ce siège en date du 26 novembre 2009 ; que les dispositions de l'article R.641-5 du code de commerce métropolitain selon lesquelles en cas de rejet de demande d'ouverture d'une procédure le tribunal peut se saisir d'office mais en faisant application de l'article R.631-3 du code de commerce, ne sont pas applicables en Polynésie française ; que si l'article 9 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990 reprend les dispositions de l'article R.641-5 précité du code métropolitain, encore faut-il qu'il y ait saisine d'office en matière spécifique de redressement judiciaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce car le tribunal était saisi d'une procédure collective, et, dans le cadre de cette saisine, conservait tout pouvoir d'appréciation sur l'opportunité de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, par ailleurs plus favorable au débiteur que la liquidation judiciaire, initialement demandée par le créancier poursuivant ; qu'il s'ensuit que le moyen de nullité du jugement entrepris soutenu par l'appelant, sera écarté ;
ALORS, D'UNE PART, QU' aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats après l'ordonnance de clôture, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; que, dès lors, en retenant la compétence du tribunal mixte de commerce pour statuer sur l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de M. X..., cependant qu'il résultait des pièces de la procédure que les conclusions de la société ABS Constructions aux fins de désistement de son appel formé contre le jugement rendu le 25 février 2013 étaient irrecevables comme ayant été notifiées et déposées le 7 juin 2013 au greffe du tribunal, après l'ordonnance de clôture en date du 25 mai 2013, la cour d'appel a méconnu l'article 68 du code de procédure civile de Polynésie française ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le tribunal qui ouvre une procédure de redressement judiciaire en lieu et place de la liquidation judiciaire demandée par le créancier poursuivant et dont il estime que les conditions ne sont pas remplies, se saisit d'office de cette première procédure ; que l'arrêt attaqué ayant constaté que le tribunal mixte de commerce avait été saisi par la société ABS Constructions en vue de l'ouverture de la liquidation judiciaire de M. X... et que, estimant que les conditions n'étaient pas remplies pour ouvrir une telle procédure, et en l'absence même de demande en ce sens formée à titre subsidiaire dans l'acte introductif d'instance ou à l'audience en présence du débiteur ou de son représentant, le tribunal avait décidé d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. X..., la cour d'appel, dès lors, en jugeant, pour écarter comme non fondé le moyen de nullité de l'acte introductif d'instance et du jugement, que le tribunal ne s'était pas saisi d'office de l'ouverture d'une telle procédure, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'imposaient au regard de l'article 9 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990, ensemble l'article L.621-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en Polynésie française.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté l'état de cessation des paiements et l'absence d'activité de M. Serge X..., fixé la date de cessation des paiements au 1er janvier 2010, prononcé la liquidation judiciaire de M. Serge X..., et désigné M. Maurice Y... en qualité de liquidateur judiciaire et Poema Z... en qualité de juge commissaire ;
AUX MOTIFS QUE c'est à juste titre, et par des motifs pertinents, exacts et suffisants exempts de toute erreur de droit, que la cour adopte, et qui seront ci-après reproduits, que les premiers juges ont considéré que les conditions d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de M. Serge X... étaient réunies ; qu'en effet : « En conséquence de l'arrêt définitif de la cour d'appel de Papeete en date du 26 novembre 2009 Serge X... est redevable envers la société ABS Constructions de la somme de 8.179.174 FCFP assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2004. Sur cette dette Serge X... n'a réglé jusqu'à ce jour que la somme de 4.500.000 FCFP malgré les nombreuses réclamations et voies d'exécution de son créancier. Il s'est contenté jusqu'à ce jour, d'une part, de faire des promesses de règlement non tenues dans l'attente d'une éventuelle indemnisation de la part de son assureur à la suite d'un sinistre commercial et, d'autre part, de contester le décompte des sommes réclamées. Ces tergiversations à visée dilatoire ne peuvent faire illusion. La preuve est rapportée par la société ABS Constructions, notamment au regard de l'échec des mises en demeure et voies d'exécution par elle diligentées, de ce que Serge X... est dans l'incapacité de faire face à son passif exigible et exigé depuis plusieurs années avec son actif disponible. Cet état de cessation des paiements est d'autant plus établi que Serge X... a arrêté volontairement son activité à compter du 4 avril 2012, soit postérieurement à l'introduction de la présente instance, qu'il ne justifie de l'existence d'aucun revenu et qu'il reconnaît sur le principe l'existence d'une créance résiduelle à sa charge sans effectuer le moindre versement depuis plusieurs années » ; que les créances déclarées au passif de M. Serge X... s'établissent actuellement, d'après le décompte de M. Y..., à la somme de 36.583.248 F CFP ; que tous les passifs sont anciens et leur analyse démontre que la date de cessation des paiements, fixée provisoirement par le tribunal mixte de commerce de Papeete au 1er janvier 2012 remonte, en fait, au 1er janvier 2010, date qui sera retenue par la cour ; qu'en effet c'est à compter de fin 2009, que M. Serge X... cessait de payer ses dettes fiscales, ses cotisations sociales, ses échéances bancaires mais aussi ses loyers de location-gérance ; que les possibilités de redressement de M. X..., qui n'est plus en activité, dont la cessation des paiements est avérée depuis la fin de l'année 2009, dont les créances déclarées à son passif s'élèvent à 36.583.248 F CFP, qui est soupçonné d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, sont inexistantes ; que, dans ce contexte, c'est à tort que le tribunal mixte de commerce a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire alors même qu'il était saisi d'une demande d'ouverture de liquidation judiciaire, dont les conditions étaient réunies ; qu'il s'ensuit que le jugement entrepris est en voie d'infirmation ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE les dettes formant le passif exigible devant être certaines, liquides et exigibles, ne sont pas prises en compte dans la détermination de l'état de cessation des paiements les créances litigieuses dont le sort définitif est lié à une instance pendante devant le juge du fond ; que M. X... ayant fait valoir dans ses conclusions d'appel (requête d'appel p. 13) que l'arrêt définitif de la cour d'appel de Papeete en date du 26 novembre 2009 le condamnant à payer à la société ABS Constructions la somme en principal de 8.179.174 F CFP était entaché d'une erreur de calcul et qu'une requête en rectification d'erreur matérielle avait été déposée le 4 avril 2013 devant la cour d'appel en vue de ramener la condamnation à la somme en principal de 6.346.129 F CFP, la cour d'appel, dès lors, en ne répondant pas à ce moyen des conclusions d'appel dont il s'induisait que le sort définitif de la créance de la société ABS Constructions étant subordonné à une instance pendante devant les juges du fond, elle ne présentait pas le caractère certain requis pour être incluse dans le passif exigible de M. X..., n'a pas satisfait les exigences de l'article 268 du code de procédure civile de Polynésie française ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU' il appartient au créancier qui engage une action tendant à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du débiteur de prouver le caractère déterminé et exigible de sa créance ; que, dès lors, en retenant que le débiteur n'avait réglé à ce jour que la somme de 4.500.000 F CFP malgré les nombreuses réclamations et voies d'exécution de la société ABS Constructions, sans répondre au moyen des conclusions d'appel de M. X... (requête d'appel p. 14) qui faisait valoir que la créance de la société ABS Constructions n'était pas déterminée, faute pour cette société de justifier des montants saisis par elle sur les comptes bancaires du débiteur, et ceux de son épouse, ouverts à la banque San Paolo, venant en déduction de la créance, la cour d'appel n'a pas satisfait les exigences de l'article 268 du code de procédure civile de Polynésie française ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE la cessation des paiements est distincte du refus de paiement et doit être prouvée par celui qui demande l'ouverture de la liquidation judiciaire ; que, pour prononcer la mise en liquidation judiciaire de M. X..., l'arrêt attaqué relève que celui-ci étant débiteur d'une créance résiduelle non réglée à la société ABS Constructions malgré les nombreuses réclamations et voies d'exécution mises en oeuvre par cette société, la preuve est ainsi rapportée de ce qu'il est dans l'incapacité de faire face à son passif exigible et exigé avec son actif disponible ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que M. X... se trouvait dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.622-1 du code de commerce dans sa rédaction applicable en Polynésie française ;
ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE les dettes formant le passif exigible doivent être certaines, liquides et exigibles ; que, dès lors, en se bornant à retenir que les créances déclarées au passif de M. X... s'établissaient, d'après le décompte de M. Y..., à la somme de 36.583.248 F CFP, sans cependant vérifier, comme l'y invitait M. X... dans ses conclusions d'appel (conclusions du 16 octobre 2013, pp. 9 et 10), si ces créances admises par le liquidateur présentaient le caractère certain, liquide et exigible requis pour être prises en considération dans le passif exigible du débiteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.622-1 du code de commerce dans sa rédaction applicable en Polynésie française ;
ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QUE la date de cessation des paiements est, en cas de liquidation judiciaire, fixée comme en matière de redressement judiciaire, au jour où le débiteur a été placé dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que, pour fixer au 1er janvier 2010 la date de la cessation des paiements de M. X..., l'arrêt attaqué retient que c'est à compter de la fin 2009 que ce dernier a cessé de payer ses dettes fiscales, ses cotisations sociales, ses échéances bancaires mais aussi ses loyers de location-gérance, et que les créances déclarées au passif de M. X... s'établissent actuellement, d'après le décompte du mandataire, à la somme de 36.583.248 F CFP ; qu'en se déterminant par ces motifs, impropres à caractériser l'état de cessation des paiements à la date retenue, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L.622-1 et L.621-7 du code de commerce dans leur rédaction applicable en Polynésie française ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU ENFIN, QUE la date légale de cessation des paiements ne peut être fixée plus de dix mois avant celle du jugement d'ouverture ; que le tribunal mixte de commerce ayant le 24 juin 2013 déclaré ouverte la procédure de redressement judiciaire et l'arrêt infirmatif attaqué prononçant l'ouverture de la liquidation judiciaire ayant été rendu le 6 février 2014, la cour d'appel, en fixant au 1er janvier 2010 la date de cessation des paiements de M. X..., a dès lors violé les articles L.622-1 et L.621-7 du code de commerce dans leur rédaction applicable en Polynésie française.