LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1332-4 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 21 juin 2010 par la société SPIE Sud-Est en qualité de directeur du service logement ; qu'il a été licencié pour faute grave le 20 octobre 2011 ;
Attendu que pour dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui verser diverses sommes, la cour d'appel retient que les fautes évoquées dans la lettre de licenciement étant connues de l'employeur bien avant le 6 août 2011 dès lors que le salarié avait 17 mois d'ancienneté dans le poste et que l'ensemble de ses collaborateurs attestent de ses manquements depuis sa prise de fonction, elles étaient prescrites ;
Qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si, comme le soutenait l'employeur, le salarié n'avait pas persisté dans ses agissements postérieurement à cette date, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société Spie Sud-Est.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur Roger X... n'était fondé ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la société Spie Sud Est à lui verser une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis outre des congés payés et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
AUX MOTIFS QUE la faute grave qui justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis est définie comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée dudit préavis ; que Monsieur Roger X... a été licencié par lettre recommandée avec avis de réception du 20 octobre 2011 pour cinq séries de griefs : - absence de réalisation du plan d'action 2011 défini en octobre 2010, - le manque de suivi opérationnel des chantiers, -le manque de suivi et une gestion financière insuffisante , -le mécontentement de différents clients, - sa conduite défaillante avec ses collaborateurs ; que conformément à l'article L.1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que selon les attestations versées aux débats par la SAS Spie Sud Est, Monsieur Roger X... avait un comportement de laisser-aller total aussi bien dans le suivi des chantiers que dans ses relations avec les clients et ses collaborateurs depuis sa prise de fonction ; que Monsieur Y... atteste notamment que Monsieur Roger X... n'était jamais au bureau et que l'on ne le voyait pas sur les chantiers, qu'il était obligé de signer les feuilles de pointage et de navette en ses lieux et place ; que Monsieur Z..., chef de chantier, atteste également que pendant la période d'environ un an où Monsieur Roger X... a eu en charge le service logements il n'est pas intervenu sur un chantier qui posait difficultés ; que Monsieur A... atteste quant à lui que durant l'année 2010-2011 il a dû affronter seul les problèmes techniques rencontrés sur un chantier du fait de l'absence et de l'injoignabilité de Monsieur X... ; que Monsieur B... confirme également que Monsieur Roger X... n'était pas souvent présent, que les monteurs ne le voyaient jamais sur les chantiers ; qu'il en est de même des attestations de Messieurs C... et D... ; que la SAS Spie Sud Est ne peut donc valablement soutenir qu'elle ne connaissait pas les manquements qu'elle invoque aujourd'hui à l'appui du licenciement et que ceux-ci auraient perduré ou se seraient révélés dans toute leur ampleur au-delà du 6 août 2011, dès lors que l'insuffisance de résultats reprochée est, selon l'employeur, la conséquence directe de l'insuffisance professionnelle de Monsieur Roger X..., de son manque d'implication et surtout de son comportement non conforme à ce que la SAS Spie Sud Est pouvait attendre de son nouveau responsable du secteur logements ; que Monsieur Roger X... a été licencié pour faute grave ; les faits invoqués dans la lettre de licenciement selon les documents fournis par l'employeur pour étayer et justifier la procédure disciplinaire engagée contre son salarié étaient parfaitement connus de la SAS Spie Sud Est bien avant le 6 août 2011, dès lors que Monsieur Roger X... avait 17 mois d'ancienneté à ce poste et que l'ensemble de ses collaborateurs attestent de ses manquements depuis le début de sa prise de fonction ; qu'il convient en conséquence de dire et juger que la procédure de licenciement pour faute grave engagée contre Monsieur Roger X... était donc prescrite au 6 août 2011 et que le licenciement qui s'en est suivi est un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
ALORS QUE, D'UNE PART, si, aux termes de l'article L. 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai ; qu'en l'espèce, pour dire prescrits les faits reprochés à Monsieur X..., la Cour retient, en substance, que depuis sa prise de fonctions, le salarié a toujours manqué à ses obligations tant dans ses relations avec les clients qu'avec ses collaborateurs de sorte que l'employeur ne peut prétendre ni l'avoir ignoré ni invoquer la persistance de ce comportement; qu'en statuant ainsi, la Cour viole l'article L.1332-4 du Code du travail ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et pour les mêmes motifs, en refusant ainsi de rechercher, comme l'y invitait pourtant l'employeur (cf. arrêt page 5 § 2) et comme l'avaient relevé les premiers juges, si le salarié n'avait pas persisté dans ses errements dans le délai de deux mois précédant l'engagement de la procédure, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L.1332-4 du Code du travail ;
ALORS QUE, DE TROISIÈME PART, et en supposant que tel soit le sens de la décision, dès lors qu'un salarié persiste dans ses agissements fautifs, l'employeur peut tenir compte de faits antérieurs qu'ils aient ou non déjà été sanctionnés ; qu'en l'espèce, pour dire prescrits les faits reprochés à Monsieur X..., la Cour retient en substance que dès lors que le salarié a manqué aux obligations découlant de son contrat de travail depuis son entrée en fonction, l'employeur ne peut « donc » valablement invoquer la persistance d'un comportement connu de longue date ; qu'en statuant ainsi, la Cour viole l'article L.1332-4 du Code du travail ;
ALORS QUE, DE QUATRIÈME PART, subsidiairement et en supposant que tel soit le sens de la décision, la Cour retient que l'employeur ne peut valablement soutenir que les manquements du salarié ont perduré dès lors que l'insuffisance de résultats est la conséquence directe du manquement du salarié à l'ensemble des obligations découlant de son contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L. 1332-4 du Code du travail, derechef violé ;
ET ALORS ENFIN QUE, et en toute hypothèse, le juge est tenu d'examiner, même sommairement, les pièces du dossier ; qu'en l'espèce, la société Spie Sud Est produisait des courriels adressés au cours du mois de septembre 2011 à Monsieur X... et à son supérieur hiérarchique par des clients excédés par les retards et défaillances du salarié ; qu'en s'abstenant de s'exprimer à cet égard si, comme l'avaient fait les premiers juges, à savoir que ces documents produits par l'employeur établissaient que le salarié avait continué à manquer à ses obligations envers la clientèle moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, la Cour méconnait les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.