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09/12/2015 | FRANCE | N°14-24526

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 décembre 2015, 14-24526


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles 101, 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige et l'avenant n° 83 du 24 avril 2006 à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtis

serie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles 101, 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige et l'avenant n° 83 du 24 avril 2006 à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé pour les salariés entrant dans le champ d'application de ce secteur ; qu'Ag2r prévoyance a été désignée aux termes de l'article 13 de cet avenant pour gérer ce régime et l'article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de l'avenant n° 83 de souscrire les garanties qu'il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l'accord a été étendu au plan national, par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; que la société Le Fournil Dunois ayant refusé de s'affilier au régime géré par Ag2r prévoyance, cette dernière a saisi un tribunal de grande instance pour obtenir paiement d'un rappel de cotisations ;
Attendu que pour débouter Ag2r prévoyance de ses prétentions, l'arrêt retient que l'interprétation de l'article 102 TFUE nécessite préalablement que soit reconnue à Ag2r la qualification d'entreprise qui comprend, dans le contexte du droit de la concurrence de l'Union, toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement, laquelle se définit comme une activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné ; que la finalité sociale du régime de protection complémentaire obligatoire pour tous les salariés d'un secteur économique n'est pas suffisante pour exclure la qualification d'activité économique, exclusion possible seulement si le régime concerné met en oeuvre le principe de solidarité et s'il est soumis au contrôle de l'Etat qui l'a instauré ; qu'Ag2r bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, n'établit pas qu'elle est soumise au contrôle de l'Etat, de sorte que le caractère économique de son activité doit être reconnu ; qu'Ag2r, en tant qu'entreprise exerçant une activité économique, se devait en conséquence d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques, parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services et de prévoyance qu'elle propose ; que faute de mise en concurrence, sa désignation ne respecte pas les prescriptions de l'article 106 du TFUE ;
Attendu cependant que la Cour de justice de l'Union européenne a décidé, par un arrêt du 3 mars 2011 (Ag2r prévoyance C437/09) que l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné à un seul opérateur, sans possibilité de dispense, était conforme à l'article 101 du TFUE ; qu'elle a jugé, par le même arrêt, que pour autant que l'activité consistant dans la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause devait être qualifiée d'économique, les articles 102 et 106 du TFUE ne s'opposaient pas, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; qu'enfin, il résulte des dispositions des articles 102 et 106 du traité qu'elles n'imposent pas aux partenaires sociaux de modalités particulières de désignation du gestionnaire d'un régime de prévoyance obligatoire ;
Qu'en statuant comme elle a fait, en subordonnant la validité de la clause de désignation à une mise en concurrence préalable par les partenaires sociaux de plusieurs opérateurs économiques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la société Le Fournil Dunois aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société AG2R prévoyance
Il est reproché à la cour d'appel :
D'AVOIR débouté AG2R Prévoyance de son action tendant à qu'il soit ordonné que la société le Fournil Dunois régularise son adhésion et à ce qu'elle soit condamnée à lui payer les cotisations de l'ensemble des salariés prévues à l'avenant numéro 83 du 24 avril 2006 et dues depuis le 1er janvier 2007 ;
AUX MOTIFS QUE « par décision du 13 juin 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la constitution l'article 912-1 du code de la sécurité sociale; que par décision du 18 octobre 2013, le Conseil constitutionnel a précisé que cette déclaration d'inconstitutionnalité prendra effet au 16 juin 2013 et qu'elle n'est pas applicable aux contrats pris sur le fondement de l'article 912-1 précité en cours à cette date; qu'il s'ensuit que le GIE AG2R est fondé à se prévaloir de l'article 912-1 puisque l'avenant nº 83 est antérieur au 16 juin 2013 ; que, par arrêt du 3 mars 2011, la Cour de justice de l'Union européenne, répondant à une question préjudicielle, a dit que l'organisation d'un dispositif d'affiliation obligatoire à un régime complémentaire de santé, tel que prévu à l'article 912-1 du code de la sécurité sociale, et l'avenant rendu obligatoire par les pouvoirs publics, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs d'un secteur déterminé, prévoyant l'affiliation à un organisme unique, désigné pour gérer un régime complémentaire de soins de santé, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur concerné d'être dispensées d'affiliation, sont conformes aux dispositions des articles 101 et 102 du TFUE ; que l'article 106 du TFUE dispose notamment que les états membres de l'Union européenne, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent des mesures contraires aux règles du traité et que les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général sont soumises aux règles de concurrence, dans la limite où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur est impartie ; que le GIE AG2R met en oeuvre un principe de solidarité dès lors de la nature des prestations servies ainsi que l'étendue de la couverture accordée ne sont pas proportionnelles au montant des cotisations et sont servies, dans certains cas, indépendamment du paiement des cotisations dues ; que l'avenant nº 83 reconnaît un rôle prépondérant aux partenaires sociaux dans la détermination et le réexamen des garanties collectives dont bénéficient les salariés, de sorte que le contrôle de l'Etat n'est pas établi; que l'activité confiée au GIE AG2R par l'avenant précité, à savoir la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé, revêt un caractère économique ; que les circonstances dans lesquelles le GIE AG2R a été désigné par l'avenant en qualité de gestionnaire du régime ne sont pas connues, alors que la gestion des garanties collectives complémentaires dont bénéficient les salariés et les activités de prévoyance peuvent être confiées non seulement à des institutions de prévoyance et de mutualisation mais également à des entreprises d'assurance et alors que la société Le Fournil rappelle qu'aucune autre entreprise que le GIE AG2R ne peut avoir accès au marché; que la déclaration commune des signataires de la convention collective nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie du 12 avril 2013 confirme que le choix unanime du GIE AG2R a été retenu sur la base des seules informations données par cette entreprise dont dépend la caisse de retraite ISICA, qui gère la retraite complémentaire des boulangers, le GIE considérant que cette situation serait avantageuse pour les salariés concernés ; que le principe de solidarité qui caractérise le fonctionnement du régime complémentaire géré par le GIE AG2R, mais également la nature économique de son activité, permettent de retenir que cette entreprise est investie d'une mission d'intérêt économique générale au sens de l'article 106 paragraphe du TFUE qui prévoit que de telles entreprises sont soumises aux règles de la concurrence, alors qu'il n'est pas démontré que ce GIE puisse se prévaloir de la limitation prévue par cet article pour le cas où l'application de ces règles feraient échec en droit ou en fait à I'accomplissement de la mission particulière qui lui a été impartie ; que le GIE AG2R, entreprise exerçant une activité économique, se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques, parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle se trouve en concurrence sur le marché des services et de prévoyance qu'elle propose ; que, faute de justifier de cette mise en concurrence, sa désignation ne respecte pas les prescriptions de l'article 106 du TFUE; que le GIE AG2R n'est donc pas fondé à demander l'adhésion forcée de la société Le Fournil ni sa condamnation à paiement d'arriéré de cotisations » ;
1°) ALORS QUE dans un arrêt du 3 mars 2011, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a décidé que les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'opposaient pas à ce que les pouvoirs publics investissent, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; que la Cour de justice a ainsi considéré que les clauses de désignation et de migration prévues par l'avenant numéro 83 litigieux ne méconnaissaient pas les articles 102 et 106 du TFUE ; qu'en jugeant néanmoins que la validité de ces clauses n'était pas acquise et dépendait du fait qu'AG2R Prévoyance ne soit pas une entreprise ou que l'application des règles de la concurrence fassent échec à l'accomplissement de sa mission, la cour d'appel a violé les articles 102 et 106 du TFUE ;
2°) ET ALORS QUE, en tout état de cause, aucun texte n'impose que la désignation d'un organisme de prévoyance complémentaire prévue par une convention collective soit soumise à une mise en concurrence préalable ; qu'il en va ainsi fut-ce dans l'hypothèse où l'organisme de prévoyance complémentaire est qualifié d'entreprise ; qu'en considérant toutefois, pour juger illicite la clause de désignation prévue par l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie pâtisserie, en date du 24 avril 2006, qu'AG2R Prévoyance se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle se trouve en concurrence sur le marché des services et de prévoyance qu'elle propose et qu'elle ne justifiait pas d'une telle mise en concurrence, la cour d'appel a violé les articles 18, 56, 102 et 106 du TFUE.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-24526
Date de la décision : 09/12/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 08 juillet 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 déc. 2015, pourvoi n°14-24526


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.24526
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