LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu le principe d'égalité de traitement, ensemble la délibération du 25 janvier 1995 du conseil d'administration de la Poste et la décision n° 717 du 4 mai 1995 du président du conseil d'administration de La Poste ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que les primes et indemnités perçues par les agents de droit public et les agents de droit privé et initialement regroupées au sein d'un complément indemnitaire ont été supprimées et incorporées dans un tout indivisible appelé complément poste constituant désormais de façon indissociable l'un des sous-ensembles de la rémunération de base de chaque catégorie de personnel ; que selon le second, la rémunération des agents de La Poste se compose désormais de deux éléments, d'une part, le traitement indiciaire pour les fonctionnaires ou le salaire de base pour les agents contractuels, lié au grade et rémunérant l'ancienneté et l'expérience, et d'autre part, le complément poste perçu par l'ensemble des agents, qui rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la direction générale de La Poste a décidé de regrouper l'ensemble des primes et indemnités versées à son personnel sous la forme d'un complément indemnitaire dit « complément poste » en 1993, pour les agents fonctionnaires, puis en 1995 pour les agents contractuels de droit privé, ce complément faisant partie intégrante de la rémunération de l'ensemble des agents de La Poste ; qu'un accord salarial conclu en 2001 prévoyait que « fin 2003 les compléments poste des agents contractuels de niveau I-2, I-3 et II-1 seront égaux aux montants des compléments poste des fonctionnaires de même niveau » ; que Mme X..., agent contractuel de droit privé occupant depuis le mois de septembre 2001 des fonctions de niveau 3.1, soutenant que La Poste n'avait pas respecté ses engagements, a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de rappels de salaire sur une période d'octobre 2004 à octobre 2009, en application du principe « à travail égal, salaire égal » ;
Attendu que pour rejeter ces demandes l'arrêt énonce que les fonctionnaires avec lesquels elle se compare, sont ceux qui, dans le cadre des restructurations opérées en 1993, 1994, 1995, ont renoncé aux primes dont ils étaient antérieurement bénéficiaires ; que Mme X... n'est pas dans une situation identique à la leur dans la mesure où elle n'était pas présente en 1993, 1994 et 1995, de sorte qu'elle n'a pas eu à renoncer à un système de primes et indemnités ; que son ancienneté plus faible et son parcours professionnel ne sont pas davantage comparables à ceux des fonctionnaires relevant du secteur haut des champs de normalité ; que le montant annuel du « complément poste » perçu par Mme X... conduit à la placer dans le secteur médian au regard du champ de normalité applicable aux fonctionnaires de niveau 2.3 ; que si des divergences de montant de « complément poste » peuvent exister entre fonctionnaires et salariés, mais également entre fonctionnaires eux-mêmes, ceci s'explique notamment à raison des primes et indemnités dont pouvaient bénéficier individuellement certains fonctionnaires présent, à raison de leur ancienneté, au moment de la création du « complément poste », lesquels ont alors vu leurs primes et indemnités être cristallisées pour être supprimées et remplacées par ce complément indemnitaire, permettant ainsi un maintien de leur rémunération pour compenser la perte des primes et indemnités ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants et en se référant à l'ancienneté respective des fonctionnaires et de la salariée qui exercent des fonctions au même niveau, alors que le complément poste étant appelé à rétribuer un niveau de fonction en tenant compte de la maîtrise personnelle du poste, seuls ces critères devaient être pris en considération, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société La Poste aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société La Poste à payer à Mme X... la somme de 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame X... épouse SI SALAH de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « le principe « à travail égal, salaire égal », notamment repris par les articles L. 3221-2 et suivants du code du travail, impose à tout employeur d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, une égalité de rémunération entre les salariés ; que cependant, ce principe ne prohibe pas toute différence, dès lors que l'employeur peut justifier une différence apparente de traitement au regard d'une identité de situation, notamment pour tenir compte de l'ancienneté, de l'expérience acquise ou de la réalisation de travaux supplémentaires ; qu'il appartient, en conséquence, à l'employeur de démontrer que les différences de traitement sont justifiées par des raisons objectives et pertinentes ; qu'il ressort des pièces produites que l'institution du complément poste a fait partie d'un processus général d'harmonisation de la gestion des agents relevant de statuts juridiques différents et percevant, de ce fait, des primes et des indemnités différentes ; que ces pièces révèlent, par ailleurs, que l'objet du complément poste a toujours été exclusivement défini, non par référence aux catégories juridiques, mais comme venant rétribuer le niveau de la fonction et la maîtrise du poste ; que, notamment, aux termes de l'accord salarial de 2001, il était « convenu que, fin 2003, les compléments poste des agents contractuels des niveaux I-2, I-3 et II-1 seraient égaux aux montants des compléments poste des fonctionnaires de même niveau » ; que la SA LA POSTE ne conteste pas que, malgré cet accord salarial, le complément poste perçu par des salariés de droit privé peut être inférieur à celui qui est perçu par des fonctionnaires de même niveau effectuant le même travail, mais affirme que la différence est toujours justifiée par le processus de restructuration du système de rémunération visant à le simplifier et à l'unifier par la suppression des primes et indemnités ; qu'elle explique que le montant supérieur du complément poste de certains fonctionnaires ne résulte que de la cristallisation de leurs primes individuelles auxquelles ils ont renoncé en 1994, cette cristallisation visant à sauvegarder leur situation dans la mesure où, les primes disparaissant, ils perdaient leurs avantages individuels et la rémunération qu'ils avaient acquis dans leurs fonctions antérieures ; que l'intimée, en dépit des protestations de principe énoncées oralement par son conseil lors de l'audience du 15 mai 2014, ne verse aux débats aucune pièce et ne fait valoir aucun moyen de droit ; qu'en première instance, il était simplement soutenu que, salariée de droit privé sa rémunération, au titre du "complément poste", était inférieure à celle perçue par les agents fonctionnaires se trouvant au même niveau de fonctions qu'elle et que dès lors, le principe " à travail égal, salaire égal" se trouvait enfreint; considérant que Madame Nicole X... réclame qu'il lui soit attribué le paiement d'un "complément poste" se situant à la borne supérieure du secteur haut des champs de normalité applicables aux fonctionnaires de niveau 3.1; que les fonctionnaires bénéficiant de la borne supérieure du secteur haut sont ceux qui: - dans le cadre des restructurations opérées en 1993, 1994, 1995, ont renoncé aux primes dont ils étaient antérieurement bénéficiaires, - ont une grande ancienneté favorisant la maîtrise du poste, - ont un parcours de carrière exemplaire, notamment sans appréciations défavorables de nature à bloquer ou à réduire leur "complément poste" ; que Madame Nicole X... n'est pas dans une situation identique à la leur dans la mesure où elle n'était pas présente en 1993, 1994 et 1995, de sorte qu'elle n'a pas eu à renoncer à un système de primes et indemnités; qu'en outre, son ancienneté plus faible et son parcours professionnel ne sont pas davantage comparables à ceux des fonctionnaires relevant. du secteur haut des champs de normalité ; qu'il convient également de préciser que de très nombreux fonctionnaires bénéficient d'un "complément poste" situé à la borne supérieure du secteur haut du champ de normalité; qu'au cas particulier, le montant annuel du "complément poste" perçu par Madame Nicole X... (2 032 euros en 2012 et 2 089 euros en 2013) conduit à la placer dans le secteur médian au regard du champ de normalité applicable aux fonctionnaires de niveau 2.3 ; qu'il est manifestement établi que le "complément poste" dont a bénéficié Madame Nicole X... est identique à celui d'un fonctionnaire occupant les mêmes fonctions et le même niveau de classification ; si des divergences de montant de "complément poste" peuvent exister entre fonctionnaires et salariés, mais également entre fonctionnaires eux-mêmes, ceci s'explique notamment à raison des primes et indemnités dont pouvaient bénéficier individuellement certains fonctionnaires présent, à raison de leur ancienneté, au moment de la création du "complément poste", lesquels ont alors vu leurs primes et indemnités être cristallisées pour être supprimées et remplacées par ce complément indemnitaire, permettant ainsi un maintien de leur rémunération pour compenser la perte des primes et indemnités ; cette occurrence est conforme aux principes définis par la Cour de cassation pour caractériser la raison objective et pertinente requise ; considérant en conséquence, que la société appelante justifie individuellement de la différence constatée entre le montant du "complément poste" de l'intimée et celui des fonctionnaires auxquels elle entendait se comparer; que la SA La Poste produit les référents utiles permettant le contrôle par le juge de la bonne application du principe "à travail égal, salaire égal"; considérant qu'il résulte de ce qui précède que les différences de montant du complément poste relevées par le salarié sont fondées sur des critères objectifs et pertinents (différences de fonction ou d'ancienneté) et que, dès lors, rien ne démontre que la SA LA POSTE né respecte pas le principe « à travail égal, salaire égal » ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré et de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes (¿) » (arrêt attaqué, pp. 3 à 5),
ALORS QUE 1°), si celui qui emploie à la fois des fonctionnaires et agents de droit public et des agents de droit privé est fondé à justifier une différence de rémunération entre ces catégories de personnels dont la rémunération de base et certains éléments sont calculés, en fonction pour les premiers, de règles de droit public et, pour les seconds, de dispositions conventionnelles de droit privé, il en va autrement s'agissant d'un complément de rémunération fixé, par décision de l'employeur applicable à l'ensemble du personnel sur le critère de la fonction ou du poste de travail occupé ; qu'il appartient à l'employeur d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la cour d'appel a relevé que LA POSTE ne contestait pas que, malgré l'accord salarial de 2001, le complément poste perçu par des salariés de droit privé pouvait être inférieur à celui qui était perçu par des fonctionnaires de même niveau effectuant le même travail, et qu'elle justifiait cette différence par le processus de restructuration du système de rémunération visant à le simplifier et à l'unifier par la suppression des primes et indemnités (arrêt p. 4) ; qu'il se déduisait de ces constatations que le complément POSTE versé était en réalité déterminé par référence aux catégories juridiques du personnel, et non comme venant rétribuer le niveau de la fonction et la maîtrise du poste ; qu'en décidant néanmoins que les différences de montant du complément POSTE étaient fondées sur des critères objectifs et pertinents, et que rien ne démontrait que LA POSTE ne respectait pas le principe « à travail égal, salaire égal », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le principe « à travail égal, salaire égal », ensemble les articles L. 3221-2, L. 2261-22 II 4° et L. 2271-1 8° du code du travail,
ALORS QUE 2°), si celui qui emploie à la fois des fonctionnaires et agents de droit public et des agents de droit privé est fondé à justifier une différence de rémunération entre ces catégories de personnels dont la rémunération de base et certains éléments sont calculés, en fonction pour les premiers, de règles de droit public et, pour les seconds, de dispositions conventionnelles de droit privé, il en va autrement s'agissant d'un complément de rémunération fixé, par décision de l'employeur applicable à l'ensemble du personnel sur le critère de la fonction ou du poste de travail occupé ; que le complément poste rétribue, aux termes de la décision n° 717 du 4 mai 1996 de LA POSTE, le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste ; qu'il est conçu pour s'ajouter au traitement indiciaire pour les fonctionnaires, ou au salaire de base pour les agents contractuels, dans lequel sont compris l'ancienneté, l'historique de carrière et l'expérience ; que, pour être pertinente, la justification de la disparité existant entre le montant du complément poste attribué à Madame X... et celui d'un fonctionnaire ne pouvait être fondée sur un critère tenant à l'ancienneté, ni à l'historique de carrière ; qu'en affirmant néanmoins que la différence d'ancienneté séparant Madame X... et d'autres fonctionnaires, et le fait qu'elle n'avait pas été présente dans l'entreprise en 1993, 1994 et 1995 et qu'elle n'avait donc pas eu à renoncer à un « système de primes et indemnités » dont les fonctionnaires avait bénéficié, justifiaient les disparités de situations constatées, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants tenant à l'ancienneté ou l'historique de carrière des salariés, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal », ensemble des articles L. 3221-2, L. 2261-22 II 4° et L. 2271-1 8° du code du travail, et de la décision n° 717 du 4 mai 1995 de LA POSTE,
ALORS QUE 3°), si celui qui emploie à la fois des fonctionnaires et agents de droit public et des agents de droit privé est fondé à justifier une différence de rémunération entre ces catégories de personnels dont la rémunération de base et certains éléments sont calculés, en fonction pour les premiers, de règles de droit public et, pour les seconds, de dispositions conventionnelles de droit privé, il en va autrement s'agissant d'un complément de rémunération fixé, par décision de l'employeur applicable à l'ensemble du personnel sur le critère de la fonction ou du poste de travail occupé ; qu'il appartient à l'employeur d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que, pour décider que les disparités de montants du « complément poste » constatées par la salariée étaient fondées sur des critères objectifs et pertinents, la cour d'appel énonce que « LA POSTE produit les référents utiles permettant le contrôle par le juge de la bonne application du principe "à travail égal, salaire égal" » ; qu'en statuant par cette seule affirmation, sans faire apparaître en quoi ces « référents utiles » auraient établi que les disparités constatées étaient dues à des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, et a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal », ensemble les articles L. 3221-2, L. 2261-22 II 4° et L. 2271-1 8° du code du travail.