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09/12/2015 | FRANCE | N°14-18341;14-18342

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 décembre 2015, 14-18341 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° A 14-18.341 et B 14-18.342 ;
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 3 avril 2014), statuant en matière de référé, que Mmes X... et Y... ont été engagées en qualité d'agent d'accueil le 7 octobre 2008 par la société ASP, titulaire d'un marché public de prestations de sécurité incendie et de sécurité anti-malveillance incluant des missions d'accueil physique et téléphonique assurées par lesdites salariée

s pour le compte de l'hôpital Bretonneau ; qu'à l'expiration de ce marché, les pres...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° A 14-18.341 et B 14-18.342 ;
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 3 avril 2014), statuant en matière de référé, que Mmes X... et Y... ont été engagées en qualité d'agent d'accueil le 7 octobre 2008 par la société ASP, titulaire d'un marché public de prestations de sécurité incendie et de sécurité anti-malveillance incluant des missions d'accueil physique et téléphonique assurées par lesdites salariées pour le compte de l'hôpital Bretonneau ; qu'à l'expiration de ce marché, les prestations d'accueil ont fait l'objet d'un appel d'offre et le marché a été attribué à la société Axcess ; que les intéressées ont manifesté par écrit leur souhait de conserver leur poste d'agent d'accueil à la société Axcess qui a refusé de reprendre leur contrat de travail ;
Attendu que la société Axcess fait grief aux arrêts de lui ordonner de reprendre, dès la notification de l'ordonnance les contrats de travail de Mmes Y... et X... à effet du 1er décembre 2012 et de leur remettre un planning de travail en respectant un délai de prévenance de sept jours ainsi que leurs bulletins de salaire des mois de décembre 2012, janvier et février 2013, le tout sous astreinte provisoire et de la condamner à payer aux salariées diverses sommes provisionnelles à titre de salaires, prime d'ancienneté, prime d'habillage/déshabillage et de prime de risque, alors, selon le moyen :
1°/ que le transfert du contrat de travail à un nouvel employeur en dehors du cadre légal de l'article L. 1224-1 du code du travail suppose l'accord des parties ; que la circonstance que les documents réglementaires et techniques afférents au marché exigeaient du nouveau prestataire une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail est insuffisante à elle seule à faire peser sur l'adjudicataire du marché l'obligation d'appliquer ce texte, s'il ne l'a pas expressément accepté ; que la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1224-1 du code du travail ;
2°/ que dans son « cadre de réponse technique », la société Axcess, loin d'accepter une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail, soulignait qu'« en tant que prestataire de service, elle n'est pas soumise aux obligations de reprise du personnel » et n'acceptait une telle reprise que « sous contrat Axcess », « négociation sur les conditions salariales de reprise », « signature du contrat de travail entre Axcess et l'hôtesse (après démission de celle-ci) aux conditions habituellement pratiquées chez Axcess » ; que l'ensemble de ces énonciations était exclusif d'une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en refusant d'y voir un refus d'application volontaire du texte, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que selon l'article 28 du code des marchés publics, le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre ; que cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les conditions de reprise des personnels telles qu'elles avaient été initialement fixées par les documents afférents au marché, n'avaient pas fait l'objet d'un aménagement par le centre hospitalier de Bretonneau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
4°/ que seuls les salariés qui sont affectés à l'activité transférée passent au service du nouvel employeur ; que la société Axcess faisait valoir que Mmes X... et Y... exerçaient des fonctions d'agent de sécurité, qu'elles étaient titulaires d'une carte professionnelle d'agent de sécurité délivrée à leur demande par la préfecture de police de Paris le 1er juillet 2009, et qu'elles ne pouvaient en aucun cas soutenir qu'elles exerçaient une simple fonction d'hôtesse d'accueil ; qu'en ordonnant à la société Axcess de reprendre totalement leur contrat de travail, sans vérifier, comme elle y était invitée, si les salariées étaient essentiellement affectées au service d'accueil physique et téléphonique du public de l'hôpital, seul repris par la société Axcess, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé, appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans dénaturation, que les documents réglementaires et techniques afférents au marché exigeaient pour les salariés choisissant de passer au service du prestataire entrant une poursuite de leur contrat de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, que la société Axcess avait dans son offre prévu le principe d'une reprise de personnel d'hôtesses d'accueil et que les intéressées avaient manifesté leur volonté de conserver leur poste d'agent d'accueil attaché au marché faisant l'objet d'un changement de prestataire, a pu en déduire qu'il avait été ainsi convenu d'une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Axcess aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Axcess et condamne celle-ci à payer à Mmes X... et Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen commun produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Axcess, demanderesse aux pourvois n° A 14-18.341 et B 14-18.342
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné à la société Axcess de reprendre, dès la notification de l'ordonnance du conseil de prud'hommes, le contrat de travail de Madame X... à effet du 1er décembre 2012 et de lui remettre un planning de travail en respectant un délai de prévenance de 7 jours ainsi que ses bulletins de salaire des mois de décembre 2012, janvier et février 2013, le tout sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, et d'avoir condamné la société Axcess à payer à Madame X... diverses sommes provisionnelles à titre de salaires, prime d'ancienneté, prime d'habillage/déshabillage, et de prime de risque ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces versées aux débats que dans le cadre de l'appel d'offres relatif au marché de « prestations d'accueil physique et téléphonique pour le compte de l'hôpital Bretonneau », il a été expressément demandé aux soumissionnaires d'accepter une application volontaire des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail ; que c'est ainsi que le règlement de la consultation précise en son article 1.8 : « il est demandé au titre de la consultation que les parties se soumettent volontairement aux dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail. Ainsi, en cas de changement de prestataire, les salariés peuvent choisir de passer au service du prestataire entrant, en application de l'article du code précédemment cité » ; que l'article 9 dudit règlement rappelle en particulier que la participation à la mise en concurrence place le soumissionnaire dans une situation légale et réglementaire résultant du droit de la commande publique, qu'elle implique l'acceptation de ce règlement dans son intégralité et que celui-ci a valeur réglementaire, s'impose aux opérateurs économiques qui répondent à la consultation et revêt un caractère obligatoire dans toutes ses mentions qui sont d'application stricte ; que l'article 20.2 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) prévoit « les parties conviennent de se soumettre volontairement aux dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail. Aussi, en cas de changement de prestataire, les salariés peuvent choisir de passer au service du prestataire entrant, en application de l'article L.1224-1 du code du travail. Le cas échéant, le salarié qui opte pour l'application du texte, passe au service du prestataire entrant, nouvel employeur, qui doit le reprendre avec sa qualification et son ancienneté, sous peine d'engager sa responsabilité (...). Le prestataire entrant doit, en application de l'article L.1224-1 du code du travail, poursuivre le contrat initial qui se maintient aux mêmes conditions, et peut éventuellement lui apporter des aménagements qui obéissent aux principes qui permettent de distinguer le changement des conditions de travail de la modification du contrat. En revanche, le nouvel employeur ne peut utiliser son pouvoir de modification pour faire échec à l'application de l'article précité, mais peut procéder à une novation du contrat, lorsque le salarié s'oblige en connaissance de cause. Les renseignements relatifs à la reprise du personnel sont indiqués à l'annexe 2 du présent CCP » ; que l'annexe n° 2 du CCP fournissait enfin des renseignements précis relatifs aux deux hôtesses reprises, dont Madame X..., en indiquant leur ancienneté, leur qualification, leur statut, le nombre d'heures par mois (151,67), leur rémunération, leurs primes, le taux horaire, et la convention collective dont elles relèvent ; que dès lors que les documents réglementaires et techniques afférents au marché considéré exigeaient une application volontaire des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, les développements de la société Axcess relatifs à l'absence des conditions d'un transfert légal ou d'un transfert conventionnel son sans emport ; que par ailleurs et contrairement à son argumentation, il ne ressort pas des pièces communiquées que la société Axcess ait déposé une offre au terme de laquelle elle indiquerait ne pas reprendre le personnel en place ; qu'en effet, le document constituant sa pièce n° 3 relève seulement qu'elle proposait un nombre d'heures de 125,50 par mois au lieu de 151,67 pour les deux hôtesses de l'équipe de semaine ; que dans le document intitulé « cadre de réponse technique » constituant sa pièce n° 4, la société Axcess avait au contraire écrit : « dans le cadre du présent marché, si les responsables de l'hôpital et le personnel en place le désirent, nous mettrons en place notre procédure de reprise du personnel afin que les hôtesses d'accueil déjà présentes puissent conserver leur poste, si elles le souhaitent, sous contrat Axcess » ; qu'enfin, il n'est pas contesté que Madame X... avait clairement exprimé son souhait de conserver son poste d'agent d'accueil à l'hôpital Bretonneau et de voir son contrat de travail repris par la société Axcess ; qu'il s'ensuit que c'est pertinemment que le premier juge a décidé que le refus de la société Axcess, qui avait soumissionné en pleine connaissance de cause, de reprendre le contrat de travail de Madame X... à compter du 1er décembre 2012 dans le cadre d'une application volontaire des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail était constitutif d'un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE dans son article 1.8, le règlement de la consultation précise clairement qu'il est demandé que les parties se soumettent volontairement aux dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail ; que l'article 9 de ce règlement stipule que la participation à la mise en concurrence place le soumissionnaire dans une situation légale et réglementaire résultant du droit de la commande publique, qu'elle implique l'acceptation du présent règlement dans son intégralité qui a valeur réglementaire et s'impose aux opérateurs économiques qui répondent à la consultation, que le règlement est obligatoire dans toutes ses mentions et que ces dernières sont d'interprétation stricte ; que le CCP prévoit que le marché est conclu à compter du 1er décembre 2012 pour une durée d'un an reconductible tacitement dans la limite de trois fois ; que le CCTP contient un article 20.2 rappelant que les parties se soumettent volontairement aux dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, que le salarié qui opte pour l'application du texte passe au service du prestataire entrant, nouvel employeur, qui doit le reprendre avec sa qualification et son ancienneté, sous peine d'engager sa responsabilité, que le prestataire entrant doit, en application de l'article L.1224-1 du code du travail, poursuivre le contrat initial, qui se maintient aux mêmes conditions et peut éventuellement lui apporter des aménagements qui obéissent aux principes qui permettent de distinguer le changement des conditions de travail de la modification du contrat et qu'en revanche, le nouvel employeur ne peut utiliser son pouvoir de modification pour faire échec à l'application de l'article précité mais qu'il peut procéder à une novation du contrat lorsque le salarié s'oblige en connaissance de cause ; que Madame X... a exprimé par écrit et sans ambiguité son souhait de conserver son poste d'agent d'accueil à l'hôpital Bretonneau et de voir son contrat de travail repris par la société Axcess ; qu'il découle de ces éléments que la société Axcess, qui a obtenu le marché après avoir soumissionné en connaissance de cause, ne peut valablement soutenir, comme elle le fait par des moyens totalement inopérants, que l'article L.1224-1 du code du travail n'est pas applicable par l'effet de sa soumission volontaire à ses dispositions ;
1. ALORS QUE le transfert du contrat de travail à un nouvel employeur en dehors du cadre légal de l'article L.1224-1 du code du travail suppose l'accord des parties ; que la circonstance que les documents réglementaires et techniques afférents au marché exigeaient du nouveau prestataire une application volontaire de l'article L.1224-1 du code du travail est insuffisante à elle seule à faire peser sur l'adjudicataire du marché l'obligation d'appliquer ce texte, s'il ne l'a pas expressément accepté ; que la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L.1224-1 du code du travail ;
2. ALORS QUE dans son « cadre de réponse technique », la société Axcess, loin d'accepter une application volontaire de l'article L.1224-1 du code du travail, soulignait qu'« en tant que prestataire de service, elle n'est pas soumise aux obligations de reprise du personnel » et n'acceptait une telle reprise que « sous contrat Axcess », « négociation sur les conditions salariales de reprise », « signature du contrat de travail entre Axcess et l'hôtesse (après démission de celle-ci) aux conditions habituellement pratiquées chez Axcess » ; que l'ensemble de ces énonciations était exclusif d'une application volontaire de l'article L.1224-1 du code du travail ; qu'en refusant d'y voir un refus d'application volontaire du texte, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé l'article 1134 du code civil ;
3. ALORS QUE selon l'article 28 du code des marchés publics, le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre ; que cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les conditions de reprise des personnels telles qu'elles avaient été initialement fixées par les documents afférents au marché, n'avaient pas fait l'objet d'un aménagement par le centre hospitalier de Bretonneau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
4. ALORS QUE seuls les salariés qui sont affectés à l'activité transférée passent au service du nouvel employeur ; que la société Axcess faisait valoir que Madame X... exerçait des fonctions d'agent de sécurité, qu'elle était titulaire d'une carte professionnelle d'agent de sécurité délivrée à sa demande par la préfecture de police de Paris le 1er juillet 2009, et qu'elle ne pouvait en aucun cas soutenir qu'elle exerçait une simple fonction d'hôtesse d'accueil ; qu'en ordonnant à la société Axcess de reprendre totalement le contrat de travail de Madame X..., sans vérifier, comme elle y était invitée, si la salariée était essentiellement affectée au service d'accueil physique et téléphonique du public de l'hôpital, seul repris par la société Axcess, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-18341;14-18342
Date de la décision : 09/12/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 déc. 2015, pourvoi n°14-18341;14-18342


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.18341
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