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08/12/2015 | FRANCE | N°14-24834

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 décembre 2015, 14-24834


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le directeur général des douanes et droits indirects et le directeur des douanes et droits indirects d'Ajaccio que sur le pourvoi incident relevé par la société Electricité de France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Electricité de France (la société) a demandé à la direction régionale des douanes et droits indirects de Corse, le 23 décembre 2009, le remboursement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers afférente au fiou

l ayant alimenté en combustible ses centrales thermiques, entre les 1er janvie...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le directeur général des douanes et droits indirects et le directeur des douanes et droits indirects d'Ajaccio que sur le pourvoi incident relevé par la société Electricité de France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Electricité de France (la société) a demandé à la direction régionale des douanes et droits indirects de Corse, le 23 décembre 2009, le remboursement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers afférente au fioul ayant alimenté en combustible ses centrales thermiques, entre les 1er janvier 2008 et 23 février 2009 ; que cette réclamation n'ayant été que partiellement accueillie, elle a saisi le tribunal d'instance afin d'obtenir le remboursement du reliquat, outre le paiement d'intérêts sur la totalité des sommes acquittées par elle ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que le directeur général des douanes et droits indirects et le directeur des douanes et droits indirects d'Ajaccio font grief à l'arrêt d'ordonner le paiement des intérêts au taux légal à compter de chaque perception de taxe alors, selon le moyen, que l'administration est de bonne foi dès lors qu'elle accepte d'accorder rétroactivement une exonération à compter du moment où le bénéficiaire de cette exonération en forme la demande et justifie en remplir les conditions ; qu'en considérant que l'administration aurait été de mauvaise foi en percevant la taxe intérieure sur les produits pétroliers à raison de produits énergétiques utilisés par la société pour produire de l'électricité entre le 1er janvier 2008 et le 23 février 2009 aux motifs qu'elle aurait su qu'une telle perception était contraire au droit communautaire depuis l'arrêt en manquement prononcé contre la France le 27 mars 2007 pour défaut de transposition de la directive n° 2003/96/CE du Conseil du 27 novembre 2003 (en réalité 27 octobre 2003) et que la loi de transposition de cette directive du 25 décembre 2007 ayant voté l'exonération de la taxe était applicable à compter du 1er janvier 2008, sans rechercher si l'administration n'avait pas accepté d'accorder l'exonération à la société, dès le moment où elle avait sollicité le remboursement de la taxe et avait fourni les justificatifs lui permettant d'en être exonérée à compter du 1er janvier 2008, ce qui n'était survenu qu'à partir du 23 décembre 2009, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1378 du code civil et 265 bis du code des douanes ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'administration des douanes a perçu, entre le 1er janvier 2008 et le 23 février 2009, une taxe dont elle ne pouvait ignorer, depuis l'arrêt en manquement prononcé contre la France par la Cour de justice des Communautés européennes le 27 mars 2007 pour défaut de transposition de la directive n° 2003/96/CE, qu'elle était contraire au droit communautaire sur la taxation de l'énergie et que l'exonération de cette taxe avait été votée par une loi du 25 décembre 2007, applicable à compter du 1er janvier 2008 ; que, de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire qu'en continuant de percevoir la taxe litigieuse après cette dernière date, l'administration des douanes avait fait preuve de mauvaise foi au sens de l'article 1378 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de remboursement de la somme de 82 327 euros, l'arrêt retient que cette prétention n'est pas justifiée, aucune déclaration d'importation ne s'y rattachant ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le bordereau de communication de pièces, annexé aux conclusions régulièrement produites en appel par la société, mentionnait deux déclarations en douane, référencées « AH1 n° 510574 et PPE n° 512055 pour 82 327 euros (fioul lourd) et AH1 n° 979974 et PPE n° 978884 pour 128 233 euros (gasoil) », auxquelles se référaient les conclusions, la cour d'appel a dénaturé ce bordereau par omission et a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
Et, sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de remboursement de la somme de 82 327 euros présentée par la société Electricité de France, l'arrêt rendu le 9 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne le directeur général des douanes et droits indirects et le directeur des douanes et droits indirects d'Ajaccio aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Electricité de France ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects et la direction générale des douanes et droits indirects d'Ajaccio.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné le paiement des intérêts au taux légal à compter du jour de chaque perception des taxes par l'administration des douanes et jusqu'à la date de remboursement effectif à la société EDF, soit jusqu'au 29 septembre 2010 pour la somme de 4.084.037 euros et jusqu'à l'exécution de la condamnation prononcée pour la somme de 126.293 euros et d'AVOIR dit que les intérêts seraient capitalisés à compter du 30 décembre 2010 ;
AUX MOTIFS QUE, sur les intérêts, il convient de relever que pour solliciter la fixation de leur point de départ au jour de chaque perception de taxe, la société EDF ne se fonde plus, devant la Cour, sur l'application de l'article L.208 du Livre des procédures fiscales invoquée devant le premier juge, l'appelante ne se prévalant en appel que des dispositions de l'article 1378 du Code civil ; que la Cour ne peut dès lors que constater que le fondement juridique initialement invoqué a été abandonné et, dans la mesure où ce moyen n'est pas d'ordre public, elle se prononcera sur la demande en examinant uniquement le second fondement ; qu'en application des dispositions combinées des articles 1153 et 1378 du Code civil, celui qui doit restitution d'une somme indûment perçue doit les intérêts du jour de la demande s'il était de bonne foi et du jour du paiement s'il était de mauvaise foi ; qu'en l'espèce, l'administration des douanes a perçu, entre le 1er janvier 2008 et le 23 février 2009 une taxe dont elle ne pouvait ignorer, depuis l'arrêt en manquement prononcé contre la France par la Cour de justice des communautés européennes le 27 mars 2007 pour défaut de transposition de la directive n° 2003/96/CE, qu'elle était contraire au droit communautaire sur la taxation de l'énergie ; qu'en outre, l'exonération de cette taxe avait été votée par une loi du 25 décembre 2007 applicable à compter du 1er janvier 2008 ; qu'en continuant de percevoir, dans ces conditions, la taxe litigieuse après cette date, l'administration a fait preuve de mauvaise foi au sens de l'article 1378 du Code civil, le temps pris par le pouvoir réglementaire pour mettre en oeuvre les modalités pratiques de l'exonération ne pouvant constituer une excuse légitime face à la clarté tant de la norme communautaire que de la loi française ; que par suite, l'administration doit les intérêts à compter de chaque perception indue ; que par une disposition infirmative du jugement déféré, il convient d'ordonner le paiement des intérêts au taux légal à compter du jour de chaque perception des taxes par l'administration jusqu'à la date de remboursement effectif à la société EDF, soit jusqu'au 29 septembre 2010 pour la somme de 4.084.037 euros et jusqu'à exécution de la condamnation prononcée par le présent arrêt pour la somme de 126.293 euros ; que dans la mesure où les intérêts afférents à ces sommes étaient dus depuis une année entière au 30 décembre 2010, date de l'assignation, leur capitalisation doit être ordonnée à compter de cette date, en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil ;
ALORS QUE l'administration est de bonne foi dès lors qu'elle accepte d'accorder rétroactivement une exonération à compter du moment où le bénéficiaire de cette exonération en forme la demande et justifie en remplir les conditions ; qu'en considérant que l'administration des douanes aurait été de mauvaise foi en percevant la taxe intérieure sur les produits pétroliers à raison de produits énergétiques utilisés par la société EDF pour produire de l'électricité entre le 1er janvier 2008 et le 23 février 2009 aux motifs qu'elle aurait su qu'une telle perception était contraire au droit communautaire depuis l'arrêt en manquement prononcé contre la France le 27 mars 2007 pour défaut de transposition de la directive n° 2003/96/CE du Conseil du 27 novembre 2003 et que la loi de transposition de cette directive du 25 décembre 2007 ayant voté l'exonération de la taxe était applicable à compter du 1er janvier 2008, sans rechercher si l'administration des douanes n'avait pas accepté d'accorder l'exonération à la société EDF, dès le moment où elle avait sollicité le remboursement de la taxe et avait fourni les justificatifs lui permettant d'en être exonérée à compter du 1er janvier 2008, ce qui n'était survenu qu'à partir du 23 décembre 2009, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1378 du Code civil et 265 bis du Code des douanes.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société Electricité de France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société ELECTRICITE DE FRANCE de sa demande de remboursement de la somme de 82.327 euros de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers ;
Aux motifs que « quant à l'autre partie du reliquat réclamé, soit la somme de 84.267 euros (210.560 ¿ 126.293), c'est à partir d'une analyse exacte des pièces produites aux débats que le premier juge a considéré que cette prétention n'était pas justifiée, aucune déclaration d'importation ne se rattachant à cette prétention qui doit être dès lors rejetée » ;
Alors que le juge du fond ne peut, pour se prononcer donner à un écrit une signification contraire à son sens clair ; que dans ses conclusions (page 10) déposées devant la Cour d'appel, la société ELECTRICITE DE FRANCE demandait le remboursement d'un paiement indu de taxe intérieure sur les produits pétroliers d'un montant de 82.327 euros dans les termes suivants : « la comparaison fait ressortir que les déclarations douanières suivantes enregistrées à la recette des douanes d'Ajaccio, n'ont toujours pas été remboursées à EDF : AH1 n°510574 et PPE n°512055 pour 82.327 euros (fioul lourd) et AH1 n°979 974 et PPE n°978884 pour 128.233 euros (gasoil), copie de ces deux déclarations sont fournies en pièce jointe (pièce n°19) » ; que la société ELECTRICITE DE FRANCE produisait la copie des déclarations AH1 n°510574 et PPE n°512055 pour 82.327 euros (fioul lourd) et AH1 n°979074 et PPE n°978884 pour 128.233 euros (Gazole) en pièce n°19 ; que les déclarations n°510574 et PPE n°512055 mentionnent clairement et de manière concordante le montant de 82.327 euros dans la case « TIPP » ; que ces mêmes déclarations sont, en outre, revêtues des cachets des douanes françaises d'Ajaccio, auxquelles les taxes figurant sur ces déclarations ont été acquittées, ce qui démontre qu'elles ont été validées par les douanes ; que pour justifier le rejet du remboursement de l'autre partie du reliquat réclamé, soit la somme de 84.267 euros, la Cour d'appel s'est fondée sur l'absence de déclaration d'importation afférente à cette prétention ; qu 'en réalité, le reliquat, d'un montant de 82.327 euros correspond exactement au montant de la taxe intérieure sur les produits pétroliers acquittée au titre de la déclaration PPE n°512 055 et de la déclaration AH1 n°510 574 qui ont été produites aux débats ; qu 'en rejetant la prétention de la société ELECTRICITE DE FRANCE quant à ce reliquat, la Cour d'appel a dénaturé la déclaration AH1 n°510574 et PPE n°512055 et les conclusions de la société ELECTRICITE DE FRANCE, de sorte qu'elle a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-24834
Date de la décision : 08/12/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 09 juillet 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 déc. 2015, pourvoi n°14-24834


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.24834
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