LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1165 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 février 2014), que Mme X..., propriétaire de parcelles contiguës à celles appartenant à M. Y..., a assigné ce dernier en négation d'une servitude de passage sur son fonds ;
Attendu que, pour dire que le fonds de M. Y... dispose d'un droit de passage conventionnel sur celui de Mme X..., l'arrêt retient que l'acte du 28 août 1937 par lequel l'auteur de M. Y... avait acquis sa propriété était constitutif d'une telle servitude ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que l'auteur de Mme X... était partie à cet acte, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les parcelles situées sur la commune de Bilieu (Isère) lieudit..., cadastrées section AB n° 637 et 640, propriété de Monsieur Sylvain Y..., disposent d'un droit de passage conventionnel sur les parcelles cadastrées section AB n° 202, 203, 225 et 226, propriété de Madame X... ;
AUX MOTIFS QU'« il ressort de l'analyse des actes de propriété faite par l'expert judiciaire que :
- la propriété de Sylvain Y... provient principalement d'une vente par les époux Eugène E... à Auguste Y..., selon acte du 28 août 1937, d'une « contenance fixe de 152 m2 à prendre au levant d'une parcelle de pré de plus grande surface (...) figurant au plan cadastral sous le n° 199 p (sic) de la section B » ayant pour confins « au levant M. Z..., au midi F..., au couchant et au Nord les vendeurs », - l'acte indique que les vendeurs « concèdent à l'acquéreur un droit de passage à pied et à voiture sur la partie levant de la parcelle de pré leur restant au même lieudit, confinant au Nord la parcelle présentement vendue », - les époux Eugène E... ont ensuite vendu à Louis A..., le 17 juillet 1939, « une parcelle de terre ¿ d'environ 384 m2 ¿ sous le n° 199 P de la section B, ayant pour confins : au levant Y... et F..., au midi G... et au couchant les vendeurs », - cet acte indique que « l'acquéreur aura un droit de passage à pied et à voiture sur une largeur de 6 m pour accéder au terrain vendu », - l'acte ne précise pas l'assiette de ce droit, - dès lors que les époux Eugène E... étaient propriétaires du terrain qui confinait au Nord et à l'Ouest celui qu'ils avaient vendu à M. Y..., ils ont vendu à M. A... la partie située au couchant de la propriété Y..., figurant au cadastre rénové de 1968 sous le n° B 200, la parcelle Y... figurant elle sous le n° B 201, - or cette parcelle 200 englobe une bande de terrain le long de la limite nord de la parcelle 201, dont M. A... a indiqué à l'expert qu'il l'utilisait pour accéder à sa propriété et, qu'afin de supprimer tout conflit avec Hélène X... dont il traversait la propriété, il a acquis des consorts H..., le 25 septembre 1996, la parcelle 621 qui constitue désormais son chemin d'accès, - puis M. A... et Sylvain Y... ont, par acte du 15 avril 2002, procédé à un échange de parcelles au terme duquel ce dernier se trouve désormais propriétaire de la parcelle 640, qui correspond à la bande de terrain située le long de la limite nord de sa propriété et où s'exerçait le passage utilisé par M. A..., - s'agissant de la propriété de Hélène X..., l'acte de vente par Bertil B... à Marius Z... du 12 septembre 1935 des parcelles B 201, 202, 203 p et 206 mentionne l'existence « dans la cour (d') un droit de passage au profit de Mme C... pour l'exploitation d'une parcelle de pré lui appartenant et au profit de diverses autres personnes », - l'acte de donation du 17 mai 1892 (lire 1982) par Etienne Z... à Hélène X... et au frère de celle-ci reprend cette mention du droit de passage au profit de Mme C... et de diverses autres personnes, - l'acte de vente du 13 juin 1996 par l'indivision I... à Hélène X... de la parcelle de terre AB 180 mentionne : « il est rappelé que jusqu'à présent la parcelle objet des présentes bénéficiait d'un droit de passage à usage agricole sur les parcelles AB 226, 202 et 203 », - l'expert relève, au vu de la situation des parcelles, que ce droit de passage ne peut qu'aboutir au levant de la parcelle ancienne 199 à l'endroit où Sylvain Y... bénéficie lui-même du droit de passage créé par l'acte de 1937, lequel ne précisait pas où il aboutissait.
Que l'expert constate que tant l'étude des mutations cadastrales qui montrent que les fonds Y... et X... ont une origine commune pour avoir appartenu à Joseph D..., que les attestations des propriétaires qui indiquent que l'accès s'est toujours pratiqué sur la propriété d'Hélène X..., et la photographie aérienne de l'Institut Géographique National de 1960, confortent cette analyse des actes permettant de conclure que le droit de passage créé par l'acte de 1937 grève la propriété X...,
Qu'Hélène X... n'est donc pas fondée à soutenir que la servitude conventionnelle décrite à l'acte du 28 août 1937 se situe le long de la parcelle 621 propriété de Jean-Claude A... ;
Que l'expert précise que le chemin actuel qu'utilise Sylvain Y... dans la partie nord de la propriété d'Hélène X..., sur les parcelles 225 et 226, est suffisant et adapté à la desserte normale du fonds de Sylvain Y... ;
Qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de dire que le fonds de Sylvain Y... bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur les parcelles appartenant à Hélène X... (...) ;
1° ALORS QUE les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'elles ne nuisent point au tiers ; que les parcelles aujourd'hui cadastrées AB n° 637 et 640, acquises par Monsieur Sylvain Y..., résultent de la division d'une parcelle anciennement cadastrée section AB n° 199 ; que par l'acte d'acquisition initial dont se prévaut Monsieur Y..., en date du 28 août 1937, les époux Eugène E... avaient vendu à son grand-père, Auguste Y..., une partie de la parcelle n° 199 ; que les vendeurs avaient concédé à l'acheteur un droit de passage en ces termes : « ils les vendeurs concèdent à l'acquéreur un droit de passage à pied et à voiture sur la partie levant de la parcelle de pré leur restant au même lieu-dit, confinant au Nord la parcelle présentement vendue » ; que le fonds de Madame X..., qui n'est pas issu de cette division de la parcelle n° 199 et ne faisait aucunement l'objet de l'acte de vente du 28 août 1937, ne pouvait se voir grever d'une servitude conventionnelle imposée par cet acte ; qu'en décidant néanmoins que le droit de passage créé par l'acte de 1937 grèverait la propriété de Madame X..., la Cour d'appel a violé l'article 1165 du Code civil ;
2° ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les parcelles aujourd'hui cadastrées AB n° 637 et 640, acquises par Monsieur Sylvain Y..., résultent de la division de la parcelle anciennement cadastrée section AB n° 199, aux termes d'un acte du 28 août 1937 par lequel les époux Eugène E... avaient vendu à Auguste Y... une partie de cette parcelle n° 199 ; que les vendeurs avaient concédé à l'acheteur un droit de passage en ces termes : « ils les vendeurs concèdent à l'acquéreur un droit de passage à pied et à voiture sur la partie levant de la parcelle de pré leur restant au même lieu-dit, confinant au Nord la parcelle présentement vendue » ; que cet acte clair et précis déterminait le terrain sur lequel devait s'exercer le droit de passage, à savoir le fonds qui demeurait la propriété des vendeurs, soit le reste de la parcelle n° 199 - étrangère à la propriété de Madame X... - ; qu'en jugeant néanmoins que le droit de passage de Monsieur Sylvain Y... créé par l'acte de 1937 devait grever la propriété de Madame X... la Cour d'appel a dénaturé l'acte de vente du 28 août 1937, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
3° ALORS QUE si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes, sauf si un passage suffisant ne peut pas être établi sur les fonds divisés ; que les parcelles aujourd'hui cadastrées AB n° 637 et 640, acquises par Monsieur Sylvain Y..., résultent de la division de la parcelle anciennement cadastrée section AB n° 199 ; qu'en retenant que ces parcelles pourraient bénéficier d'un droit de passage sur les parcelles de Madame X... qui ne sont pourtant pas issues de la division de cette parcelles 199, sans établir que le passage à prendre sur les parcelles issues de cette dernière, et notamment le passage sur la parcelle n° 621, ne serait pas suffisant pour assurer la desserte des parcelles de Monsieur Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 684 du code civil ;
4° ALORS QU'une servitude est établie sur un fonds et pour un fonds ; qu'en retenant que la propriété de Madame X... serait grevée d'une servitude de passage « au profit de Mme C... et de diverses autres personnes », pour en déduire que le fonds de Monsieur Y... bénéficierait lui aussi d'une servitude conventionnelle de passage sur le fonds de Madame X..., la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article 686 du Code civil ;
5° ALORS QUE si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes ; que la seule existence d'une lointaine « origine commune », ne justifie pas que le passage soit imposé sur une parcelle dès lors que la subdivision qui a entraîné l'état d'enclave est survenue postérieurement à la division d'un plus grand domaine ; qu'en retenant que les fonds Y... et X... auraient eu une origine commune pour avoir appartenu à Joseph D..., cependant qu'à la supposer réelle, cette origine - remontant, selon l'expert, aux années 1830 - ne permettait pas de justifier qu'un passage soit pris sur le fonds de Madame X... pour mettre fin à une situation d'enclave créée par une vente réalisée en 1937, c'est-à-dire à une époque où le fonds D... avait déjà été subdivisé, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article 684 du code civil ;
6° ALORS QU'en retenant que « les attestations des propriétaires » indiqueraient que l'accès s'est toujours pratiqué sur la propriété de Madame X..., sans répondre aux conclusions de celle-ci qui faisaient valoir que la seule attestation produite par Monsieur Y..., signée par trois personnes, les consorts H..., devait être écartée car ceux-ci étaient directement intéressés au litige puisqu'ils étaient les vendeurs de la parcelle n° 621 à usage de passage et qu'ils pouvaient craindre une action en garantie d'éviction de la part de leur acheteur, Monsieur A..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.