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02/12/2015 | FRANCE | N°14-28329

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 décembre 2015, 14-28329


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 3 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., de nationalité française, ont saisi un tribunal d'une demande d'adoption plénière de l'enfant A..., née le 19 mai 2011 à Gonder (Éthiopie) et accueillie à leur foyer depuis le 20 janvier 2012, demande qui a été rejetée ; qu'à la suite du décès de son épouse, M. X... a poursuivi seul l'instance en cause d'appel ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'

arrêt énonce qu'après la révision en 2000 du code éthiopien de la famille, des ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 3 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., de nationalité française, ont saisi un tribunal d'une demande d'adoption plénière de l'enfant A..., née le 19 mai 2011 à Gonder (Éthiopie) et accueillie à leur foyer depuis le 20 janvier 2012, demande qui a été rejetée ; qu'à la suite du décès de son épouse, M. X... a poursuivi seul l'instance en cause d'appel ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt énonce qu'après la révision en 2000 du code éthiopien de la famille, des Lignes directrices en matière de prise en charge alternative des enfants sont venues compléter cette législation en 2009, afin de mettre en place des mesures éthiques et juridiques dans les lois éthiopiennes et internationales, que l'article D 4 de ces Lignes directrices rend obligatoire le recours à des organismes autorisés et habilités pour l'adoption (OAA) et que M. X... ne conteste pas ne pas être passé par un tel organisme ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser les dispositions du code éthiopien de la famille sur lesquelles elle se fondait et sans identifier ni s'expliquer sur les « Lignes directrices » dont elle faisait application, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la demande d'adoption plénière de l'enfant A... née le 19 mai 2011 à Gonder (Ethiopie) formée par les époux X... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le premier juge, pour ne pas faire droit à la requête en adoption plénière des époux X..., avait rappelé que l'adoption individuelle était formellement interdite en Ethiopie, en application de l'article D 4 des lignes Directrices de 2009 qui rendaient obligatoire le passage par les organismes agréées et habilités pour l'adoption à la fois par les autorités française et les autorités éthiopiennes, ainsi que la Convention de New York du 20 novembre 1989 qui imposait dans son article 20, aux pays signataires, de veiller à ce que les placements d'enfants à l'étranger soient effectués par des autorités ou des agents compétents ; que les requérants ne s'étant pas adressés à un organisme français habilité en Ethiopie, le tribunal de grande instance de Lyon avait déclaré la procédure d'adoption irrégulière ; qu'il convenait de préciser dès à présent que les époux X... jusqu'au mois de juillet 2012, compte tenu de l'activité professionnelle de monsieur X..., avaient vécu avec leur fils Adrien à Dubaï ; qu'il était acquis aux débats que par un arrêté en date du 27 juillet 2011, le président du Conseil général du Gard avait accordé son agrément aux époux X..., qui disposaient d'une résidence secondaire dans les Cévennes, pour accueillir un enfant en vue d'adoption en France et ce, jusqu'au 27 juillet 2016 ; qu'il était justifié à la procédure qu'un contrat d'adoption en date du 22 novembre signé entre l'orphelinat des missionnaires de la charité, à Addis Abeba, en Ethiopie, qui avait en charge l'enfant abandonné et les époux X..., le présent contrat ne prenant effet qu'après l'accord du tribunal ; qu'était versé aux débats un courrier en date du 16 février 2012, au terme duquel le supérieur missionnaire de la charité d'Addis Abeba, en Ethiopie, s'était déclaré le gardien légal de l'enfant avant son adoption par les époux X... et avait donné son accord pour que cette adoption soit reconnue comme adoption plénière en France, précisant qu'il le faisait en pleine connaissance des conséquences légales, sans aucune pression morale et sans avoir reçu aucune somme d'argent, compensation financière ; que par un jugement en date du 27 août 2012, le tribunal de grande instance de la République fédérale d'Ethiopie avait approuvé le contrat d'adoption conclu entre les époux X..., le 22 novembre 2011 et les missionnaires de la charité ; que, cependant, l'adoption en Ethiopie par des ressortissants français résidant dans des pays tiers et notamment du Golfe Persique obéissait à des règles spécifiques ; que l'adoption individuelle en Ethiopie était formellement interdite ; qu'après la révision en 2000 du code éthiopien de la famille, des Lignes Directrices en matière de prise en charge alternative des enfants étaient venues compléter cette législation en 2009, afin de mettre en place des mesures éthiques et juridiques dans les lois éthiopiennes et internationales ; qu'ainsi l'article D 4 des Lignes Directrices 2009 rendait obligatoire le passage par des organismes autorisés et habilités pour l'adoption (OAA) qui devaient être à la fois habilités par les autorités françaises et accrédités par les autorités éthiopiennes ; que le recours à tout autre organisme était de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'adoption ainsi menée au regard tant de la législation éthiopienne que française ; que les adoptants s'exposaient au risque, en cas d'irrégularité, de la non reconnaissance en France de l'adoption ; que seuls les français résidant en Ethiopie depuis plus de deux ans, et ceux qui adoptaient dans un cadre intra-familial, étaient autorisés à engager une procédure de manière individuelle ; que monsieur X... ne contestait pas ne pas être passé par un organisme agrée pour procéder à l'adoption de l'enfant ; qu'il faisait principalement valoir que le gouvernement, sur son site Internet, n'avait apporté cette précision concernant l'adoption en Ethiopie par des ressortissants vivant dans le Golfe Persique qu'en avril 2012 ; que cette argumentation ne pouvait être retenue ; qu'elle ne lui permettait pas de déroger aux dispositions légales mentionnées ci-dessus et en vigueur lors de l'adoption de l'enfant ; qu'il ne pouvait pas plus s'exonérer des textes en soutenant que l'information qui lui avaient été communiquées par les différents organismes et administrations l'auraient été de façon incomplète ; que dans ces conditions, le tribunal de grande instance de Lyon avait fait une juste appréciation de la situation en rejetant la requête en adoption plénière des époux X... et en considérant que la procédure était irrégulière comme n'ayant respecté la législation applicable (arrêt, pp. 3 à 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, vu les articles 343 et suivants du code civil, 351 et suivants du code civil, 1165 et suivants du code de procédure civile, l'adoption individuelle était formellement interdite en Ethiopie en application de l'article D (4) des Lignes Directrices de 2009 qui rendait obligatoire le passage par des organismes agréées et habilités pour l'adoption (OAA) à la fois par les autorités françaises et les autorités éthiopiennes ; que de plus, la Convention de New York du 20 novembre 1989 imposait dans son article 20 au pays signataire de veiller à ce que les placements d'enfants à l'étranger soient effectués par des autorités ou des organes compétents ; que les requérants ne s'étaient pas adressés à un organisme français habilités en Ethiopie ; que le procédure était irrégulière (jugement, p. 2) ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'en se bornant, pour en déduire l'existence d'une prétendue interdiction formelle de l'adoption individuelle en droit éthiopien, à viser abstraitement le code éthiopien de la famille ainsi que des « lignes directrices en matière de prise en charge alternative des enfants » non autrement identifiées, donc en ne précisant pas la disposition de la loi éthiopienne à laquelle elle se referait, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'en retenant tout à la fois, d'une part, qu'un jugement rendu le 27 août 2012 par une juridiction étatique éthiopienne avait approuvé le contrat d'adoption conclu entre l'adoptant et l'ordre religieux à qui l'enfant avait été confiée, d'autre part, que le droit éthiopien interdisait formellement une telle adoption individuelle, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE dans toutes les décisions concernant les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale, que le juge est tenu d'examiner, au besoin d'office ; que même en l'état d'une procédure d'adoption irrégulière sous le rapport du consentement à l'adoption, en ce que ledit consentement a été exprimé en un temps où l'enfant n'était pas entre les mains du service de l'aide sociale à l'enfance ou d'un organisme autorisé pour l'adoption, l'adoption plénière doit être prononcée lorsque, à la date à laquelle le juge est saisi, le lien noué par l'enfant avec l'adoptant est à ce point proche d'une vie familiale normale qu'il serait contraire à l'intérêt de l'enfant de le rompre ; qu'en ne recherchant pas, au besoin d'office, si l'intérêt de l'enfant, apprécié notamment au regard de l'ancienneté et de la qualité du lien noué entre ce dernier et l'adoptant, ne commandait pas le prononcé de l'adoption plénière, nonobstant même l'éventuelle irrégularité tenant à ce que le consentement à l'adoption avait été exprimé en un temps où l'enfant ne se trouvait pas entre les mains d'un organisme autorisé pour l'adoption, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ensemble l'article 348-5 du code civil ;
ALORS, QUATRIEME LIEU, QU'en statuant comme elle a fait, sans s'assurer, au besoin d'office, que le refus de l'adoption plénière dans un tel contexte ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit de l'enfant à une vie familiale, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-28329
Date de la décision : 02/12/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 07 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 déc. 2015, pourvoi n°14-28329


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.28329
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