LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 23 septembre 2010, en qualité d'assistante maternelle, par M. Y... ; que l'employeur a le 9 mars 2012 notifié à la salariée sa décision, en raison d'une faute grave, de ne plus lui confier la garde de son enfant ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral lié aux circonstances vexatoires de la rupture, alors, selon le moyen :
1°/ que ne caractérise pas de circonstances vexatoires ayant causé au salarié un préjudice distinct de la rupture du contrat de travail, l'envoi par le particulier employeur, au service PMI du département, d'un courrier qui a seulement provoqué une visite des services compétents du conseil général, sans conduire à imputer aucun grief à la salariée ni à lui faire perdre son agrément ; qu'en s'étant fondée sur l'envoi d'un tel courrier par le particulier-employeur pour allouer à la salariée des dommages-intérêts au titre des conditions vexatoires de la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'en ayant énoncé que « les conditions de retrait de l'enfant ont particulièrement affecté » l'assistante maternelle, la cour d'appel a statué par voie d'affirmation et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres, que l'employeur avait, à la suite du retrait de l'enfant, adressé au service de la protection maternelle et infantile une lettre ayant provoqué une visite exceptionnelle de suivi au domicile de l'assistante maternelle et, par motifs adoptés, que ce courrier avait porté atteinte à l'honneur et à l'intégrité de la salariée, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 423-2, L. 423-24 et L. 423-25 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article 18 de la convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004 étendue par arrêté du 17 décembre 2004 ;
Attendu que le premier de ces textes ne mentionne pas les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail au nombre de ceux qui sont applicables aux assistants maternels ; que selon le deuxième et le dernier de ces textes, le particulier employeur qui décide de ne plus confier d'enfant à un assistant maternel qu'il employait depuis plus de trois mois doit notifier à l'intéressé sa décision de rompre le contrat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la date de présentation de cette lettre fixant le point de départ du préavis éventuellement dû en vertu du troisième ;
Attendu que pour déclarer « le licenciement sans cause réelle et sérieuse » et condamner l'employeur au paiement d'une somme à ce titre, l'arrêt retient que la faute grave n'étant pas caractérisée, la rupture est abusive ;
Qu'en statuant ainsi, alors que si l'absence de faute grave justifiait l'octroi d'une indemnité de préavis et d'une indemnité conventionnelle de rupture, elle n'avait pas d'incidence sur le bien fondé de l'exercice du droit de retrait prévu par les articles L. 423-24 du code de l'action sociale et des familles et 18 de la convention collective nationale étendue des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne M. Y... à payer à Mme X... la somme de 762, 66 euros à titre de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt rendu le 9 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Mme X... était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné M. Y... à lui payer à les sommes de 447, 49 € au titre du préavis, les congés payés y afférents, de 56, 36 € au titre de l'indemnité de rupture, de 762, 66 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs propres que la procédure de licenciement d'une assistante maternelle obéit aux dispositions spécifiques des articles L. 773-7 et L. 773-8 du code du travail, qui ouvrent le droit pour les personnes employées depuis plus de 3 mois à un préavis de 15 jours, sauf motif grave, avant le retrait de l'enfant qui leur était confié ; que si le droit de retrait s'exerce librement en application de l'article 18 de la convention collective des assistants maternels du particulier employeur, le motif du retrait ne doit pas être illicite, l'employeur invoquant la faute grave étant tenu d'en justifier ; qu'en l'espèce, M. Y... a notifié à Mme X... son droit de retrait pour des motifs qu'il estime constitutifs d'une faute grave ; que toutefois, les premiers juges ont pertinemment relevé qu'il n'apportait pas la preuve de la faute alléguée dans la mesure où, d'une part, l'enfant avait été confié à son assistante maternelle hors des périodes prévues par les dispositions contractuelles, et que d'autre part, l'employeur n'apporte aucun élément probant hors ses allégations au soutien de sa version ; que Mme X..., dont les qualités professionnelles sont notées par de nombreux parents et à laquelle M. et Mme Y... n'avaient adressé aucun reproche avant d'exercer leur droit de retrait, réplique que l'enfant était placé dans un siège adapté et que l'employeur prévenu avait accepté de le laisser à la garde de son mari en connaissance de cause le mercredi 29 février 2012 dans l'après-midi, en dehors des heures contractuellement définies ; que force est de constater que l'employeur ne justifie pas de la faute grave qu'il allègue ; que c'est à bon droit que les premiers juges lui ont alloué des indemnités de rupture et des dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la perte de ce contrat ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que la lettre de licenciement adressée par M. Y... à Mme X... en date du 9 mars 2012 indique que le retrait de l'enfant est justifié par des faits qualifiés de « faute grave » ; qu'il s'agit donc d'un retrait d'enfant disciplinaire ; que cette qualification prive l'intéressée de ses indemnités de préavis ; que M. Y... n'apporte pas la preuve que Mme X... ait transporté l'enfant dans un siège non homologué ; que c'est le retard des parents qui a contraint Mme X... à transporter l'enfant dans sa voiture le 22 février 2012 ; que M. Y... ne peut lui reprocher d'avoir accepté de garder l'enfant le 29 avril 2012 après-midi, puisque dans la lettre adressée à la PMI pour se plaindre des services de Mme X..., il reconnaît avoir été prévenu, à son arrivée, qu'elle devait s'absenter pour aller au chevet de sa mère malade ; qu'il a laissé l'enfant en toute connaissance de cause ; que l'employeur ne peut légitimer la faute grave ; que les faits reprochés ont eu lieu hors période de garde prévue au contrat et ne sont absolument pas établis ; qu'aucune faute grave ne peut être retenue à l'encontre de Mme X..., bien fondée à voir juger la rupture de son contrat de travail abusive ;
Alors que l'exercice du droit de retrait d'un enfant ouvert aux particuliers employant une assistante maternelle s'exerce librement et n'a pas à être motivé ; que dès lors, la seule circonstance que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la réalité du motif qu'il invoque ne rend pas illicite l'exercice du droit de retrait ; qu'en retenant, pour allouer à Mme X... des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que M. Y... ne justifiait pas de la faute grave alléguée, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L 1232-6 et L. 1232-5 du L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-5, L. 1234-9 et, par refus d'application, les articles L. 773-7 et L. 773-8 du code du travail et 18 de la convention collective nationale étendue des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Y... à payer à Mme X... les sommes de 2 500 € de dommages-intérêts pour préjudice moral et de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs propres que Mme X... réclame des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral relativement aux conditions vexatoires de la rupture de son contrat de travail, et à un courrier adressé par l'employeur le 19 mars 2012 au service PMI du département, lequel a provoqué une visite de suivi exceptionnelle des services du conseil général dont le rapport ne permet de retenir à son encontre un quelconque grief ; que s'étant vue soupçonnée d'avoir des pratiques graves susceptibles d'avoir des conséquences sur son agrément, c'est à juste titre que les premiers juges ont fait droit à sa demande en lui allouant la somme de 2 500 € ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que les conditions de retrait de l'enfant ont particulièrement affecté Mme X... ; que depuis l'accueil de l'enfant, les parents ne s'étaient jamais plaints de l'assistante maternelle et qu'au contraire, ils n'hésitaient pas à lui confier en dehors de la période prévue au contrat ; que la lettre de M. Y... adressée à la PMI a diligenté un contrôle qui atteste que depuis l'obtention de son agrément en 1993, elle n'avait jamais rencontré de difficultés avec les parents et que c'était suite à un désaccord au sujet d'une modification de contrat que les parents avaient fait part de leur mécontentement au sujet de la prise en charge de l'enfant ; que le courrier de la PMI portait atteinte à l'honneur et intégrité de Mme X... ;
Alors 1°) que ne caractérise pas de circonstances vexatoires ayant causé au salarié un préjudice distinct de la rupture du contrat de travail, l'envoi par le particulier employeur, au service PMI du département, d'un courrier qui a seulement provoqué une visite des services compétents du conseil général, sans conduire à imputer aucun grief à la salariée ni à lui faire perdre son agrément ; qu'en s'étant fondée sur l'envoi d'un tel courrier par M. Y... pour allouer à la salariée des dommages et intérêts au titre des conditions vexatoires de la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Alors 2°) qu'en ayant énoncé que « les conditions de retrait de l'enfant ont particulièrement affecté Mme X... », la cour d'appel a statué par voie d'affirmation et a violé l'article 455 du code de procédure civile.