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02/12/2015 | FRANCE | N°14-10659

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 décembre 2015, 14-10659


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Paul X..., engagé le 1er mars 1962 par la société anonyme Marie Brizard et Roger international (la société), a occupé un emploi de directeur de la recherche et de l'application informatique à compter du 9 avril 1976 et a été nommé le 24 avril 1987 président du conseil d'administration de cette société ; qu'il a été licencié le 22 avril 1997, le préavis expirant le 30 avril 1998 ; que le 3 avril 1998, il a été révoqué de ses fonctions de président du conseil d'admini

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Paul X..., engagé le 1er mars 1962 par la société anonyme Marie Brizard et Roger international (la société), a occupé un emploi de directeur de la recherche et de l'application informatique à compter du 9 avril 1976 et a été nommé le 24 avril 1987 président du conseil d'administration de cette société ; qu'il a été licencié le 22 avril 1997, le préavis expirant le 30 avril 1998 ; que le 3 avril 1998, il a été révoqué de ses fonctions de président du conseil d'administration ; que la société ayant refusé de lui verser l'indemnité contractuelle de licenciement, Paul X... a saisi la juridiction prud'homale ; qu'à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société, il a été renvoyé devant la juridiction répressive pour faux, complicité de faux, usage de faux et abus de biens sociaux ; que par un arrêt du 14 septembre 2010, il a été relaxé ; que Paul X... étant décédé le 9 août 2011, son épouse a repris l'instance devant la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Vu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur l'action portée devant la juridiction civile ;
Attendu que les décisions de la juridiction pénale ont au civil l'autorité de chose jugée à l'égard de tous et qu'il n'est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif ;
Attendu que pour juger nul et de nul effet le licenciement et rejeter la demande de paiement d'une indemnité contractuelle de licenciement, l'arrêt retient que l'autorité de la chose jugée de la décision de la juridiction pénale ne s'attache qu'à la réalité du contrat de travail et à l'effectivité du licenciement, le conseil de prud'hommes demeurant seul compétent pour juger de la validité de la rupture, que l'employeur n'a jamais décidé de procéder au licenciement et que la procédure diligentée à compter du mois d'avril 1997 l'a été à la demande de Paul X... lui-même qui cumulait dans ce cadre à la fois des fonctions de salarié et d'employeur, que l'intéressé et encore moins les personnes qui détenaient leur pouvoir de licencier par sa seule délégation n'avaient le pouvoir de décider du licenciement, que dès lors que l'acte est passé par une personne dépourvue de toute qualité à agir et à l'insu de l'employeur, ce n'est pas seulement sa régularité qui est en cause mais plus fondamentalement sa validité intrinsèque, que la procédure de licenciement diligentée par un salarié et non par son employeur est nulle et de nul effet, que le départ de l'intéressé a été organisé dans le cadre d'une procédure de licenciement déclenchée à son initiative dans le but de percevoir de substantielles indemnités avec la complicité de deux subordonnés, que dès lors que la fraude corrompt tout, la rupture du contrat de travail doit s'analyser en une démission qui a été différée dans le temps du fait d'un montage juridique destiné à la masquer derrière une procédure de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que pour relaxer Paul X..., la juridiction répressive avait retenu l'effectivité du licenciement et exclu son caractère frauduleux, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt relatif à la nullité du licenciement entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de l'arrêt relatifs à la démission de Paul X... et au salaire d'avril 1998 ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement, en ce qu'il juge le licenciement du 22 avril 1997 nul et de nul effet, dit que le contrat de travail a pris fin du fait de la démission de Paul X..., rejette les demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail et fixe les créances au titre du salaire d'avril 1998 et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 17 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Marie Brizard et Roger international aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Marie Brizard et Roger international à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement de M. X... du 22 avril 1997 était nul et de nul effet et d'avoir débouté M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité contractuelle de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé ; que d'autre part, le conseil de prud'hommes a compétence exclusive pour juger du contrat de travail ; que si la juridiction pénale fige la réalité d'un fait, le conseil de prud'hommes ne peut remettre en cause son existence mais reste compétent pour en apprécier la validité et les conséquences qui s'y attachent ; qu'en l'espèce, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Bordeaux a jugé que le contrat de travail dont se prévalait M. X... était bien réel, que la lettre de convocation et la lettre de licenciement de M. X... n'étaient pas des faux et qu'en conséquence le licenciement était effectif en sorte que les délits de faux, usage de faux, complicité et abus de biens sociaux n'étaient pas constitués ; que la cour a pris soin de noter dans son arrêt que le défaut de qualité pour licencier n'impliquait pas fausseté de la lettre de licenciement et qu'il appartient au tribunal saisi de ce chef de se prononcer sur le bien-fondé d'une demande de nullité d'actes, qu'il est acquis aux débats que le contrat de travail de M. X... était réel et n'avait rien de fictif et que la procédure de licenciement a été effectivement déclenchée par la lettre de convocation à l'entretien préalable et la lettre de licenciement toutes deux authentiques ; que si l'autorité de la chose jugée au pénal s'attache à ces deux points, le conseil de prud'hommes demeure seul juge de la validité de la rupture ; que saisi d'une demande en nullité du licenciement il lui appartient donc de vérifier les conditions légales de la procédure de licenciement qui lui est soumise et dont l'existence n'est plus en cause ; qu'en conséquence, le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée au pénal pour s'opposer à l'examen de la nullité du licenciement du 22 avril 1997 sera rejeté ; que le dirigeant d'une société peut cumuler son mandat social et un contrat de travail à condition que ce dernier corresponde à un emploi effectif ; que l'emploi effectif s'entend alors de l'exercice de fonctions techniques distinctes, d'une rémunération distincte et d'un état de subordination qui suppose que dans le cadre de son contrat de travail, le dirigeant salarié reçoive des directives de la société et soit soumis à son contrôle ; que dans le cadre d'une société anonyme, les articles L. 225-22 et L. 224-25 du code de commerce permettent à un administrateur de cumuler ses fonctions avec celles de salarié à la condition que le contrat de travail soit antérieur à sa nomination et qu'il remplisse les conditions générales précitées ; qu'en cas de disparition du lien de subordination, le contrat de travail ne peut être maintenu et se voit donc suspendu pendant le temps de l'exercice du mandat social ; qu'en l'espèce, l'effectivité du contrat de travail de M. X... est acquise au débat ; que la société Marie Brizard est devenue une société anonyme à conseil d'administration en 1985 ; qu'en avril 1987, M. Paul X... a été nommé président du conseil d'administration et par avenant à son contrat de travail en date du 24 avril 1987, il a été placé, dans ce cadre-là, sous l'autorité de Messieurs Philippe X... et Alphonse Z..., administrateurs ; que la société Marie Brizard justifie aux débats du décès de M. Philippe X... survenu le 24 décembre 1996 à Paris et de la démission de M. Alphonse Z... suivant courrier du 13 juin 1996 adressé à M. Paul X..., président du conseil d'administration qui en a fait état lors de l'assemblée générale du 25 octobre 1996 ; qu'il apparaît ainsi qu'à compter de décembre 1996, M. X..., directeur du conseil d'administration, disposant à ce titre de l'ensemble des pouvoirs de la société et donc de celui de procéder à des licenciements éventuellement en déléguant ce pouvoir, n'était plus, dans son activité salariée, soumis à l'autorité et au contrôle de qui que ce soit représentant la société ; qu'en conséquence, son contrat de travail a été automatiquement suspendu du fait de la disparition de tout lien de subordination ; qu'en sa qualité de président du conseil d'administration, M. X... disposait au plus haut niveau de la hiérarchie du pouvoir de licencier et pouvait déléguer ce pouvoir à son directeur des ressources humaines, M. A... ; qu'en revanche, eu égard à sa qualité de président du conseil d'administration d'une part et à la disparition de tout lien de subordination vis à vis de la société à compter de décembre 1996, force est de constater que seul le conseil d'administration avait le pouvoir de licencier M. X... ; qu'il résulte du courrier du 12 mai 1998 adressé par M. A..., directeur des ressources humaines à M. B... nouveau président du conseil d'administration de Marie Brizard que la lettre de licenciement du 22 avril 1997 a été adressée à M. X... à la demande de ce dernier ; qu'il résulte des attestations de Messieurs Yves C... et Bernard X..., tous deux membres du conseil d'administration de la société Marie Brizard que le licenciement de M. Paul X... n'a jamais été évoqué ; que dès lors, il apparaît que l'employeur de M. X... n'a jamais décidé à son encontre d'une mesure de licenciement et que la procédure diligentée à compter du mois d'avril 1997 l'a été à la demande de M. X... lui-même qui cumulait dans ce cadre à la fois la qualité de salarié et d'employeur ; que dès lors, la Cour constate que M. X... et encore moins M. A... et M. D...qui détenaient alors leur pouvoir de licencier par la seule délégation de ce dernier, n'avaient le pouvoir de décider de son propre licenciement ; que la société Marie Brizard qui a toujours contesté la réalité de ce licenciement ne l'a nullement validé postérieurement ; que la nullité d'un licenciement peut être prononcée dans des cas prévus par la loi tendant à protéger des catégories de salariés ou sanctionner des motifs de licenciement limitativement énumérés mais également à raison de la violation d'une liberté fondamentale ; que dans ces cas, la nullité du licenciement tend à la protection du salarié qui seul peut l'invoquer ; que cependant, dès lors que l'acte est passé par une personne dépourvue de toute qualité à agir à l'insu de l'employeur, ce n'est pas seulement sa régularité qui est en cause mais plus fondamentalement sa validité intrinsèque ; que dès lors la rupture d'un contrat de travail décidé par un salarié et non par son employeur ne saurait s'analyser en un licenciement ; que la procédure de licenciement diligentée dans ces conditions est alors nulle et de nul effet ; qu'en conséquence, jugeant que le licenciement de M. X... n'a pas été décidée par l'employeur qui ne l'a, par la suite, jamais ratifié, la Cour considère que ce licenciement est entaché de nullité au motif qu'il a été prononcé par M. A... directeur des ressources humaines sur instruction du salarié et sans aucune directive de l'employeur ; que la décision du conseil de prud'hommes de Bordeaux tendant à l'annulation du licenciement de M. X... du 22 avril 1997 sera donc confirmée ;
ET aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges qu'il n'est pas contesté l'existence d'un contrat de travail antérieurement à la nomination de M. X... aux fonctions de président directeur général ; que comme le souligne le juge pénal, le caractère fictif du contrat n'est pas démontré ; que cependant, il n'est pas apporté aux débats et aux dossiers d'éléments qui justifient que pendant l'exercice du mandat social, M. X... exerçât des fonctions techniques détachables de ses fonctions et sous une autorité qui aurait caractérisé un lien de subordination ; que le Conseil n'est pas tenu par l'intention des parties en matière de relation de travail ; qu'il n'apparaît pas crédible au Conseil qu'il existât un lien de subordination entre la société Marie Brizard et M. X... alors que celui-ci était à la fois président directeur général et président du conseil d'administration de la même société ; que si M. X..., selon plusieurs attestations versées au dossier, remplissait des fonctions techniques, il n'apparaît pas que celles-ci s'exerçaient dans le cadre d'un lien de subordination ; qu'il appartient au Conseil, de se prononcer sur la « demande de nullité d'acte, formée dans le délai de la prescription » ; que si le délit de faux et usage de faux n'est pas démontré à l'encontre de M. X... ainsi que MM. A... et D..., il appartient au Conseil d'apprécier en droit la situation de la rupture du contrat de travail de M. X... en 1997 ; que le Conseil en déduit que jusqu'à son licenciement, le contrat de travail de M. X... était suspendu ; que dès lors, le Conseil constate qu'il n'existe pas de lien de subordination effectif avec quiconque et le salarié, ce dernier ne recevant aucune directive ; que le salarié est lui-même président du conseil d'administration ; que même si M. X... a prétendu rendre compte à des membres de ce conseil d'administration, cette assertion est d'une part invérifiable et non étayée et, d'autre part inopérante, des personnes physiques membres d'un conseil d'administration ne représentent pas un conseil d'administration à moins de posséder une délégation de pouvoir attribuée par délibération ; qu'un licenciement ne peut être prononcé que par une personne physique qui possède une autorité sur le salarié licencié caractérisée par un lien de subordination direct ou établie par une délégation de pouvoir ; qu'un directeur des ressources humaines ou juridique qui détient le pouvoir de licencier d'un salarié dirigeant ne peut licencier ce même salarié ; que le lien de subordination donnant le pouvoir de sanction et notamment celui de licencier n'est pas réflexif et ne peut donc pas s'exercer sur celui qui délègue ce pouvoir ; qu'en conséquence, l'acte juridique de licenciement est vicié et peut donc être légitimement annulé, que cette nullité du licenciement produit les effets d'une remise en état des parties antérieurement à la date de prise d'effet de l'acte litigieux ; ... ; qu'en tout état de cause, le licenciement est réputé ne jamais avoir existé ; qu'en conséquence, postérieurement à la révocation de M. X... de son mandat social, le contrat de travail de celui-ci survivait ;
1°- ALORS QU'une décision de relaxe rendue par la juridiction pénale a autorité de la chose jugée au civil et le juge civil ne peut la méconnaître ; que par arrêt du 14 septembre 2010, la 3ème chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bordeaux qui a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 26 novembre 1999, a relaxé M. X... prévenu des chefs de faux, usage de faux, complicité et abus de biens sociaux en relevant que le contrat de travail de M. X... était bien réel et que son licenciement du 22 avril 1997 était effectif, ce dont il s'évince que le juge pénal a constaté que la rupture du contrat était intervenue à cette date par un licenciement ; qu'en décidant cependant le contraire, et que le contrat de travail de M. X... s'était poursuivi jusqu'à sa rupture le 1er mai 1998 au motif que le licenciement était nul ou encore est réputé n'avoir jamais existé du fait qu'il a été prononcé par une personne dépourvue de qualité pour agir au nom de l'employeur, la cour d'appel a violé ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, l'article 1351 du code civil et l'article L 1235-1 du code du travail ;
2°- ALORS en tout état de cause que l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au salarié ainsi licencié aux indemnités de rupture afférentes ; qu'en jugeant cependant qu'était nul le licenciement de M. X... du 22 avril 1997 et en privant le salarié de toute indemnité de licenciement, aux motifs que seul le conseil d'administration avait le pouvoir de licencier M. X... et que MM. A... et D..., qui détenaient leur pouvoir de licencier de M. X..., n'avaient pas le pouvoir de décider de son propre licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1232-6 du code du travail ;
3°- ALORS de plus qu'à supposer que le licenciement de M. X... du 22 avril 1997 fût nul, cette nullité emporte la rupture immédiate du contrat dès lors que le salarié ne sollicite pas sa réintégration et ouvre droit au paiement des indemnités de rupture afférentes ; qu'en déboutant Mme X... de sa demande en paiement de l'indemnité contractuelle de licenciement, la cour d'appel a encore violé les articles les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le contrat de travail de M. X... a pris fin du fait de sa démission le 1er mai 1998 et d'avoir débouté Mme X... de sa demande de voir juger que M. X... a fait l'objet à tout le moins d'un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse au mois d'avril 1998 ainsi que de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'une indemnité contractuelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE la rupture du contrat de travail résulte de la volonté de l'employeur ou de celle du salarié, elle peut aussi résulter de la prise d'acte du salarié motivée par les manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles, elle peut enfin résulter du départ à la retraite du salarié ; que le juge doit rechercher à travers les faits l'exacte qualification de la situation des parties et n'est pas lié par celle qu'elles ont entendu lui donner ; qu'en l'espèce, M. X... et la société Marie Brizard étaient liés par le contrat de travail du 3 janvier 1978 qui, s'il avait été suspendu jusqu'à la révocation du mandat social de M. X..., avait repris toute son actualité à compter du 3 avril 1998 ; que ce contrat prévoyait en son article 8 qu'à l'âge de 65 ans ou antérieurement, s'il pouvait liquider ses pensions à retraite sans abattement, M. X... prendrait sa retraite ; que cet article a été modifié comme suit par avenant du 5 novembre 1986 : « à partir de l'âge de 65 ans, M. Paul X... pourra prendre sa retraite ou être mis à la retraite » ; que M. X..., né le 6 mai 1933, a eu 65 ans le 6 mai 1998 ; que par courrier du 18 mai 1998, il a formalisé auprès de sa caisse de retraite sa demande de retraite avec effet au 1er mai 1998 ; que d'autre part, il résulte des pièces de la procédure et notamment des éléments contenus dans la motivation de l'arrêt de la Chambre des appels correctionnels de Bordeaux du 14 septembre 2010, que M. Paul X... a reconnu « avoir pris la décision de cesser son activité dès 1996 et il ajoutait qu'il n'était pas le premier dans la société à bénéficier d'une telle procédure, à savoir une procédure de licenciement qui masquait un accord. Il s'agissait en quelque sorte d'une porte de sortie, de faire bénéficier ces cadres salariés d'indemnités substantielles et au surplus défiscalisées » ; que M. D..., co-signataire de la lettre de licenciement, a également reconnu que M. Paul X... avait manifesté son intention de quitter son employeur de la sorte à l'approche de ses 65 ans et qu'il l'avait sollicité pour trouver la meilleure solution ; qu'il a également reconnu qu'il connaissait la position du conseil d'administration et qu'il souhaitait que tout reste confidentiel pour ne pas ajouter aux dissensions ; qu'il résulte de ces éléments que dès 1996, M. X... avait pris sa décision de quitter la société pour prendre sa retraite à 65 ans, qu'en 1997, il a manifesté clairement son intention de partir à la retraite auprès de M. A... et de M. D...et a organisé ce départ dans les meilleures conditions financières possibles avec le directeur des ressources humaines et le directeur juridique de la société Marie Brizard ; que la cour relève que ces deux salariés étaient alors sous l'autorité directe de M. Paul X... en sa qualité de directeur du conseil d'administration, n'avaient plus aucun interlocuteur habilité par le conseil s'agissant du contrat de travail de M. X... dès le mois de décembre 1996 et connaissant la position du conseil avaient préféré agir en toute discrétion ; qu'ainsi, la cour estime donc que M. X... a clairement manifesté sa volonté de quitter son employeur à l'échéance de sa retraite, que cette volonté clairement exprimée et non équivoque s'est traduite sans ambiguïté devant M. A... et M. D...qui l'ont reconnu en justice et que ce départ volontaire a été organisé dans le cadre d'une procédure de licenciement déclenchée à l'initiative du salarié dans le but de percevoir de substantielles indemnités avec la complicité de deux subordonnés ; mais que la fraude corrompt tout et il appartient au juge de donner aux faits leur exacte qualification en présence d'une situation juridique apparente résultant d'un montage ; qu'en conséquence, la cour considère que la rupture du contrat de travail de M. Paul X... s'analyse en une démission qui a été différée dans le temps du fait d'un montage juridique destiné à la masquer derrière une procédure de licenciement dans le but d'obtenir des indemnités importantes ;
1°- ALORS d'une part que par arrêt du 14 septembre 2010, la 3ème chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bordeaux qui a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 26 novembre 1999, a relaxé M. X... prévenu des chefs de faux, usage de faux, complicité et abus de biens sociaux en relevant que le contrat de travail de M. X... était bien réel et que son licenciement du 22 avril 1997 était effectif, ce dont il s'évince que le juge pénal a constaté que M. X... avait fait l'objet d'un licenciement effectif à la date du 22 avril 1997 ; qu'en jugeant cependant que M. X... avait démissionné en ce qu'il aurait clairement manifesté sa volonté de quitter l'employeur à l'échéance de sa retraite dans le cadre d'une procédure de licenciement, la cour d'appel a violé ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, l'article L. 1351 du code civil et les articles L. 1235-1 et L. 1237-1 du code du travail ;
2°- ALORS de plus que le juge pénal a écarté toute fraude de la part de M. X... ; qu'en considérant que la rupture du contrat de travail de M. X... s'analyse en une démission qui a été différée dans le temps du fait d'un montage juridique destiné à la masquer derrière une procédure de licenciement dans le but d'obtenir des indemnités importantes, la cour d'appel a encore violé ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, l'article L. 1351 du code civil et les articles L. 1235-1 et L. 1237-1 du code du travail ;
3°- ALORS d'autre part que la démission ne peut résulter que de la volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin à son contrat de travail ; que ne caractérise pas une démission, ni un départ à la retraite, ni le licenciement d'un salarié quand bien même serait-il intervenu à sa demande ; qu'en jugeant le contraire aux motifs inopérants que le départ de M. X... en 1998 a été organisé dans le cadre d'une procédure de licenciement déclenchée à l'initiative du salarié ou encore que M. X... aurait manifesté clairement son intention de quitter son employeur à l'échéance de sa retraite et qu'il avait par courrier du 18 mai 1998 formalisé auprès de sa caisse de retraite sa demande de retraite avec effet au 1er mai 1998, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-1 du code du travail ;
4°- ALORS de surcroît que Mme X... a fait valoir qu'à supposer que le licenciement de M. X... du 22 avril 1997 ne soit pas reconnu valable et que le contrat de travail ait été suspendu jusqu'à la révocation de son mandat social, soit le 3 avril 1998, le contrat de travail de M. X... qui avait repris ses effets après la révocation avait été rompu par la société Marie Brizard dès le 3 avril 1998 sans que soit mise en oeuvre la moindre procédure de licenciement ; qu'à cette date, comme il résultait de l'attestation de Mme E...versée aux débats, M. X... s'était vu interdire l'accès à son bureau, avait été empêché d'effectuer la moindre prestation de travail et avait été privé de son salaire ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces circonstances dont il résultait que M. X... avait fait l'objet d'un licenciement totalement irrégulier et donc sans cause réelle et sérieuse en avril 1998, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail ;
5° ALORS encore la rupture étant intervenue le 3 avril 1998 par l'exclusion de M. X... de l'entreprise et la privation-non contestée-de sa rémunération, la demande de liquidation des droits à pension formée le 18 mai 1998 était insusceptible de caractériser une démission et de couvrir le caractère irrégulier du licenciement ; que la Cour d'appel a encore violé les textes précités ;
6° ALORS en toute hypothèse que ne peut caractériser une démission le fait de solliciter la liquidation de droit à pension par un salarié chassé de son entreprise et privé de sa rémunération ; que la cour d'appel a violé les textes susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-10659
Date de la décision : 02/12/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 17 décembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 déc. 2015, pourvoi n°14-10659


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.10659
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