LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif attaqué (Montpellier, 16 juillet 2014) et les productions, que M. X..., marin-pêcheur, affilié à l'Etablissement national des invalides de la Marine (l'ENIM) et assuré au titre d'un contrat de prévoyance complémentaire auprès de l'Union nationale de prévoyance de la mutualité française (UNPMF) aux droits de laquelle vient la société Mutex, a été blessé le 13 décembre 2007 dans un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. Y..., assuré auprès de la société GMF, aux droits de laquelle vient la société Allianz IARD ; que M. X... a assigné en indemnisation M. Y... et son assureur en présence de l'ENIM et de la société Mutex qui ont sollicité le remboursement des prestations servies à leur assuré à la suite de l'accident ;
Attendu que l'ENIM fait grief à l'arrêt de limiter à 25 786,43 euros la somme qui lui a été allouée en remboursement des prestations servies à M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que le principe indemnitaire s'oppose à ce que les indemnités journalières versées par un groupement mutualiste, une institution de prévoyance ou une société d'assurance puissent excéder le montant de la perte de revenus restant à la charge de l'assuré après le service des prestations du régime obligatoire de sécurité sociale ; que quelle que soit la qualification qui leur est donnée par le tiers payeur, les sommes versées au-delà de ce montant ne sauraient constituer des indemnités journalières, au sens de l'article 29, point 5, de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que l'indemnité mise à la charge du responsable et de son assureur au titre de la perte de gains professionnels actuels devaient être réparties entre l'ENIM et la société Mutex au prorata de leurs créances respectives, la cour d'appel a violé ledit article 29, point 5, ensemble les articles 9 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 et 2 du décret n° 90-769 du 30 août 1990 ;
2°/ que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge ; que les indemnités journalières versées par un groupement mutualiste, une institution de prévoyance ou une société d'assurance ne réparent la perte de gains professionnels actuels que dans la limite du montant restant à la charge de l'assuré après le service des prestations du régime obligatoire de sécurité sociale ; que dans le cas où elles dépassent ce montant, le reliquat ne saurait s'imputer sur le poste de la perte de gains professionnels actuels ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que l'indemnité mise à la charge du responsable et de son assureur au titre de la perte de gains professionnels actuels devait être répartie entre l'ENIM et la société Mutex au prorata de leurs créances respectives, la cour d'appel a violé l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu, selon les articles 29-5° et 30 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, qu'ouvrent droit à un recours, subrogatoire par détermination de la loi, contre la personne tenue à réparation ou son assureur, les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité, versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne, par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et par les sociétés d'assurance régies par le code des assurances ;
Et attendu qu'ayant constaté par motifs propres et adoptés que les indemnités journalières versées avant la date de consolidation par l'ENIM et l'UNPMF excédaient la perte de gains professionnels de la victime, la cour d'appel, qui a procédé à l'imputation de ces prestations sur le poste de préjudice qu'elles avaient indemnisé, a décidé à bon droit que l'action subrogatoire des tiers payeurs ne pouvait s'exercer que dans la limite de cette perte de gains et au prorata de leurs créances respectives ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Etablissement national des invalides de la Marine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'Etablissement national des invalides de la Marine, le condamne à payer à M. Y..., M. X... et la société Mutex la somme de 2 000 euros chacun ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour l'Etablissement national des invalides de la marine
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à 25 486,43 euros la somme allouée à l'Enim en remboursement des prestations servies à M. X... ;
Aux motifs propres, sur la perte de gains professionnels actuels, que « la cour ne peut que reprendre à son compte la motivation pertinente et complète du premier juge aux termes de laquelle d'une part, sur la base d'un salaire mensuel de 1 928 ¿ perçu en 2007, suivant attestation de la prud'homie des patrons pêcheurs de Sète Môle en date du 19 décembre 2007 (sa pièce 19), M. Jean-Marie X... aurait dû percevoir pour la période du 13 décembre 2007 au 31 décembre 2009, date de consolidation, la somme globale de 26 220 ¿ et d'autre part, calculée au prorata de leurs créances, l'indemnisation revenant à l'ENIM et à l'UNPMF, désormais la SA Mutex, respectivement à hauteur de 10 817,64 ¿ et 15 402,36 ¿ ; qu'en effet, contrairement aux prétentions de ces deux organismes, il n'est aucunement démontré par les pièces produites aux débats, en dehors de procéder par simples allégations, que d'une part, M. Jean-Marie X... aurait perçu en 1997 des revenus mensuels supérieurs à 1 928 ¿ selon l'attestation précitée alors même que son avis d'imposition pour cette année fait état de revenus moindres à hauteur de 20 409 ¿, soit 1 700,75 ¿ par mois, et d'autre part, il aurait procédé à de fausses déclarations dès lors que le montant global des indemnités journalières versées par ces organismes se monteraient pour la même période entre l'accident et la date de consolidation à la somme de 43 684,75 ¿ ; qu'il convient de rappeler que seul le salaire forfaitaire déterminé par arrêté ministériel sert de base au calcul des cotisations et pensions servies par l'ENIM et qu'en outre, M. Jean-Marie X... n'est pas en mesure de fournir de bulletins de salaire pour cette période dont l'entrée en vigueur n'est intervenue qu'en 2010 (pièce 37 de M. X...) ; qu'il n'est donc pas justifié que M. Jean-Marie X... aurait d'une quelconque manière caché la réalité sur ses revenus, de sorte qu'il n'y a pas lieu de procéder à une hiérarchie entre les deux tiers-payeurs quant à leur action récursoire, laquelle ne peut se faire que dans la limite de la perte de gains de la victime et au prorata de leurs créances respectives mais en aucun cas à hauteur de l'intégralité des débours exposés par chacun de ces organismes sociaux au titre des prestations versées, en l'espèce des indemnités journalières » (arrêt attaqué, p. 8, dernier § à p. 9, § 3) ;
Et aux motifs adoptés du premier juge, sur la perte de gains professionnels actuels, que « force est de relever qu'est versée au débat, parmi les pièces communiquées régulièrement par Monsieur Jean-Marie X..., une attestation du responsable de la prud'homie des patrons de pêche de SETE datée du 19 décembre 2007, établissant que son salaire forfaitaire mensuel pour l'année 2007 ayant servi de base aux cotisations sociales avait été de 1928 ¿ ; que ¿ c'est ce salaire net mensuel de 1928 ¿ que Monsieur Jean-Marie X... a déclaré percevoir avant l'accident au soutien de sa demande au titre des pertes de gains professionnels futurs et il correspond à peu de chose près au salaire forfaitaire pris en considération pour le calcul de la pension d'invalidité ; que sur la base du revenu mensuel de 1928 ¿ qui était celui que Monsieur Jean-Marie X... justifie avoir perçu au cours de l'année 2007 ayant précédé l'accident du 13 décembre 2007, le montant total des gains qu'il aurait perçu de son activité de marin pêcheur s'il avait été en capacité de l'exercer entre le 13 décembre 2007 et le 31 janvier 2009, date de sa consolidation, se serait élevé à 26 220 ¿ ; que le caractère subrogatoire du recours dont disposent tant l'Union Nationale de la Prévoyance de la Mutualité Française que l'établissement National des invalides de la Marine, exclut que le montant de l'indemnisation qui puisse leur être due par le conducteur du véhicule impliqué et son assureur la SA ALLIANZ venant aux droits de la SA AGF IARD, s'élève à un montant supérieur à celui de la perte de gains professionnels de la victime, dans la limite maximale de laquelle leur recours doit s'exercer ; que, considérant que l'Union Nationale de la Prévoyance de la Mutualité Française justifie avoir versé à Monsieur Jean-Marie X... un total d'indemnités journalières de 25 661,68 ¿, et que l'établissement National des invalides de la Marine justifie lui avoir versé un montant total de 18 023,07 ¿ au titre des prestations en espèce, leur indemnisation doit s'effectuer dans la limite de la somme de 26 220 ¿ et proportionnellement au montant de leurs versements respectifs ; qu'au titre de l'indemnisation de ce poste des Pertes de gains professionnels actuels, Monsieur Geoffroy Y... et la SA ALLIANZ venant aux droits de la SA AGF IARD seront condamnés in solidum à payer :
- à l'Union Nationale de la Prévoyance de la Mutualité Française une indemnité de 15 402,36 ¿,
- à l'établissement National des invalides de la Marine une indemnité de 10 817,64 ¿ ;
que l'Union Nationale de Prévoyance de la Mutualité Française et l'établissement National des invalides de la Marine seront donc déboutés du surplus de leur recours » (jugement entrepris, p. 9, pénult. § à p. 10, § 3) ;
Alors d'une part que le principe indemnitaire s'oppose à ce que les indemnités journalières versées par un groupement mutualiste, une institution de prévoyance ou une société d'assurance puissent excéder le montant de la perte de revenus restant à la charge de l'assuré après le service des prestations du régime obligatoire de sécurité sociale ; que quelle que soit la qualification qui leur donnée par le tiers payeur, les sommes versées au-delà de ce montant ne sauraient constituer des indemnités journalières, au sens de l'article 29, point 5 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que l'indemnité mise à la charge du responsable et de son assureur au titre de la perte de gains professionnels actuels devaient être réparties entre l'Enim et la Mutex au prorata de leurs créances respectives, la cour d'appel a violé ledit article 29, point 5, ensemble les articles 9 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 et 2 du décret n° 90-769 du 30 août 1990 ;
Alors subsidiairement, d'autre part, que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge ; que les indemnités journalières versées par un groupement mutualiste, une institution de prévoyance ou une société d'assurance ne réparent la perte de gains professionnels actuels que dans la limite du montant restant à la charge de l'assuré après le service des prestations du régime obligatoire de sécurité sociale ; que dans le cas où elles dépassent ce montant, le reliquat ne saurait s'imputer sur le poste de la perte de gains professionnels actuels ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que l'indemnité mise à la charge du responsable et de son assureur au titre de la perte de gains professionnels actuels devaient être réparties entre l'Enim et la Mutex au prorata de leurs créances respectives, la cour d'appel a violé l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.