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19/11/2015 | FRANCE | N°14-11093;14-11094;14-11095;14-11096;14-11097;14-11098;14-11099

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 novembre 2015, 14-11093 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° X 14-11.093 à D 14-11.099 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et six autres salariés, qui ont occupé des emplois dans l'établissement de Dunkerque de la société Usinor, devenue Sollac Atlantique, aux droits de laquelle se trouve la société Arcelomittal Atlantique et Lorraine (la société), ont saisi la juridiction prud'homale en soutenant avoir été exposés à l'amiante afin d'obtenir la réparation notamment d'un préjudice d'anxiété ;
Sur

le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spéc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° X 14-11.093 à D 14-11.099 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et six autres salariés, qui ont occupé des emplois dans l'établissement de Dunkerque de la société Usinor, devenue Sollac Atlantique, aux droits de laquelle se trouve la société Arcelomittal Atlantique et Lorraine (la société), ont saisi la juridiction prud'homale en soutenant avoir été exposés à l'amiante afin d'obtenir la réparation notamment d'un préjudice d'anxiété ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu que pour condamner la société à payer à chaque salarié une somme en réparation d'un préjudice d'anxiété, les arrêts retiennent, d'abord, qu'en application des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail, le droit du salarié à obtenir réparation du préjudice allégué ne nécessite pas l'inscription préalable de la société sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) et suppose une exposition personnelle du salarié à des risques d'inhalation d'amiante, exposition à laquelle il aurait dû être soustrait par son employeur en exécution de l'obligation de sécurité de résultat dont ce dernier était débiteur, ensuite, que chacun de ces salariés a été quotidiennement exposé à l'inhalation de poussières d'amiante sans protection ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel, et qu'il résultait de ses constatations que l'établissement de Dunkerque de la société n'avait pas été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA fixée par arrêté ministériel, ce qui excluait la réparation d'un préjudice d'anxiété, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine à payer à MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C... et D..., la somme de 8 000 euros en réparation d'un préjudice d'anxiété, les arrêts rendus le 29 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C... et D... de leurs demandes en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
Condamne MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C... et D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits aux pourvois n° X 14-11.093 à D 14-11.099 par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(compétence)
Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action en réparation d'un préjudice d'anxiété sollicitée par le défendeur au pourvoi et d'AVOIR condamné la Société ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE à lui verser 8.000 € à ce titre ainsi que 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « sur la fin de non-recevoir et l'exception d'incompétence que l'intimé n'a fait l'objet d'aucune prise en charge au titre d'une maladie professionnelle consécutive à l'inhalation alléguée de l'amiante ; qu'il ne fonde sa demande que sur le manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat relevant de la compétence de la juridiction prud'homale ; qu'il convient donc de confirmer le rejet par les premiers juges des fin et exception soulevées par la société ; en application des articles 1147 du Code civil et L. 4121-1 du Code du travail que le droit de l'intimé à obtenir réparation des préjudices allégués ne nécessite pas l'inscription préalable de la société sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; qu'il suppose une exposition personnelle du salarié à des risques d'inhalation d'amiante, exposition à laquelle il aurait dû être soustrait par son employeur en exécution de l'obligation de sécurité de résultat dont ce dernier était débiteur¿ (p. 4) ; qu'il résulte des attestations établies par ses proches que l'intimé vit dans l'appréhension de l'apparition d'une pathologie liée à l'inhalation de l'amiante, ayant en outre appris que plusieurs collègues de travail avaient été atteints d'une maladie professionnelle en rapport avec celle-ci et que certains en étaient d'ailleurs décédés ; qu'il est en outre astreint à un suivi médical régulier destiné à déceler l'apparition d'une telle maladie ; que cette situation est bien un facteur d'anxiété ; qu'en réparation du préjudice ainsi subi, il convient de lui allouer la somme de 8.000 € ; en revanche, s'agissant du préjudice du bouleversement dans les conditions d'existence, que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement des conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'il convient donc de débouter l'intimé de sa demande de ce chef » ;
ALORS QU'aux termes de l'article L. 4121-1 du Code du travail l'entreprise est désormais tenue des mêmes obligations à l'égard des travailleurs qu'il s'agisse de la protection de la santé physique ou de la santé mentale ; qu'en affirmant cependant que pour les préjudices d'anxiété qui relèvent d'une atteinte directe à la « santé mentale », la responsabilité de l'entreprise devait être recherchée et appréciée, selon un régime de responsabilité obéissant au droit commun appliqué par des juridictions prud'homales, à l'inverse des atteintes à la santé physique qui relèvent de la compétence exclusive des organismes et des juridictions spécialement chargés de la santé au travail, la cour d'appel se fonde sur une distinction injustifiée en violation du texte susvisé ainsi que des articles L. 451-1 et L. 461-1 du Code de la Sécurité Sociale ;
ALORS QU'il en est d'autant plus ainsi que la société exposante avait fait valoir (p. 4 et 5) que l'anxiété est un trouble fortement répertorié en médecine par le guide des Affections de Longue Durée établi par la Haute Autorité de Santé, par la classification internationale des maladies CIM-10 édictée par l'Organisation Mondiale de la Santé, par le Manuel Diagnostic des Troubles Mentaux DSM IV ainsi que par l'article R. 351-24-1 du Code de la Sécurité Sociale ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces normes, comme elle y était invitée, et en déclarant recevable l'action du défendeur au pourvoi, la juridiction prud'homale a privé sa décision de base légale au regard tant de l'article L. 4121-1 du Code du travail que des articles L. 451-1 et L. 461-1 du Code de la Sécurité Sociale ;
ALORS, ENFIN, QUE l'anxiété qui est susceptible de perturber les conditions d'existence et qui, de ce fait, justifierait un niveau indemnisable de 8.000 ¿ constitue nécessairement une pathologie relevant d'une expertise médicale ; qu'en diagnostiquant par elle-même ce type d'atteinte à la santé mentale et son ampleur chez chacun des intéressés, la cour d'appel a excédé les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1411-1 du Code du travail et de plus fort, violé les articles L. 143-1, L. 451-1 et L. 461-1 du Code de la Sécurité Sociale.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(absence de classement au titre de l'article 41 de la loi de 1998)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE à verser 8.000 € au défendeur au pourvoi au titre d'un préjudice d'anxiété ainsi que 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'« en application des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail que le droit de l'intimé à obtenir réparation des préjudices allégués ne nécessite pas l'inscription préalable de la société sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; qu'il suppose une exposition personnelle du salarié à des risques d'inhalation d'amiante, exposition à laquelle il aurait dû être soustrait par son employeur en exécution de l'obligation de sécurité de résultat dont ce dernier était débiteur ; que les premières mesures concernant la protection des travailleurs exposés à l'action des poussières d'amiante remontent au moins au décret du 17 août 1977 ; qu'était défini le seuil limite de concentration moyenne des fibres d'amiante dans l'atmosphère inhalée ; qu'étaient imposées différentes mesures destinées à assurer la protection tant collective qu'individuelle des salariés ; qu'ainsi des contrôles étaient imposés régulièrement et la distribution d'équipements individuels exigée pour chaque salarié exposé à l'inhalation des poussières d'amiante ; que donc, dès cette époque au moins, la société avait connaissance de l'étendue exacte de son obligation de sécurité ; qu'en outre son attention avait été personnellement attirée par la société Ferlam, fournisseur d'amiante, dans un courrier en date du 10 février 1978 sur le danger représenté par la libération de fibres d'amiante dans l'atmosphère ; qu'il n'est pas contesté que la construction du site de Dunkerque durant les années 1960 avait conduit à une utilisation très abondante de l'amiante, employée dans les zones de production pour assurer la protection, l'isolation et le calorifugeage du matériel ; que néanmoins aucune mesure individuelle n'a été adoptée pour protéger l'intimé contre l'inhalation des poussières chargées d'amiante dégagées dans l'atmosphère que ce dernier respirait du fait de ses activités successives ; qu'en particulier Michel E..., collègue de l'intimé, qui a travaillé à ses côtés de 1973 à 1993 et subi l'ablation d'un lobe à la suite du développement d'un cancer dû à l'amiante, souligne que le travail effectué consistait à contrôler les brames qui sortaient des machines et que les brames qui arrivaient par train étaient recouvertes de couveuses capitonnées d'amiante afin de maintenir leur température ; qu'il ajoute qu'il côtoyait les calorifugeurs contenant eux aussi de l'amiante et que de façon générale les secteurs en étaient saturés ; que ces constatations sont corroborées par les attestations délivrées par d'autres collègues de travail de l'intimé ayant travaillé dans l'établissement de Dunkerque dans le même secteur que celui de l'intimé entre quinze et trente ans ; que tous se livrent au même constat, à savoir une absence de mesures de protection individuelle, voire même un défaut total d'information sur la dangerosité de l'amiante ; qu'une telle exposition quotidienne, qui a eu lieu dès l'embauche de l'intimé et jusqu'à son départ de l'entreprise, sans mesures de protection, constitue bien une violation de l'obligation de sécurité dont la société était débitrice ; qu'il résulte des attestations établies par ses proches que l'intimé vit dans l'appréhension de l'apparition d'une pathologie liée à l'inhalation de l'amiante, ayant en outre appris que plusieurs collègues de travail avaient été atteints d'une maladie professionnelle en rapport avec celle-ci et que certains en étaient d'ailleurs décédés ; qu'il est en outre astreint à un suivi médical régulier destiné à déceler l'apparition d'une telle maladie ; que cette situation est bien un facteur d'anxiété ; qu'en réparation du préjudice ainsi subi il convient de lui allouer la somme de 8.000 € ; en revanche, s'agissant du préjudice résultant du bouleversement dans les conditions d'existence, que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement des conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'il convient donc de débouter l'intimé de sa demande de ce chef » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE seuls les salariés qui ont travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, sont fondés à alléguer une anxiété préjudiciable du fait qu'ils sont présumés avoir subi une exposition « significative » au terme de la décision de classement prise par les pouvoirs publics ; que n'étant pas contesté que l'établissement de DUNKERQUE n'entrait pas dans le champ du texte susvisé, la cour de DOUAI a violé par fausse application les articles 1147 du Code civil et L. 4121-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE le demandeur à la réparation d'un préjudice d'anxiété qui, à défaut d'appartenir à l'un des établissements définis par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, ne peut se prévaloir de la présomption d'avoir subi une exposition significative, et qui, à défaut d'avoir déclaré une maladie professionnelle prise en charge par la Sécurité Sociale, ne peut davantage se prévaloir de la présomption découlant de l'article L. 461-1 du Code de la Sécurité Sociale, doit assumer, en vertu du droit commun, la charge intégrale de la preuve d'une exposition personnelle au risque dans des conditions fautives et de son retentissement nécessaire sur sa santé mentale ; qu'en se contentant de faire état de certaines dispositions du décret de 1977 sans rechercher si elles étaient applicables spécifiquement dans « les activités successives de l'intéressé », notamment en ce qui concernait la distribution d'équipements individuels, en se référant abstraitement à une éventuelle pollution environnementale datant de la construction du site de DUNKERQUE ou à l'utilisation de couvertures capitonnées sans préciser les conditions d'utilisation de celles-ci par rapport au personnel chargé du contrôle des brames circulant sur le train roulant, la cour de DOUAI, qui se contente d'affirmer globalement que « de façon générale les secteurs étaient saturés » d'amiante, n'a valablement caractérisé ni l'existence d'une exposition habituelle de l'intéressé à ses divers postes, ni son lien nécessaire avec le trouble psychologique allégué, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard tant des articles 1147 et 1315 du Code civil que de l'article L. 4121-1 du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la recherche de la responsabilité d'un employeur en droit commun exige un manquement à l'obligation de résultat, lequel, en l'absence de contamination avérée, seule susceptible d'objectiver la cause de l'anxiété alléguée, comme le soutenait la société exposante (conclusions, p. 4 et 5), ne saurait résulter ni des considérations subjectives des proches ou de celles de l'intéressé, lui-même, sur le cas de tierces personnes, ni d'un simple suivi médical ; qu'en se déterminant par ces motifs inopérants, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1147 du Code civil et L. 4121-1 du Code du travail ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(rétroactivité de la loi)
Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE à verser au défendeur au pourvoi la somme de 8.000 € en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE (p. 2) « Marc X... a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 août 1973 en qualité de surveillant manutention coke par la société USINOR, devenue SOLLAC ATLANTIQUE. A la date de son départ de l'entreprise, survenue le 23 décembre 1994, il occupait, au sein de la Société ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE, l'emploi d'agent technique coordinateur parc à brame après avoir occupé successivement les postes de préparateur de charge, préparateur de ponts polyvalent, chef de charge, aide mécanicien, agent de qualité et coordinateur. Par requête reçue le 24 janvier 2012, le Conseil de Prud'hommes de DUNKERQUE afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice d'anxiété et celui découlant du bouleversement de ses conditions d'existence (p. 3) Attendu en application des articles 1147 du Code civil et L. 4121-1 du Code du travail que le droit de l'intimé à obtenir réparation des préjudices allégués ne nécessite pas l'inscription préalable de la société sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; qu'il suppose une exposition personnelle du salarié à des risques d'inhalation d'amiante, exposition à laquelle il aurait dû être soustrait par son employeur en exécution de l'obligation de sécurité de résultat donc ce dernier était débiteur¿ (p. 4) ; que les premières mesures concernant la protection des travailleurs exposés à l'action des poussières d'amiante remontent au moins au décret du 17 août 1977 ; qu'était défini le seuil limite de concentration moyenne des fibres d'amiante dans l'atmosphère inhalée ; qu'étaient imposées différentes mesures destinées à assurer la protection tant collective qu'individuelle des salariés ; qu'ainsi des contrôles étaient imposés régulièrement et la distribution d'équipements individuels exigée pour chaque salarié exposé à l'inhalation de poussières d'amiante ; que donc, dès cette époque au moins, la société avait connaissance de l'étendue exacte de son obligation de sécurité ; qu'en outre son attention avait été personnellement attirée par la société Ferlam, fournisseur d'amiante, dans un courrier en date du 10 février 1978 sur le danger représenté par la libération de fibres d'amiante dans l'atmosphère ; qu'il n'est pas contesté que la construction du site de Dunkerque durant les années 1960 avait conduit à une utilisation très abondante de l'amiante, employée dans les zones de production pour assurer la protection, l'isolation et le calorifugeage du matériel ; que néanmoins aucune mesure individuelle n'a été adoptée pour protéger l'intimé contre l'inhalation des poussières chargées d'amiante dégagées dans l'atmosphère que ce dernier respirait du fait de ses activités successives ; qu'en particulier Michel E..., collègue de l'intimé, qui a travaillé à ses côtés de 1973 à 1993 et subi l'ablation d'un lobe à la suite du développement d'un cancer dû à l'amiante, souligne que le travail effectué consistait à contrôler les brames qui sortaient des machines et que les brames qui arrivaient par train étaient recouvertes de couveuses capitonnées d'amiante afin de maintenir leur température ; qu'il ajoute qu'il côtoyait les calorifugeurs contenant eux aussi de l'amiante et que de façon générale les secteurs en étaient saturés ; que ces constatations sont corroborées par les attestations délivrées par d'autres collègues de travail de l'intimé ayant travaillé dans l'établissement de Dunkerque dans le même secteur que celui de l'intimé entre quinze et trente ans ; que tous se livrent au même constat, à savoir une absence de mesures de protection individuelle, voue même un défaut total d'information sur la dangerosité de l'amiante ; qu'une telle exposition quotidienne, qui a eu lieu dès l'embauche de l'intimé et jusqu'à son départ de l'entreprise, sans mesures de protection, constitue bien une violation de l'obligation de sécurité dont la société était débitrice ; qu'il résulte des attestations établies par ses proches que l'intimé vit dans l'appréhension de l'apparition d'une pathologie liée à l'inhalation de l'amiante, ayant en outre appris que plusieurs collègues de travail avaient été atteints d'une maladie professionnelle en rapport avec celle-ci et que certains en étaient d'ailleurs décédés ; qu'il est en outre astreint à un suivi médical régulier destiné à déceler l'apparition d'une telle maladie ; que cette situation est bien un facteur d'anxiété ; qu'en réparation du préjudice ainsi subi, il convient de lui allouer la somme de 8.000 € ; Attendu en revanche, s'agissant du préjudice du bouleversement dans les conditions d'existence, que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement des conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'il convient donc de débouter l'intimé de sa demande de ce chef » ;
ALORS QUE c'est seulement la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 qui a imposé à l'employeur de prendre les mesures nécessaires à la protection de « la santé mentale » des salariés ; qu'en se fondant sur cette nouvelle obligation de résultat pour rendre la société exposante responsable d'un « préjudice d'anxiété » envers des personnes, qui n'invoquent, par ailleurs, ni une atteinte à leur santé physique, ni une appartenance au régime ACAATA, la cour d'appel qui énonce que l'intéressé a cessé son activité en 1994 et qui vise exclusivement des faits d'exposition antérieurs, a fait une application rétroactive de l'article L. 4121-1 dans son état actuel en violation tant de celui-ci que des articles 2 du Code civil et 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en vertu des articles 1147 et 1150 du Code civil nul ne peut être déclaré responsable de dommages qui ne pouvaient être tenus pour prévisibles au moment de l'exécution du contrat ; qu'en décidant cependant que la Société ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE devrait répondre, pour des contrats terminés de longue date, d'une atteinte à la « santé mentale » des intéressés dont la préservation n'a été imposée que par la loi postérieure du 17 janvier 2002, la cour d'appel a aussi violé les textes susvisés ainsi que les articles 2 du Code civil et 6 de la CESDH.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE à verser au défendeur au pourvoi la somme de 8.000 € en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QU'« qu'il résulte des attestations établies par ses proches que l'intimé vit dans l'appréhension de l'apparition d'une pathologie liée à l'inhalation de l'amiante, ayant en outre appris que plusieurs collègues de travail avaient été atteints d'une maladie professionnelle en rapport avec celle-ci et que certains en étaient d'ailleurs décédés ; qu'il est en outre astreint à un suivi médical régulier destiné à déceler l'apparition d'une telle maladie ; que cette situation est bien un facteur d'anxiété ; qu'en réparation du préjudice ainsi subi, il convient de lui allouer la somme de 8.000 € ; en revanche, s'agissant du préjudice du bouleversement dans les conditions d'existence, que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement des conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'il convient donc de débouter l'intimé de sa demande de ce chef » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en l'absence de dispositions légales particulières, le risque de préjudice résultant de la crainte de voir se développer une maladie n'est indemnisable que si l'intéressé a établi une contamination se trouvant à l'origine d'un processus évolutif ; que cette condition n'est pas remplie lorsque, comme en l'espèce, la cour d'appel se borne à faire état d'une absence de mesures de protection contre l'inhalation de poussières d'amiante, et se dispense ainsi d'identifier un phénomène objectif susceptible de constituer l'origine du trouble mental allégué ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un lien de causalité direct entre le manquement imputé à l'employeur et le trouble psychologique par nature multifactoriel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du Code civil et L. 4121-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en allouant une réparation forfaitaire de 8.000 € aux salariés invoquant un préjudice d'anxiété sans rechercher ni l'ancienneté ni la durée de l'exposition alléguée, ni même l'ampleur du trouble par rapport aux capacités psychologiques de l'intéressé ou à sa situation de famille, la cour de DOUAI a méconnu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour quiconque et ainsi violé l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-11093;14-11094;14-11095;14-11096;14-11097;14-11098;14-11099
Date de la décision : 19/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 29 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 nov. 2015, pourvoi n°14-11093;14-11094;14-11095;14-11096;14-11097;14-11098;14-11099


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.11093
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