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18/11/2015 | FRANCE | N°14-17512

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 novembre 2015, 14-17512


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par délibération du 18 juin 2012, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Téléperformance France a décidé de recourir à une expertise sur le fondement des dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail ; que, contestant cette décision, la société a saisi le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par un rejet spécialement motivé

sur les six premières branches du moyen annexé, qui ne sont manifestement pas de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par délibération du 18 juin 2012, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Téléperformance France a décidé de recourir à une expertise sur le fondement des dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail ; que, contestant cette décision, la société a saisi le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par un rejet spécialement motivé sur les six premières branches du moyen annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa septième branche :
Vu l'article L. 4614-13 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande de l'employeur tendant à la réduction du coût de l'expertise tel qu'évalué par l'expert avant l'accomplissement de sa mission, l'arrêt énonce que le montant des frais d'expertise ne peut, le cas échéant, être réduit par le juge que compte tenu du travail fait ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur, tenu sauf abus de supporter les frais de l'expertise, peut en contester le coût prévisionnel devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Téléperformance France de sa contestation du coût de l'expertise, l'arrêt rendu le 14 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Téléperformance France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société Téléperformance France à payer au CHSCT la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Téléperformance France.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance du Tribunal de grande instance de Toulouse du 21 décembre 2012 ayant débouté la société TELEPERFORMANCE FRANCE de sa demande d'annulation de la délibération du CHSCT et y ajoutant d'AVOIR condamné la société TELEPERFORMANCE FRANCE à payer au CHSCT de Blagnac la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR débouté la société TELEPERFORMANCE France du surplus de ses demandes et de l'AVOIR condamnée aux dépens d'appel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Le respect du contradictoire et la nécessité pour m'intimé de pouvoir répliquer aux dernières écritures de l'appelante caractérise la cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture susvisée et la fixation de la clôture de la présente procédure au jour des débats. L'article L 4614-12 alinéa 1° du code du travail prévoit que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement. Au cas présent, l'analyse minutieuse et complète des faits à laquelle a procédé le premier juge n'est nullement contestée utilement en cause d'appel par la SAS Téléperformance France laquelle invoque, pour l'essentiel, des arguments identiques à ceux qu'elle développait déjà en première instance. Il lui a été répondu en des motifs justes et bien fondés auxquels il n'y a guère à ajouter que ceci : - Il ne peut être que constaté qu'antérieurement à la désignation de l'expert par la CHSCT, soit au cours des années 2009, 2010, 2011 et 2012 s'est développée et cristallisée une situation de stress et de souffrance des salariés aux travail génératrice de troubles chez plusieurs d'entre eux caractérisant un risque grave tel que visé à l'article L 4614-12 précité ; ainsi, l'étude réalisée en décembre 2009 sur le stress ressenti par les salariés de la production Téléperformance Grand Sud faisait apparaitre que « 29 % des salariés sont en situation de stress intense et 25 % de stress « supportable » soit 54 % de salariés fragilisés » avec un ressenti du stress s'intensifiant avec l'ancienneté et des conséquences multiples sur la santé (migraine, fatigue anormale, douleurs musculaires, troubles du sommeil¿), sur a qualité du travail (difficulté à se concentrer, perte de maitrise de soi, certaines tâches bâclées¿), sur la menace sur l'équilibre de la vie personnelle (travail à terminer à la maison, changements d'horaires pas toujours compatibles avec la vie personnelle...), le bilan annuel dur l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail 2010 révèle que le taux de salariés atteints de maladie à caractère professionnel a triplé par rapport à 2009 et il ressort des pièces du dossier que si les passages à l'infirmerie sont similaires en 2011 à ceux de l'année passée, les accidents du travail sont en nette augmentation en 2011 par rapport à 2010 (41 en 2011 - dont 7 déclarés pour raison psychosociale contre 26 en 2010) et qu'au cours du premier semestre 2012, le taux d'absentéisme a augmenté de 19,1 % par rapport à 2011 avec un taux de maladie en augmentation de 8,2%. - Il est constant, également, que le 10 octobre 2010, l'inspecteur du travail a sollicité de l'employeur notamment « l'enquête E Stress présentée lors du CHSCT du 15 juillet 2010, la révision de son évaluation du risque psychosocial réalisée en collaboration avec les élus du CHSCT et au vu des éléments issus de l'enquête E Stress ainsi que le plan d'action préventif défini en parallèle », que le 1° juin 2011, il a indiqué à l'employeur « je constate avec regret que malgré mes précédentes et multiples demandes d'évaluer sérieusement les risques psychosociaux dans votre entreprise et de mettre en place un plan d'action afin d'éviter ces risques, vous ne m'avez apporté aucun élément d'avancée en la matière, ce qui me conduit à déduire à une absence d'action de votre part contrairement aux obligations légales et réglementaires », que par courrier du 30 août 2011 destiné à l'employeur, il a ajouté : « il vous appartient toujours de réaliser une réelle évaluation des risques psychosociaux dans votre établissement,... Malgré mes demandes et la volonté que vous aviez affichée, je constate toujours l'absence de mise en place de mesures de prévention des risques psychosociaux (aucune transmission en la matière) », que dans on courrier du 2 avril 2012, l'inspecteur du travail a souligné « une intensification du travail tout à fait incompatible avec l'objectif d'amélioration des conditions de travail et de prévention des risques professionnels pour la santé » et a demandé à l'employeur de lui indiquer par retour de courrier ainsi qu'au comité d'hygiène , de sécurité et des conditions de travail quelles mesures il entendait prendre pour remédier à cette situation et qu'enfin, le 4 juin 2012, l'inspecteur du travail a pointé l'absence de réactivité de l'employeur à ses différentes observations et lui a fait observer que l'exercice par les délégués du personnel le 23 avril 2012 de leur droit d'alerte n'avait pas été suivie d'effet et n'avait donné lieu à aucune enquête. - Nonobstant, la réalité du risque grave encouru dans l'entreprise et les rappels explicites et réitérés de l'inspection du travail, force est de constater que lorsque a été prise, le 18 juin 2012, la décision, par le CHSCT, de désignation du cabinet d'expertise ERGOTEC, la SAS Téléperformance France ne justifie d'aucune action de prévention susceptible de permettre de remédier efficacement aux différents risques psychosociaux identifiés de sorte que le recours à l'expertise constituait bien un ultime recours. - Il est avéré, également, que bien que l'employeur ait été avisé, dès le 22 mai 2012, par le CHSCT de Blagnac, de son projet de mandatement d'un expert au titre de la prévention des risques psychosociaux, la SAS Téléperformance France n'a réuni la commission des risques psychosociaux, pour la première fois, que le 26 septembre 2012 et n'a mis en place un numéro vert pour un accompagnement psychologique qu'au mois d'août 2012. - L'analyse des situations de travail effectuée au mois de juillet 2012, soit postérieurement à la désignation du cabinet d'expertise ERGOTEC et les nombreux salariés qui ont signé la pétition qui a immédiatement suivi cette désignation, confirme, indiscutablement, la réalité des troubles dont les salariés ont continué de souffrir (sentiment d'oppression, stress intense, eczéma, situations de harcèlement dénoncées, irritabilité, troubles physiologiques, arrêts de travail, surcharge de travail¿.) - L'étude effectuée auprès de l'infirmerie en octobre 2012 fait apparaitre qu'entre mars et octobre 2012, huit salariés ont été déclarés en situation de maladie professionnelle. - De même, il peut être relevé que l'automutilation d'un salarié, le 24 octobre 2012, dans les locaux de l'infirmerie après un entretien avec la direction ne fait que confirmer la gravité de la situation ce qui a conduit l'inspecteur du travail à relever encore, le 29 octobre 2012 : « l'absence d'analyse d'évaluation des risques psychosociaux et de plan d'action et ce, malgré les demandes récurrentes des élus des services de santé au travail de la CARSAT ou des services de l'inspection du travail et l'intervention du psychologue du SAMSI dont le seul rôle est de vous accompagner dans la démarche et ne se substitue pas à votre obligation qui reste celle d'évaluer les risques et de les prévenir par la mise en oeuvre d'un plan d'action passant en particulier par une organisation de travail et un management propre à assurer la santé de vos salariés. Or mes constats ne vont pas en ce sens. Je vous demande en conséquence de m'indiquer de façon précise et concrète l'état de vos démarches en la matière. » - En l'état des pièces du dossier, aucune action suffisamment pertinente de la SAS Téléperformance France n'est caractérisée postérieurement à la délibération critiquée, contrairement à ses dires : au contraire, il ne peut être que relevé, d'une part que le 8 janvier 2013, la CARSAT a été amenée à retenir que « les facteurs psycho sociaux continuent de générer des risques avérés sur le personnel » et que « les mesures et actions mises en oeuvre ne permettent pas aujourd'hui de produire un plan d'action efficace pour limiter ces risques¿ », d'autre part que, le 17 janvier 2013, les représentants du personnel ont, à nouveau, alerté la direction sur les conditions de travail au sein du service R2tention, faisant état « d'un climat au sein du service de plus en plus électrique » et pointant la surcharge de travail, que le 14 février 2013, l'inspecteur du travail a rappelé à l'employeur que « la mise en place d'un groupe de travail n'est pas la réponse attendue à son obligation de respecter les dispositions réglementaires et d'assurer la santé des salariés » et qu'en fin, en août 2013, les représentants du personnel ont fait état d'appels de salariés en souffrance, l'origine de cette souffrance restant la surcharge de travail, sur laquelle l'employeur était alerté depuis plusieurs mois et ont souligné l'absence de mise en place d'un plan d'action avec son suivi. - Il s'ensuit que la SAS Téléperformance ne peut être que débouté de sa demande d'annulation de la délibération du CHSCT de Blagnac en date du 18 juin 2012. - Le choix de l'expert n'appartient qu'au CHSCT sauf abus manifeste non caractérisé au cas présent. - Aucun élément objectif ne justifie une modification de la mission de l'expert telle que précisée à l'issue de la délibération dont il s'agit. - Enfin, le montant des frais d'expertise ne peut, le cas échéant, être réduit par le juge que compte tenu du travail fait. Par conséquent, il convient de débouter la SAS Téléperformance France de l'ensemble de ses demandes. Les dépens de l'appel seront mis à la charge de la SAS Téléperformance France laquelle sera, également, condamnée à payer au CHSCT de Blagnac la somme supplémentaire de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « aux termes de l'article L 4614-12 du code du travail, le C.H.S.C.T. peut faire appel à un expert agréé notamment lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, est révélé dans l'établissement. En l'espèce, aux termes de la délibération litigieuse adoptée lors de la réunion du 7/6/2012 avec continuité le 18/6/2012, le risque grave exigé par ces dispositions est caractérisé par les pleurs des salariés, des situations de stress, d'insécurité laissant présager des risques psychosociaux en particuliers pour les salariés du service R2tention. Par ailleurs, ce risque grave est également caractérisé au regard de la saisine des membres du C.H.S.C.T. par les délégués du personnel de la société TELEPERFORMANCE du site de Blagnac, saisine du 23/4/2012, les membres du C.H.S.C.T. relevant que les éléments apportés concordaient avec les informations recueillies par ses élus sur la souffrance au travail des salariés. En l'espèce, force est de relever que contrairement à ce que fait valoir la demanderesse qui soutient que la délibération en cause ne fait aucune référence à un risque grave constaté au sein du service R2tention et que seuls des risques potentiels ou éventuels existeraient sur le site de Blagnac, il résulte de cette délibération que si le C.H.S.C.T. a évoqué la possibilité de risques psychosociaux, laquelle constitue un risque au sens des dispositions rappelées supra, il n'en demeure pas moins que cette éventualité repose sur des éléments concrets et objectifs, notamment pour les salariés du service Rétention pour lesquels des situations de stress ont notamment été relevées, et que dès lors il ne peut être utilement soutenu que les conditions posées par l'article L 4614-42 du code du travail rappelées supra ne seraient pas réunies sur ce point. Par ailleurs, il ne peut pas plus être soutenu, au vu du courrier de l'expert désigné à la Direction du 25/7/2012 selon lequel il définit le champ de sa mission qui devrait notamment porter sur ¿l'identification des facteurs potentiellement sources de souffrance au travail et évaluation des risques associés » qu'aucun risque grave n'est constaté dans la mesure où ce chef de mission a pour seul objet de permettre au C.H.S.C.T. d'avoir une vision globale des questions relevant de sa compétence, ce qui implique l'Identification et l'étude par l'expert des causes conduisant les salariés du site de Blagnac et notamment, mais non uniquement, du service Rétention, à être victime de la souffrance au travail constatée. Ainsi, les consultations opérées par le C.H.S.C.T. lors de l'enquête réalisée a permis de mettre en évidence la réalité du stress et sentiments d'oppression et de l'irritabilité comme des troubles du sommeil conduisant à des arrêts de travail, des manifestations d'exzéma, des traitements à bas d'antidépresseurs, d'anxiolythiques, de somnifères, ces éléments étant de nature à confirmer la réalité du risque existant à la date de la délibération en cause. Ainsi, et compte tenu de ce qui précède, il ne peut être utilement soutenu que l'expertise décidée viserait à obtenir un audit général des conditions de travail sur le site de Blagnac. En outre, et alors même qu'il ne peut être tenu compte des éléments produits tant par la demanderesse que par la défenderesse et qui seraient postérieurs à la délibération en cause, il résulte notamment des courriers de l'Inspection du Travail que l'employeur, qui n'en conteste pas utilement la teneur, a omis de procéder à l'analyse d'évaluation des risques psychosociaux et de plans d'action, et ce malgré les demandes récurrentes adressées en ce sens par les élus, notamment le 23/4/2012 dans le cadre de l'exercice de leur droit d'alerte, les services de santé au travail de la CARSAT et de l'inspection du Travail et le psychologue du SAMSI et dès lors, il ne peut être contesté que le recours à l'expertise constitue un ultime recours, en l'absence notamment de réponse satisfaisante de l'entreprise aux membres du C.H.S.C.T. qui l'interrogeaient lors la réunion du 25/10/2011 sur les raisons pour lesquelles les taux des maladies professionnelles constatées sur le site avait plus que triplé et au cours de laquelle l'employeur avait reconnu ne pas être à jour de ses obligations dans l'établissement des plans de prévention. Dès lors, et ce peut important la mise en place d'une commission chargée de l'étude des risques psychosociaux et de groupes de travail, certes annoncée dès le mois de mai-juin 2012 mais réalisée le 12/7/2012, donc postérieurement à la délibération en cause, et ce avec une première réunion de démarrage fixée au 26/9/2012, il convient de constater que contrairement à ce que fait valoir l'entreprise, l'expertise sollicitée constitue à l'évidence un ultime recours. En conséquence, il résulte de ce qui précède que le recours à l'expertise est tant conforme aux dispositions légales que légitime et la S.A.S. TELEPERFORMANCE sera déboutée de sa demande d'annulation de la délibération litigieuse sollicitée à titre principal. Par ailleurs, la demande présentée à titre subsidiaire est à l'évidence sans objet, en l'absence de nécessité de donné acte à la demanderesse de ce qu'elle se réserve ses droit. La S.A.S. TELEPERFORMANCE France qui succombe supportera les dépens de la présente instance. Par ailleurs, l'équité commande de la faire participer aux frais irrépétibles engagés par le défendeur dans le cadre de la présente instance à hauteur de 1.500 € » ;
1°) ALORS QUE selon l'article L. 4614-12 du Code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident de travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement, qui s'entend d'un risque identifié et actuel ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé l'existence d'un stress ressenti par les salariés, l'augmentation du taux de maladie professionnelle, d'accident du travail ou encore de l'absentéisme dont l'origine n'est pas précisée, la survenance de sept accidents du travail pour raison psychosociale, l'existence de courriers émanant de l'inspecteur du travail, des représentants du personnel, de la CARSAT et du psychologue de la SAMSI sollicitant l'évaluation, l'analyse et la prévention des risques psychosociaux, l'évocation de la possibilité de risques psychosociaux dans la délibération du CHSCT décidant le recours à l'expertise, la saisine du CHSCT par les délégués du personnels, la signature par les salariés d'une pétition relative au recours à l'expertise et l'existence d'éléments postérieurs à la délibération du CHSCT ¿ analyse des situations de travail effectuée en juillet 2012, étude effectuée auprès de l'infirmerie en octobre 2012, automutilation d'un salarié le 24 octobre 2012, courrier de la CARSAT du 8 janvier 2013, alerte des représentants du personnel du 17 janvier 2013, courrier de l'inspection du travail du 14 février 2013 et signalement des représentants du personnels d'août 2013 - ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un risque grave identifié au moment de la délibération du CHSCT décidant de recourir à l'expertise, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE pour mettre la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, les juges du fond sont tenus d'indiquer sur quels éléments et documents ils se fondent pour déduire les constatations de fait à l'appui de leur décision sans pouvoir se référer uniquement aux documents de la cause sans autre analyse ; qu'en l'espèce, était versé aux débats un document intitulé questions délégués juin 2012 établissant que le taux d'absentéisme moyen du premier semestre 2012 était inférieur à celui de 2011, et que le taux de maladie avait augmenté de 1,7 points par rapport à 2011 (production n° 17) ; qu'en se bornant à affirmer qu'il ressortait des pièces du dossier que les accidents du travail étaient en nette augmentation en 2011 par rapport à 2010 « (41 en 2011 - dont 7 déclarés pour raison psychosociale - contre 26 en 2010) » et qu' « au premier semestre 2012, le taux d'absentéisme avait augmenté de 19,1 % par rapport à 2011 avec un taux de maladie en augmentation de 8,2% » , sans préciser de quelles pièces précisément elle tirait ces « constatations », la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE tenu de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans indiquer l'origine de leurs constatations ; qu'en affirmant péremptoirement que les services de santé au travail de la CARSAT ainsi que le psychologue du SAMSI avaient adressé des demandes récurrentes à l'employeur concernant l'analyse et la prévention des risques psychosociaux, sans indiquer les éléments lui permettant de procéder à de telles affirmations, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour établir qu'il avait mis en oeuvre des mesures concrètes et efficaces de sorte qu'il n'existait pas un risque au sens de l'article L. 4614-12 du Code du travail, l'employeur avait versé aux débats la présentation du dispositif d'écoute et d'accompagnement (numéro vert) mis en place en 2010 (production n° 21), le justificatif de mise en place du numéro vert le 1er juillet 2010 (production n° 22), les courriers adressés à la CARSAT le 4 mai 2012 (production n° 36) et à l'inspection du travail le 18 juin 2012 (production n° 35), les comptes rendus de réunions et de groupes de travail ainsi que les mesures prises par la direction en vue de l'amélioration des conditions de travail suite à l'alerte donnée par les délégués du personnel le 23 avril 2012 (productions n° 23 à 34), un tableau du taux de l'absentéisme montrant que du fait des actions réalisées le taux d'absentéisme du site de Blagnac avait diminué en 2013 (production n° 37), ainsi qu'un courrier de la CARSAT affirmant que les mesures de prévention des risques avaient été réalisées et décidant en conséquence la suppression de la majoration du taux de cotisation à compter du 1er octobre 2012 (production n° 38) ; qu'en affirmant que l'employeur n'avait mis en place un numéro vert pour un accompagnement psychologique qu'en août 2012, qu'il n'avait pas utilement contesté les courriers de l'inspection du travail ainsi que ceux de la CARSAT, qu'il n'avait pas procédé à l'analyse et à la prévention des risques psychosociaux suite à l'alerte donnée par les délégués du personnel en avril 2012 et qu'il ne justifiait d'aucune action de prévention suffisamment pertinente, susceptible de permettre de remédier efficacement aux différents risques psychosociaux, sans viser ni analyser serait-ce sommairement ces documents dûment versés aux débats, la Cour d'appel a violé l'article 45 du Code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE l'expertise ne peut avoir pour objet de suppléer les pouvoirs d'analyse des risques professionnels, d'inspection et d'enquête dont dispose le CHSCT en vertu des articles L. 4612-2, L. 4612-4 et L. 4612-5 du Code du travail ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que le CHSCT ne justifiait pas avoir épuisé tous les pouvoirs d'analyse des risques professionnels, d'inspection ou d'enquête dont il disposait, de sorte que le recours à l'expertise ne constituait pas l'ultime recours (conclusions d'appel p.9 § 1 et p.22 in fine) ; qu'en se bornant à affirmer que le recours à l'expertise constituait l'ultime recours du CHSCT dans la mesure où l'employeur ne justifiait pas d'action de prévention susceptible de permettre de remédier efficacement aux différents risques psychosociaux, sans constater que le CHSCT avait épuisé toutes les prérogatives dont il disposait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4614-12, L. 4612-2, L. 4612-4 et L. 4612-5 du Code du travail ;
6°) ALORS QUE l'expertise ne peut constituer un moyen de faire procéder à un audit général des conditions de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que le CHSCT avait détourné le recours à l'expertise et souhaité faire un audit général des conditions de travail (conclusions d'appel de l'exposante p.24) ; qu'en se bornant à affirmer qu'aucun élément objectif ne justifiait de modifier la mission de l'expert, sans s'expliquer sur l'étendue de la mission dévolue à l'expert, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du Code du travail ;
7°) ALORS QUE le juge saisi d'une contestation du coût de l'expertise au moment de sa désignation, doit vérifier si ce coût est ou non surévalué ; qu'en l'espèce, la société TELEPERFORMANCE FRANCE faisait valoir que le coût de l'expertise était manifestement surévalué (conclusions d'appel de l'exposante p. 6 § 6, p. 19 § 1 et p. 25) ; qu'en refusant d'apprécier le coût de l'expertise au prétexte que son montant ne pouvait être réduit qu'a posteriori, la Cour d'appel a méconnu son office et partant a violé l'article L. 4614-13 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-17512
Date de la décision : 18/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 14 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 nov. 2015, pourvoi n°14-17512


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.17512
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