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12/11/2015 | FRANCE | N°14-82819

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 novembre 2015, 14-82819


Statuant sur le pourvoi formé par :

- Le procureur général près la cour d'appel de Rennes,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 10e chambre, en date du 1er avril 2014, qui a renvoyé M. Dominique X... et la société centre d'étude et de valorisation des algues des fins de la poursuite des chefs d'escroquerie et détournement de fonds publics ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 septembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mme Chaubon, M. Germain, M. Sado

t, Mmes Planchon, Zerbib, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, consei...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Le procureur général près la cour d'appel de Rennes,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 10e chambre, en date du 1er avril 2014, qui a renvoyé M. Dominique X... et la société centre d'étude et de valorisation des algues des fins de la poursuite des chefs d'escroquerie et détournement de fonds publics ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 septembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mme Chaubon, M. Germain, M. Sadot, Mmes Planchon, Zerbib, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Gauthier ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général GAUTHIER ;
Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société centre d'étude et de valorisation des algues (le CEVA) est une société d'économie mixte, créée le 21 janvier 1986, avec pour objet la mise en oeuvre d'une recherche appliquée en algologie et le transfert des connaissances dans le domaine industriel afin de favoriser le développement économique dans ce secteur, que les fonctions de directeur du Centre ont toujours été occupées par M. X... jusqu'à son licenciement en avril 2007, que le chiffre d'affaires du CEVA était constitué de subventions à hauteur de 70 % provenant du fonds européen de développement régional (FEDER) au titre de contrat de projets Etat-région ainsi que de l'Union européenne au titre de dépenses directes pour la réalisation de projets spécifiques ;
En cet état,
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 591 du code de procédure pénale, violation de la loi ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X... et le CEVA ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel du chef d'escroquerie pour avoir, par la production de fausses justifications de coûts de main-d'oeuvre sur des projets de recherche et développement, trompé les actionnaires du CEVA et la Commission européenne pour les déterminer à leur remettre des subventions publiques obtenues soit de la Commission européenne soit du FEDER ; que les juges du premier degré ont déclaré les prévenus coupables des faits reprochés ; que ces derniers ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et relaxer les prévenus, l'arrêt énonce que si les états de dépenses au titre des coûts de personnel du CEVA, signés de son directeur, M. X..., ne correspondaient pas avec certitude aux dépenses effectivement réalisées et justifiées pour les projets concernés, ces états, qui sont de simples déclarations du nombre d'heures consacrées à un projet, ne caractérisent pas des manoeuvres frauduleuses et que les feuilles de gestion de temps reconstituées pour les besoins des contrôles exercés sont postérieures et non déterminantes des remises de fonds ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations relevant de son appréciation souveraine et dès lors que, d'une part, les états majorés de coût de personnel ne constituaient que des mensonges produits par écrit, d'autre part, les feuilles de gestion de temps établies pour les besoins d'un contrôle avaient été produites après la remise des fonds, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-15 du code pénal et 591 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 432-15 du code pénal ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X... et le CEVA ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour avoir, entre le 29 août 2003 et le 17 octobre 2006, détourné des fonds publics, en l'espèce des subventions publiques obtenues soit de la Commission européenne, soit du FEDER ; que les juges du premier degré ont déclaré les prévenus coupables des faits reprochés ; que ces derniers ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et relaxer les prévenus, l'arrêt relève, en premier lieu, dans son exposé des faits, qu'un audit financier par les services de la Commission européenne en mai 2006, portant sur les relevés de coût produits par le CEVA pour la période de janvier 2003 à décembre 2004 concernant deux projets, a conclu à des anomalies dans la comptabilité des heures consacrées à ces projets justifiant un ajustement total de 659 802, 31 euros en faveur de la Commission européenne, qu'en avril et août 2006, l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) a ouvert deux enquêtes, l'une relative aux dépenses directes, l'autre sur les fonds structurels européens et a proposé, dans son rapport final de décembre 2007, à la Commission européenne de demander au CEVA la restitution intégrale des fonds octroyés, que la Chambre régionale des comptes, après un contrôle réalisé entre avril et novembre 2007, a relevé dans son rapport définitif en mai 2008, des dysfonctionnements dans la tenue des comptes, la gestion des ressources humaines et des anomalies dans la gestion des fonds européens, que le 29 août 2006, le procureur de la République ouvrait une enquête préliminaire, puis le 10 avril 2008 une information judiciaire, que les gendarmes, après audition d'un grand nombre de salariés et d'anciens salariés du CEVA et analyse des fiches de gestion de temps, constataient une majoration fictive des heures de travail sur les projets publics correspondant à 592 jours de travail entre 2002 et 2006 et que ces majorations étaient confirmées par les employés et les secrétaires comptables successifs de la société ;

Que l'arrêt retient, ensuite, qu'il n'est pas démontré, autrement que par des allégations qui n'ont fait l'objet d'aucune vérification, que les prévenus auraient détourné une partie des subventions publiques consenties afin de développer une activité privée de production industrielle d'eau de mer filtrée et que les faits reprochés, qui s'inscrivent dans un contexte d'importantes négligences professionnelles et de climat social très dégradé, ne caractérisent pas l'infraction poursuivie ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans tenir compte des conclusions des différents audits, contrôles et enquêtes effectués, qu'elle dénature en les qualifiant de simples allégations non vérifiées, et alors que l'utilisation de subventions, obtenues en vue de la réalisation d'un projet déterminé, pour le règlement d'heures de travail consacrées à une autre activité, quelle qu'elle soit, constitue un détournement de fonds publics, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 1er avril 2014, mais en ses seules dispositions ayant relaxé M. X... et le CEVA du chef de détournement de fonds publics, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze novembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-82819
Date de la décision : 12/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 01 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 nov. 2015, pourvoi n°14-82819


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.82819
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