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10/11/2015 | FRANCE | N°13-21669

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 novembre 2015, 13-21669


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 14 mai 2013), qu'en avril 2002 et mars 2004, M. et Mme X... ont, par l'intermédiaire de M. Y..., conseiller en gestion de patrimoine, investi des fonds dans un placement collectif dénommé « Phoenix Managed Account », géré par la société de droit allemand Phoenix Kapitaldienst GmbH ; que le 15 mars 2005, l'organisme allemand de surveillance des prestataires de services financiers a dressé un constat de sinistre concernant ce fonds d'investissemen

t ; que la société Phoenix Kapitaldienst GmbH, s'étant trouvée dan...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 14 mai 2013), qu'en avril 2002 et mars 2004, M. et Mme X... ont, par l'intermédiaire de M. Y..., conseiller en gestion de patrimoine, investi des fonds dans un placement collectif dénommé « Phoenix Managed Account », géré par la société de droit allemand Phoenix Kapitaldienst GmbH ; que le 15 mars 2005, l'organisme allemand de surveillance des prestataires de services financiers a dressé un constat de sinistre concernant ce fonds d'investissement ; que la société Phoenix Kapitaldienst GmbH, s'étant trouvée dans l'incapacité de rembourser les investisseurs, a fait l'objet d'une procédure d'insolvabilité ouverte le 1er juillet 2005 par un tribunal allemand ; que reprochant à M. Y... d'avoir manqué à ses obligations d'information et de conseil, ce qui avait causé la perte du solde de leur placement, M. et Mme X... l'ont assigné en responsabilité ; que la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres est intervenue volontairement à l'instance en qualité d'assureur de M. Y... ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de dire que la responsabilité de M. Y... n'est pas établie et de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen :
1°/ que le prestataire de services d'investissement est tenu d'une obligation de conseil supposant une mise en relation d'un renseignement avec l'objectif poursuivi par son client ; qu'après avoir relevé que les époux X... avaient indiqué, dans les rapports d'entretien, que leurs attentes étaient « plutôt normales », étant précisé qu'elles n'étaient pas « de nature spéculative », la cour d'appel a cru pouvoir décider que l'investissement proposé par M. Y... à ses clients était conforme à leurs attentes ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait pourtant que, dans les conditions commerciales générales, la nature de l'opération était décrite comme un « placement de capitaux sur les marchés à terme (« futures » et options) pour le compte commun des clients à des fins spéculatives, en accordant la priorité à des ventes d'option », ou encore que le placement litigieux comportait « une part de spéculation sur les cours boursiers », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que le prestataire de services d'investissement est tenu d'une obligation d'information à l'égard de son client, sauf si ce dernier est un investisseur averti qui détient déjà l'information nécessaire pour comprendre la portée de son engagement ; qu'en se bornant à retenir que M. X... avait déjà procédé à des placements immobiliers (plus d'un million d'euros pour M. X...) et mobiliers (par exemple 150 000 euros pour M. X... en assurance vie Axa « figures libres », c'est-à-dire répartis sur différents supports en unités de compte donc comportant aussi une part de risque), pour affirmer que M. X... était un investisseur averti et donc mal fondé à soutenir qu'il n'avait pas été informé des risques encourus en plaçant une partie de son épargne sur le fonds Phoenix, sans caractériser l'expérience et la connaissance particulières que le client, qui soutenait être totalement profane, aurait eues dans le domaine particulièrement spéculatif de la nature du fonds Phoenix proposé, et qui auraient pu exempter le prestataire de services d'investissement de toute obligation d'information et de mise en garde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3°/ que le prestataire de services d'investissement est tenu d'une obligation d'information à l'égard de son client, sauf à ce que ce dernier soit un investisseur averti ; qu'en affirmant que Mme X... était, tout comme son époux, un investisseur averti et donc mal fondée à soutenir qu'elle n'avait pas été informée des risques encourus en plaçant une partie de son épargne sur le fonds Phoenix, sans caractériser l'expérience et la connaissance particulières que la cliente, qui soutenait être totalement profane, aurait eues dans le domaine financier, et qui lui auraient permis d'évaluer seule les risques de l'opération proposée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°/ que le juge a l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant que « la note d'avertissement de la COB parue en 1998 mettait en garde les investisseurs, non sur des risques anormaux concernant le fonds Phoenix Managed Account, mais seulement sur le défaut d'agrément en France de l'intermédiaire Alpha Capital Service GmbH », quand l'autorité de surveillance des marchés boursiers ne se bornait pas à indiquer, dans cette note d'avertissement, l'absence d'agrément du prestataire de services d'investissement, mais qu'elle y relevait également un risque de violation par ce prestataire de la législation applicable et mettait directement en garde les investisseurs contre les « sollicitations attractives » de la société allemande, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la mise en garde du 24 septembre 1998 dressée par la COB, régulièrement produite aux débats, et elle a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
5°/ que les époux X... indiquaient, dans leurs conclusions, qu'ils n'avaient pas bénéficié d'une information suffisante et loyale de la part de M. Y... et reprenaient expressément à leur compte la motivation des premiers juges ayant retenu la faute de M. Y..., qui ne démontrait pas avoir porté à la connaissance des époux X... l'avertissement de la COB, et qui ne pouvait dès lors prétendre avoir communiqué une information exhaustive et détaillée permettant à ses clients d'opérer sereinement un choix ; qu'en se bornant à affirmer qu'à l'époque, la banque allemande et son produit ne donnaient pas lieu à des suspicions particulières et que M. Y... n'avait pas commis d'imprudence en proposant ce placement à ses clients, sans rechercher, comme l'y invitaient les époux X..., si l'intermédiaire financier avait informé ses clients de l'existence et du contenu de la mise en garde adressée aux investisseurs par la COB, qui portait précisément sur le produit qu'il leur proposait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
6°/ que la cour d'appel a constaté que la COB mettait en garde les investisseurs contre une banque étrangère non agréée en France, qui proposait des rendements importants et attractifs, en évoquant une potentielle méconnaissance de la législation applicable par cet organisme ; qu'en affirmant, pour écarter toute responsabilité de M. Y..., qu'aucune suspicion particulière ne se justifiait lors de la souscription de leurs engagements par les époux X..., en 2002 et 2004, quand elle constatait que la société allemande qui proposait le placement litigieux avait fait l'objet d'une mise en garde de la COB dès 1998, ce qui justifiait de la part de l'intermédiaire financier, qui proposait à ses clients un placement auprès de cet établissement, l'exigence d'une certaine prudence se traduisant, à tout le moins, par la nécessité d'attirer l'attention de ses clients sur ces circonstances, avant d'accepter leur engagement dûment éclairé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil ;
7°/ qu'en affirmant, pour conclure à l'absence d'imprudence de M. Y..., qu'en janvier 2002, l'office fédéral de contrôle de la profession bancaire allemand avait écrit à la Banque de France que les sociétés Phoenix Kapitaldienst et Alpha Capital Service étaient des établissements d'investissement agréés en République Fédérale d'Allemagne et qu'elles avaient l'intention de proposer en France leurs services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières en application de l'article 18 de la directive 93/ 22/ CEE, quand cette information délivrée par l'office fédéral allemand n'avait pas pour effet d'autoriser l'exercice de leurs activités par ces deux établissements, ni d'anéantir la mise en garde de la COB, et que l'office attirait même, au contraire, l'attention des établissements sur le fait que « l'exercice d'activités portant sur des instruments financiers non couverts par la Directive 93/ 22/ CEE étaient susceptibles de nécessiter une autorisation particulière en France », la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
8°/ qu'en affirmant, pour écarter la responsabilité de M. Y..., qu'il n'avait pu prévoir la fraude qui avait conduit à la perte du capital des époux X..., quand il appartenait au juge de rechercher si le professionnel avait rempli son obligation d'information et de conseil à l'égard de ses clients, en portant à leur connaissance la mise en garde de la COB, et en appelant leur attention sur le fait que le produit de nature spéculative était proposé par un établissement faisant l'objet d'une mise en garde de la COB, non agréé en France et susceptible d'exercer une activité méconnaissant la réglementation française, la cour d'appel a derechef statué par un motif inopérant, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que les imprimés, à l'en-tête de la banque Phoenix et intitulés « rapports d'entretien », mentionnaient que l'objectif de M. et Mme X... était la diversification de leurs placements et que leurs attentes étaient « plutôt normales », c'est-à-dire ni « de nature spéculative » ni « traditionnelles (favorisant la sécurité) », et relevé que les documents signés par eux les informaient sur les risques liés au placement qui leur avait été proposé et qui comportait une part de spéculation sur les cours boursiers, la cour d'appel a pu en déduire que ce placement était conforme à leurs attentes ;
Attendu, en deuxième lieu, que le prestataire de services d'investissement est dispensé de son obligation de mise en garde de son client s'il établit que ce dernier a la qualité d'opérateur averti ; qu'ayant relevé que les imprimés à l'en-tête de la banque Phoenix, signés par M. et Mme X..., mentionnaient que l'objectif de ces derniers était la diversification de leurs placements, qu'ils avait déjà conclu des opérations sur des marchés à terme et déjà effectué d'autres investissements en valeurs mobilières et qu'ils possédaient des connaissances théoriques sur le fonctionnement des marchés à terme et avaient conscience des risques encourus, la cour d'appel, qui a fait ressortir que M. et Mme X... avaient la qualité d'opérateurs avertis, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, enfin, qu'après avoir constaté que la note d'avertissement de la Commission des opérations de bourse parue en 1998 mettait en garde les investisseurs, non sur des risques anormaux concernant le fonds Phoenix Managed Account, mais seulement sur le défaut d'agrément en France de l'intermédiaire Alpha Kapital Service GmbH, l ¿ arrêt relève que l'Office fédéral de contrôle de la profession bancaire a, le 11 janvier 2002, informé la Banque de France que les sociétés Phoenix Kapitaldienst et Alpha Kapital Service, qui sont des établissements d'investissement agréés en République fédérale d'Allemagne, avaient fait part de leur intention de proposer en France leurs services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières en application de l'article 18 de la directive 93/ 22/ CEE ; que l'arrêt en déduit qu'aucune imprudence ne peut être reprochée à M. Y... ; que par ces constatations et appréciations, exemptes de dénaturation, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que les services proposés par ces sociétés étaient subordonnés à une autorisation particulière en France, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui critique un motif surabondant en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 1 500 euros à M. Y... et la somme globale de 1 500 euros à la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et à la société Cunningham Lindsey experts risques industriels et spéciaux (Cleris) ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la responsabilité de Monsieur Y... dans les pertes subies par Monsieur et Madame X... sur les fonds confiés à la société PHOENIX KAPITALDIENST GmbH n'était pas établie et D'AVOIR rejeté toutes les demandes des époux X... ;
AUX MOTIFS QUE « dans le cadre de contrats d'adhésion signés par chacun d'eux en avril 2002, Monsieur et Madame X... ont confié des fonds à la banque PHOENIX KAPITALDIENST GmbH pour les placer dans le fonds commun « PHOENIX MANAGED ACCOUNT » conseillé par Monsieur Dominique Y... qui les assistait dans la gestion de leur patrimoine depuis plusieurs années :- Monsieur X... 69. 980 € le 13 avril 2002 puis 70. 000 € le 10 mars 2004,- Madame Denise X... 31. 000 € le 22 avril 2002 ; que rien ne démontre que Monsieur et Madame X... avaient demandé à Monsieur Dominique Y... un placement sûr de leur épargne de façon à se procurer un complément de retraite ; qu'au contraire, dans les documents signés lors du premier versement de chacun, consistant en des imprimés à l'en-tête de la banque PHOENIX et intitulés « rapports d'entretien », mention a été faite que leur objectif était la diversification de leurs placements, qu'ils avaient déjà conclu des opérations sur des marchés à terme (point 2) et déjà effectué d'autres investissements en valeurs mobilières (point 3), qu'ils possédaient des connaissances théoriques sur le fonctionnement des marchés à terme (point 4) et qu'ils avaient conscience des risques encourus, qu'enfin leurs attentes étaient « plutôt normales », c'est-à-dire ni « de nature spéculative », ni « traditionnelles » (favorisant la sécurité) ; que même si, comme le prétendent Monsieur et Madame X..., ces « rapports d'entretien » ont été remplis par leur conseiller, en y apposant leur signature, ils en ont approuvé le contenu et ne peuvent imputer à faute à Monsieur Dominique Y... les erreurs que ces questionnaires contiendraient ; que dans les contrats d'adhésion que Monsieur et Madame X... ne dénient pas avoir signés, ils ont reconnu dans un paragraphe spécialement approuvé, avoir reçu, lu et compris les documents suivants : la brochure PHOENIX intitulée « Managed Account », les conditions commerciales générales et les indications sur les risques ; qu'au point 5 des questionnaires précités, ils ont aussi expressément répondu « oui » à la question « avez-vous bien pris conscience des risques encourus tels qu'expliqués dans la brochure « PHOENIX Managed Account » ; que dans les conditions commerciales susvisées, la nature de l'opération est ainsi décrite : « placement de capitaux sur les marchés à terme (« futures » et options) pour le compte commun des clients à des fins spéculatives, en accordant la priorité à des ventes d'option » ; que la brochure (pièce 24 de Monsieur Dominique Y...) décrit de façon détaillée les opérations de vente d'options, privilégiées par le fonds PHOENIX Managed Account, et contient une information claire et apparente sur le risque de perte partielle ou totale des capitaux investis, risque d'ailleurs inhérent à tout placement dès qu'ils comporte une part de spéculation sur les cours boursiers ; qu'ainsi, Monsieur et Madame X..., qui avaient déjà des placements immobiliers (plus d'un million d'euros pour Monsieur X...) et mobiliers (par exemple 150. 000 € pour Monsieur X... en assurance vie AXA « figures libres », c'est-à-dire répartis sur différents supports en unités de compte donc comportant aussi une part de risque) sont mal fondés à soutenir qu'ils n'ont pas été informés des risques encourus en plaçant une partie de leur épargne sur le fonds PHOENIX ; qu'à la date des versements de Monsieur et Madame X... (avril 2002 et mars 2004), ni la banque allemande, ni son produit ne donnait lieu à des suspicions particulières ; que ce placement affichait depuis plusieurs années des rendements intéressants, de l'ordre de 12 % comme annoncé par Monsieur Dominique Y... selon Monsieur et Madame X..., ce qui n'est pas en soi révélateur de fraude ; que la note d'avertissement de la COB parue en 1998 mettait en garde les investisseurs non sur des risques anormaux concernant le fonds PHOENIX MANAGED ACCOUNT, mais seulement sur le défaut d'agrément en FRANCE de l'intermédiaire ALPHA CAPITAL SERVICE GmbH ; que de plus, Monsieur Dominique Y... établit (pièce 26) que le 11 janvier 2002, l'office fédéral de contrôle de la profession bancaire écrivait à la BANQUE DE FRANCE que les sociétés PHOENIX KAPITALDIENST et ALPHA CAPITAL SERVICE étaient des établissements d'investissement agréés en REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE et qu'elles avaient l'intention de proposer en FRANCE leurs services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières en application de l'article 18 de la directive 93/ 22/ CEE ; qu'aucune imprudence ne peut donc être reprochée à Monsieur Dominique Y... pour avoir proposé ce placement à ses clients ; que par conséquent, il n'est démontré, ni que Monsieur Dominique Y... n'a pas respecté les attentes de ses clients, ni qu'il a manqué à son devoir d'information et de conseil ; qu'au surplus, la perte subie par Monsieur et Madame X... a pour origine les malversations d'au moins un dirigeant de la banque PHOENIX KAPITALDIENST ; qu'il ne peut pas être reproché à Monsieur Dominique Y... de ne pas avoir détecté la fraude que même les autorités de contrôle allemandes n'avaient pas découverte avant l'année 2005 » (arrêt pp. 4 à 6) ;
ALORS QUE 1°), le prestataire de services d'investissement est tenu d'une obligation de conseil supposant une mise en relation d'un renseignement avec l'objectif poursuivi par son client ; qu'après avoir relevé que les époux X... avaient indiqué, dans les rapports d'entretien, que leurs attentes étaient « plutôt normales », étant précisé qu'elles n'étaient pas « de nature spéculative », la cour d'appel a cru pouvoir décider que l'investissement proposé par Monsieur Y... à ses clients était conforme à leurs attentes ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait pourtant que, dans les conditions commerciales générales, la nature de l'opération était décrite comme un « placement de capitaux sur les marchés à terme (« futures » et options) pour le compte commun des clients à des fins spéculatives, en accordant la priorité à des ventes d'option », ou encore que le placement litigieux comportait « une part de spéculation sur les cours boursiers » (arrêt p. 5), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE 2°), le prestataire de services d'investissement est tenu d'une obligation d'information à l'égard de son client, sauf si ce dernier est un investisseur averti qui détient déjà l'information nécessaire pour comprendre la portée de son engagement ; qu'en se bornant à retenir que Monsieur X... avait déjà procédé à des placements immobiliers (plus d'un million d'euros pour Monsieur X...) et mobiliers (par exemple 150. 000 € pour Monsieur X... en assurance vie AXA « figures libres », c'est-à-dire répartis sur différents supports en unités de compte donc comportant aussi une part de risque), pour affirmer que Monsieur X... était un investisseur averti et donc mal fondé à soutenir qu'il n'avait pas été informé des risques encourus en plaçant une partie de son épargne sur le fonds PHOENIX, sans caractériser l'expérience et la connaissance particulières que le client, qui soutenait être totalement profane (conclusions, p. 13), aurait eues dans le domaine particulièrement spéculatif de la nature du fonds PHOENIX proposé, et qui auraient pu exempter le prestataire de services d'investissement de toute obligation d'information et de mise en garde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE 3°), le prestataire de services d'investissement est tenu d'une obligation d'information à l'égard de son client, sauf à ce que ce dernier soit un investisseur averti ; qu'en affirmant que Madame X... était, tout comme son époux, un investisseur averti et donc mal fondée à soutenir qu'elle n'avait pas été informée des risques encourus en plaçant une partie de son épargne sur le fonds PHOENIX, sans caractériser l'expérience et la connaissance particulières que la cliente, qui soutenait être totalement profane (conclusions, p. 13), aurait eues dans le domaine financier, et qui lui auraient permis d'évaluer seule les risques de l'opération proposée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE 4°), le juge a l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant que « la note d'avertissement de la COB parue en 1998 mettait en garde les investisseurs non sur des risques anormaux concernant le fonds PHOENIX Managed Account, mais seulement sur le défaut d'agrément en FRANCE de l'intermédiaire ALPHA CAPITAL SERVICE GmbH » (arrêt p. 5), quand l'autorité de surveillance des marchés boursiers ne se bornait pas à indiquer, dans cette note d'avertissement, l'absence d'agrément du prestataire de services d'investissement, mais qu'elle y relevait également un risque de violation par ce prestataire de la législation applicable et mettait directement en garde les investisseurs contre les « sollicitations attractives » de la société allemande, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la mise en garde du 24 septembre 1998 dressée par la COB, régulièrement produite aux débats (pièce n° 19 produite par les époux X...), et elle a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE 5°), les époux X... indiquaient, dans leurs conclusions (p. 15), qu'ils n'avaient pas bénéficié d'une information suffisante et loyale de la part de Monsieur Y... et reprenaient expressément à leur compte la motivation des premiers juges ayant retenu la faute de Monsieur Y..., qui ne démontrait pas avoir porté à la connaissance des époux X... l'avertissement de la COB, et qui ne pouvait dès lors prétendre avoir communiqué une information exhaustive et détaillée permettant à ses clients d'opérer sereinement un choix (jugement, p. 13) ; qu'en se bornant à affirmer qu'à l'époque, la banque allemande et son produit ne donnaient pas lieu à des suspicions particulières et que Monsieur Y... n'avait pas commis d'imprudence en proposant ce placement à ses clients, sans rechercher, comme l'y invitaient les époux X..., si l'intermédiaire financier avait informé ses clients de l'existence et du contenu de la mise en garde adressée aux investisseurs par la COB, qui portait précisément sur le produit qu'il leur proposait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE 6°), la cour d'appel a constaté que la COB mettait en garde les investisseurs contre une banque étrangère non agréée en FRANCE, qui proposait des rendements importants et attractifs, en évoquant une potentielle méconnaissance de la législation applicable par cet organisme ; qu'en affirmant, pour écarter toute responsabilité de Monsieur Y..., qu'aucune suspicion particulière ne se justifiait lors de la souscription de leurs engagements par les époux X..., en 2002 et 2004, quand elle constatait que la société allemande qui proposait le placement litigieux avait fait l'objet d'une mise en garde de la COB dès 1998, ce qui justifiait de la part de l'intermédiaire financier, qui proposait à ses clients un placement auprès de cet établissement, l'exigence d'une certaine prudence se traduisant, à tout le moins, par la nécessité d'attirer l'attention de ses clients sur ces circonstances, avant d'accepter leur engagement dûment éclairé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE 7°), en affirmant, pour conclure à l'absence d'imprudence de Monsieur Y..., qu'en janvier 2002, l'office fédéral de contrôle de la profession bancaire allemand avait écrit à la BANQUE DE FRANCE que les sociétés PHOENIX KAPITALDIENST et ALPHA CAPITAL SERVICE étaient des établissements d'investissement agréés en REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE et qu'elles avaient l'intention de proposer en FRANCE leurs services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières en application de l'article 18 de la directive 93/ 22/ CEE, quand cette information délivrée par l'office fédéral allemand n'avait pas pour effet d'autoriser l'exercice de leurs activités par ces deux établissements, ni d'anéantir la mise en garde de la COB, et que l'office attirait même, au contraire, l'attention des établissements sur le fait que « l'exercice d'activités portant sur des instruments financiers non couvert par la Directive 93/ 22/ CEE étaient susceptibles de nécessiter une autorisation particulière en FRANCE », la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE 8°), en affirmant, pour écarter la responsabilité de Monsieur Y..., qu'il n'avait pu prévoir la fraude qui avait conduit à la perte du capital des époux X..., quand il appartenait au juge de rechercher si le professionnel avait rempli son obligation d'information et de conseil à l'égard de ses clients, en portant à leur connaissance la mise en garde de la COB, et en appelant leur attention sur le fait que le produit de nature spéculative était proposé par un établissement faisant l'objet d'une mise en garde de la COB, non agréé en FRANCE et susceptible d'exercer une activité méconnaissant la règlementation française, la cour d'appel a derechef statué par un motif inopérant, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-21669
Date de la décision : 10/11/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 14 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 nov. 2015, pourvoi n°13-21669


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Le Bret-Desaché, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.21669
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