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05/11/2015 | FRANCE | N°14-10131

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 05 novembre 2015, 14-10131


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 13 novembre 2013), qu'ayant été vaccinée entre juin et décembre 2006 contre l'hépatite B, avant d'effectuer dans le cadre de sa scolarité un stage professionnel en milieu hospitalier, Mme X... a souffert de divers symptômes ; que le diagnostic de sclérose en plaques ayant été posé en mars 2007, l'établissement scolaire a déposé, le 11 juillet 2008, une déclaration d'accident du travail auprès de la caisse primaire d'assurance malad

ie des Vosges (la caisse) ; que la caisse ayant opposé un refus de prise en ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 13 novembre 2013), qu'ayant été vaccinée entre juin et décembre 2006 contre l'hépatite B, avant d'effectuer dans le cadre de sa scolarité un stage professionnel en milieu hospitalier, Mme X... a souffert de divers symptômes ; que le diagnostic de sclérose en plaques ayant été posé en mars 2007, l'établissement scolaire a déposé, le 11 juillet 2008, une déclaration d'accident du travail auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges (la caisse) ; que la caisse ayant opposé un refus de prise en charge, et après mise en oeuvre de la procédure d'expertise technique, Mme X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours, alors, selon le moyen :
1°/ que si la présomption d'imputabilité au travail joue en faveur des lésions apparues à la suite de l'accident et s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant, soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, cette présomption suppose, lorsque la lésion est apparue plusieurs semaines après le fait accidentel auquel l'assuré le rattache, que l'intéressé ait établi un lien de causalité entre ces lésions et le fait accidentel invoqué ; qu'aussi, en l'espèce, ne bénéficiait pas de cette présomption, Mme X... qui prétendait rattacher aux injections qu'elle avait reçues les 6 juin 2006, 7 juillet 2006 et 18 décembre 2006 dans le cadre d'une vaccination obligatoire contre l'hépatite B une sclérose en plaques, diagnostiquée en mars 2007 à la suite de l'apparition de premiers symptômes à la mi-janvier 2007 ; qu'en retenant, néanmoins, pour la condamner à prendre en charge ladite sclérose en plaques au titre de la législation sur les accidents du travail, que l'organisme social n'avait pas utilement combattu la présomption d'imputabilité dont bénéficiait l'assurée, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et l'article 1315 du code civil ;
2°/ que lorsque la lésion n'apparaît pas dans un temps voisin du fait accidentel auquel l'assuré prétend la rattacher, il lui appartient, pour bénéficier de la présomption d'imputabilité au travail d'établir un lien de causalité entre cette lésion et le fait accidentel invoqué ; que, s'agissant d'une vaccination, cette preuve doit être rapportée par le biais d'une expertise technique mettant à jour la relation entre l'état de santé de l'assuré et l'événement auquel il le rattache ; que, par ailleurs, le juge qui estime qu'il y a lieu d'écarter l'avis d'un premier expert, ne peut substituer son appréciation à celle de l'homme de l'art mais doit impérativement ordonner une nouvelle expertise afin de trancher la question d'ordre médical qui subsiste ; qu'en écartant l'avis de l'expert et en tranchant seul la question de la relation entre le vaccin et la pathologie de l'assurée pour la condamner à prendre en charge au titre de la législation sur les accidents du travail, la sclérose en plaques, diagnostiquée en mars 2007 à la suite de l'apparition de premiers symptômes à la mi-janvier 2007, que Mme X... prétendait rattacher aux injections qu'elle avait reçues les 6 juin 2006, 7 juillet 2006 et 18 décembre 2006 dans le cadre d'une vaccination obligatoire contre l'hépatite B faute pour l'organisme social la cour d'appel a violé ensemble l'article L. 141-2 du code de la sécurité sociale et l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la caisse avait soutenu devant la cour d'appel que Mme X... ne bénéficiait pas de la présomption d'imputabilité au travail ;
Et attendu, d'autre part, qu'après avoir rappelé que constitue un accident du travail, un événement ou une série d'éléments survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la vaccination avait un caractère obligatoire pour Mme X... qui, du fait de sa scolarité, était tenue d'effectuer un stage professionnel en milieu hospitalier ; que le diagnostic de sclérose en plaques a été posé neuf mois après la première injection du vaccin, les premiers troubles étant apparus trois semaines après la dernière injection et s'étant poursuivis de manière continue jusqu'au diagnostic ; qu'il résulte du rapport d'expertise de M. Y... qu'en l'absence d'antécédents particuliers, familial ou personnel de la victime, le lien entre la vaccination et la maladie est établi ; que si l'expert technique Z... a indiqué que les études scientifiques, à l'exception notable de l'une d'entre elles, n'avaient pas objectivé de lien entre la vaccination contre l'hépatite B et l'apparition de la sclérose en plaques, cette controverse médicale ne suffit pas à démontrer que la maladie a une cause totalement étrangère à la vaccination ainsi imposée ;
Qu'ayant ainsi fait ressortir que la présomption d'imputabilité au travail édictée par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale n'était pas renversée, la cour d'appel a exactement décidé, sans trancher une difficulté d'ordre médical, que la sclérose en plaques devait être prise en charge au titre de la législation professionnelle ;
D'où il suit que, nouveau, mélangé de fait et de droit, et comme tel, irrecevable en sa première branche, le moyen, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé la décision prise par la Commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Vosges le 3 septembre 2009 et dit que la sclérose en plaques dont est atteinte Mademoiselle Aurélie X... est la conséquence d'un accident du travail lié à la vaccination contre l'hépatite B et qu'elle doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise; qu'il résulte de ce texte que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté qu'à l'occasion d'un stage professionnel qu'elle devait accomplir en janvier 2007 au centre hospitalier d'Epinal dans le cadre de sa scolarité au lycée professionnel Emile Gallé de Thaon-les-Vosges, Mme X... a dû se soumettre à une vaccination contre l'hépatite B en vertu des dispositions de l'article L3111-4 du code de la santé publique qui sont ainsi rédigées: "Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe (¿)/. Tout élève ou étudiant d'un établissement préparant à l'exercice des professions médicales et des autres professions de santé dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de la santé, qui est soumis à l'obligation d'effectuer une part de ses études dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, doit être immunisé contre les maladies mentionnées à l'alinéa premier du présent article./ Les établissements ou organismes employeurs ou, pour les élèves et étudiants, les établissements ayant reçu leur inscription, prennent à leur charge les dépenses entraînées par ces vaccinations. (¿) ; que la vaccination avait donc un caractère obligatoire pour Mme X... qui, du fait de sa scolarité, était tenue d'effectuer un stage professionnel en milieu médical ; que selon le rapport d'expertise du professeur Guy Z... en date du 15 juin 2009, Mme X... a subi une vaccination contre le virus de l'hépatite B par l'injection d'un vaccin Engerix B les 6 juin, 7 juillet et 18 décembre 2006 ; qu'à la fin de la première semaine de son stage à l'hôpital, c'est à dire au plus tard à la mi janvier 2007 et un mois après la dernière injection, elle a commencé à ressentir des paresthésies et une sensation de lourdeur des deux jambes et des deux pieds, surtout marquée du côté droit, qui s'accompagnait d'une gêne à la flexion du genou; que son médecin généraliste l'a ensuite orientée vers le docteur A..., médecin neurologue à Epinal, qui, après réalisation d'un examen par imagerie le 27 février 2007, a conclu à une atteinte démyélinisante ; qu'après un examen complémentaire pratiqué le 19 mars 2007, le docteur A... a confirmé le 28 mars 2007 le diagnostic de sclérose en plaques et a mis en place un traitement spécifique ; que le diagnostic de sclérose en plaques n'est discuté par aucune des parties, pas même par la caisse; qu'il a été confirmé non seulement par l'expertise du professeur Guy Z... mais également par le rapport médical réalisé le 21 novembre 2008 à la demande de l'ONIAM par le docteur François Y..., rapport qui a été régulièrement produit aux débats et qui a pu être discuté par les parties; que le docteur Y... a conclu son rapport dans les termes suivants: "En réponse à la mission confiée par l'ONIAM, il nous apparaît exister un lien direct entre la vaccination obligatoire contre l'hépatite B imposée par la formation professionnelle de Mlle Aurélie X..., et la révélation clinique de la maladie démyélinisante dans le mois qui a suivi la troisième injection ; puis sa confirmation diagnostique par l'imagerie IRM deux mois plus tard. En l'absence d'antécédents particuliers, familial ou personnel chez Mlle X..., cette succession chronologique établi, à nos yeux, l'imputabilité totale de cette vaccination dans son état neurologique actuel" ; que si le professeur Guy Z... critique les conclusions du rapport du docteur Y..., il ne discute cependant pas la chronologie des événements telle qu'elle est retracée par le premier expert ; que c'est à juste titre et par des motifs que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que dans la mesure où le diagnostic de sclérose en plaques a été posé neuf mois après la première injection du vaccin, que les premiers troubles sont apparus trois semaines après la dernière injection et qu'ils se sont poursuivis de manière continue jusqu'au diagnostic, que la pathologie dont souffre Mme X... est survenue par le fait du travail et que la présomption d'imputabilité résultant de l'article 1. 411-3 du code de la sécurité sociale devait s'appliquer; qu'en effet, la série d'événements que sont la vaccination et la maladie diagnostiquée dans un temps très proche constituent un accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail et dont il est résulté une lésion corporelle; qu'il appartient à la caisse de renverser la présomption d'imputabilité en rapportant la preuve que la sclérose en plaques a une cause totalement étrangère à la vaccination qui avait été imposée à Mme X... dans le cadre de sa formation professionnelle; que le professeur Guy Z... a. conclu son expertise dans les termes suivants: "Après interrogatoire et examen clinique de Mme X..., il apparaît selon les connaissances actuelles que l'affection médicale qu'elle présente ne peut être considérée comme imputable à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B qu'elle a dû subir et n'entre pas dans le cadre de la législation sur les accidents du travail' ; que pour parvenir à cette conclusion, il a reproché au rapport du docteur Y... de ne s'être appuyé que sur la seule étude Heman de 2004 qui a ensuite été critiquée par la communauté scientifique ; que la caisse soutient que dans la mesure où le tribunal a écarté les conclusions de l'expert, il ne pouvait statuer sans avoir préalablement ordonné une nouvelle expertise médicale; mais la question soumise à l'expert ne portait pas sur une contestation d'ordre médical relative à l'état du malade, au sens de l'article 1. 141-1 du code de la sécurité sociale, dès lors qu'il n'existe aucune discussion concernant le fait que Mme X... est bien atteinte de sclérose en plaques, mais seulement sur le fait de savoir si la pathologie médicale de sclérose en plaques est imputable à un accident du travail, à savoir une vaccination contre l'hépatite B ; qu'en conséquence, il ne saurait être soutenu que les premiers juges étaient tenus, pour passer outre l'avis de l'expert, d'ordonner une nouvelle expertise technique en vertu des dispositions de l'article 1. 141-2 du code de la sécurité sociale; qu'il s'ensuit que l'organisation d'une expertise portant sur la question du lien entre la sclérose en-plaques et la vaccination, qui ne pourrait être qu'une expertise judiciaire classique, n'a qu'un caractère facultatif ; Or attendu que le professeur Guy Z... a lui-même indiqué dans la discussion de son rapport d'expertise que le cas de Mme X... ''permet de s'interroger puisque les premiers signes de cette affection (de sclérose en plaques) sont apparus dans le mois qui a suivi une troisième injection de vaccin contre l'hépatite B" ; que tout en rejetant le lien entre la vaccination obligatoire contre l'hépatite B et la sclérose en plaques, il a toutefois fait référence aux "incertitudes qui peuvent légitimement demeurer ça et là et qui peuvent d'ailleurs relever du simple hasard' ; que ce rapport d'expertise ne permet donc pas d'écarter avec une certitude absolue l'hypothèse d'un lien entre la vaccination et la sclérose en plaques; Que Mme X... invoque pour sa part les conclusions du docteur Y... qui a retenu, comme cela a été indiqué précédemment, l'existence d'un lien direct entre la vaccination et la sclérose en plaques ; Que ni le professeur Guy Z... ni le docteur Y... n'ont retenu l'existence d'antécédents médicaux personnels ou familiaux ayant pu favoriser l'apparition de la maladie dont est atteinte Mme X... ; Qu'en définitive, c'est par de justes motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont estimé que la caisse ne produisait aucun élément de nature à détruire la présomption d'imputabilité, de sorte qu'il n'est pas possible d'affirmer que la lésion a une cause totalement étrangère à l'activité professionnelle; qu'il convient donc de dire que la sclérose en plaques dont est atteinte Mme X... est la conséquence de la vaccination contre l'hépatite B qui lui avait été imposée pour les besoins d'un stage professionnel ;
Que le jugement doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE Selon l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. A ce titre constituent notamment un accident du travail, un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines, par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sur la charge de la preuve, l'article L411-1, institue une présomption d'imputabilité de l'accident au travail, la victime devant cependant au préalable établir la réalité de la lésion ainsi que sa survenance au temps et sur le lieu du travail. Dès lors qu'il est justifié d'un accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, un tel accident doit être présumé d'origine professionnelle et il appartient à la caisse qui conteste ce caractère professionnel de détruire la présomption d'imputabilité en apportant la preuve que la lésion a une cause totalement étrangère au travail. En l'espèce, il ressort des pièces produites qu'une déclaration d'accident du travail a été établie le Il juillet 2008 par le Lycée Professionnel Régional Emile Gallé, portant sur l'apparition d'une sclérose en plaques à la suite de la vaccination de Mademoiselle Aurélie X..., élève en terminale BEP sanitaire et social, contre l'hépatite B. Cette déclaration qui est parvenue à la CPAM des Vosges le 21 juillet 2008 mentionne que l'accident est survenu de la façon suivante: l'obligation est faite pour l'ensemble des élèves scolarisés en classe sanitaire et sociale, en vue d'effectuer des stages obligatoires en milieu hospitalier d'être vacciné contre l'hépatite B. L'élève citée a été au cours de cette année scolaire vaccinée par le médecin et déclare ce jour une S.E.P, dont a priori la causalité ne serait pas en lien direct avec la vaccination. Je vous transmets ce document pensant qu'il ne répond pas à ce type d'intervention mais à la demande expresse du cabinet d'expertise médicale en vue d'être consulté par la CPAM. Par lettre du 17 octobre 2008, la caisse a notifié à Mademoiselle Aurélie X... le refus de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, décision prise à la suite de l'avis défavorable formulé par le médecin conseil. L'intéressée ayant contesté cette décision, la procédure d'expertise médicale a été mise en oeuvre et a abouti au rapport d'expertise du Professeur Z..., lequel a estimé que la pathologie de Mademoiselle X... ne peut être considérée comme imputable à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B. A la suite de cette expertise, la caisse a notifié le 19 juin 2009 un refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle. Il ressort de l'expertise du Professeur Z... que Mademoiselle Aurélie X... a été vaccinée contre l'hépatite B, avec une première injection du vaccin le 6 juin 2006, une seconde injection le 7 juillet 2006 et une troisième injection le 18 décembre 2006. Mademoiselle X... a ressenti à compter de la mi-janvier 2007 des symptômes tels que des paresthésies et une sensation de lourdeur des deux jambes et des deux pieds, avec une gêne à la flexion du genou. A la suite d'une consultation neurologique et de la réalisation d'examens de type IRM, il était mis en évidence une atteinte démyélinisante conduisant à un diagnostic de sclérose en plaques et à la mise en place d'un traitement. L'expert note que "le cas de cette patiente permet de s'interroger puisque les premiers signes de cette affection sont apparus dans le mois qui a suivi une troisième injection de vaccin contre l'hépatite B, vaccination débutée en juin 2006". L'expert conteste les conclusions de l'expert désigné par l'ONIAM, le Docteur Y..., lequel a retenu une imputabilité totale de la vaccination dans l'état pathologique de la patiente. Le Professeur Z... indique que le Docteur Y... ne s'est basé que sur la seule étude de HERNAN, laquelle a été critiquée. Il indique que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a clairement indiqué depuis cette étude, remontant à l'année 2004, que "les études pharmaco-épidémiologiques nationales ou internationales, sauf une (HERNAN) n'ont pas démontré que la vaccination contre le VHB était un facteur de risque démontré pour le début d'une première poussée ou les poussées ultérieures de sclérose en plaques". L'expert indique que "de la sorte, et malgré les incertitudes qui peuvent légitimement demeurer çà et là et qui peuvent d'ailleurs relever du seul hasard, sur le plan scientifique aucune liaison entre vaccination contre l'hépatite B et S.E.P. n'a pu être à ce jour établie", l'expert concluant "après interrogatoire et examen clinique de Mademoiselle Aurélie X..., il apparaît selon les connaissances scientifiques actuelles que l'affection médicale qu'elle présente ne peut être considérée comme imputable à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B qu'elle a dû subir et n'entre pas dans le cadre de la législation sur les accidents du travail". Mademoiselle Aurélie X... verse aux débats le rapport médical établi le 21 novembre 2008 par le Docteur François Y..., spécialiste neurologue, qui a examiné l'intéressée à la demande de l'ONIAM, de façon à pouvoir se prononcer sur le lien entre la vaccination obligatoire contre l'hépatite B et les troubles neurologiques constatés et rapportés à l'apparition d'une sclérose en plaques. Le médecin, qui a réalisé son expertise le 3 juin 2008, indique que l'examen neurologique confirme l'existence d'un tétrasyndrome pyramidal associé à une diminution de l'efficience motrice plus latéralisée à droite, une atténuation des phénomènes sensitifs, avec hypo et dysesthésies prédominant sur les membres inférieurs et en particulier sur le tronc, ainsi que des troubles sphinctériens urinaires, restant peu marqués, outre l'existence d'une gêne visuelle aux dépens de l'oeil droit. Le médecin note que l'ensemble de ces signes correspond à l'évolution de la sclérose en plaques identifiée en janvier 2007 et marquée par la survenue rapprochée de plusieurs poussées au cours de l'année 2007.
Le Docteur Y... note encore que la patiente n'a manifesté aucun état pathologique antérieur reconnu, ni aucun antécédent familial. Il retient un lien direct entre la vaccination obligatoire contre l'hépatite B imposée pour la formation professionnelle de Mademoiselle X... et la révélation clinique de la maladie démyélinisante dans le mois qui a suivi la troisième injection. Le médecin appuie ses conclusions sur la chronologie des événements: il note ainsi que la seconde injection du vaccin le 7 juillet 2006 a été marquée par des phénomènes d'intolérance locale régressifs en trois semaines et que la dernière injection, le 18 décembre 2006, n'a précédé que de trois semaines la révélation des signes neurologiques sous forme essentiellement et initialement de troubles sensitifs puis l'apparition dans les deux mois de l'injection de phénomènes sensitifs thoraciques. Il rappelle que les examens IRM pratiqués en février et mars 2007 ont mis à jour une maladie neurologique démyélinisante et que le diagnostic de sclérose en plaques a été porté dans un délai de 9 mois et demi par rapport au début de la vaccination obligatoire contre l'hépatite B. Il est constant que Mademoiselle Aurélie X... qui suivait une formation dans le cadre d'un BEP "carrières sanitaires et sociales" auprès du LPR Emile Gallé de Thaon les Vosges, a été vaccinée contre l'hépatite B dans le courant de l'année 2006, vaccination dont il n'est pas contesté qu'elle était obligatoire en raison des stages professionnels devant être accomplis par l'intéressée dans le cadre de cette scolarité. Il ressort des deux expertises que Mademoiselle X... a subi trois injections du vaccin les 6 juillet 2006, 7 juillet 2006 et 18 décembre 2006 et qu'elle a présenté dès le début de son stage professionnel à l'hôpital au début du mois de janvier 2007, c'est à dire moins de trois semaines après la dernière injection, des symptômes tels que des fourmis au niveau des deux jambes, un sentiment de lourdeur des jambes plus marqué à droite, une gêne pour fléchir la cuisse sur le bassin, le sentiment d'être engourdie particulièrement dans la zone plantaire avec une sensibilité atténuée de l'ensemble des orteils. Le 16 février 2007, soit moins de deux mois après la dernière vaccination et un mois après l'apparition des premiers troubles, il était noté l'apparition de phénomènes thoraciques. Dès la fin du mois de mars 2007, il était constaté non seulement la persistance des troubles déjà décrits mais également des troubles sphinctériens. En mai 2007, il était constaté une gêne sur l'oeil droit et des hémicrânies droites. Le diagnostic de sclérose en plaques, pressenti dès le 9 mars 2007 par le neurologue à la suite de l'IRM, a été définitivement établi le 28 mars 2007 à la suite d'une IRM cérébrale et le traitement a été mis en place dès cette date. Le diagnostic de la maladie a donc été porté 9 mois et demi après la première injection du vaccin contre l'hépatite B après que les premiers troubles liés à la maladie aient fait leur apparition trois semaines après la dernière injection du vaccin et se soient poursuivis de manière continue jusqu'au diagnostic. Il apparaît donc en définitive que la pathologie dont souffre Mademoiselle Aurélie X... est survenue par le fait du travail, de sorte que la présomption d'imputabilité de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale doit s'appliquer. Il appartient en conséquence à la caisse de détruire cette présomption en rapportant la preuve que la sclérose en plaques dont souffre Mademoiselle X... a une cause totalement étrangère à la vaccination imposée à cette dernière dans le cadre de sa formation professionnelle. L'expertise du Professeur Z... ne démontre pas que la sclérose en plaques dont est atteinte Mademoiselle X... à une cause totalement étrangère à la vaccination contre l'hépatite B qui a été imposée à cette dernière. En effet, l'expert indique lui-même que "le cas de cette patiente permet de s'interroger puisque les premiers signes de cette affection sont apparus dans le mois qui a suivi une troisième injection du vaccin contre l'hépatite B, vaccination débutée en juin 2006 et qui lui avait été imposée du fait du stage hospitalier prévu dans le cadre de son cursus scolaire de BEP sanitaire et social. L'expert indique cependant que sur le plan scientifique, aucune liaison entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques n'a pu être à ce jour établie. Si les scientifiques sont, aujourd'hui encore, divisés que cette question du lien de causalité entre vaccination et maladie, la présente procédure n'a pas pour objet de trancher cette controverse médicale mais de dire si Madame Aurélie X... a, ou non, été victime d'un accident du travail au vu des seuls éléments de la cause. Or aucun des deux experts n'a relevé chez la patiente d'antécédents médicaux et/ou d'antécédents familiaux. Il n'est pas fait état de troubles neurologiques, de troubles sensitifs des membres, de troubles sphinctériens et de troubles oculaires antérieurs à la première injection du vaccin, c'est à dire au 6 juin 2006. Il n'est pas démontré par la caisse qu'il pourrait exister une cause au déclenchement de la maladie, autre que la vaccination contre l'hépatite B.
Quant aux conclusions de l'AFSSAPS, du 28 janvier 2008, citées par le Professeur Z..., selon lesquelles "les études pharmaco-épidémiologiques nationales ou internationales, sauf une (HERNAN M neurology 63, 838-42) n'ont pas montré que la vaccination contre le VHB était un facteur de risque démontré pour le début d'une première poussée ou les poussées ultérieures de sclérose en plaques", elles ne permettent nullement d'exclure de manière définitive que la vaccination contre le VHB soit à l'origine de cas de sclérose en plaques puisqu'au contraire, l'étude HERNAN, qui a retenu un lien possible, est expressément citée. Le fait que les études scientifiques, à l'exception notable de l'une d'entre elles, n'aient pas objectivé de lien entre vaccination contre le VHB et apparition de la sclérose en plaques, ne suffit pas à démontrer que la maladie dont souffre Mademoiselle X... est sans aucune relation avec la vaccination qui lui a été imposée, alors même que l'analyse de la chronologie des vaccinations et de l'apparition des symptômes laisse apparaître au contraire un lien direct.
En définitive, la caisse ne produit pas d'éléments de nature à détruire la présomption d'imputabilité, ne rapportant pas la preuve que la lésion a une cause totalement étrangère au travail. Il y a donc lieu de faire droit à la demande et de retenir que la sclérose en plaques dont souffre Mademoiselle Aurélie X... est la conséquence d'un accident du travail caractérisé par les vaccinations contre l'hépatite B reçues les 6 juin 2006, 7 juillet 2006 et 18 décembre 2006, dans le cadre de sa scolarité en classe de BEP sanitaire et social au LPR Emile Galle de Thaon les Vosges.
ALORS D'UNE PART QUE si la présomption d'imputabilité au travail joue en faveur des lésions apparues à la suite de l'accident et s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant, soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, cette présomption suppose, lorsque la lésion est apparue plusieurs semaines après le fait accidentel auquel l'assuré le rattache, que l'intéressé ait établi un lien de causalité entre ces lésions et le fait accidentel invoqué ; qu'aussi, en l'espèce, ne bénéficiait pas de cette présomption, Mademoiselle B... qui prétendait rattacher aux injections qu'elle avait reçues les 6 juin 2006, 7 juillet 2006 et 18 décembre 2006 dans le cadre d'une vaccination obligatoire contre l'hépatite B une sclérose en plaques, diagnostiquée en mars 2007 à la suite de l'apparition de premiers symptômes à la mi-janvier 2007; qu'en retenant, néanmoins, pour condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Vosges à prendre en charge ladite sclérose en plaques au titre de la législation sur les accidents du travail, que l'organisme social n'avait pas utilement combattu la présomption d'imputabilité dont bénéficiait l'assurée, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L.411-1 du Code de la sécurité sociale et l'article 1315 du Code civil.
ALORS D'AUTRE PART QUE lorsque la lésion n'apparaît pas dans un temps voisin du fait accidentel auquel l'assuré prétend la rattacher, il lui appartient, pour bénéficier de la présomption d'imputabilité au travail d'établir un lien de causalité entre cette lésion et le fait accidentel invoqué ; que, s'agissant d'une vaccination, cette preuve doit être rapportée par le biais d'une expertise technique mettant à jour la relation entre l'état de santé de l'assuré et l'événement auquel il le rattache; que, par ailleurs, le juge qui estime qu'il y a lieu d'écarter l'avis d'un premier expert, ne peut substituer son appréciation à celle de l'homme de l'art mais doit impérativement ordonner une nouvelle expertise afin de trancher la question d'ordre médical qui subsiste ; qu'en écartant l'avis de l'expert et en tranchant seul la question de la relation entre le vaccin et la pathologie de l'assurée pour condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Vosges à prendre en charge au titre de la législation sur les accidents du travail, la sclérose en plaques, diagnostiquée en mars 2007 à la suite de l'apparition de premiers symptômes à la mi-janvier 2007, que Mademoiselle X... prétendait rattacher aux injections qu'elle avait reçues les 6 juin 2006, 7 juillet 2006 et 18 décembre 2006 dans le cadre d'une vaccination obligatoire contre l'hépatite B faute pour l'organisme social la Cour d'appel a violé ensemble l'article L 141-2 du Code de la sécurité sociale et l'article 1315 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-10131
Date de la décision : 05/11/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 13 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 05 nov. 2015, pourvoi n°14-10131


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.10131
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