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04/11/2015 | FRANCE | N°14-24052;14-26354

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 novembre 2015, 14-24052 et suivant


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° G 14-24. 052 et K 14-26. 354 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 843 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Ginette X... est décédée le 11 octobre 2011, laissant ses trois enfants pour lui succéder : Carole, Thierry et Florence Y... ; que celle-ci, depuis lors décédée et aux droits de laquelle vient Mme Z..., en qualité de légataire universelle, a sollicité le partage de la succession ;
Attendu que, po

ur décider que M. Y... doit rapporter à la succession la valeur actuelle de la ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° G 14-24. 052 et K 14-26. 354 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 843 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Ginette X... est décédée le 11 octobre 2011, laissant ses trois enfants pour lui succéder : Carole, Thierry et Florence Y... ; que celle-ci, depuis lors décédée et aux droits de laquelle vient Mme Z..., en qualité de légataire universelle, a sollicité le partage de la succession ;
Attendu que, pour décider que M. Y... doit rapporter à la succession la valeur actuelle de la maison de Romilly-sur-Seine, dans son état initial, l'arrêt retient que l'opération consistant à mettre au nom de son fils la maison dont la défunte a assuré le paiement intégral, en l'absence de toute autre cause, caractérise une intention libérale ;
Qu'en déduisant l'intention libérale du seul financement, par la défunte, de l'immeuble acquis par M. Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge que M. Thierry Y... doit rapporter à la succession la valeur actuelle de la maison de Romilly-sur-Seine, dans son état initial, l'arrêt rendu le 25 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur aux pourvois n° G 14-24. 052 et K 14-26. 354.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que M. Thierry Y... devait rapporter à la succession la valeur actuelle de la maison de Romilly-sur-Seine dans son état initial ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la libéralité relative à la maison, Mme Florence Y... démontre, par sa pièce numérotée 1, que son frère Thierry, alors déclaré étudiant né en 1970, a acheté sa maison de Romilly-sur-Seine aux époux A..., selon un acte rédigé par maître C..., notaire, du 2 décembre 1997, mentionnant un prix de 250. 000 F, payé pour 150. 000 F par un emprunt remboursable par 120 mensualités de 1. 680, 41 F chacune, sa mère étant caution solidaire, et pour 100. 000 F par " deniers personnels " ; qu'elle démontre également, par sa pièce numérotée 2, que le relevé du compte notarié signale de nombreuses écritures comptables entre le 1er et le 5 décembre 1997, correspondant à l'arrivée en dépôt chez le notaire du montant de la somme prêtée par la banque, du montant de l'apport personnel, puis du virement de ces sommes au profit des vendeurs ainsi que du paiement par le notaire de divers frais ; que le solde ultérieurement établi en mars 1998 se montera en faveur de M. Thierry Y... à 737, 24 F ; qu'elle démontre enfin, par ses pièces 3 à 6, qu'à cette date précise leur mère a fait virer sur son compte bancaire la somme de 133. 500 F, somme ensuite adressée par lui, selon l'écriture bancaire, à " chq Maître C... " ; que le relevé de compte notarié plus haut cité signale, le même jour que la somme de 100. 000 F, un virement de 33. 500 F " provision sur frais vte Lange " ; que cela explique le montant du virement à non pas 100. 000 F mais 133. 500 F ; que la cour trouve dans ces éléments la preuve suffisante que M. Thierry Y... a acheté sa maison pour un prix de 150. 000 F + 100. 000 F + 35. 000 F-737, 24 F, correspondant au total des fonds versés moins le solde rendu, soit 282. 762, 76 F et que la totalité du financement comptant a été assuré par sa mère ; que, pour la suite, Mme Florence Y... démontre par ses pièces n° 9 et 10 que leur mère a mis en place un ordre de virement bancaire d'un montant mensuel de 1. 740 F, devenu 265, 26 ¿, somme correspondant au montant mensuel des échéances d'emprunt ; que ses pièces n° 11 à 31 démontrent que chaque mois cette somme était virée sur le compte de son fils, lorsque l'échéance arrivait ; que le banquier, par attestation du 17 avril 2009, pièce n° 8, atteste que ces mensualités de prêt étaient en fait débitées sur le compte de la mère ; que Mme Florence Y... affirme que ce financement a constitué une libéralité devant être rapportée ; que M. Thierry Y... soutient à l'inverse que sa mère n'a jamais eu d'intention libérale ; que, selon lui, au contraire, elle s'était trouvée en difficulté financière après son divorce et ils avaient imaginé que le fils emprunterait de l'argent pour acheter une maison qu'il lui louerait, remboursant par le loyer les mensualités d'emprunt ; que c'est donc, à ses yeux, par erreur, qualifiée de faux, que le banquier atteste que c'était le compte de sa mère qui payait ; qu'il ne s'agissait que d'un loyer, la valeur locative ayant été diminuée afin de ne pas dépasser le montant des échéances, tandis qu'il remboursait son crédit avec ce loyer ; que la cour n'est pas convaincue par cette explication ; qu'elle observe, d'abord, que l'intimé ne présente aucune preuve de ses affirmations de location et notamment ni contrat de bail ni reçu de loyer ni double de quittance, ni plus généralement quelque pièce que ce soit prouvant sa version des faits ; qu'ensuite, cette version des faits laisse sans explication tout ce qui a été payé comptant par la mère, soit la somme de 133. 500 F ; qu'enfin, il convient de rappeler que M. Thierry Y..., né le 30 juillet 1970, déclaré étudiant lors de l'achat du 2 décembre 1997, ne disposait d'aucune source de financement personnel connue ; que l'examen de ses comptes lors du transit de la somme de 133. 500 F plus haut analysé, montre l'insuffisance des fonds alors détenus et la nécessité d'un apport extérieur ; que la cour, comme le premier juge, aboutit à la conclusion que Ginette X... a financé l'intégralité, apport initial puis crédit, de la maison de M. Thierry Y... ; que ce dernier, pour s'opposer au rapport sollicité, soutient qu'il appartient à sa soeur de prouver l'intention libérale de sa mère ; que la cour la déduit des faits sus analysés, estimant que l'opération consistant à mettre au nom de son fils la maison dont elle assurait le paiement intégral, en l'absence de toute autre cause, signe une intention libérale ; que la cour découvre également, dans les pièces comptables communiquées au débat la preuve que Ginette X..., résidant avant l'achat du 2 décembre 1997 au 3 rue Eugène Delacroix à Romilly-sur-Seine, a ensuite déménagé pour se trouver, en 1998, domiciliée au 14 rue de Troyes dans la même ville, soit dans l'immeuble acheté aux époux A..., tandis que son fils Thierry se trouve domicilié bancaire d'abord au 3 rue Eugène Delacroix puis, en 1998, au 14 rue de Troyes, puis ensuite à Nancy et La Varenne-Saint-Hilaire ; que sa version, selon laquelle l'opération immobilière avait pour but de loger sa mère et qu'elle était restée dans les lieux que lui-même avait abandonnés lorsque sa vie professionnelle l'avait accaparé, est ici convaincante ; qu'elle est confirmée par le fait que sa mère détenait les clefs et qu'elle est partie avec lorsqu'elle est allée habiter chez sa fille Florence, ce qui génère un conflit qualifié de recel successoral ; qu'en outre, la pièce numérotée 5 de l'appelant, courrier adressé par lui le 16 avril 2010 au notaire maître C..., rédacteur de l'acte de vente, démontre que, s'il refusait de signer une reconnaissance de dette à sa mère, il désirait toutefois : " je souhaite qu'un usufruit à titre gracieux soit constitué à son profit à charge que cet usufruit me revienne le jour de son décès " ; que la cour aboutit à la conclusion que l'achat de la maison correspond à une libéralité consentie par la mère à son fils, portant sur la valeur de cette maison, mais que cette libéralité, de façon non écrite, était assortie de la contrepartie d'un usage sans limite ; que cela explique que la mère, sans demande d'autorisation quelconque, a fait procéder à des travaux d'aménagement de l'immeuble qu'elle occupait, correspondant à son bon vouloir et destinés à son agrément, et cela bien qu'il soit en droit la propriété exclusive de son fils ; qu'en cela elle portait atteinte à son droit de propriété, en exécution de son droit d'usage ; que cela explique aussi qu'elle soit partie avec les clefs sans songer à les rendre à son fils, qui ne les lui a pas réclamées ; qu'en les laissant en la possession de sa fille chez qui elle résidait ensuite, elle manifestait sans équivoque que ce droit d'usage lui était personnel et qu'elle n'avait pas à en rendre compte ; que sa fille, en les recevant, ce qu'elle reconnaît dans ses conclusions et a déclaré au notaire, manifestait sans équivoque qu'elle connaissait la situation et l'accord tacite existant entre sa mère et son fils, son frère ; que la mère s'est comportée, avec l'accord de son fils et la pleine connaissance de sa fille Florence, comme si la propriété achetée par elle à son fils avait été frappée d'un droit d'usage à son profit : que c'est dans le cadre de cet usage qu'elle a effectué divers travaux qui ne correspondent donc pas à une libéralité ; que l'article 843, alinéa 1er, du code civil dispose que tout héritier venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement, et qu'il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale ; que la cour ne découvre pas dans le dossier de preuve d'une telle dispense, qui n'est d'ailleurs pas soutenue par l'appelant ; que, par ailleurs, l'article 860-1 du code civil édicte que le rapport d'une somme d'argent ayant servi à acquérir un bien doit se faire sur la valeur de ce bien, dans les conditions de l'article 860, lequel stipule que le rapport est dû, de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ; que la cour, appliquant ces principes à l'espèce, considère que cette donation avec réserve d'usage au profit du donateur, a eu pour effet qu'au décès du donateur, ouvrant droit au partage successoral, l'enfant gratifié est devenu propriétaire sans ne plus devoir d'usage à quiconque, et donc sans la moins-value résultant de l'attachement d'un tel droit ; qu'il en résulte que la valeur à prendre en compte au jour du partage est celle de la pleine propriété du bien ; qu'en revanche, les travaux effectués par la mère donatrice sur le bien ne résultaient pas d'une intention libérale ; qu'ils étaient causés par son usage gratuit et viager ; qu'ils n'appauvrissaient pas son patrimoine, devenu actif successoral, puisqu'ils lui évitaient le coût d'un logement ; qu'il n'y a pas lieu à rapport, et cela même s'il devait s'avérer que la maison du fils en a tiré profit ; qu'en conséquence, par infirmation, la cour juge que M. Thierry Y... doit rapporter la libéralité reçue de sa mère, qui doit être chiffrée à la valeur actuelle de la maison, mais en son état initial, sans tenir compte des travaux effectués par celle qui en usait » ;

1°) ALORS QU'il incombe au cohéritier qui invoque l'existence d'une donation déguisée de prouver que le donateur a financé, avec une intention libérale, l'acquisition du bien dont il demande le rapport ; qu'en déduisant l'intention libérale de Ginette X... du fait qu'elle avait assuré l'intégralité du financement comptant de l'acquisition, par son fils M. Thierry Y..., de la maison de Romilly-sur-Seine à hauteur de 133. 500 francs et avait mis en place un ordre de virement bancaire mensuel du montant mensuel des échéances d'emprunt à son profit, qu'il ne présentait aucune preuve de la location intervenue au profit de sa mère, laquelle laisserait sans explication le paiement comptant, et que « l'opération consistant à mettre au nom de son fils la maison dont elle assurait le paiement intégral, en l'absence de toute autre cause, signe une intention libérale », la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 843 du même Code ;
2°) ALORS QU'une donation suppose un appauvrissement fait dans l'intention de gratifier le donataire ; qu'en affirmant que l'acquisition de la maison sise à Romilly-sur-Seine dissimulait une donation consentie par Ginette X... à son fils Thierry Y... bien qu'elle ait relevé que « l'opération immobilière avait pour but de loger sa mère » qui était venue s'installer avec M. Thierry Y... dans la maison après l'acquisition en 1997, qu'elle y était restée après le départ de celui-ci pour raisons professionnelles, qu'elle y avait fait procéder à des travaux d'aménagement, « correspondant à son bon vouloir et destiné à son agrément », qu'elle en avait conservé les clés même après en être elle-même partie pour s'installer chez une de ses filles en 2011 peu avant son décès, de sorte que « cette libéralité, de façon non écrite, était assortie de la contrepartie d'un usage sans limite », ce dont il résultait que l'acquisition de l'immeuble « avait pour but » de la « loger » et que le financement réalisé trouvait sa « contrepartie » dans un droit d'usage illimité en son principe et effectivement exercé de 1997 à 2011, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations exclusives d'une intention libérale et violé l'article 843 du Code civil ;
3°) ALORS QU'en jugeant que M. Y... ne présentait aucune preuve de la location intervenue sans répondre à ses conclusions faisant valoir que l'ordre de virement permanent mis en place par Ginette X... et les opérations mensuelles correspondantes figurant sur les relevés de compte, ceux-là mêmes desquels l'arrêt a déduit l'intention libérale, étaient intitulés « VIR M. THIERRY B... », la Cour d'appel a violé l'article du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait commis Maître Pennarun, notaire, pour procéder au partage de la succession de Ginette X... et d'AVOIR refusé de statuer sur la valeur rapportable par M. Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur une éventuelle expertise, le premier juge, faisant droit à la demande de Mme Florence Y... selon qui le rapport devait se faire de la valeur totale de la maison améliorée par les travaux, a chiffré le rapport à la somme de 92. 500 ¿ ; que la cour ne confirme pas cette somme, estimant que le rapport doit se faire sur la base de la valeur actuelle de la maison dans son état initial ; que cette valeur n'est pas connue en l'état et aucune des partie ne cite de chiffres ni d'éléments permettant ce calcul ; qu'une expertise pourrait être ordonnée, avec renvoi à la mise en état, solution qui rallongerait encore les délais et maintiendrait le conflit judiciaire ; que le montant du rapport plus haut défini est facile à chiffrer, par un professionnel de l'immobilier ; que la cour estime préférable, ayant ainsi fourni tous les éléments, de renvoyer les parties devant leur notaire en vue d'un chiffrage amiable, aucune expertise n'ayant été sollicitée par les parties » ;
ALORS QU'il appartient au juge qui ordonne le rapport à succession d'une libéralité d'en déterminer la valeur, au besoin en recourant à une mesure d'instruction ; qu'en se dessaisissant pour renvoyer les parties devant le notaire liquidateur en vue d'une évaluation amiable du montant du rapport dû par M. Y... au titre de la maison de Romilly-sur-Seine, la Cour d'appel a méconnu son office et violé les articles 4 et 843 du Code civil, ensemble les articles 4 et 481 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-24052;14-26354
Date de la décision : 04/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 25 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 nov. 2015, pourvoi n°14-24052;14-26354


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.24052
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