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29/10/2015 | FRANCE | N°14-11647

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 29 octobre 2015, 14-11647


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 6 novembre 2013), que, par acte notarié du 1er juillet 2004, M. et Mme X... ont vendu un bien immobilier à M. et Mme Y... ; qu'un acte rectificatif du 26 octobre 2009 a précisé que le bien vendu comprenait également une parcelle attenante n° 292 et le mur érigé entre celle-ci et la parcelle n° 291 de M. C... ; qu'à la suite de l'apparition de fissures de ce mur, M. et Mme Y... ont, après expertise, assigné M. et Mme X... et M. C... pour obtenir la réalisa

tion de travaux de consolidation du mur et l'indemnisation de leur pré...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 6 novembre 2013), que, par acte notarié du 1er juillet 2004, M. et Mme X... ont vendu un bien immobilier à M. et Mme Y... ; qu'un acte rectificatif du 26 octobre 2009 a précisé que le bien vendu comprenait également une parcelle attenante n° 292 et le mur érigé entre celle-ci et la parcelle n° 291 de M. C... ; qu'à la suite de l'apparition de fissures de ce mur, M. et Mme Y... ont, après expertise, assigné M. et Mme X... et M. C... pour obtenir la réalisation de travaux de consolidation du mur et l'indemnisation de leur préjudice ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de déclarer prescrite leur action formée contre M. et Mme X..., alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient à celui qui oppose la prescription de l'action en garantie décennale d'établir la date de réception des travaux ; qu'une déclaration d'achèvement des travaux n'est pas assimilable à un procès-verbal de réception ; qu'en se fondant en l'espèce sur la seule existence d'une déclaration d'achèvement des travaux pour en déduire que M. et Mme X... avaient reçu l'ouvrage à cette même date, les juges du fond ont violé les articles 1792, 1792-1, 1792-4-1 et 1792-6 du code civil, ensemble l'article 1315 du même code ;
2°/ que, pour retenir l'existence d'une réception tacite de l'ouvrage, les juges ne peuvent se borner à constater la réalisation d'un acte qui, à lui seul, ne vaut pas réception ; qu'en l'espèce, pour décider que M. et Mme X... avaient tacitement réceptionné leur ouvrage au 1er juillet 1999, les juges du fond se sont bornés à observer que cette intention se déduisait de la déclaration d'achèvement des travaux effectuée à cette date ; qu'en se prononçant ainsi, sans faire état d'aucun autre élément susceptible de venir conforter leur appréciation, quand une déclaration d'achèvement des travaux ne vaut pas à elle seule réception de l'ouvrage, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1792, 1792-1, 1792-4-1 et 1792-6 du code civil, ensemble l'article 1315 du même code ;
3°/ que la réception d'un ouvrage, lorsqu'elle est tacite, ne peut résulter que d'un acte clair, précis et non équivoque ; qu'en retenant en l'espèce que la seule déclaration d'achèvement des travaux suffisait à valoir réception tacite de l'ouvrage, quand le dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire liée à la non-conformité de l'ouvrage rendait toute réception pour le moins équivoque, les juges du fond ont de toute façon privé leur décision de base légale au regard des articles 1792, 1792-1, 1792-4-1 et 1792-6 du code civil, ensemble l'article 1315 du même code ;
Mais attendu qu'ayant constaté que M. et Mme X... avaient effectué la déclaration d'achèvement des travaux le 1er juin 1999 et relevé que le refus de délivrance du certificat de conformité se référait aux conditions prévues au permis de construire et ne nécessitait pas la reprise des travaux mais seulement le dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire, la cour d'appel a pu retenir que M. et Mme X... avaient tacitement accepté les travaux de construction du mur le1er juin 1999 et en a exactement déduit que le délai de dix années pour agir à l'encontre de M. et Mme X... sur le fondement de la responsabilité décennale était expiré à la date de délivrance de l'assignation, le 15 décembre 2010, et que l'action de M. et Mme Y... était prescrite ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande visant à voir constater la responsabilité de M. et Mme X... pour n'avoir pas déclaré l'existence de la servitude de soutènement lors de la vente, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un mur de soutènement est présumé appartenir au propriétaire du fonds qu'il soutient ; que dans le cas contraire, si le propriétaire du fonds inférieur est également propriétaire du mur de soutènement, il se trouve de ce seul fait tenu d'une servitude consistant à supporter les inconvénients d'entretien et d'aménagement liés aux forces qui s'exercent sur son mur ; qu'en l'espèce, M. et Mme Y... se fondaient expressément sur le fait que, leur droit de propriété sur le mur de soutènement du fonds voisin ne leur ayant pas été révélé lors de la vente du fonds, ils ont été tenus dans l'ignorance de l'existence de la servitude qui grevait leurs fonds ; qu'en se bornant à répondre qu'en construisant ce mur les époux X... n'ont pas créé d'autre servitude que la servitude légale d'écoulement des eaux, quand l'existence d'une servitude de soutènement résultait de la situation même des lieux, les juges du fond ont violé les articles 637 et 639 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code ;
2°/ qu'une servitude peut être établie par destination du père de famille lorsqu'elle résulte de l'aménagement volontairement réalisé par le propriétaire unique d'un fonds par la suite divisé ; qu'en l'espèce, M. et Mme Y... faisaient valoir que la situation des lieux résultait des travaux de remblaiement réalisés par les époux X... à une époque où ceux-ci étaient propriétaires de l'ensemble des parcelles, que le mur avait été édifié par ces propriétaires à l'effet de soutenir le nivellement ainsi créé et que ce n'est que par la suite qu'ils ont divisé leur fonds en adoptant le tracé de ce mur pour ligne séparative ; qu'en se bornant à répondre qu'en construisant ce mur les époux X... n'ont pas créé d'autre servitude que la servitude légale d'écoulement des eaux, sans s'expliquer sur les raisons qui justifiait à leurs yeux d'écarter l'existence d'une servitude de soutènement par destination du père de famille, les juges du fond ont statué par voie de simple affirmation, privant ainsi leur décision de base légale au regard des articles 692 et suivants du code civil, ensemble l'article 1134 du même code ;
Mais attendu, qu'ayant constaté que la configuration du terrain était visible et connue au moment de l'acquisition de la propriété par M. et Mme Y... et que la différence de niveau entre les fonds X... et C... était apparente, relevé que, dans l'acte de vente, M. et Mme Y... reconnaissaient prendre le bien vendu dans l'état où il se trouvait et retenu que M. et Mme X..., en faisant construire le mur, n'avaient pas créé de servitude autre que la servitude légale de l'article 640 du code civil et que les acquéreurs, en visitant les lieux, avaient eu une parfaite connaissance de l'écoulement des eaux du fonds C..., la cour d'appel a pu en déduire que M. et Mme X... n'avaient pas omis de déclarer une servitude ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 544 du code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. et Mme Y... formée à l'encontre M. C..., l'arrêt retient que, par sa nature même, le mur lui-même est à l'origine des désordres constatés et que, si l'expert note des facteurs aggravants provenant des différentes interventions de M. et Mme C... sur la parcelle n° 291, tels que la construction de la maison, la réalisation des plates-bandes avec plantations et arrosage et des travaux de compactage ou roulage pour les travaux extérieurs, ces éléments ne constituent nullement des travaux titanesques et ne suffisent manifestement pas à caractériser un trouble anormal de voisinage ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence de troubles imputables à M. C..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. et Mme Y... en indemnisation d'un trouble anormal de voisinage, l'arrêt rendu le 6 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. C... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. C... à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme Y... ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmant le jugement entrepris de ce chef, d'avoir déclaré prescrite l'action en responsabilité de M. et Mme Y... introduite contre M. et Mme X... sur le fondement de l'article 1792 du Code civil ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la notion de conformité d'un ouvrage est purement administrative et se réfère avant tout aux conditions prévues au permis de construire mais n'a aucune incidence sur la réception de l'ouvrage telle qu'elle résulte de l'article 1792-6 du Code civil ; qu'il est manifeste que les époux X..., en effectuant la déclaration d'achèvement des travaux le 1er juillet 1999, avaient tacitement accepté les travaux de construction du mur tels qu'ils avaient été réalisés, puisque le refus de conformité ne nécessitait pas la reprise des travaux mais seulement le dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire et que dans ces conditions le tribunal a fixé à juste titre la date de réception tacite du mur au 1er juillet 1999 et retenu en conséquence que le délai de 10 années était expiré au moment où l'assignation a été délivrée le 15 décembre 2010 » (arrêt, p. 5, § 3) ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'« il est démontré, tant par l'attestation de Monsieur Claude Z... que de la société PROUD-FOUGERIT, ainsi que de l'acte notarié, que le mur dont s'agit est achevé depuis le 1er juin 1999 ; que l'assignation à l'encontre de Monsieur et Madame X... date du 15 décembre 2010 ; que la demande fondée sur l'article 1792 du code civil est prescrite » (jugement, p. 7, al. 2 à 4) ;
ALORS QUE, premièrement, il appartient à celui qui oppose la prescription de l'action en garantie décennale d'établir la date de réception des travaux ; qu'une déclaration d'achèvement des travaux n'est pas assimilable à un procès-verbal de réception ; qu'en se fondant en l'espèce sur la seule existence d'une déclaration d'achèvement des travaux pour en déduire que M. et Mme X... avaient reçu l'ouvrage à cette même date, les juges du fond ont violé les articles 1792, 1792-1, 1792-4-1 et 1792-6 du Code civil, ensemble l'article 1315 du même Code ;
ALORS QUE, deuxièmement, pour retenir l'existence d'une réception tacite de l'ouvrage, les juges ne peuvent se borner à constater la réalisation d'un acte qui, à lui seul, ne vaut pas réception ; qu'en l'espèce, pour décider que M. et Mme X... avaient tacitement réceptionné leur ouvrage au 1er juillet 1999, les juges du fond se sont bornés à observer que cette intention se déduisait de la déclaration d'achèvement des travaux effectuée à cette date ; qu'en se prononçant ainsi, sans faire état d'aucun autre élément susceptible de venir conforter leur appréciation, quand une déclaration d'achèvement des travaux ne vaut pas à elle seule réception de l'ouvrage, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1792, 1792-1, 1792-4-1 et 1792-6 du Code civil, ensemble l'article 1315 du même Code ;
ET ALORS QUE, troisièmement, et en tout cas, la réception d'un ouvrage, lorsqu'elle tacite, ne peut résulter que d'un acte clair, précis et non équivoque ; qu'en retenant en l'espèce que la seule déclaration d'achèvement des travaux suffisait à valoir réception tacite de l'ouvrage, quand le dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire liée à la non-conformité de l'ouvrage rendait toute réception pour le moins équivoque, les juges du fond ont de toute façon privé leur décision de base légale au regard des articles 1792, 1792-1, 1792-4-1 et 1792-6 du Code civil, ensemble l'article 1315 du même Code.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmant le jugement entrepris de ce chef, d'avoir rejeté la demande de M. et Mme Y... visant à voir constater la responsabilité de M. et Mme X... pour n'avoir pas déclaré l'existence de la servitude de soutènement lors de la vente ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le premier juge, retenant que le mur objet du litige était en parfait état lors de la vente, que les époux X... n'avaient accordé aucune servitude et que celle résultant de l'article 640 du Code civil est une servitude légale et apparente, ont écarté toute faute imputable aux vendeurs de la propriété bâtie aux époux Y... ; que même si le rapport de M. A... n'est pas opposable aux époux X... qui n'avaient pas été appelés à l'instance en référé, il convient de rappeler que selon l'expert judiciaire, le mur de soutènement séparant les parcelles n° 291 et 292 a été édifié pour retenir les terres de la parcelle n° 291 lors du terrassement de la parcelle n° 292, afin de construire la maison appartenant maintenant aux époux Y... sur le terrain naturel non remblayé, étant rappelé que selon les renseignements obtenus par cet expert, la ville de Saujon avait déjà en 1990 remblayé les terrains non construits ayant servi de carrières et appartenant alors à la famille B..., dont les parcelles 106, 107, 292 et 291, et que ce n'est qu'après la construction du mur que M. C... avait fait construire sa maison sur le terrain remblayé à partir du 1er juillet 2001 en réalisant des fondations profondes permettant d'asseoir la maison sur le terrain brut avant remblai, mais que le terrain sera mis à niveau en mars 2004 par l'apport d'une couche de remblai calcaire sur environ 20 cm avec ultérieurement l'aménagement d'une allée de circulation le long du mur en enrobé noir sur environ 5 cm d'épaisseur ; qu'en conséquence, la configuration du terrain était visible et connue au moment de l'acquisition de la propriété par les époux Y... et que le fait que M. C... ait remblayé son terrain ne constitue nullement une servitude consentie par les époux X... dès lors que la différence de niveau entre les fonds X... et C... était apparente et que dans l'acte d'achat, les époux Y... reconnaissent prendre le bien vendu dans l'état où il se trouve, accepter de souffrir les servitudes passives, apparentes ou occultes, continues ou discontinues pouvant grever le bien sans aucun recours contre le vendeur, sauf en ce qui concerne les servitudes créées par le vendeur et non indiquées dans l'acte ; que manifestement les époux X..., en faisant construire un mur séparant leur propriété de celle de M. C..., n'ont nullement créé une servitude autre que la servitude légale de l'article 640 du Code civil et qu'en visitant les lieux dont ils faisaient l'acquisition, les époux Y... avait une parfaite connaissance de l'écoulement certain des eaux depuis la propriété C... jusqu'à la leur et que dans ces conditions il ne peut pas être reproché aux époux X... d'avoir omis de déclarer une servitude dès lors qu'ils n'en avaient conféré aucune » (arrêt, p. 5-6) ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « l'acte notarié précise que les époux X... ne seraient responsables que des servitudes qu'ils auraient conférées et qu'ils n'auraient pas déclarées ; qu'en l'espèce ils n'ont accordé aucune servitude ; que la seule servitude qui puisse exister est celle de l'article 640 du code civil qui est une servitude légale et apparentes » (jugement, p. 7, al. 7 à 9) ;
ET ALORS QUE, premièrement, un mur de soutènement est présumé appartenir au propriétaire du fonds qu'il soutient ; que dans le cas contraire, si le propriétaire du fonds inférieur est également propriétaire du mur de soutènement, il se trouve de ce seul fait tenu d'une servitude consistant à supporter les inconvénients d'entretien et d'aménagement liés aux forces qui s'exercent sur son mur ; qu'en l'espèce, M. et Mme Y... se fondaient expressément sur le fait que, leur droit de propriété sur le mur de soutènement du fonds voisin ne leur ayant pas été révélé lors de la vente du fonds, ils ont été tenus dans l'ignorance de l'existence de la servitude qui grevait leurs fonds (conclusions du 11 février 2013, p. 14, in medio) ; qu'en se bornant à répondre qu'en construisant ce mur les époux X... n'ont pas créé d'autre servitude que la servitude légale d'écoulement des eaux, quand l'existence d'une servitude de soutènement résultait de la situation même des lieux, les juges du fond ont violé les articles 637 et 639 du Code civil, ensemble l'article 1134 du même Code ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, une servitude peut être établie par destination du père de famille lorsqu'elle résulte de l'aménagement volontairement réalisé par le propriétaire unique d'un fonds par la suite divisé ; qu'en l'espèce, M. et Mme Y... faisaient valoir que la situation des lieux résultait des travaux de remblaiement réalisés par les époux X... à une époque où ceux-ci étaient propriétaires de l'ensemble des parcelles, que le mur avait été édifié par ces propriétaires à l'effet de soutenir le nivellement ainsi créé et que ce n'est que par la suite qu'ils ont divisé leur fonds en adoptant le tracé de ce mur pour ligne séparative (conclusions du 11 février 2013, p. 15, al 7, et p. 17-18) ; qu'en se bornant à répondre qu'en construisant ce mur les époux X... n'ont pas créé d'autre servitude que la servitude légale d'écoulement des eaux, sans s'expliquer sur les raisons qui justifiait à leurs yeux d'écarter l'existence d'une servitude de soutènement par destination du père de famille, les juges du fond ont statué par voie de simple affirmation, privant ainsi leur décision de base légale au regard des articles 692 et suivants du Code civil, ensemble l'article 1134 du même Code.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme Y... de leurs demandes de réalisation de travaux et de dommages-intérêts formées contre M. François C... sur le fondement d'un trouble anormal de voisinage ;
AUX MOTIFS QUE « l'expert judiciaire Jean-Paul A..., après avoir constaté les désordres affectant le mur, les impute principalement à un défaut de conception du mur avec un manque de rigidité, l'absence d'étanchéité et de drainage qui met en péril la stabilité du mur ; qu'il en résulte donc que de par sa nature même, le mur lui-même est à l'origine des désordres constatés ; que si l'expert note des facteurs aggravants provenant des différentes interventions sur la parcelle n° 291, tels que la construction de la maison des époux C..., la réalisation des plates-bandes avec plantations et arrosage par les époux C... et des travaux de compactage ou roulage pour les travaux extérieurs par les mêmes époux, ces éléments qui ne constituent nullement des travaux titanesques, ne suffisent manifestement pas à caractériser un trouble anormal de voisinage dont M. C... devrait répondre dès lors que la cause principale des désordres dénoncés par les époux Y... provient de la structure même du mur dont ils sont propriétaires » (arrêt, p. 6-7) ;
ALORS QUE, premièrement, constitue un trouble anormal de voisinage le dommage qui excède les inconvénients normaux de voisinage ; que ce dommage ouvre droit à réparation lorsqu'il trouve son origine dans le comportement, même non fautif, du propriétaire voisin ; qu'en rejetant en l'espèce la demande de réparation de M. et Mme Y... pour cette raison que la réalisation de travaux ne constituait pas un trouble anormal de voisinage, quand le trouble dénoncé ne consistait pas dans la réalisation des travaux, mais dans l'apparition consécutive de fissures dans le mur de soutènement, les juges du fond ont statué par des motifs inopérants, privant leur décision de base légale au regard des articles 544 et 651 du Code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage ;
ALORS QUE, deuxièmement, l'auteur d'un comportement à l'origine d'un trouble anormal de voisinage est tenu de réparer le dommage qui en résulte, peu important que son comportement ne revêt pas le caractère d'une faute ; qu'en estimant en l'espèce que l'apparition de fissures dans le mur séparatif soutenant le remblai du fonds voisin ne constituait pas un trouble anormal de voisinage pour cette raison que ce désordre trouverait son origine dans un défaut de conception du mur construit en 1999, quand il était constant que ces fissures ne sont apparues qu'à l'occasion de travaux réalisés par Monsieur C... en 2010, les juges ont une nouvelle fois privé leur décision de base légale au regard des articles 544 et 651 du Code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage ;
ET ALORS QUE, troisièmement, en cas de pluralité de causes à l'origine d'un même dommage, chacun des auteurs des comportements ayant concouru à la réalisation du dommage est tenu à réparation ; qu'en décidant en l'espèce que Monsieur C..., auteur des travaux d'aménagement ayant contribué à l'apparition des fissures dans le mur des époux Y..., n'avait causé aucun trouble anormal de voisinage et n'était dès lors pas tenu à réparation, fût-ce partiellement, pour cette raison que ces fissures trouveraient leur cause première dans la structure du mur, les juges du fond ont violé les articles 544 et 651 du Code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme Y... de leurs demandes de réalisation de travaux et de dommages-intérêts fondées sur l'aggravation par M. François C... de la servitude de soutènement établie au profit de son fonds ;
AUX MOTIFS PROPRES D'ABORD QUE « l'expert judiciaire Jean-Paul A..., après avoir constaté les désordres affectant le mur, les impute principalement à un défaut de conception du mur avec un manque de rigidité, l'absence d'étanchéité et de drainage qui met en péril la stabilité du mur ; qu'il en résulte donc que de par sa nature même, le mur lui-même est à l'origine des désordres constatés ; que si l'expert note des facteurs aggravants provenant des différentes interventions sur la parcelle n° 291, tels que la construction de la maison des époux C..., la réalisation des plates-bandes avec plantations et arrosage par les époux C... et des travaux de compactage ou roulage pour les travaux extérieurs par les mêmes époux, ces éléments qui ne constituent nullement des travaux titanesques, ne suffisent manifestement pas à caractériser un trouble anormal de voisinage dont M. C... devrait répondre dès lors que la cause principale des désordres dénoncés par les époux Y... provient de la structure même du mur dont ils sont propriétaires » (arrêt, p. 6-7) ;
AUX MOTIFS PROPRES ENCORE QUE « le premier juge, retenant que le mur objet du litige était en parfait état lors de la vente, que les époux X... n'avaient accordé aucune servitude et que celle résultant de l'article 640 du Code civil est une servitude légale et apparente, ont écarté toute faute imputable aux vendeurs de la propriété bâtie aux époux Y... ; que même si le rapport de M. A... n'est pas opposable aux époux X... qui n'avaient pas été appelés à l'instance en référé, il convient de rappeler que selon l'expert judiciaire, le mur de soutènement séparant les parcelles n° 291 et 292 a été édifié pour retenir les terres de la parcelle n° 291 lors du terrassement de la parcelle n° 292, afin de construire la maison appartenant maintenant aux époux Y... sur le terrain naturel non remblayé, étant rappelé que selon les renseignements obtenus par cet expert, la ville de Saujon avait déjà en 1990 remblayé les terrains non construits ayant servi de carrières et appartenant alors à la famille B..., dont les parcelles 106, 107, 292 et 291, et que ce n'est qu'après la construction du mur que M. C... avait fait construire sa maison sur le terrain remblayé à partir du 1er juillet 2001 en réalisant des fondations profondes permettant d'asseoir la maison sur le terrain brut avant remblai, mais que le terrain sera mis à niveau en mars 2004 par l'apport d'une couche de remblai calcaire sur environ 20 cm avec ultérieurement l'aménagement d'une allée de circulation le long du mur en enrobé noir sur environ 5 cm d'épaisseur ; qu'en conséquence, la configuration du terrain était visible et connue au moment de l'acquisition de la propriété par les époux Y... et que le fait que M. C... ait remblayé son terrain ne constitue nullement une servitude consentie par les époux X... dès lors que la différence de niveau entre les fonds X... et C... était apparente et que dans l'acte d'achat, les époux Y... reconnaissent prendre le bien vendu dans l'état où il se trouve, accepter de souffrir les servitudes passives, apparentes ou occultes, continues ou discontinues pouvant grever le bien sans aucun recours contre le vendeur, sauf en ce qui concerne les servitudes créées par le vendeur et non indiquées dans l'acte ; que manifestement les époux X..., en faisant construire un mur séparant leur propriété de celle de M. C..., n'ont nullement créé une servitude autre que la servitude légale de l'article 640 du Code civil et qu'en visitant les lieux dont ils faisaient l'acquisition, les époux Y... avait une parfaite connaissance de l'écoulement certain des eaux depuis la propriété C... jusqu'à la leur et que dans ces conditions il ne peut pas être reproché aux époux X... d'avoir omis de déclarer une servitude dès lors qu'ils n'en avaient conféré aucune » (arrêt, p. 5-6) ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « l'acte notarié précise que les époux X... ne seraient responsables que des servitudes qu'ils auraient conférées et qu'ils n'auraient pas déclarées ; qu'en l'espèce ils n'ont accordé aucune servitude ; que la seule servitude qui puisse exister est celle de l'article 640 du code civil qui est une servitude légale et apparentes » (jugement, p. 7, al. 7 à 9) ;
ALORS QUE, premièrement, dans leurs dernières conclusions, M. et Mme Y... fondaient notamment leurs demandes à l'encontre de M. C... sur l'interdiction faite au propriétaire du fonds dominant d'aggraver la servitude supportée par le propriétaire du fonds servant (conclusions du 11 février 2013, pp. 17-18) ; qu'en rejetant les demandes formées contre M. C... sans se prononcer sur ce moyen, les juges du fond ont entaché leur décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, à considérer même que la réponse apportée au moyen soulevé par M. et Mme Y... au soutien de la demande formée contre les époux X... puisse servir de motif au rejet des demandes formées contre M. C... en tant que celles-ci se fondaient sur l'existence d'une servitude, la motivation des juges serait impropre à restituer une base légale à l'arrêt attaqué ; qu'en l'espèce, M. et Mme Y... faisaient valoir que, au regard de la situation des lieux et de leur propriété du mur du soutènement, ils supportaient nécessairement l'existence une servitude de soutènement par destination du père de famille au profit du fonds de M. C... (conclusions du 11 février 2013, pp. 17-18) ; qu'en se bornant à affirmer que les époux X..., en nivelant leur terrain, en construisant un mur de soutènement, et en divisant leur fonds sur cette limite séparative, n'ont créé aucune autre servitude que la servitude légale d'écoulement des eaux, les juges du fond ont de toute façon privé leur décision de base légale au regard des articles 692 et suivants du Code civil, ensemble l'article 702 du même Code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-11647
Date de la décision : 29/10/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 06 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 29 oct. 2015, pourvoi n°14-11647


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.11647
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