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28/10/2015 | FRANCE | N°14-20218

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 octobre 2015, 14-20218


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 avril 2014), que, par acte sous seing privé du 14 février 2007, rédigé par M. X..., notaire, la commune de La Rochette a vendu à la société de promotion immobilière Les Terrasses des Monts (le promoteur), sous la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire un bâtiment d'habitation collectif, un terrain, incluant d'anciennes voiries désaffectées et déclassées, ainsi qu'une partie de la place...

qu'elle déclarait relever de son domaine privé ; qu'un jugement du tribunal...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 avril 2014), que, par acte sous seing privé du 14 février 2007, rédigé par M. X..., notaire, la commune de La Rochette a vendu à la société de promotion immobilière Les Terrasses des Monts (le promoteur), sous la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire un bâtiment d'habitation collectif, un terrain, incluant d'anciennes voiries désaffectées et déclassées, ainsi qu'une partie de la place... qu'elle déclarait relever de son domaine privé ; qu'un jugement du tribunal administratif du 14 octobre 2010, devenu définitif, a, sur les recours de tiers, annulé les permis de construire initial et modificatif délivrés au promoteur, en ce qu'ils contrevenaient, notamment, aux prescriptions de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme, la place..., affectée au stationnement public, faisant encore partie du domaine public de la commune, faute de déclassement ; que le promoteur, qu'une clause de la promesse de vente avait immédiatement autorisé à « engager à ses frais et sous sa responsabilité les formalités de précommercialisation des logements », et la société Edifigestion, chargée de ces opérations, ont assigné le notaire en réparation des préjudices consécutifs à l'abandon du projet, lui reprochant d'avoir manqué à ses obligations d'efficacité et de conseil en s'abstenant de vérifier la qualification domaniale des biens vendus et d'éclairer les parties sur les risques d'une inaliénabilité ;
Attendu que le promoteur et la société Edifigestion font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes ;
Attendu que la cour d'appel a, par motifs adoptés, relevé, d'une part, que les frais d'étude et de dépôt de la demande de permis de construire avaient été exposés avant la signature de la promesse litigieuse, et, d'autre part, que les mesures de publicité et les démarches de précommercialisation de l'immeuble à construire, commencées avant tout arrêté de permis de construire, avaient continué après que le promoteur eut été informé, le 29 août 2007, du recours formé par trois riverains contre le permis initial, et que le permis modificatif, délivré le 2 octobre 2007, eut lui-même été frappé de recours ; que de ces seuls motifs, dont il résulte que les préjudices financiers et commerciaux invoqués par le promoteur et son mandataire ont été la conséquence exclusive de l'engagement prématuré d'une opération de promotion immobilière subordonnée à l'obtention d'un permis de construire définitif, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si le notaire avait mis en garde le promoteur, autorisé à « engager à ses frais et sous sa responsabilité les formalités de précommercialisation des logements », contre les risques qu'il courrait en procédant ainsi, avant que ladite condition suspensive, stipulée pour l'en protéger, n'ait été définitivement levée, a pu déduire que l'absence de vérification du déclassement du domaine public d'un des trois terrains vendus était, en l'espèce, sans lien causal avec les préjudices allégués ;
D'où il suit que le moyen, mal fondé en sa cinquième branche, est inopérant en ses six autres branches, qui critiquent des motifs surabondants ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Les Terrasses des Monts et Edifigestion aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour les sociétés Edifigestion et la société Les Terrasses des Monts
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Les Terrasses des Monts et la société Edifigestion de leurs demandes tendant à voir retenir la responsabilité de M. X..., notaire, et à voir condamner celui-ci à leur payer des dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le terrain objet du compromis était sis sur une place dénommée comme telle ; que sur le plan annexé au compromis, des emplacements de stationnement étaient matérialisés sur la parcelle cadastrée B 3382 ; que ces deux éléments, qui étaient également connus des parties, étaient certes de nature à conduire le notaire à s'assurer que le bien vendu relevait intégralement du domaine privé de la commune, ce qui dépend pour l'essentiel de ses propres actes qu'ils soient de fait ou de droit ; que c'est à juste titre que Me X... observe tout d'abord que le domaine public ne donne en général pas lieu à la constitution de parcelles figurant au cadastre, si bien qu'en l'espèce le fait que la majeure partie du bien vendu soit sises sur la parcelle B 3382 constituait une présomption d'appartenance de celle-ci au domaine privé de la commune ; qu'en l'espèce, cette présomption est corroborée par la pièce 3 du dossier de Me X..., constituée de documents établis par M. Y..., géomètre du cadastre, à la demande de la commune de la Rochette, qui établissent que :- en septembre et octobre 2004, l'ancienne parcelle cadastrée B 1762, correspondant à la place... a été supprimée, cette place passant dans le domaine public de la commune ;- par extinction du domaine public, cette place a été de nouveau cadastrée sous le numéro B 3382, les 5 et 6 décembre 2006, soit à une date à laquelle le projet de la SCI Les Terrasses des Monts était nécessairement déjà connu de la commune de La Rochette, puisqu'antérieure de seulement de quelques jours aux deux délibérations du conseil municipal du 15 décembre 2006, prises aux fins de réalisation de ce projet, l'une consistant à déclasser du domaine public de la commune, la surface de 392 m2 comprise dans l'objet de la vente, l'autre consistant à autoriser la vente de cette surface en sus de la majeure partie de la parcelle B 3382 ; qu'il résulte clairement de la chronologie et de la nature des faits de l'espèce et de ces deux décisions, n'ayant fait l'objet d'aucun recours et devenues définitives à la date de la signature du compromis de vente, que la déclaration de la commune selon laquelle elle vendait un bien relevant de son domaine privé et pouvant être librement aliéné (cf. le bas de la page 2 de l'acte du 4 février 2007) n'avait, nonobstant les deux éléments relevés ci-dessus, aucune raison d'être mise en doute ; que si tel n'avait pas été le cas, elle aurait également pris une décision de déclassement portant sur les 1. 738 m2 à prélever à la parcelle B 3382 avant d'en autoriser la vente, étant observé que cette réserve d'une décision de déclassement a été expressément évoquée par le tribunal administratif de Grenoble dans sa décision du 14 octobre 2010 ; qu'il ressort de tout ce qui précède que Me X... n'a pas commis de faute, étant observé qu'en l'état des éléments dont il disposait, il ne pouvait être exigé ni qu'il sollicite une consultation de droit public pour apprécier la pertinence des décisions de la commune de La Rochette, ni même qu'il attire l'attention de la SCI Les Terrasses des Monts sur le risque qu'une partie du bien qu'elle souhaitait acquérir ne soit à postériori judiciairement qualifié de domaine public ; qu'en conséquence, sans préjudice de ce qu'ont dit les premiers juges sur le lien de causalité, le jugement déféré doit être confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la SCI Les Terrasses des Monts s'est engagée dans l'opération et a commencé la commercialisation des appartements avant même d'avoir obtenu le permis de construire, neuf pré-réservations ayant été enregistrées avant le 4 mai 2007, a ainsi engagé des fonds dans une opération immobilière dont elle ne pouvait alors connaître l'issue et est donc, au moins pour partie, à l'origine du préjudice dont elle prétend aujourd'hui obtenir réparation ; que, par ailleurs, les sociétés demanderesses ont été informées du recours contre le permis de construire du 4 mai 2007, dès le 29 août 2007 et qu'elles ne justifient aucunement avoir saisi la commune de La Rochette d'une demande tendant au déclassement de la parcelle litigieuse ; que leur argument relatif au changement de majorité municipale et l'arrivée dans celle-ci d'au moins un des auteurs du recours devant le tribunal administratif lui enlevant tout espoir de l'obtenir, n'est pas recevable puisque ledit changement est intervenu au printemps 2008, soit plus de six mois après la saisine du tribunal administratif ; que, de même, comme il a été indiqué ci-dessus, le permis du 4 mai 2007, ainsi que le modificatif du 2 octobre 2007, ont aussi été annulés en raison de l'absence de pièce démontrant que le service gestionnaire de la route départementale impactée avait été consulté et dès lors que la construction envisagée ne respectait pas le retrait de 10 mètres par rapport à l'axe d'une des rues la longeant ; que, là encore, la SCI Les Terrasses des Monts ne justifie aucunement qu'elle a sollicité une régularisation de la commune de La Rochette ; que l'attestation du maire produite aux débats concernant le retrait à moins de 10 mètres est datée du 23 mars 2007, soit plus d'un mois avant la délivrance du permis et n'a pourtant pas plus été reprise dans le permis du 4 mai que dans le modificatif du 2 octobre 2007, ce qui, d'ailleurs, ne manque pas d'interroger sur sa validité ; que sur l'autre raison, qualifiée de grief de pure forme par la SCI Les Terrasses des Monts et la SARL Edifigestion, il n'est pas plus établi qu'elle a fait l'objet d'une tentative de régularisation ; que, dans ces conditions, la démonstration d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice n'est pas rapportée ;
ALORS, 1°), QUE le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente ; que le domaine public étant inaliénable, le notaire qui instrumente la vente d'un immeuble appartenant à une collectivité publique doit s'assurer que le bien fait partie de son domaine privé ; qu'en écartant toute faute du notaire au titre de son devoir de vérification, cependant qu'il ressortait de ses constatations que celui-ci s'en était tenu aux apparences et aux déclarations de la commune venderesse et n'avait pas recherché si la portion du bien vendu ouverte au public et spécialement aménagée à l'usage du public avait fait l'objet d'une décision de déclassement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 2111-1, L. 2141-1 et L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
ALORS, 2°), QUE le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours ; qu'en écartant tout manquement du notaire à son devoir de conseil en considérant que ce dernier n'avait pas à attirer l'attention de l'acquéreur sur le risque que le bien litigieux ne soit pas considéré comme appartenant au domaine public de la commune, après avoir pourtant relevé que le terrain objet du compromis était situé sur une place et que des emplacements de stationnements étaient matérialisés sur la parcelle litigieuse, ce qui constituaient des circonstances de fait compatibles avec l'appartenance partielle du bien vendu au domaine public, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 2111-1 et L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
ALORS, 3°), QUE le motif hypothétique équivaut au défaut de motif ; qu'en se fondant, pour exclure la faute du notaire, sur la circonstance que, si le bien n'avait pas relevé du domaine privé de la commune, cette dernière aurait pris une décision de déclassement portant sur les 1. 738 m2 à prélever de la parcelle B 3382 avant d'en autoriser la vente, la cour d'appel, qui a statué par un motif hypothétique, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, 4°), QUE le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente ; qu'en considérant, par motifs adoptés, que la société Les Terrasses des Monts avait été, au moins partiellement, à l'origine du préjudice dont elle sollicite la réparation, tandis qu'une telle constatation, impropre à exonérer totalement le notaire de sa responsabilité, devait conduire les juges du fond à déterminer dans quelles proportions la faute du notaire et les éventuelles fautes de la société Les Terrasses des Monts avaient, chacune, contribué aux préjudices subis par les sociétés demanderesses, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS, 5°), QUE le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours ; qu'en relevant, pour, écarter, par motifs adoptés, toute responsabilité du notaire, que la société Les Terrasses des Monts n'avait pas engagé de fonds dans une opération immobilière dont elle ne pouvait connaître l'issue, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si le notaire n'aurait pas dû, avant la signature du compromis, éclairer sa cliente sur les risques qu'elle encourait en s'engageant avant que le permis de construire n'ait acquis un caractère définitif, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ;
ALORS, 6°), QUE la victime d'un dommage n'est pas tenu d'agir en vue de minimiser son préjudice ; qu'en considérant que, pour écarter l'existence d'un lien de causalité entre la faute du notaire et le préjudice subi par les sociétés Les Terrasses des Monts et Edifigestion, que celles-ci n'avaient pas pris des mesures pour obtenir le déclassement de l'intégralité de la parcelle vendue du domaine public, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS, 7°), QU'en considérant, pour écarter l'existence d'un lien de causalité entre la faute du notaire et le préjudice subi par les sociétés Les Terrasses des Monts et Edifigestion que celles-ci n'avaient pas oeuvré pour qu'il soit remédié aux deux autres illégalités retenues par le tribunal administratif dans son jugement d'annulation du permis de construire, sans répondre au moyen tiré de ce que compte tenu de l'appartenance du bien au domaine public, tout effort de régularisation aurait été vain dans la mesure où tout permis de construire aurait été nécessairement refusé pour cette raison, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-20218
Date de la décision : 28/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 22 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 oct. 2015, pourvoi n°14-20218


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.20218
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