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22/10/2015 | FRANCE | N°14-19253

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 22 octobre 2015, 14-19253


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 18 février 2014), que quatre locations, dont deux soumises au statut des baux ruraux, ayant été successivement consenties par les consorts X... à M. Y..., gérant de sociétés, les bailleurs ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux après expertise judiciaire aux fins de voir délimiter la superficie occupée par l'exploitation agricole du preneur ; que M. Y... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée Ferme de Perrine (l'EARL) ont solli

cité une nouvelle expertise ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. Y...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 18 février 2014), que quatre locations, dont deux soumises au statut des baux ruraux, ayant été successivement consenties par les consorts X... à M. Y..., gérant de sociétés, les bailleurs ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux après expertise judiciaire aux fins de voir délimiter la superficie occupée par l'exploitation agricole du preneur ; que M. Y... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée Ferme de Perrine (l'EARL) ont sollicité une nouvelle expertise ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. Y... et L'EARL font grief à l'arrêt de rejeter cette demande alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte des conclusions d'appel des consorts X... et de l'exposé de leurs prétentions devant la cour d'appel que ceux-ci soutenaient, conformément au rapport de l'expert, que le bail à ferme consenti le 1er février 2005 par les époux X... à M. Y... aurait fusionné le bail auparavant consenti le 24 mars 1994 à la CFER ainsi que le bail à ferme consenti le 12 janvier 1996 à M. Y... et que seuls ce bail à ferme et le bail commercial consenti le 31 mai 2001 à la société Espace Perrine, le tout représentant une superficie de 9 ha 30 a, auraient été en cours d'exécution de sorte que M. Y... et l'EUARL Ferme de Perrine auraient occupé un terrain d'une superficie totale de 14 h 3 a, supérieure aux superficies louées ; qu'au contraire, ces derniers faisaient valoir dans leurs conclusions que ces quatre baux avaient été consentis pour cette superficie totale de 14 h 3 a et qu'aucun des baux n'avait annulé ou remplacé un bail consenti antérieurement de telle manière que la superficie retenue par l'expert ne correspondait pas à la superficie effectivement louée et qu'une nouvelle expertise devant prendre en compte l'ensemble des baux conclus était nécessaire ; qu'il appartenait donc à la cour d'appel de vérifier si l'ensemble des baux invoqués par M. Y... et l'EARL étaient toujours en cours d'exécution et si, éventuellement, le bail à ferme du 1er février 2005 avait fusionné non seulement celui du 12 janvier 1996 mais aussi celui du 24 mars 1994, peu important que certains de ces baux n'aient pas eu la nature d'un bail à ferme ; qu'en refusant, pour débouter M. Y... et l'EARL de leur demande de nouvelle expertise, de tenir compte du bail du 24 mars 1994 et du bail commercial du 31 mai 2001 comme étant exclus du champ de compétence du tribunal paritaire des baux ruraux faute de constituer un bail à ferme, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 12 du code de procédure civile ainsi que les articles 1134 et 1315 du code civil ;
2°/ que l'expert avait expressément tenu compte dans son rapport du bail commercial en date du 31 mai 2001 et considéré, contrairement ce que soutenaient les exposants, que l'ancien bail au CFER en date du 24 mars 1994 avait manifestement fusionné avec l'ancien bail rural du 12 janvier 1996 lors de l'établissement du bail rural du 1er février 2005 ; qu'en retenant, pour débouter M. Y... et l'EUARL Ferme de Perrine de leur demande de nouvelle expertise, que l'expert avait fait « une juste appréciation des conventions liant les parties au jour de son expertise » tout en refusant de tenir compte à la fois du bail commercial du 31 mai 2001 et du bail du 24 mars 1994 de sorte qu'elle s'est nécessairement écartée de l'appréciation de l'expert en ce qui concerne ces différentes conventions, la cour d'appel a derechef violé les articles 1134 et 1315 du code civil ;
3°/ qu'il résulte des mentions du bail à ferme du 2 janvier 1996 que la superficie louée était de 2 ha environ ; qu'en revanche, le bail à ferme du 1er février 2005 mentionne qu'il porte sur une superficie d'environ 7 ha ; qu'en considérant que le bail à ferme du 1er février 2005 s'était substitué au bail à ferme du 2 janvier 1996 quand la désignation relative à la superficie des biens loués n'est pas la même et que cet acte ne comporte aucune clause mentionnant qu'il se substitue ou absorbe ce bail précédent, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'en tout état de cause, l'expert judiciaire ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique et qu'il appartient aux juges du fond de les écarter ; qu'en relevant que l'ancien bail consenti au CFER le 24 mars 1994 avait fusionné avec l'ancien bail à ferme du 12 janvier 1996 lors de l'établissement du bail à ferme du 1er février 2005, l'expert avait porté une appréciation d'ordre juridique sur l'existence et la nature des conventions liant les parties au jour de son rapport ; qu'en homologuant néanmoins ce rapport d'expertise, la cour d'appel a violé l'article 238 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant recherché la commune intention des parties par une interprétation nécessaire des conventions exclusive de toute dénaturation, la cour d'appel, qui était en droit de s'approprier l'avis de l'expert même si celui-ci a exprimé une opinion excédant les limites de sa mission, a pu décider, sans méconnaître ses pouvoirs, qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise pour faire vérifier à nouveau l'assiette des parcelles à usage agricole ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... et la société Ferme de Perrine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... et la société Ferme de Perrine à payer à M. Karl X..., Mme Carole X..., Mme Thomassine Z...
X..., la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de M. Y... et de la société Ferme de Perrine ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. Y... et la société Ferme de Perrine.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté monsieur Eric Félix Y... et l'EUARL FERME DE PERRINE de leur demande tendant à ordonner une nouvelle expertise et D'AVOIR, en conséquence, confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a homologué le rapport d'expertise de madame A... en date du 7 octobre 2011.
AUX MOTIFS QUE sur la demande de nouvelle expertise, M. Y... et l'EARL FERME DE PERRINE font valoir que 4 baux ont été consentis pour une superficie totale de 14 ha 3 et qu'aucun des baux consentis postérieurement n'a annulé ou remplacé un bail consenti antérieurement ; qu'ainsi la surface retenue par l'expert ne correspond pas à la surface effectivement louée ; qu'il résulte des pièces versées aux débats par les appelants que successivement 4 baux ont été consentis par les consorts X... ; qu'un premier bail le 24 mars 1994 à la SARL Unipersonnelle « CFER » centre de formation et d'éducation routière, représentée par M. Y..., portant sur un terrain situé au Lamentin lieudit ... destiné à la création d'un centre d'enseignement de conduite de véhicule à moteur de toute catégorie et de moto ; que ce bail consenti pour une durée de 9 ans à compter du 1er février 1992 expirait le 31janvier de l'an 2002 ; que cette convention qui ne comprend aucune clause relative à son renouvellement, ne peut, en raison de la destination des lieux, constituer un bail à ferme, entrant dans le champ de compétence du Tribunal paritaire des baux ruraux ; qu'un deuxième bail le 2 janvier 1996 à M. Félix Y... ; que ce bail qualifié de bail à ferme porte sur une ferme agricole sise sur la commune du Lamentin lieudit ... comprenant :- un bâtiment principal représentant son foyer, un ensemble de volières et de cages abritant plusieurs catégories d'animaux énumérés dans l'inventaire qui sera annexé et-une maison d'habitation composée d'une chambre, d'un séjour, d'une cuisine, salle de bain complète, terrasse, un garage pour deux voitures, deux débarras ; que le tout reposant sur un terrain d'une contenance de deux hectares environ ; qu'un troisième bail le 31 mai 2001 consenti à la SARL ESPACE PERRINE représenté par M. Y... ; que ce bail commercial porte sur un terrain sis commune du LAMENTIN lieu dit ... d'une contenance de 2 ha 3a sur lequel sera édifié par le preneur un kiosque à vocation ludique et animation musicale ; que ce bail commercial est exclu du champ de compétence du Tribunal paritaire des baux ruraux ; qu'enfin un quatrième bail du ler février 2005 consenti à M. Y... sous forme d'un bail à ferme portant sur un terrain sis commune du LAMENTIN lieu dit ... d'une contenance de d'environ 7 ha sur lequel est édifiée une ferme agricole comprenant :- un bâtiment principal avec un ensemble de volières et de cages abritant plusieurs catégories d'animaux et-une maison d'habitation comprenant une chambre, un séjour, une cuisine, une salle de bain, terrasse, garage pour deux voitures et deux débarras ; que force est de constater que la désignation du bien louée est identique à celle figurant au bail du 2 janvier 1996, et qu'ainsi ce présent bail s'est bien substitué au bail antérieur de 1996 ; qu'il convient donc de relever que l'expert a fait une juste appréciation des conventions liant les parties au jour de son expertise ; qu'en conséquence il convient de débouter les appelants de leur demande de nouvelle expertise.
1) ALORS QU'il résulte des conclusions d'appel (p. 4) des consorts X... et de l'exposé de leurs prétentions devant la Cour d'appel (p. 2) que ceux-ci soutenaient, conformément au rapport de l'expert, que le bail à ferme consenti le 1er février 2005 par les époux X... à monsieur Y... aurait fusionné le bail auparavant consenti le 24 mars 1994 à la CFER ainsi que le bail à ferme consenti le 12 janvier 1996 à monsieur Y... et que seuls ce bail à ferme et le bail commercial consenti le 31 mai 2001 à la SARL ESPACE PERRINE, le tout représentant une superficie de 9 ha 30 a, auraient été en cours d'exécution de sorte que monsieur Y... et l'EUARL FERME DE PERRINE auraient occupé un terrain d'une superficie totale de 14 h 3 a, supérieure aux superficies louées ; qu'au contraire, ces derniers faisaient valoir dans leurs conclusions (p. 4 et 5) que ces 4 baux avaient été consentis pour cette superficie totale de 14 h 3 a et qu'aucun des baux n'avait annulé ou remplacé un bail consenti antérieurement de telle manière que la superficie retenue par l'expert ne correspondait pas à la superficie effectivement louée et qu'une nouvelle expertise devant prendre en compte l'ensemble des baux conclus était nécessaire ; qu'il appartenait donc à la Cour d'appel de vérifier si l'ensemble des baux invoqués par les exposants étaient toujours en cours d'exécution et si, éventuellement, le bail à ferme du 1er février 2005 avait fusionné non seulement celui du 12 janvier 1996 mais aussi celui du 24 mars 1994, peu important que certains de ces baux n'aient pas eu la nature d'un bail à ferme ; qu'en refusant, pour débouter les exposants de leur demande de nouvelle expertise, de tenir compte du bail du 24 mars 1994 et du bail commercial du 31 mai 2001 comme étant exclus du champ de compétence du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux faute de constituer un bail à ferme, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 12 du Code de procédure civile ainsi que les articles 1134 et 1315 du Code civil.
2) ALORS QUE l'expert avait expressément tenu compte dans son rapport du bail commercial en date du 31 mai 2001 et considéré (p. 5, § 3. 2), contrairement ce que soutenaient les exposants, que l'ancien bail au CFER en date du 24 mars 1994 avait manifestement fusionné avec l'ancien bail rural du 12 janvier 1996 lors de l'établissement du bail rural du 1er février 2005 ; qu'en retenant, pour débouter monsieur Y... et l'EUARL FERME DE PERRINE de leur demande de nouvelle expertise, que l'expert avait fait « une juste appréciation des conventions liant les parties au jour de son expertise » tout en refusant de tenir compte à la fois du bail commercial du 31 mai 2001 et du bail du 24 mars 1994 de sorte qu'elle s'est nécessairement écartée de l'appréciation de l'expert en ce qui concerne ces différentes conventions, la Cour d'appel a derechef violé les articles 1134 et 1315 du Code civil.
3) ALORS QU'il résulte des mentions du bail à ferme du 2 janvier 1996 que la superficie louée était de 2 ha environ ; qu'en revanche, le bail à ferme du 1er février 2005 mentionne qu'il porte sur une superficie d'environ 7 ha ; qu'en considérant que le bail à ferme du 1er février 2005 s'était substitué au bail à ferme du 2 janvier 1996 quand la désignation relative à la superficie des biens loués n'est pas la même et que cet acte ne comporte aucune clause mentionnant qu'il se substitue ou absorbe ce bail précédent, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.
4) ALORS QU'en tout état de cause, l'expert judiciaire ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique et qu'il appartient aux juges du fond de les écarter ; qu'en relevant que l'ancien bail consenti au CFER le 24 mars 1994 avait fusionné avec l'ancien bail à ferme du 12 janvier 1996 lors de l'établissement du bail à ferme du 1er février 2005, l'expert avait porté une appréciation d'ordre juridique sur l'existence et la nature des conventions liant les parties au jour de son rapport ; qu'en homologuant néanmoins ce rapport d'expertise, la Cour d'appel a violé l'article 238 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-19253
Date de la décision : 22/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 18 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 22 oct. 2015, pourvoi n°14-19253


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.19253
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