LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 janvier 2014), qu'alors qu'ils participaient le 23 avril 2009 dans les locaux de la société Splatgame à un jeu consistant à toucher les joueurs de l'équipe adverse avec un pistolet laser, dans un labyrinthe plongé dans la pénombre, Mme Mélanie X..., alors âgée de treize ans et M. Y..., majeur, se sont heurtés à une intersection ; que M. et Mme X..., agissant en leurs qualités de représentants légaux de leur fille, ont assigné M. Y... et son assureur la société Assurances du crédit mutuel, ainsi que la société Splatgame en responsabilité et indemnisation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X..., ainsi que Mme Mélanie X..., devenue majeure (les consorts X...) font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il les déboute de leur action en responsabilité à l'encontre de M. Y..., alors, selon le moyen, que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ; qu'en déboutant les consorts X...sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la survenance d'une collision « assez forte » n'était pas propre à établir que M. Y... se déplaçait avec une vitesse caractérisant une imprudence compte tenu de l'absence de visibilité et de la présence concomitante d'enfants et de majeurs participant au jeu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que si la responsabilité de toute personne est engagée par sa faute, sa négligence ou son imprudence au titre des articles 1382 et 1383 du code civil applicables en l'espèce, l'appréciation du comportement de la personne doit se faire in concreto, en considération des circonstances de l'accident ; qu'en l'espèce, le heurt s'est produit au cours d'un jeu qui, par son objet même, n'exclut pas l'existence de collisions entre joueurs, puisqu'il se déroule dans la pénombre dans un lieu labyrinthique où les joueurs évoluent librement ; qu'aucun élément ne permet de considérer que M. Y... aurait violé l'une des règles du jeu, étant observé qu'il n'est pas établi qu'il courait au moment de l'accident et qu'aucune interdiction de courir n'était imposée, hors les escaliers ; que par ailleurs, il ne peut être considéré que le fait que M. Y... et Mme X...se sont heurtés établisse à lui seul l'existence d'un comportement anormal, fautif ou imprudent, de la part de celui-ci ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que les consorts X...n'étaient pas fondés en leur action envers M. Y... ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu que les consorts X...font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes dirigées contre la société Splatgame, alors, selon le moyen :
1°/ que l'exploitant d'une activité de loisirs exposant à certains risques corporels les participants qui peuvent être en même temps des mineurs et des majeurs est tenu d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ses clients ; qu'en déclarant que l'organisateur d'un « laser game » ne serait tenu qu'à une obligation de sécurité de moyens, au motif impropre que « les joueurs gardent une certaine autonomie physique et peuvent faire preuve d'initiative puisque les personnes se déplacent librement », la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;
2°/ qu'à supposer même que l'obligation de l'organisateur fût seulement de moyens, le caractère dangereux de l'activité commande d'apprécier avec rigueur le comportement du débiteur, qui doit mettre en garde les participants sur la présence concomitante de mineurs et de majeurs au cours du jeu ; qu'après avoir constaté que le « jeu laser » comportait des risques pour les participants et constaté la présence concomitante dans l'enceinte du jeu de mineurs et de majeurs, la cour d'appel ne pouvait retenir que l'exploitant n'était pas tenu « de faire figurer dans les locaux de mises en garde concernant cette circonstance », sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations conformément aux articles 1134 et 1147 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'à l'égard des personnes participant au jeu, la société Splatgame est tenue d'une obligation contractuelle de sécurité, en application de l'article 1147 du code civil ; que cependant, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme X...à titre principal, s'agissant d'une activité au cours de laquelle les joueurs gardent une autonomie physique et peuvent faire preuve d'initiative puisque les personnes se déplacent en marchant librement dans l'aire de jeu et font usage de pistolets laser, l'organisateur n'est tenu que d'une obligation de sécurité de moyens ; que dans ces conditions, la responsabilité de la société ne peut être engagée que s'il est démontré qu'elle a commis une faute en lien de causalité avec le préjudice, notamment une faute de nature à mettre en danger la sécurité des joueurs ; qu'à cet égard, la société Splatgame établit que les consignes de sécurité comprenaient l'interdiction de jouer ou courir dans les escaliers, de prendre une position basse (accroupi ou couché) et l'obligation de regarder devant soi ; que par ailleurs, les circonstances de l'accident, heurt à une intersection à angle droit, conduisent à considérer que celui-ci n'est pas lié au fait que les lieux étaient sombres mais à l'existence de croisements sans visibilité, de sorte qu'il aurait pu se produire si les lieux avaient été éclairés ; que le fait d'organiser un jeu qui ne donne pas aux joueurs une parfaite visibilité de l'ensemble du terrain de jeu n'est pas, en soi, fautif et constitutif d'une mise en danger de la sécurité des participants ; qu'en outre, l'ampleur des risques comportés par ce type de jeu ne paraît pas telle qu'il puisse être considéré comme fautif de permettre l'entrée concomitante, dans l'enceinte de jeu, de mineurs et majeurs ou de ne pas faire figurer dans les locaux de mise en garde concernant cette circonstance ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs du pourvoi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour les consorts X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame Laurence X...et Monsieur Bernard X..., ès qualités, de leur action en responsabilité contre Monsieur Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Sur l'action dirigée contre Monsieur Y... : Monsieur et Madame X...soutiennent que le fait que Monsieur Y... reconnaisse que Mademoiselle X...âgée de 12 ans, et lui se sont heurtés " de façon assez forte " à une intersection du labyrinthe, démontre son imprudence, alors qu'il ne pouvait ignorer que des enfants étaient susceptibles de se trouver dans le labyrinthe ; que cependant, si la responsabilité de toute personne est engagée par sa faute, sa négligence ou son imprudence au titre des articles 1382 et 1383 du Code civil applicables en l'espèce, l'appréciation du comportement de la personne doit se faire in concreto, en considération des circonstances de l'accident ; qu'en l'espèce, celui-ci s'est produit au cours d'un jeu qui, par son objet même, n'exclut pas l'existence de collisions entre joueurs, puisqu'il se déroule dans la pénombre dans un lieu labyrinthique où les joueurs évoluent librement ; qu'aucun élément ne permet de considérer que Monsieur Y... aurait violé l'une des règles du jeu, étant observé qu'il n'est pas établi qu'il courait au moment de l'accident et qu'aucune interdiction de courir n'était imposée, hors les escaliers ; que par ailleurs, il ne peut être considéré que le fait que Monsieur Y... et Mademoiselle X...se soient heurtés établisse à lui seul l'existence d'un comportement anormal, fautif ou imprudent, de la part de celui-ci. » ;
ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QU': « Il n'est pas démontré que Monsieur Dominique Y... ait enfreint les règles de sécurité du jeu, ni qu'il ait volontairement percuté Mélanie X...; qu'il n'est en outre pas démontré que Monsieur Dominique Y... évoluait de façon anormalement rapide dans le labyrinthe, le choc ayant eu lieu en raison d'une intersection qui masquait toute visibilité aux joueurs et de la pénombre des lieux. »
ALORS QUE chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ; qu'en déboutant les exposants sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la survenance d'une collision « assez forte » n'était pas propre à établir que Monsieur Y... se déplaçait avec une vitesse caractérisant une imprudence compte tenu de l'absence de visibilité et de la présence concomitante d'enfants et de majeurs participant au jeu, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir débouté Madame et Monsieur X..., ès qualités, de leur demande aux fins de voir engager la responsabilité de la S. A. R. L. SPLATGAME et de leurs demandes subséquentes ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'action dirigée contre la société : A l'égard des personnes participant au jeu, la société SPLATGAME est tenue d'une obligation contractuelle de sécurité, en application de l'article 1147 du Code civil ; que cependant contrairement à ce que soutiennent Monsieur et Madame X...à titre principal, s'agissant d'une activité au cours de laquelle les joueurs gardent une autonomie physique et peuvent faire preuve d'initiative puisque les personnes se déplacent librement dans l'aire de jeu et font usage de pistolets lasers, l'organisateur n'est tenu que d'une obligation de sécurité de moyens ; que dans ces conditions, la responsabilité de la société ne peut être engagée que s'il est démontré qu'elle a commis une faute en lien de causalité avec le préjudice, notamment une faute de nature à mettre en danger la sécurité des joueurs ; qu'à cet égard, la société SPLATGAME établit que les consignes de sécurité comprenaient l'interdiction de jouer ou courir dans les escaliers, de prendre une position basse (accroupi ou couché) et l'obligation de regarder devant soi. Par ailleurs, les circonstances de l'accident, heurt à une intersection à angle droit, conduisent à considérer que celui-ci n'est pas lié au fait que les lieux étaient sombres mais à l'existence de croisement sans visibilité, de sorte qu'il aurait pu se produire si les lieux avaient été éclairés ; qu'or, le fait d'organiser un jeu qui ne donne pas aux joueurs une parfaite visibilité de l'ensemble du terrain de jeu n'est pas, en soi fautif et constitutif d'une mise en danger de la sécurité des participants. Qu'en outre, l'ampleur des risques comportés par ce type de jeu ne parait pas telle qu'il puisse être considéré comme fautif de permettre l'entrée concomitante, dans l'enceinte de jeu, de mineurs et majeurs ou de ne pas faire figurer dans les locaux de mises en garde concernant cette circonstance. »
1°/ ALORS QUE l'exploitant d'une activité de loisirs exposant à certains risques corporels les participants qui peuvent être en même temps des mineurs et des majeurs est tenu d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ses clients ; qu'en déclarant que l'organisateur d'un « laser game » ne serait tenu qu'à une obligation de sécurité de moyens, au motif impropre que « les joueurs gardent une certaine autonomie physique et peuvent faire preuve d'initiative puisque les personnes se déplacent librement », la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
2°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'à supposer même que l'obligation de l'organisateur fut seulement de moyens, le caractère dangereux de l'activité commande d'apprécier avec rigueur le comportement du débiteur, qui doit mettre en garde les participants sur la présence concomitante de mineurs et de majeurs au cours du jeu ; qu'après avoir constaté que le « jeu laser » comportait des risques pour les participants et constaté la présence concomitante dans l'enceinte du jeu de mineurs et de majeurs, la Cour d'appel ne pouvait retenir que l'exploitant n'était pas tenu « de faire figurer dans les locaux de mises en garde concernant cette circonstance », sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations conformément aux articles 1134 et 1147 du Code civil.