La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/2015 | FRANCE | N°14-16677

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 octobre 2015, 14-16677


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 4 février 2014), que M. X..., ayant acquis sur licitation un immeuble, a fait délivrer à Mme Y..., en sa qualité d'occupante, un commandement d'avoir à quitter les lieux ; que cette dernière a contesté le commandement devant un juge de l'exécution ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de décider que le commandement de quitter les lieux du 18 octobre 2011, réitéré par l'acte des 6 avril et 7 avril 2012, est dépourvu d'effet en r

aison du droit d'habitation de Mme Y..., accordé par convention du 16 janvi...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 4 février 2014), que M. X..., ayant acquis sur licitation un immeuble, a fait délivrer à Mme Y..., en sa qualité d'occupante, un commandement d'avoir à quitter les lieux ; que cette dernière a contesté le commandement devant un juge de l'exécution ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de décider que le commandement de quitter les lieux du 18 octobre 2011, réitéré par l'acte des 6 avril et 7 avril 2012, est dépourvu d'effet en raison du droit d'habitation de Mme Y..., accordé par convention du 16 janvier 1984, lequel est opposable à l'adjudicataire de l'immeuble, puis de constater que la convention du 16 janvier 1984, constatant le droit d'habitation de Mme Y..., ne mentionne ni la gratuité ni le paiement d'une contrepartie financière et de débouter M. X... de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l'identification des droits portant sur le bien faisant l'objet de l'adjudication ne peut résulter que du cahier des conditions de vente proprement dit ; qu'un droit réel consenti conventionnellement par le vendeur de l'immeuble n'est opposable à l'acquéreur qu'à la condition d'être mentionné expressément par le cahier des conditions de vente ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1165 du code civil ainsi que les articles R. 322-2 et R. 322-10 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ que l'identification des droits portant sur le bien faisant l'objet de l'adjudication ne peut résulter que du cahier des conditions de vente proprement dit à l'exclusion du procès-verbal de description établi par l'huissier de justice, lequel intervient simplement pour collecter des éléments concernant l'état ou la situation du bien ; qu'en décidant le contraire, pour se fonder sur les mentions du procès-verbal de description, les juges du fond ont violé les articles R. 322-2 et R. 322-10 du code des procédures civiles d'exécution ensemble l'article 1165 du code civil ;
3°/ que si le cahier des conditions de vente proprement dit se borne à mentionner la vente d'un bien immobilier, sans restriction ni réserve, il y a lieu de décider que l'adjudication porte sur un droit de propriété plein et entier et non un droit de propriété démembré à raison d'un droit réel transféré à un tiers ; qu'à supposer que le procès-verbal de description, qui n'est là que pour collecter des éléments propres à l'immeuble, fasse état d'un droit réel consenti à un tiers, quand le cahier des conditions de vente proprement dit n'en fait pas état, la préférence doit être donnée au cahier des conditions de vente proprement dit pour considérer que l'adjudication porte sur un droit de propriété plein et entier ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles R. 322-2 et R. 322-10 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1165 du code civil ;
4°/ que les règles de la publicité foncière ont vocation à s'appliquer dans le cas où, le propriétaire ayant concédé un droit d'usage et d'habitation à un tiers, l'adjudication porte sur un droit de propriété plein et entier, dans la mesure où il y a conflit sur les prérogatives afférentes au droit d'usage et d'habitation ; qu'en refusant d'appliquer les règles de la publicité foncière, les juges du fond ont violé les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;

5°/ qu'à partir du moment où il y avait conflit, l'acte du 16 janvier 1984 n'ayant pas été publié, les règles de la publicité foncière commandaient que le droit transféré à Mme Y... fût inopposable à M. X... ; qu'en jugeant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;
Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 322-10 4° du code des procédures civiles d'exécution, le cahier des conditions de vente contient à peine de nullité la désignation de l'immeuble saisi, l'origine de la propriété, les servitudes grevant l'immeuble, les baux consentis sur celui-ci et le procès-verbal de description, ce dont il résulte que ce procès-verbal fait partie intégrante du cahier des conditions de vente et d'autre part, que le défaut de publication à la conservation des hypothèques du droit d'habitation mentionné au cahier des conditions de vente est sans effet à l'égard de l'adjudicataire qui n'est pas un tiers à la convention que constitue ce cahier et ne prétend pas exercer d'autres droits que ceux qu'il tient de l'adjudication ;
Et attendu, ensuite, qu'ayant relevé que le cahier des conditions de vente contenait le descriptif de l'immeuble réalisé par procès-verbal d'huissier de justice le 22 avril 2011, précisant que l'immeuble était occupé par Mme Y... en vertu d'une convention du 16 janvier 1984 lui conférant un droit d'habitation, une copie de la convention y étant annexée, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que le droit d'habitation de Mme Y... était opposable à M. X... ;
Et attendu, enfin, que l'adjudication ne portait pas sur le droit d'usage et d'habitation conféré à Mme Y... ;
D'où il suit que le moyen, qui est inopérant en ses quatrième et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. X...

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a décidé que le commandement de quitter les lieux du 18 octobre 2011, réitéré par l'acte des 6 avril et 7 avril 2012, était dépourvu d'effet en raison du droit d'habitation de Madame Y..., accordé par convention du 16 janvier 1984, lequel est opposable à l'adjudicataire de l'immeuble, puis constaté que la convention du 16 janvier 1984, constatant le droit d'habitation de Madame Y..., ne mentionne ni la gratuité, ni le paiement d'une contrepartie financière et débouté Monsieur X... de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'acte ayant institué ce droit a été établi sous seing privé le 15 janvier 1984 ; qu'un jugement du Tribunal de grande instance de VERSAILLES du 2 avril 2009 en tenait compte pour fixer la valeur vénale de l'immeuble si bien qu'il est antérieur à la procédure de licitation ; qu'il a, dès lors, une date certaine pertinente au sens de l'article 1328 du Code civil ; qu'il convient de se rappeler que le droit d'habitation s'acquiert et se perd comme en matière d'usufruit ; que la publicité foncière ne s'impose qu'en cas de cessibilité du droit, ce qu'exclut la convention du 15 janvier 1984 ; que pour qu'il soit opposable aux tiers, il faut et il suffit à défaut de publicité foncière, que ceux-ci en aient été informés par tous moyens par mention dans l'acte de vente ; que ce n'est que lorsque le droit réel immobilier n'est ni publié ni mentionné dans l'acte de vente de l'immeuble qu'il est inopposable aux acquéreurs (cf. arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre, 23 juin 1981 cité par le premier juge) ; qu'en l'espèce, il ressort suffisamment des pièces du dossier que :- le cahier des conditions de vente, qui fait partie intégrante du titre et peut être consulté par tout intéressé avant l'audience d'adjudication, contient le descriptif de l'immeuble réalisé par procès-verbal d'huissier le 22 avril 2011 ;- ce document précise que l'immeuble est occupé par Madame Y... (né en 1924) en vertu d'un convention du 16 janvier 1986 lui conférant un droit d'habitation ;- une copie de la convention est annexée au procès-verbal ; que dans ces conditions, l'adjudicataire était nécessairement informé de la situation d'occupation de l'immeuble mis en vente, son attention étant de surcroît, appelée sur cette particularité par un dire déposé le 6 mai 2011 ; que même si ce dire ne pouvait en lui-même, dès lors qu'il n'était pas consacré par jugement, imposer une charge à l'adjudicataire, il confirmait l'existence du droit d'habitation mentionné en pages 60 et 63 du cahier des conditions de vente ; que le jugement déféré qui a été déclaré opposable à Monsieur X... le droit d'habitation de Madame Y... mérite donc confirmation » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« en application de l'article 625 du Code civil, le droit d'habitation s'acquiert et se perd comme en matière d'usufruit ; que la publicité foncière ne s'impose qu'en cas de cessibilité prévue de ce droit, ce qui n'est pas le cas de l'espèce, au vu de l'interdiction expressément visée dans la convention ; que toutefois, cette mesure est utile pour l'opposabilité du droit aux tiers mais elle n'est pas obligatoire si d'autres moyens d'information ont été mis à la disposition de ceux-ci, notamment par mention dans l'acte de vente (cf. Cass, Civ. 3, 23-06-1981) ; que dans le cas présent, le cahier des conditions de vente, qui fait partie intégrante du titre de vente et qui est consultable par tout candidat à la licitation avant l'audience d'adjudication, contient le descriptif de l'immeuble réalisé par procès-verbal de maître Z..., huissier de justice à TROARN en date du 22 avril 2011 ; que ce document, essentiel pour l'information des tiers tant sur l'état matériel de l'immeuble que sur sa situation en matière d'occupation, précise que l'immeuble est habité par la demanderesse en vertu d'une convention en date du 16 janvier 1984 lui conférant un droit d'habitation ; qu'une copie de la convention est annexée au procès-verbal ; que dans ces conditions, Monsieur X... ne peut valablement soutenir aujourd'hui qu'il ne pouvait connaître la situation de l'immeuble quant à son occupation, d'autant qu'il était assisté et représenté par un avocat pour la procédure d'adjudication ; que le droit d'habitation de Madame Y... lui est ainsi opposable et il ne peut exiger son départ de sorte que les commandements de quitter les lieux délivrés en octobre 2011 et avril 2012 sont privés d'effet » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, l'identification des droits portant sur le bien faisant l'objet de l'adjudication ne peut résulter que du cahier des conditions de vente proprement dit ; qu'un droit réel consenti conventionnellement par le vendeur de l'immeuble n'est opposable à l'acquéreur qu'à la condition d'être mentionné expressément par le cahier des conditions de vente ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1165 du code civil ainsi que les articles R. 322-2 et R. 322-10 du Code des procédures civiles d'exécution ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, l'identification des droits portant sur le bien faisant l'objet de l'adjudication ne peut résulter que du cahier des conditions de vente proprement dit à l'exclusion du procès-verbal de description établi par l'huissier de justice, lequel intervient simplement pour collecter des éléments concernant l'état ou la situation du bien ; qu'en décidant le contraire, pour se fonder sur les mentions du procès-verbal de description, les juges du fond ont violé les articles R. 322-2 et R. 322-10 du Code des procédures civiles d'exécution ensemble l'article 1165 du code civil ;
ALORS QUE, TROISIEMEMENT, et en toute hypothèse, si le cahier des conditions de vente proprement dit se borne à mentionner la vente d'un bien immobilier, sans restriction, ni réserve, il y a lieu de décider que l'adjudication porte sur un droit de propriété plein et entier et non un droit de propriété démembré à raison d'un droit réel transféré à un tiers ; qu'à supposer que le procès-verbal de description, qui n'est là que pour collecter des éléments propres à l'immeuble, fasse état d'un droit réel consenti à un tiers, quand le cahier des conditions de vente proprement dit n'en fait pas état, la préférence doit être donnée au cahier des conditions de vente proprement dit pour considérer que l'adjudication porte sur un droit de propriété plein et entier ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles R. 322-2 et R. 322-10 du Code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1165 du Code civil ;
ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, les règles de la publicité foncière ont vocation à s'appliquer dans le cas où, le propriétaire ayant concédé un droit d'usage et d'habitation à un tiers, l'adjudication porte sur un droit de propriété plein et entier, dans la mesure où il y a conflit sur les prérogatives afférentes au droit d'usage et d'habitation ; qu'en refusant d'appliquer les règles de la publicité foncière, les juges du fond ont violé les article 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;
ALORS QUE, CINQUIEMEMENT, à partir du moment où il y avait conflit, l'acte du 16 janvier 1984 n'ayant pas été publié, les règles de la publicité foncière commandaient que le droit transféré à Madame Y... fût inopposable à Monsieur X..., qu'en jugeant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-16677
Date de la décision : 15/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 04 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 oct. 2015, pourvoi n°14-16677


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.16677
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award