LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 28 janvier 2014), que par acte authentique du 5 septembre 2006, M. et Mme X... ont vendu à M. Y... un bâtiment à usage de location de gîtes au prix de 78 000 euros ; que, par acte authentique du 22 juillet 2009, M. Y... a vendu l'immeuble à M. Jean-Pierre Z..., Mme Denise Z... et M. Stéphane Z... (les consorts Z...) au prix de 51 000 euros ; qu'ayant découvert, lors de leur aménagement dans l'immeuble, un affaissement du plancher, les consorts Z... ont, après expertise, assigné M. Y... et les époux X... en annulation de la vente pour défaut d'objet et, subsidiairement, en résolution pour vices cachés, remboursement du prix et des frais et dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour prononcer la résolution de la première vente, l'arrêt retient que les consorts Z... dirigent leur action en résolution de la vente pour vices cachés à la fois contre M. Y... et contre les époux X... et que M. Y... forme à titre subsidiaire à l'encontre des époux X... un appel en garantie qui implique la résolution de la vente intermédiaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la résolution de la vente conclue le 5 septembre 2006 entre M. Y... et les époux X... n'était pas demandée par les parties, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
Sur le second moyen :
Attendu que, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif relatif à la condamnation de M. et Mme X... à payer aux consorts Z... diverses sommes et à relever M. Y... indemne des sommes mises à sa charge au titre du remboursement du prix et des frais, ainsi que des dommages-intérêts ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résolution de la vente conclue le 5 septembre 2006 entre M. et Mme X... et M. Y..., condamne les époux X... à payer aux consorts Z... les sommes de 51 000 euros en remboursement du prix de vente, 4 000 euros en remboursement des frais de négociation, 3 605,69 euros en remboursement des frais d'acte, 6 000 euros à titre de dommages-intérêts, dit M. Y... fondé en son appel en garantie dirigé contre M. et Mme X... et condamne les époux X... à relever M. Y... indemne des sommes mises à sa charge au titre du remboursement du prix et des frais ainsi que des dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 28 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne M. Y... et les consorts Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé, sur le fondement de la garantie des vices cachés, la résolution de vente conclue le 5 septembre 2006 entre M. et Mme X... et M. Y... ;
AUX MOTIFS QU'il est manifeste que les défauts de construction relevés par l'expert, défauts qui ont entraîné le pourrissement des poutres et l'affaissement des planchers, ont le caractère de vices rédhibitoires relevant de la garantie des articles 1641 et suivants du code civil puisqu'ils rendent la chose vendue impropre à la destination à laquelle elle était contractuellement destinée ; que les consorts Z... n'auraient pas acquis l'immeuble, même en présence d'un prix qui paraît peu élevé, s'ils avaient su, comme l'a révélé le rapport d'expertise judiciaire, que, pour le rendre habitable, il fallait procéder à des travaux de remplacement du plancher par une dalle sur terre-plein nécessitant la reconstruction des cloisonnements intérieurs pour un montant global qui excède largement le prix d'acquisition ; qu'à supposer, comme le soutient le vendeur, qu'ils aient visité de nouveau le bien alors qu'il était vide, la veille de la signature de l'acte authentique, les consorts Z... qui ne sont pas des professionnels de la construction et qui ont cru que l'immeuble était habitable en l'état puisqu'ils l'ont aussitôt aménagé, ne pouvaient pas se rendre compte au regard des seuls indices matériels décrits par l'expert judiciaire de l'ampleur du vice constitué par le pourrissement des solives soutenant le plancher dont la cause résidait dans les défauts de conception et de construction du vide sanitaire ; que le vice ne pouvait pas être connu, pour les acquéreurs, dans sa cause, son ampleur et ses conséquences, de telle sorte que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a retenu le moyen tiré de son caractère apparent ; que les consorts Z... ont découvert le vice dès la prise de possession de l'immeuble, lorsqu'ils ont déposé leurs meubles sur les planchers dont ils ont constaté l'affaissement ; que l'expert relève que la cause des désordres est antérieure aux ventes des 5 septembre 2006 (X... à Y...) et du 22 juillet 2009 (Y... à Z...) ; qu'en effet, ils ont leur origine dans la non-conformité de la réalisation du vide sanitaire aux règles de l'art ; que M. A... ajoute que la dégradation des bois porteurs qui entraîne aujourd'hui un risque d'effondrement du plancher est lente et qu'elle a « probablement commencé depuis l'achèvement des travaux en 1996-1997 » ; que M. Y..., qui a utilisé l'immeuble à titre d'habitation pendant au moins deux ans et qui a d'ailleurs procédé à des réparations sommaires (calfeutrements sur la paillasse de la cuisine) connaissait nécessairement les vices qui se manifestent à l'usage normal du bien ; qu'il ne peut pas opposer la clause de non-garantie des vices cachés qui figure dans l'acte de vente conclu avec les appelants ; que les époux X... ne peuvent pas non plus opposer cette clause qui figure dans l'acte conclu par M. Y... avec les sous-acquéreurs ; qu'au demeurant, ils connaissaient le vice puisque les travaux de construction du bâtiment ont été exécutés par M. X... qui a réalisé le vide sanitaire sans respecter les règles de l'art ; que les consorts Z... dirigent leur action en résolution de la vente pour vices cachés à la fois contre M. Y... et contre les vendeurs originaires, les époux X... ; que M. Y..., quant à lui, forme à titre subsidiaire à l'encontre des époux X... qui lui ont vendu le bien un appel en garantie qui implique la résolution de la vente intermédiaire ; qu'il y a lieu, au regard de ces observations, de prononcer en application des dispositions des articles 1641 et 1644 du code civil la résolution des deux ventes successives conclues le 5 septembre 2006 entre les époux X... et M. Y... et le 22 juillet 2009 entre M. Y... et les consorts Z... ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en prononçant la résolution de la vente conclue le 5 septembre 2006 entre M. et Mme X... et M. Y..., cependant que la résolution de cette vente n'était sollicitée ni par M. Y..., qui se bornait à titre subsidiaire à demander que M. et Mme X... le relèvent indemne des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, ni par les consorts Z..., qui se bornaient à solliciter la résolution de la vente conclue le 22 juillet 2009 entre eux et M. Y..., la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé ce faisant l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, EN DEUXIÈME LIEU, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des conclusions des parties ; qu'en affirmant que l'appel en garantie dirigé par M. Y... contre M. et Mme X... « implique la résolution de la vente intermédiaire » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 4), soit la vente conclue par ces derniers le 5 septembre 2006, cependant que cet appel en garantie de M. Y... ne contenait aucune demande tendant à l'annulation de cette vente, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de M. Y... et ce faisant violé derechef l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TROISIÈME LIEU, QU' en tout état de cause, dans le cas de ventes successives, la garantie du vendeur initial ne peut être retenue que si les vices cachés, constatés alors que la chose vendue était la propriété du dernier acquéreur, existaient en tant que tels lors de la première vente ; que dès lors, en prononçant, sur le fondement de la garantie des vices cachés, l'annulation de la vente conclue le 5 septembre 2006 entre M. et Mme X... et M. Y..., sans rechercher si, dans le cadre de cette vente, le vice était ou non apparent aux yeux de M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE la résolution du contrat a pour effet d'anéantir le contrat et de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement sous la seule réserve de l'impossibilité pratique ; qu'en prononçant la résolution des ventes conclues le 5 septembre 2006 et le 22 juillet 2009 et en condamnant M. et Mme X..., in solidum avec M. Y..., à restituer le prix de vente aux consorts Z..., sans se prononcer sur la question de la restitution de l'immeuble, la cour d'appel a violé les articles 1184 et 1641 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. et Mme X..., in solidum avec M. Y..., à payer aux consorts Z... les sommes de 51.000 ¿ en remboursement du prix de vente, 4.000 ¿ en remboursement des frais de négociation, 3.605,69 ¿ en remboursement des frais d'acte, 6.000 ¿ à titre de dommages et intérêts et 2.500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir condamné M. et Mme X... à relever M. Y... indemne des sommes mises à sa charge au titre du remboursement du prix et des frais, ainsi que des dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE M. Y... sera condamné à rembourser aux consorts Z... le prix de vente, soit la somme de 51.000 ¿, les frais de négociation, d'un montant de 4.000 ¿, et les frais d'acte notarié qui se sont élevés à 3.605,69 ¿ ; que les consorts Z... sont en outre en droit de réclamer en réparation du préjudice que les vices leur a causé depuis la prise de possession, fin juillet 2009, des dommages et intérêts qui, au regard de la nature des désordres et des désagréments qu'ils entraînent, doivent être évalués à 6.000 ¿ ; que M. et Mme X..., qui ont vendu à M. Y... le bien affecté de vices dont ils sont responsables pour avoir réalisé les travaux de construction de la maison, devront relever ce dernier intégralement indemne des condamnations prononcées au profit des consorts Z... au titre du remboursement du prix et des frais et au titre des dommages et intérêts ;
ALORS, D'ABORD, QUE la cassation qui sera prononcée dans le cadre des première, deuxième et troisième branches du premier moyen de cassation, en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la résolution de la vente du 5 septembre 2006, entraînera, par voie de conséquence et en application des dispositions des articles 624 et 625 du code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt attaqué en ce que, au motif même de cette résolution, M. et Mme X... ont été condamnés à rembourser le prix de vente payé par les consorts Z..., outre diverses sommes au titre du remboursement des frais de négociation, de frais d'acte et de dommages et intérêts, et à garantir M. Y... des condamnations mises à sa charge ;
ET ALORS, EN OUTRE, QUE la résolution du contrat a pour effet d'anéantir le contrat et de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement ; qu'en condamnant M. et Mme X... à rembourser aux consorts Z..., in solidum avec M. Y..., le prix de vente payé à celui-ci par les consorts Z... dans le cadre de la vente du 22 juillet 2009 (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 4), cependant que si la résolution de cette vente contraignait M. Y... à rembourser le prix payé par les consorts Z..., en revanche, M. et Mme X..., qui n'étaient pas parties à la vente du 22 juillet 2009, et qui n'ont donc perçu aucun prix dans le cadre de cette cession, ne pouvaient être condamnés vis-à-vis des consorts Z... au titre de la restitution d'un prix qu'il n'ont pas perçu, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil.