La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2015 | FRANCE | N°14-25773

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 octobre 2015, 14-25773


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu après cassation (Soc., 4 juillet 2012, n° 11-17. 986) que Mme X..., engagée le 8 septembre 1997 par la société Kiosque d'or en qualité de comptable a bénéficié d'un congé parental du 2 juillet 1998 au 23 avril 2001, date à laquelle elle a repris son travail ; que se plaignant d'avoir été victime d'un harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement

de dommages-intérêts ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt r...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu après cassation (Soc., 4 juillet 2012, n° 11-17. 986) que Mme X..., engagée le 8 septembre 1997 par la société Kiosque d'or en qualité de comptable a bénéficié d'un congé parental du 2 juillet 1998 au 23 avril 2001, date à laquelle elle a repris son travail ; que se plaignant d'avoir été victime d'un harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que si lors de son retour de congé parental, la salariée a été confrontée à une absence d'organisation au sein de l'entreprise, consécutive à l'embauche d'un autre comptable et à une absence de définition précise de son poste, ce qui a été à l'origine du climat d'incertitude quant à l'étendue de ses fonctions pendant deux mois, et si à compter de la mi-juin, ses fonctions qui lui étaient précisées officiellement, comportaient à la fois des tâches de secrétariat et de comptable, il n'en résulte pas, pour autant, que cette modification, qui aurait dû faire l'objet d'un avenant, soit de nature à caractériser un harcèlement moral, alors que la redéfinition des tâches de la salariée est consécutive à l'embauche d'un comptable, justifiée par son absence durant trois ans, et à la volonté de lui conserver des tâches relevant de ce service ;
Qu'en statuant ainsi, sans prendre en considération les éléments médicaux produits et alors, d'une part, qu'elle avait constaté que la salariée avait vu ses fonctions modifiées au retour de son congé parental, ce qui laissait présumer une situation de harcèlement moral et, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1225-5 du code du travail, à l'issue du congé parental, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Kiosque d'or aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Kiosque d'Or et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 390 euros et à la SCP Boutet la somme de 2 600 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame Christelle X... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Madame X... fait valoir qu'à son retour de congé parental, son employeur n'a eu de cesse de modifier ses fonctions et qu'elle a subi de la part des adhérents des pressions, des réflexions désagréables, des vexations et humiliations de toutes sortes ; qu'il est constant que durant la période de congé parental de Madame X..., son poste de comptable a été pourvu par un salarié embauché d'abord selon contrat à durée déterminée, puis selon contrat à durée indéterminée ; qu'il est justifié qu'à son retour de congé parental, il lui a été annoncé qu'elle serait affectée à l'étiquetage, après lui avoir dit qu'elle serait comptable à mi-temps et gestionnaire d'approvisionnement durant l'autre mi-temps ; que par lettre du 15 juin 2001, la SNC KIOSQUE D'OR a informé Madame X... que le service comptabilité comportait désormais deux personnes, et qu'elle serait chargée du rapprochement des factures avec les bons de livraison et bons de commandes, du suivi des paiements fournisseurs : interface BOR, du pointage des comptes tiers, de la saisie des frais généraux, de l'établissement des règlements des fournisseurs et du classement ; que les différents documents versés aux débats et signés par Madame X... établissent que ces tâches lui étaient effectivement confiées, et qu'elle était également chargée de tâches de secrétariat, son service étant intitulé : « secrétariat et comptabilité » ; que s'il résulte des documents versés aux débats que lors de son retour de congé parental, Madame X... a été confrontée à une absence d'organisation au sein de l'entreprise, consécutive à l'embauche d'un autre comptable et à une absence de définition précise de son poste, ce qui a été à l'origine du climat d'incertitude quant à l'étendue de ses fonctions pendant deux mois, et s'il ressort du dossier qu'à compter de la mi-juin, ses fonctions qui lui étaient précisées officiellement, comportaient à la fois des tâches de secrétariat et de comptable, il n'en résulte pas, pour autant, que cette modification, qui aurait dû faire l'objet d'un avenant, soit de nature à caractériser un harcèlement moral, alors que cette redéfinition des tâches de Madame X... est consécutive à l'embauche d'un comptable, justifiée par son absence durant trois ans, et à la volonté de lui conserver des tâches relevant de ce service ; que par ailleurs, Madame X... n'apporte aucun élément, ne cite aucun fait précis, daté, caractérisant les pressions et les humiliations qu'elle affirme avoir subies entre avril 2001 et août 2002, les auteurs des attestations versées aux débats ne faisant que relater ses dires et ajouter leurs propres commentaires (attestations Z..., A..., M. Y... et B..., C..., D..., E..., F...) sur sa situation ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE rien ne justifie la thèse du harcèlement moral invoquée par la demanderesse qui n'en apporte aucune preuve ;
ALORS D'UNE PART QUE la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié, qui n'est tenu que d'apporter des éléments qui, dans leur ensemble, permettent de présumer son existence, à charge pour l'employeur de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement ; qu'en l'espèce, en ayant reproché à Madame X... de ne pas avoir caractérisé l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui, dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, sans avoir à prouver de lien causal entre son état de santé et la dégradation de ses conditions de travail, et qu'il appartient, alors, à l'employeur, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, Madame X... a dénoncé la modification, à son retour de congé parental, de ses fonctions de comptable, qui comportaient, désormais, essentiellement du secrétariat, du standard, de la gestion du personnel, et très accessoirement de la comptabilité ; qu'elle a dénoncé des pressions, humiliations attestées par des salariés, qui relataient des convocations dans les bureaux de la direction à l'heure de la fermeture et le fait que le lendemain la salariée revenait en pleurs ; qu'elle a produit une attestation confirmant qu'il avait été demandé de la placer sur une table face au mur et de lui faire faire des dessins ; que parmi dix-huit attestations, elle a produit des certificats médicaux, dont celui d'un psychiatre constatant, le 19 septembre 2002, un « trouble dépressif majeur, qui me paraît pour beaucoup lié à des difficultés d'ordre professionnel. En effet dès notre premier entretien elle m'a longuement évoqué le contexte particulièrement stressant dans lequel elle travaille, décrivant de la part de sa hiérarchie des conduites en faveur d'une forme de harcèlement moral (surcharge de travail, remarques incessantes, pressions ¿ » ; qu'elle a rappelé ses arrêts maladie pour dépression en août 2001, janvier février 2002 et d'août 2002 à mars 2003 ; qu'après avoir constaté que son contrat de travail avait été modifié sans aucun avenant, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si tous ces éléments, dont les certificats médicaux, dans leur ensemble, ne faisaient pas présumer l'existence d'un harcèlement moral, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE le harcèlement moral peut résulter des méthodes de gestion ou d'organisation de l'employeur ; qu'en s'étant fondée sur la circonstance que, lors de son retour de congé parental, Madame X... avait été confrontée à une « absence d'organisation au sein de l'entreprise », consécutive à l'embauche d'un autre comptable et à une « absence de définition précise de son poste », à l'origine du climat d'incertitude quant à l'étendue de ses fonctions pendant deux mois, et qu'à compter de la mi-juin, ses fonctions précisées officiellement comportaient à la fois des tâches de secrétariat et de comptable, inopérantes, pour exclure une situation de harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-25773
Date de la décision : 14/10/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 11 juillet 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 oct. 2015, pourvoi n°14-25773


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.25773
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award