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13/10/2015 | FRANCE | N°14-16289

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 octobre 2015, 14-16289


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 24 février 2014), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 26 février 2013, n° 11-25.584), que M. X..., engagé le 5 octobre 1979 par la société Banque française commerciale (BFC) dans le cadre d'un statut expatrié, et dont le contrat de travail avait été transféré à la société BFC Océan indien, a été détaché à compter du 1er mars 1992 en tant que directeur de groupe des agences martiniquaises de la société BFC Antilles Guyane (BFC AG) ; que le 12 juill

et 1995, l'employeur lui a notifié un blâme à titre de sanction pour mauvaise ge...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 24 février 2014), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 26 février 2013, n° 11-25.584), que M. X..., engagé le 5 octobre 1979 par la société Banque française commerciale (BFC) dans le cadre d'un statut expatrié, et dont le contrat de travail avait été transféré à la société BFC Océan indien, a été détaché à compter du 1er mars 1992 en tant que directeur de groupe des agences martiniquaises de la société BFC Antilles Guyane (BFC AG) ; que le 12 juillet 1995, l'employeur lui a notifié un blâme à titre de sanction pour mauvaise gestion du groupe de la Martinique et sa mutation en Guadeloupe à la direction générale à compter du mois de septembre 1995 ; que M. X... a ensuite accepté la modification de son contrat de travail et a occupé diverses fonctions à la direction de Pointe-à-Pitre jusqu'à son adhésion à la convention de préretraite de l'entreprise, le 31 octobre 2006 ; qu'estimant avoir fait l'objet d'un cumul de sanctions illicite, il a saisi la juridiction prud'homale pour en obtenir l'annulation et la condamnation de l'employeur à l'indemniser du préjudice résultant de la modification du contrat de travail ;
Sur le pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. X... des dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier, pour manques à gagner sur les retraites, sur l'indemnité de départ en préretraite et sur la rente Predica, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience, le salarié avait « au titre du cumul de sanctions illicite » exclusivement sollicité la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 178 729 euros en réparation d'un préjudice constitué, selon lui, par un manque à gagner « sur les loyers successifs », « sur l'assurance des maisons » et au titre des « charges diverses liées à l'entretien de la maison », ainsi que « le mobilier, l'argenterie, la vaisselle, le linge de maison » ; qu'il avait de manière distincte, au titre de la réparation d'un préjudice financier qu'il aurait subi, exclusivement « à la suite de la modification abusive de son contrat de travail », sollicité la condamnation de son employeur à lui payer la somme totale de 445 116 euros, ledit préjudice étant constitué, selon lui, par une « perte de salaires du 01/11/1995 au 31/10/2006 », la « perte d'avantages en nature », un « manque à gagner sur les retraites », un « manque à gagner sur l'indemnité de départ en préretraite » et un « manque à gagner sur la rente Predica » ; qu'après avoir jugé qu'encourait la nullité la mutation disciplinaire du salarié en date du 12 juillet 1995 mais qu'en revanche, la modification de son contrat de travail du 31 octobre 1995 ne constituait pas une modification abusive et unilatérale, la cour d'appel, qui néanmoins condamne l'employeur à payer au salarié, au titre des conséquences financières de la sanction illicite, non seulement la somme de 73 000 euros en réparation de la perte des avantages en nature liée au cumul de sanctions illicites, mais aussi diverses sommes en réparation d'un « préjudice financier », d'un « manque à gagner sur les retraites », d'un « manque à gagner sur l'indemnité de départ en préretraite » et d'un « manque à gagner sur la rente Predica », qui relevaient pourtant, selon les demandes du salarié, de son préjudice financier subi « à la suite de la modification abusive de son contrat de travail », a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'après avoir expressément jugé que la modification du contrat de travail intervenue le 31 octobre 1995 ne constituait pas, contrairement aux allégations du salarié, « une modification abusive et unilatérale » du contrat dès lors, non seulement que le salarié avait bénéficié d'un délai de réflexion suffisant, mais aussi qu'il avait donné son accord exprès à cette modification et ce en connaissance de cause, la cour d'appel qui, néanmoins, fait droit aux demandes du salarié tendant à la réparation du préjudice financier qu'il aurait subi à raison « de la modification abusive de son contrat de travail », n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 1331-1 et suivants du code du travail ensemble l'article L. 1221-1 dudit code ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant retenu que le changement de statut et la modification du contrat de travail du salarié s'analysaient comme une conséquence de la mesure de mutation disciplinaire et que même si le salarié avait accepté le changement de statut contractuel, celui-ci était néanmoins intervenu comme conséquence de la mutation illicite, a pu en déduire, sans méconnaître les termes du litige, que le salarié devait être rétabli dans ses droits et était dès lors fondé à solliciter des dommages-intérêts réparant l'ensemble des préjudices subis, dont le préjudice financier pour perte de salaires et manques à gagner sur les retraites, l'indemnité de départ en préretraite et la rente Predica consécutifs à la modification de son contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le pourvoi principal du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme le montant des dommages-intérêts dus en réparation de son préjudice financier et de son manque à gagner sur les retraites, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur qui, par sa faute, cause à son salarié un dommage doit replacer ce dernier dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; que l'action intentée par un salarié en réparation du dommage subi du fait d'une sanction disciplinaire illicite est ainsi soumis à la prescription de droit commun applicable au jour de l'introduction de la demande en justice ; qu'en retenant toutefois, pour évaluer le préjudice subi par M. X... du fait de la sanction disciplinaire illicite dont il a fait l'objet, que la perte de salaire que le salarié avait dû supporter était soumise à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail par fausse application, ensemble le principe de réparation intégrale ;
2°/ que pour les mêmes motifs, en retenant, pour évaluer le préjudice subi par M. X... du fait de la sanction disciplinaire illicite dont il a fait l'objet, que le manque à gagner sur ses retraites devait être calculé sur la base des seules années de cotisations qui n'étaient pas atteintes par la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail par fausse application, ensemble le principe de réparation intégrale ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le salarié demandait réparation du préjudice financier lié à la perte de salaire subie suite à son changement de statut contractuel sur la période du 1er novembre 1995 au 31 octobre 2006, date de son départ en préretraite, ainsi qu'en réparation de la perte de points de retraite découlant du manque à gagner annuel sur salaires, en a exactement déduit que cette demande ne tendait, sous couvert de dommages-intérêts, qu'à obtenir le paiement de différentiels de salaires et primes, lesquels étaient en partie prescrits en vertu de l'article 2277 du code civil alors applicable, de sorte que la créance pour perte de salaire ne pouvait être déterminée que sur la période du 1er janvier 2003 au 31 octobre 2006, compte tenu de la saisine judiciaire intervenue en janvier 2008, et que le manque à gagner sur les retraites devait être évalué en tenant compte du différentiel perdu sur les salaires ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, D'AVOIR, statuant sur le préjudice subi par Monsieur X... consécutif à la mutation illicite dont il avait fait l'objet, limité à la somme de 52.567,95 euros le montant des dommages et intérêts dus en réparation de son préjudice financier et limité à la somme de 15.000 euros le montant des dommages et intérêts dus en réparation de son manque à gagner sur les retraites ;
« AUX MOTIFS QUE Monsieur X... demande la réparation du préjudice financier lié à la perte de salaire, soit une somme de 143.021 ¿, suite à son changement de statut contractuel sur la période du 1er novembre 1995 au 31 octobre 2006, date de son départ en pré-retraite ; que même si le salarié a accepté le changement de statut commercial, celui-ci est néanmoins intervenu comme conséquence indirecte de la mutation illicite ; que bien que détaché à la BFC-AG depuis 1987, M. X... avait continué à bénéficier du statut de cadre expatrié et même si la banque invoque une harmonisation à court terme du statut des cadres de la BFC-AG dès lors que la BFC holding disparaîtrait en métropole, suite à son rachat par le Crédit Agricole (en 1996), il n'en demeure pas moins que la mutation de M. X... en Guadeloupe ne pouvait se faire qu'avec un changement de statut, ce qu'a admis d'ailleurs l'employeur devant le premier juge ; que dès lors, la demande en réparation du préjudice financier de M. X... doit être examinée mais dans la mesure où cette demande ne tend, sous couvert de dommages et intérêts, qu'à obtenir le paiement de différentiels de salaires et primes, lesquels sont en partie prescrits en vertu de l'article 2277 du code civil, elle ne peut être déterminée que sur la période du 1er janvier 2003 au 31 octobre 2006, compte tenu de la saisine judiciaire intervenue en janvier 2008 ; qu'il résulte de la lecture des bulletins de salaire de M. X... produits au dossier, que pour la période antérieure au 1er novembre 1995, date d'effet de la mutation, ce dernier percevait un salaire mensuel global de 46.349,94 francs, soit 7.066 euros, comprenant un salaire de base, une majoration outre-mer et une indemnité forfaitaire mensuelle d'éloignement ; que postérieurement, il a perçu un salaire de base fixe brut mensuel correspondant à 2.000 points, la valeur du point évaluée à 19,40 francs en novembre 1995, sur 15 mois, et une prime de transport, soit un salaire global de 5.916,24 ¿ ; qu'il s'en déduit un différentiel de salaire de 13.713,38 ¿ bruts par an, admis par les parties ; que cependant, celui-ci est en réalité moindre car le salarié a perçu des primes exceptionnelles et autres avantages complémentaires sur les années 1996 à 2006 ; que le salarié ne peut réclamer de son côté les primes exceptionnelles qu'il a perçues sur la période antérieure, celles -ci étant liées à ses performances professionnelles dans les différents postes qu'il a occupés et non à son statut de détaché ; que compte tenu de ces éléments et de la prescription quinquennale applicable, il y a lieu de chiffrer le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier dû au salariés la somme de 52.567,95 ¿ ; (¿) ; que, sur le manque à gagner sur les retraites ; que le salarié estime qu'il a subi une perte de points de retraite découlant du manque à gagner annuel sur salaires ; qu'il chiffre la totalité de son préjudice à 13.371 points AGIRC et 1.195 points ARRCO qu'il valorise respectivement à 0,4330 ¿ et 1,2414 ¿, soit un total de 115.774 ¿ ; que cependant, les calculs de M. X... ne peuvent être retenus en l'état, dans la mesure où il porte le différentiel de salaire à 20.639,20 ¿, au lieu de ceux évalué à 13.713,38 ¿ et sur 15 ans, sans tenir compte de la prescription quinquennale et du fait qu'il n'était plus en activité à partir de 2006 ; que la perte de points de retraite complémentaire attribués au titre des cotisations sur une assiette de 25.990,03 ¿ ne saurait conduire, comme le soutient le salarié, à l'attribution d'une retraite complémentaire majorée de 7.365,13 ¿ par ans par rapport à la retraite complémentaire perçue par M. X..., depuis sa lise à la retraite en juillet 2013 ; que cependant, en tenant compte du différentiel perdu sur les salaires et tel que retenu par la cour, de 2003, au départ en retraite du salarié, la perte de point de retraite s'analysant comme un manque à gagner peut être chiffrée à la somme de 15.000 ¿ ;
ALORS D'UNE PART QUE l'employeur qui par sa faute cause à son salarié un dommage doit replacer ce dernier dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; que l'action intentée par un salarié en réparation du dommage subi du fait d'une sanction disciplinaire illicite est ainsi soumis à la prescription de droit commun applicable au jour de l'introduction de la demande en justice ; qu'en retenant toutefois, pour évaluer le préjudice subi par Monsieur X... du fait de la sanction disciplinaire illicite dont il avait fait l'objet que la perte de salaire que le salarié avait dû supporter était soumise à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail par fausse application, ensemble le principe de réparation intégrale ;
ALORS D'AUTRE PART QUE l'employeur qui par sa faute cause à son salarié un dommage doit replacer ce dernier dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; que l'action intentée par un salarié en réparation du dommage subi du fait d'une sanction disciplinaire illicite est ainsi soumis à la prescription de droit commun applicable au jour de l'introduction de la demande en justice ; qu'en retenant, pour évaluer le préjudice subi par Monsieur X... du fait de la sanction disciplinaire illicite dont il avait fait l'objet que le manque à gagner sur ses retraites qu'il devait supporter devait être calculé sur la base des seules années de cotisations qui n'étaient pas atteintes par la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail par fausse application, ensemble le principe de réparation intégrale. »Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la société Banque française commerciale Antilles Guyane, demanderesse au pourvoi incident
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR condamné la société exposante à payer à Monsieur X... les sommes de 52.567,95 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manque à gagner sur les retraites, 17.142 euros à titre de dommages et intérêts pour manque à gagner sur l'indemnité de départ en préretraite, 62.167 euros à titre de dommages et intérêts pour manque à gagner sur la rente PREDICA ;
AUX MOTIFS QUE, qu'il y a eu cumul illicite de sanctions et dès lors, la mutation de M. X... à effet du 1er septembre 1995 doit être déclarée nulle et de nul effet, sans qu'il y ait lieu d'en examiner la régularité au regard des garanties procédurales conventionnelles ; Sur la modification du contrat de travail ; que le contrat de travail de M. X... a été également modifié le 31 octobre 1995 pour une application au 1er novembre 2005, au niveau de son statut et de sa rémunération, à savoir qu'il avait auparavant un statut de cadre expatrié, étant soumis à la convention collective des banques de métropole et bénéficiant d'avantages liés à au détachement outre-mer (salaire majoré, indemnité d'éloignement, logement de fonction, prise en charge des billets d'avion pour les congés, véhicule de fonction...)et qu'à compter du 1er novembre 1995, il a intégré le statut local, soumis à la convention collective du personnel des banques de la Guadeloupe, affilié à la caisse de retraite des DOM, avec un salaire fixe mensuel sur 15 mois et une prime de transport, de même qu'une indemnité de logement de 6.000 francs par mois (914,69 ¿), durant trois ans ; que le salarié fait valoir que l'employeur a agi avec déloyauté et lui a imposé ladite modification, engageant dès lors sa responsabilité contractuelle ; que, cependant, il résulte des documents de la cause que l'employeur a remis, selon accusé de réception valant décharge, à M. X... le 18 octobre 1995 une lettre avenant comportant les futures modifications de son contrat de travail et que des entretiens informels ont eu lieu entre les parties, avant que le salarié accepte et signe ledit avenant le 31 octobre suivant ; qu'il a donc bénéficié d'un délai de réflexion nécessaire et, compte tenu de son niveau de responsabilités, était à même d'apprécier les conséquences des modifications qui lui étaient soumises ; que dès lors, cette modification du contrat de travail, qui a été acceptée par le salarié le 31 octobre 1995, aux termes d'un avenant comportant sa signature précédée de la mention manuscrite de M. X... « lu et approuvé », ne saurait constituer une modification abusive et unilatérale ; que sa demande visant à constater que ce changement de statut contractuel lui aurait été imposé et serait donc inapplicable, sera rejetée ; que ce changement de statut et cette modification du contrat de travail, qui nécessitait l'accord exprès du salarié, s'ils peuvent s'analyser comme une conséquence de la mesure de mutation disciplinaire, ne sauraient constituer ni une sanction pécuniaire illicite, ni une sanction disciplinaire à part entière, comme le soutient à tort M. X... ; que la demande formée à titre subsidiaire, de ce chef sera rejetée ; Sur les conséquences financières de la sanction illicite ; que ladite mutation étant nulle, le salarié doit être rétabli dans ses droits, étant fondé à solliciter des dommages et intérêts en réparation de son préjudice ; qu'il invoque en premier lieu une baisse de responsabilités et une suppression d'avantages en nature liées à sa mutation ; que consécutivement à sa mutation en Guadeloupe, le contrat de travail de M. X... a été modifié par le fait qu'il ne bénéficiait plus d'un logement de fonction mais d'une indemnité plafonnée à 6.000 francs (914,69 ¿) pour se loger ; que la modification de cet avantage en nature ne saurait cependant constituer une sanction pécuniaire illicite ni une sanction distincte, s'agissant d'une conséquence de la mutation disciplinaire nulle ; que, cependant, le salarié a subi indéniablement un préjudice financier, ayant dû débourser dans un premier temps une somme de 4.000 francs (609,80 ¿) par mois pour son logement (le loyer étant de 10.000 francs) jusqu'au 30 juin 1997, outre les frais d'électricité, gaz, entretien et impôts locaux, auparavant pris en charge totalement par l'employeur ; qu'il a perçu une prime forfaitaire mensuelle de 914,69 ¿ jusqu'à son départ en pré-retraite pour se loger ; qu'il produit les justificatifs du montant des loyers qu'il a dû verser en sus de l'indemnité allouée, s'élevant à la somme de 50.000 ¿, à l'exclusion de la période durant laquelle il était propriétaire ; qu'il y a lieu d'y adjoindre celle de 15.000 ¿ compte tenu des frais pris en charge par M. X... au titre de l'entretien de son logement, auparavant pris en charge par l'employeur, de même que les frais d'achat de mobilier et de déménagement de meubles arrêtés à une somme forfaitaire de 8.000 ¿, soit une somme globale de 73.000 ¿ au titre de la perte des avantages en nature ; que M. X... demande réparation du préjudice financier lié à la perte de salaire, soit une somme de 143.021 ¿, suite à son changement de statut contractuel sur la période du 1er novembre 1995 au 31 octobre 2006, date de son départ en pré-retraite ; que, même si le salarié a accepté le changement de statut contractuel, celui-ci est néanmoins intervenu comme conséquence indirecte de la mutation illicite ; que, bien que détaché à la BFC-AG depuis 1987, M. X... avait continué à bénéficier du statut de cadre expatrié et, même si la banque invoque une harmonisation à court terme du statut des cadres de la BFC-AG dès lors que la société BFC holding disparaîtrait en métropole, suite à son rachat par le Crédit Agricole (en 1996), il n'en demeure pas moins que la mutation de M. X... en Guadeloupe ne pouvait se faire qu'avec un changement de statut, ce qu'a admis d'ailleurs l'employeur devant le premier juge ; que dès lors, la demande en réparation du préjudice financier de M. X... doit être examinée mais, dans la mesure où cette demande ne tend, sous couvert de dommages et intérêts, qu'à obtenir le paiement de différentiels de salaires et primes, lesquels sont en partie prescrits en vertu de l'article 2277 du Code civil, elle ne peut être déterminée que sur la période du 1er janvier 2003 au 31 octobre 2006, compte tenu de la saisine judiciaire intervenue en janvier 2008 ; qu'il résulte de la lecture des bulletins de salaire de M. X... produits au dossier, que pour la période antérieure au 1er novembre 1995, date d'effet de la mutation, ce dernier percevait un salaire mensuel global brut de 46.349,94 francs, soit 7.066 ¿, comprenant un salaire de base, une majoration outre-mer et une indemnité forfaitaire mensuelle d'éloignement ; que postérieurement, il a perçu un salaire de base fixe brut mensuel correspondant à 2.000 points, la valeur du point évaluée à 19,40 francs en novembre 1995, sur 15 mois, et une prime de transport, soit un salaire global de 5.916,24 ¿ ; qu'il s'en déduit un différentiel de salaire de 13.713,38 ¿ bruts par an, admis par les parties ; que, cependant, celui-ci est en réalité moindre car le salarié a perçu des primes exceptionnelles et autres avantages complémentaires sur les années 1996 à 2006 ; que le salarié ne peut réclamer de son côté les primes exceptionnelles qu'il a perçues sur la période antérieure, celles-ci étant liées à ses performances professionnelles dans les différents postes qu'il a occupés et non à son statut de détaché ; que, compte tenu de ces éléments et de la prescription quinquennale applicable, il y a lieu de chiffrer le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier dû au salarié à la somme de 52.567,95 ¿ ; que le salarié invoque également des « manque à gagner » liés à son changement de statut contractuel, au niveau des billets d'avion, du véhicule de fonction, sur sa retraite, sur l'indemnité de départ en retraite et sur la rente Predica ; Sur les billets d'avion ; que M. X... fait valoir que dans l'ancien statut, il bénéficiait d'une prise en charge des frais de voyage pour lui et sa famille par avion tous les ans, de son lieu de résidence habituelle (étant expatrié de métropole) à son lieu d'emploi et que par la suite, n'étant plus détaché, cet avantage a été réduit à tous les deux ans ; qu'il réclame donc le coût de 4 billets d'avion aller/retour pour les années 1998, 2000, 2004,2006, représentant une somme de 34.157 ¿ ; que cependant, le salarié ne justifie pas avoir effectué chaque année un voyage en famille vers la métropole donnant lieu à ladite prise en charge ; que dès lors, ce chef de demande sera écarté ; Sur le véhicule de fonction ; que M. X... fait valoir qu'avant sa mutation, il bénéficiait d'un véhicule de fonction sans que ledit avantage en nature n'apparaisse sur ses bulletins de salaire antérieurs à 1995 et alors que le contrat de travail initial ne mentionnait pas ledit avantage ; qu'il invoque une pratique sans l'établir et dès lors, sa demande sera rejetée d'autant qu'il a perçu dans son nouveau statut une prime de transport mensuelle ; Manque à gagner sur les retraites ; que le salarié estime qu'il a subi une perte de points de retraite découlant du manque à gagner annuel sur salaires ; qu'il chiffre la totalité de son préjudice à 13.371 points AGIRC et 1.195 points ARRCO qu'il valorise respectivement à 0,4330 ¿ et 1,2414 ¿, soit un total de 115.774 ¿ ; que cependant, les calculs de M. X... ne peuvent être retenus en l'état, dans la mesure où il porte le différentiel de salaire à 20.639,20 ¿, au lieu de celui évalué à 13.713,38 ¿ et sur 15 ans, sans tenir compte de la prescription quinquennale et du fait, qu'il n'était plus en activité à partir de 2006 ; que la perte de points de retraite complémentaire attribués au titre des cotisations sur une assiette de 25.990,03 ¿ ne saurait conduire, comme le soutient le salarié, à l'attribution d'une retraite complémentaire majorée de 7.365,13 ¿ par an par rapport à la retraite complémentaire perçue par M. X..., depuis sa mise à la retraite en juillet 2013 ; que cependant, en tenant compte du différentiel perdu sur les salaires et tel que retenu par la Cour, de 2003, au départ en retraite du salarié, la perte de points de retraite s'analysant comme un manque à gagner peut être chiffrée à la somme de 15.000 ¿ ; Manque à gagner sur l'indemnité de départ à la retraite ; que lors de son départ en préretraite, M. X... a perçu une indemnité de 125.845,35 ¿ nets représentant 15 mois de salaire ; qu'en tenant compte d'un différentiel de salaire de 13.713,38 ¿ sur l'année et du calcul de l'indemnité de départ sur la base d'1/12ème de la rémunération annuelle, à l'exclusion des primes, le salarié aurait pu percevoir une somme supplémentaire de 17.142 ¿ qui lui sera accordée à titre de dommages et intérêts ; Manque à gagner sur la rente Predica ; que la rente de pré-retraite calculée également sur la base d'1/12ème de la rémunération annuelle, à l'exclusion des primes, le salarié aurait pu percevoir une somme supplémentaire de 777,09 ¿ par mois, soit 62.167 euros sur 80 mois ;
ALORS D'UNE PART QUE, dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience (arrêt p 3), le salarié avait « au titre du cumul de sanctions illicite » exclusivement sollicité la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 178.729 euros en réparation d'un préjudice constitué, selon lui, par un manque à gagner « sur les loyers successifs », « sur l'assurance des maisons » et au titre des « charges diverses liées à l'entretien de la maison », ainsi que « le mobilier, l'argenterie, la vaisselle, le linge de maison » (conclusions d'appel p 34 à 38) ; qu'il avait de manière distincte, au titre de la réparation d'un préjudice financier qu'il aurait subi, exclusivement « à la suite de la modification abusive de son contrat de travail », sollicité la condamnation de son employeur à lui payer la somme totale de 445.116 euros, ledit préjudice étant constitué, selon lui, par une « perte de salaires du 01/11/1995 au 31/10/2006 », la « perte d'avantages en nature », un « manque à gagner sur les retraites », un « manque à gagner sur l'indemnité de départ en préretraite » et un « manque à gagner sur la rente PREDICA » (conclusions d'appel p. 61) ; qu'après avoir jugé qu'encourait la nullité la mutation disciplinaire du salarié en date du 12 juillet 1995 mais qu'en revanche, la modification de son contrat de travail du 31 octobre 1995 ne constituait pas une modification abusive et unilatérale (arrêt p. 10), la Cour d'appel qui néanmoins condamne l'employeur à payer au salarié, au titre des conséquences financières de la sanction illicite, non seulement la somme de 73.000 euros en réparation de la perte des avantages en nature liée au cumul de sanctions illicites, mais aussi diverses sommes en réparation d'un « préjudice financier », d'un « manque à gagner sur les retraites », d'un « manque à gagner sur l'indemnité de départ en préretraite » et d'un « manque à gagner sur la rente PREDICA », qui relevaient pourtant, selon les demandes du salarié, de son préjudice financier subi « à la suite de la modification abusive de son contrat de travail », a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QU'après avoir expressément jugé que la modification du contrat de travail intervenue le 31 octobre 1995 ne constituait pas, contrairement aux allégations du salarié, « une modification abusive et unilatérale » du contrat dès lors, non seulement que le salarié avait bénéficié d'un délai de réflexion suffisant, mais aussi qu'il avait donné son accord exprès à cette modification et ce en connaissance de cause, la Cour d'appel qui, néanmoins, fait droit aux demandes du salarié tendant à la réparation du préjudice financier qu'il aurait subi à raison « de la modification abusive de son contrat de travail », n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 1331-1 et suivants du Code du travail ensemble l'article L. 1221-1 dudit Code ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-16289
Date de la décision : 13/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 24 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 oct. 2015, pourvoi n°14-16289


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.16289
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