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08/10/2015 | FRANCE | N°14-19550

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 08 octobre 2015, 14-19550


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 avril 2014), que la SCI de Kersolès a donné à bail commercial à la société Job ar Gow des bâtiments édifiés sur un terrain de 6 306 m² environ ainsi qu'un terrain nu pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 1979 ; que la société Distribution Casino France, venant aux droits de la société Job ar Gow, a demandé le renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2009 ; que la SCI de Kersolès a consenti au renouvellement du bail moyennant

un nouveau loyer puis a assigné la société Distribution Casino France en fix...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 avril 2014), que la SCI de Kersolès a donné à bail commercial à la société Job ar Gow des bâtiments édifiés sur un terrain de 6 306 m² environ ainsi qu'un terrain nu pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 1979 ; que la société Distribution Casino France, venant aux droits de la société Job ar Gow, a demandé le renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2009 ; que la SCI de Kersolès a consenti au renouvellement du bail moyennant un nouveau loyer puis a assigné la société Distribution Casino France en fixation du prix du bail renouvelé ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté qu'au cours du bail écoulé s'étaient produits l'agrandissement de la zone Pégase et la création de celle du Rusquet, jouxtant le parking de la société Distrinution casino et comprenant de grandes enseignes attractives et à proximité immédiate de l'établissement du preneur telles Mr Bricolage, Magasin Vert, Joué Club, la cour d'appel, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a souverainement estimé que ces évolutions constituaient une modification notable des facteurs locaux de commercialité de nature à avoir une incidence favorable sur le commerce exercé par la société Distribution Casino France, justifiant le déplafonnement du prix du bail renouvelé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Distribution Casino France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Distribution Casino France, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la SCI de Kersolès ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société Distribution Casino France
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé à 180 000¿ le montant du loyer annuel dû par la société Distribution Casino France SAS à la SCI de Kersolès ;
AUX MOTIFS QUE l'article L.145-33 du code de commerce dispose que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative ; qu'à défaut d'accord cette valeur est déterminée d'après : 1 Les caractéristiques du local considéré ; 2 La destination des lieux ; 3 Les obligations respectives des parties ; 4 Les facteurs locaux de commercialité ; 5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ; que l'article L.145-34 énonce qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4°de l'article L.145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ; qu'enfin l'article R. 145-6 précise que les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire ; que la période de référence pour apprécier s'il existe une modification notable des facteurs locaux de commercialité est comprise entre le 1er juillet 1997 et 31 décembre 2008 ; que les biens se situent dans la partie Nord-Est de Lannion en bordure de la rue de la Résistance RD 788 reliant Lannion à Perros Guirec dans l'une des principales zones commerciales et d'activité de la ville ; qu'ils jouxtent le centre commercial Géant Casino exploité par la preneuse et constituent une part importante de son parking (environ 8 905 m2) et une petite partie du centre correspondant à son entrée principale (environ 280 m2) ; que l'expert cite au cours du bail écoulé la modification des facteurs locaux suivants : - l'avènement de la mise en 2 x 2 voies de la RD 767 entre la RN 12 au niveau de Guingamp et la Lannion ; - l'ouverture à la circulation de la voie de contournement Est de Lannion entre le rond-point du Boutil au Sud et le rond-point du Kruguilh au Nord en direction de Perros Guirec ; - le développement de la zone d'activités Pégase et la création de la zone du Rusquet qui jouxtent la zone sur laquelle sont situés les biens et qui ont eu pour effet de renforcer l'attrait de l'ensemble de ce secteur de l'agglomération lannionaise ; - la hausse de la population municipale de 18 362 habitants à 19 847 habitants, soit une hausse annuelle de 0,8% identique à la moyenne départementale ; qu'il conclut à une modification notable des facteurs locaux de commercialité ; qu'il s'interroge sur leur caractère favorable pour l'activité considérée en relevant une baisse continue et significative du chiffre d'affaires réalisé par le centre commercial Géant entre 2002 et 2008 et donne plusieurs hypothèses pour l'expliquer : -la voie de contournement Est n'offre aucune visibilité sur le centre commercial Géant et l'un des axes les plus naturels pour se rendre sur la zone conduit à penser devant le Centre Leclerc avant d'arriver à Géant, ce qui entraîne un risque de captation de clientèle ; que l'expert nuance ses propos en indiquant que ces modifications des conditions de circulation n'ont qu'une influence modérée pour la clientèle du centre-ville et de l'ouest de l'agglomération et qu'une partie des commerces du Rusquet et Géant peuvent être atteints par une autre voie ; - le centre commercial Leclerc a été agrandi et rénové en 2004, ce qui a pu nuire à Géant dans la mesure où la clientèle a pu préférer faire ses courses dans celui des deux centres qui avait connu la rénovation la plus récente ; - jusqu'en 2001-2002 le revenu fiscal moyen par foyer a fortement augmenté en lien avec le fort développement de la filière électronique dont la tendance s'est inversée avec le brusque retournement d'activité dans la filière des techniques de l'information et de la communication ; qu'en réponse à un dire du bailleur l'expert indique que le manque d'investissements et l'absence de rénovation avant 2001 pourraient expliquer une partie de la baisse du chiffre d'affaires ; qu'il précise qu'à son avis les biens exploités par la société Casino (hypermarché, galerie marchande et parking) étaient dans un état correct tout au long de la période de référence mais ont pu apparaître comme démodés en comparaison des nouvelles constructions édifiées sur la zone du Rusquet et du centre Leclerc en 2004 ;
AUX MOTIFS ENCORE QUE le bail porte essentiellement sur le parking ; que cependant Géant Casino ne pourrait exercer son activité s'il n'en disposait pas ; que la valeur locative du bien loué dépend donc du dynamisme commercial de l'exploitant du centre et de réactivité ; que le preneur a bénéficié au cours du bail écoulé de l'agrandissement de la zone Pégase et de la création de celle du Rusquet qui jouxte son parking et comprend de grandes enseignes attractives à proximité immédiate telles Mr Bricolage, Magasin Vert, Joué Club ; que la cour estime que la création de la zone du Rusquet et l'extension de celle de Pégase ont constitué une modification notable des facteurs locaux de commercialité de nature à avoir une influence positive sur le commerce exercé ; qu'il importe peu que la société Casino n'ait pas su en profiter ; qu'il y a lieu à déplafonnement du loyer sans qu'il soit nécessaire de se pencher sur les autres moyens de la SCI de Kersolès
ET AUX MOTIFS ENFIN QUE l'avenant du 17 avril 1981 qui donne à la société Job ar Gow en page 4 article 1 l'autorisation de démolir les constructions édifiées sur le terrain de 6306 m2 consistant en un magasin, un entrepôt et un atelier, le tout d'une superficie de 2 200m2 bâtis, stipule en son article 2 que les parties décident de maintenir expressément le bail actuel dans toutes ses dispositions, de durée, de destination des lieux (¿) ; qu'y est annexé un rapport d'expertise qui dresse notamment un descriptif précis des terrains, des constructions, gros oeuvres, matériaux utilisés, agencements et installations, aisances et dépendances ; que le bail n'a reçu aucune modification sur la désignation des lieux loués à savoir les biens dont la démolition a été autorisée et un terrain d'une superficie d'environ 2 387 m2 ; que la SCI de Kersolès s'est engagée à renoncer expressément à faire état à un moment quelconque du fait que le bail porte sur un terrain nu ; qu'il résulte de ce qui précède que les parties ont entendu retenir la désignation des lieux loués telle qu'elle résulte du bail signé en 1979 ; que les parties ne discutent pas les évaluations faites par l'expert en tenant compte de la désignation des biens telle qu'elle est énoncée au bail du 24 octobre 1979 ; que le prix sera fixé au 1er janvier 2009 à la somme annuelle de 180 000¿ ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'intérêt que présente la modification des facteurs locaux de commercialité pour le locataire doit être apprécié globalement et non au regard de l'évolution d'un seul de ces facteurs, sauf à justifier de son caractère prédominant; qu'en se bornant à prendre en considération la création et le développement de deux zones d'activités proches du commerce exploité par la société Distribution Casino France, sans s'expliquer, comme l'y invitaient pourtant les écritures de la société locataire (pages 11, 12 et 13) mais également les écritures du bailleur et le rapport d'expertise, sur l'impact de l'évolution des infrastructures routières, sur la plus grande visibilité qui en résulte pour une enseigne concurrente et sur la baisse du revenu de la population locale, la Cour prive son arrêt de base légale au regard des articles L. 145-33, L 145-34 et R. 145-6 du code de commerce ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, l'intérêt que présente la modification des facteurs locaux de commercialité pour le locataire doit être appréciée in concreto au regard de sa ou de ses activités; qu'en se bornant à retenir que l'hypermarché exploité par la société Distribution Casino France avait bénéficié de l'installation à proximité d'enseignes spécialisées dans le bricolage, le jardinage et la vente de jouets sans préciser ¿fût-ce succinctement - en quoi cette installation présentait un intérêt pour l'activité de la société Distribution Casino France, la Cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L.145-33, L 145-34 et R. 145-6 du code de commerce ;
ALORS QU'AU SURPLUS, le déplafonnement du loyer commercial suppose la démonstration d'une incidence favorable de l'évolution des facteurs locaux de commercialité sur le commerce du locataire ; que l'avantage procuré par cette évolution doit d'autant plus être caractérisé qu'aucun bénéfice n'en a effectivement été tiré ; que pour décider qu'il y a lieu à déplafonnement du loyer, la Cour, tout en constatant que la société Distribution Casino France n'a pas effectivement profité de l'évolution des facteurs locaux de commercialité, se borne à retenir que cette société a bénéficié du développement à proximité de deux zones commerciales ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'incidence favorable de l'évolution des facteurs locaux de commercialité pour le preneur, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 145-33, L 145-34 et R. 145-6 du code de commerce ;
ET ALORS ENFIN, et en toute hypothèse QUE le déplafonnement du loyer commercial suppose la démonstration d'une incidence favorable de l'évolution des facteurs locaux de commercialité sur le commerce du locataire ; qu'en l'espèce, pour justifier le déplafonnement du loyer commercial, la Cour retient en substance que la société Distribution Casino France n'a pas su profiter de l'avantage que lui procurait l'évolution des facteurs locaux de commercialité ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser une carence de cette société dans l'exploitation de son commerce de nature à justifier l'absence de bénéfice effectivement tiré de l'évolution des facteurs locaux de commercialité, la Cour prive derechef son arrêt infirmatif de base légale au regard des articles L.145-33, L 145-34 et R.145-6 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-19550
Date de la décision : 08/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 02 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 08 oct. 2015, pourvoi n°14-19550


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Coutard et Munier-Apaire

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.19550
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