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07/10/2015 | FRANCE | N°14-12083

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 octobre 2015, 14-12083


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1226-6, L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, ensemble l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X... a été engagé à compter du 8 janvier 1979 par la société Carrière de Provence en qualité de chauffeur d'engins ; que victime d'un accident du travail, il a été placé en arrêt de travail du 19 janvier 2010 au 12 mai 2010, puis du 13 mai au 5 octobre 2010 ; que licencié le 8 octobre

2010, il a saisi la juridiction prud'homale pour voir prononcer la nullité ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1226-6, L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, ensemble l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X... a été engagé à compter du 8 janvier 1979 par la société Carrière de Provence en qualité de chauffeur d'engins ; que victime d'un accident du travail, il a été placé en arrêt de travail du 19 janvier 2010 au 12 mai 2010, puis du 13 mai au 5 octobre 2010 ; que licencié le 8 octobre 2010, il a saisi la juridiction prud'homale pour voir prononcer la nullité du licenciement et obtenir la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail ;
Attendu que pour écarter ces demandes, l'arrêt retient qu'est suffisamment motivée au regard de l'article L. 1226-9 du code du travail, la lettre de licenciement qui indique que la cessation de l'activité d'exploitation de la carrière, à laquelle le salarié était exclusivement affecté, rendait impossible le maintien de son contrat de travail en raison de la disparition de son poste et de l'absence de poste disponible permettant son reclassement, qu'en effet, l'ensemble du personnel affecté exclusivement sur le site d'extraction de Castillon du Gard a été licencié pour motif économique, comme MM. Y... et Z... et que dès lors le licenciement de M. X..., dont le motif économique n'est pas contesté, repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement, sans mention d'une impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié, se référait à des difficultés économiques résultant d'une baisse de 58 % de la production et de 45 % du chiffre d'affaires de la société, au fait que l'arrêt de l'extraction du site de Castillon du Gard impliquait le licenciement économique du personnel affecté à l'extraction, ainsi qu'à une vaine recherche des possibilités de reclassement tant au sein du groupe de sociétés qu'à l'extérieur de ce groupe, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Carrière de Provence aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Carrière de Provence et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle ; qu'il n'est pas discuté qu'après son arrêt de travail pour cause d'accident du travail, le 19 janvier 2010 M. X... n'a pas bénéficié d'une visite de reprise en sorte que la suspension de son contrat pour ce motif était toujours en cours lors de la notification de son licenciement ; que l'arrêt de travail pour cause de maladie qui s'en est suivi du 12 mai au 26 août 2010, auquel a succédé la prise de congés payés du 27 août au 26 septembre 2010, n'affecte en rien la suspension du contrat de travail dans l'attente d'une visite de reprise ; qu'il en résulte que lorsque M. X... a été licencié, son contrat de travail était toujours suspendu et que son licenciement ne pouvait intervenir que si l'employeur justifiait de l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger non lié à l'accident de travail ; qu'à cet égard, la lettre de licenciement mentionnait que « il nous faut arrêter l'extraction sur le site de Castillon du Gard, ce qui implique le licenciement économique du personnel affecté à l'extraction. C'est pourquoi, nous sommes contraints de supprimer votre poste. Nous avons recherché toutes les possibilités de reclassement tant au sein de notre groupe qu'à l'extérieur de notre groupe mais aucune solution n'a été trouvée à ce jour » ; qu'ainsi, est suffisamment motivée au regard de l'article L. 1226-9 susvisé la lettre de licenciement qui indique que la cessation de l'activité d'exploitation de la carrière à laquelle le salarié était exclusivement affecté rendait impossible le maintien de son contrat de travail en raison de la disparition de son poste et de l'absence de poste disponible permettant son reclassement ; qu'en effet, l'ensemble du personnel affecté exclusivement sur le site d'extraction de Castillon du Gard a été licencié pour motif économique, comme MM. Y... et Z... ; que dès lors, le licenciement de M. X... dont le motif économique n'est pas contesté, repose bien sur une cause réelle et sérieuse ; que M. X... soutient, par ailleurs, que le manquement par l'employeur à son obligation d'assurer la formation et l'adaptation du salarié à son poste de travail prive le licenciement de légitimité ; que l'employeur rappelle que l'obligation d'adaptation dans le cadre d'une procédure de licenciement économique se limite aux formations complémentaires permettant au salarié d'acquérir rapidement une compétence lui permettant d'occuper un emploi disponible de sorte que c'est à tort que M. X... soutient que son licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait que l'employeur ne lui aurait pas assuré une formation ou n'aurait pas respecté son devoir d'adaptation ; qu'il n'est pas discuté en effet que M. X... présentait toutes les capacités pour occuper son emploi et il ne résulte d'aucune circonstance que ce serait en raison d'une formation insuffisante qu'il n'aurait pu conserver son emploi ; que M. X... prétend ensuite que faute de justification d'une quelconque recherche de reclassement tenant compte de ses capacités physiques par la société Carrières de Provence, cette dernière n'avait pas respecté l'obligation de reclassement mise à sa charge par l'article L. 1233-4 du code du travail ; que l'employeur fait observer qu'il a entrepris des recherches en vue de procéder au reclassement de M. X... et que l'hypothétique avis d'inaptitude qui serait intervenu à l'issue d'une visite de reprise n'était d'aucune incidence ; que la société Carrières de Provence indique que le groupe Carrières de Provence groupe Figuière se compose comme suit : que l'activité liée à l'exploitation de trois sites de Carrières situés à Oppède (84), Fontvieille (13) et Castillon du Gard (30) ; que sur ces sites, en 2010 comme en 2011, aucune embauche n'est intervenue à l'exception de Mme Christine A... engagée plus de six mois après le licenciement de M. X... en remplacement d'une salariée placée en longue maladie en mars 2011 ; que les licenciements intervenus concernaient les salariés attachés exclusivement au site de Castillon du Gard ; qu'aucun poste n'était disponible sur les sites de Fontvieille et d'Oppède ; que l'activité liée à l'immobilier, la société Figuière Immobilier ayant une activité distincte d'agence immobilière à Aix en Provence (13) ; qu'aucune obligation de reclassement ne pouvait être envisagée dans cette activité ; que le groupe est dirigé par deux sociétés holding : Figuière Promotion et Paul Madison Développement ; que l'employeur a contacté les sociétés Figuière Immobilier, Figuière Promotion, LIB Industrie, Madison Développement, la société Laothier, les sociétés Pierdeco International, Parefeuille Provence, Thomann-Hanry, EPCC du Pont du Gard, Bancillon BTP, SOC, société Rouvière, Tixa Béton, Haribo Ricqlès Zan, Sede Meynier TP, société Farel Gedimat, M. Bricolage, etc. : aucune de ces entités n'a répondu favorablement ; que ces recherches ont porté sur un poste en adéquation avec les compétences de M. X... qui avait jusqu'alors exercé les fonctions de conducteur d'engins ; qu'enfin, si les dispositions de l'article L. 1226-9 autorisent le licenciement d'un salarié dont le contrat est suspendu en raison d'un accident du travail, il ne peut être fait grief à l'employeur de ne pas avoir attendu la visite de reprise pour procéder aux recherches en vue de reclasser le salarié dont le licenciement était envisagé ; qu'en tout état de cause, si M. X... avait été déclaré inapte à reprendre son précédent emploi, il aurait été licencié en raison de son inaptitude et de l'impossibilité de le reclasser en sorte qu'il ne peut sérieusement soutenir que son licenciement pour motif économique avant toute visite de reprise serait dénué de cause réelle et sérieuse ; que, de même, soutenir qu'en « s'abstenant de mettre en oeuvre toutes les dispositions spécifiques liées à la protection des salariés victimes d'accident du travail, la société Carrières de Provence démontrait qu'elle avait ainsi violé délibérément son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité de M. X..., dès lors qu'elle n'avait pris aucune disposition pour faire contrôler les capacités physiques de son salarié à tenir son emploi de conducteur d'engins avant de rechercher une solution interne de reclassement, et de faire ensuite appel à des entreprises extérieures pour trouver un reclassement professionnel à l'extérieur de l'entreprise sur la base de ce même emploi » ne présente aucune pertinence, le salarié opérant un amalgame entre l'obligation de sécurité de résultat et l'obligation de reclassement sans réel intérêt en l'espèce ; que M. X... qui a adhéré à une convention de reclassement personnalisé ne peut prétendre au paiement d'une indemnité de préavis ;
ALORS, 1°), QU'en retenant que la lettre de licenciement indiquait que la cessation de l'activité d'exploitation de la carrière à laquelle le salarié était exclusivement affecté rendait impossible le maintien de son contrat de travail en raison de la disparition de son poste et de l'absence de poste disponible permettant son reclassement, quand ladite lettre indiquait uniquement « il nous faut arrêter l'extraction sur le site de Castillon du Gard, ce qui implique le licenciement économique du personnel affecté à l'extraction. C'est pourquoi, nous sommes contraints de supprimer votre poste. Nous avons recherché toutes les possibilités de reclassement tant au sein de notre groupe qu'à l'extérieur de notre groupe mais aucune solution n'a été trouvée à ce jour », ce dont il résultait qu'il n'y était pas indiqué en quoi le motif économique allégué par l'employeur l'avait placé dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié, suspendu à la suite d'un accident du travail, pour un motif étranger à cet accident, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de licenciement et violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, 2°), QUE l'employeur qui licencie un salarié dont le contrat est suspendu à la suite d'un arrêt de travail provoqué par un accident du travail ou une maladie professionnelle, est tenu de préciser, dans la lettre de licenciement, le ou les motifs non liés à l'accident ou à la maladie professionnelle pour lesquels il se trouve dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail, l'existence d'un motif économique de licenciement ne caractérisant pas, à elle seule, cette impossibilité ; qu'en retenant que la lettre de licenciement de M. X..., dont elle relevait que le contrat de travail était alors suspendu à la suite d'un accident du travail, était suffisamment motivée au regard de l'article L. 1226-9 du code du travail, cependant qu'il ressortait de ses constatations que cette lettre n'indiquait pas en quoi le motif économique allégué par l'employeur l'avait placé dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié pendant la période de protection, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-9 et L.1232-6 du code du travail ;
ALORS, 3°), QUE l'employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle au cours des périodes de suspension dudit contrat que s'il justifie, soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ; qu'en se bornant à déduire l'impossibilité de maintenir le contrat de M. X... durant la période de suspension dudit contrat, de la cessation de l'exploitation de la carrière à laquelle le salarié était exclusivement affecté, de la suppression subséquente de son poste et de l'absence de poste disponible permettant son reclassement, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l'accident du travail, a violé l'article L. 1226-9 du code du travail ;
ALORS, 4°), QUE, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, l'employeur qui envisage un licenciement économique d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'un accident du travail, n'est en mesure de satisfaire à son obligation de reclassement que s'il a préalablement demandé au médecin du travail l'organisation d'une visite de reprise afin d'être éclairé sur les aptitudes physiques du salarié ; qu'en considérant qu'il ne pouvait être fait grief à l'employeur de ne pas avoir attendu la visite de reprise pour procéder aux recherches de reclassement, cependant que l'organisation d'une telle visite, qui seule est de nature à permettre à l'employeur de connaître les aptitudes physique du salarié dont le contrat de travail a été suspendu à la suite d'un accident du travail, est indispensable à toute recherche loyale de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-4 et L. 1226-9 du code du travail ;
ALORS, 5°), QUE le licenciement économique d'un salarié dont le poste est supprimé ne peut intervenir que si son reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient s'avère impossible ; que le reclassement doit être recherché au sein des emplois de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure que le salarié pourrait occuper, au besoin après une formation complémentaire ; qu'en se bornant à observer que les recherches de reclassement effectuées auprès des deux sociétés holding du groupe auquel appartenait la société Carrières de Provence, avaient porté sur un poste en adéquation avec les compétences de M. X... qui avait jusqu'alors exercé les fonctions de conducteur d'engins, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de vérifier si l'employeur avait effectué tous les efforts de formation et d'adaptation nécessaires pour reclasser le salarié au sein de groupe sur un poste de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1233-4 et L. 1226-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-12083
Date de la décision : 07/10/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 17 décembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 oct. 2015, pourvoi n°14-12083


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.12083
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