LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 septembre 2014), que la société Vermandoise industries exploite une installation de cogénération qui produit la chaleur et l'électricité nécessaires à son activité de production de sucre en utilisant du gaz naturel acheté auprès de différents fournisseurs qui, en application de l'article 266 quinquies du code des douanes, ont répercuté sur leur prix la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (la TICGN) ; que le 24 décembre 2010, la société Vermandoise industries a demandé à l'administration des douanes le remboursement de cette taxe pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2009, au motif que la taxation du gaz naturel qu'elle avait utilisé durant cette période était incompatible avec l'article 14, paragraphe, de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité ; que l'administration des douanes n'ayant accordé le remboursement que pour la période du 24 décembre 2007 au 31 décembre 2009, en application de la règle de prescription triennale prévue à l'article 352 du code des douanes, la société Vermandoise industries l'a assignée en annulation de la décision de rejet partiel de sa demande ;
Attendu que la société Vermandoise industries fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 352 ter du code des douanes, lorsque le défaut de validité d'un texte fondant la perception d'une taxe recouvrée par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects a été révélé par une décision juridictionnelle, l'action en restitution mentionnée à l'article 352, ne peut porter, sans préjudice de l'article 352 bis, que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle au cours de laquelle cette décision est intervenue ; que, par l'arrêt rendu le 17 juillet 2008 (Flughafen Köln/Bonn GmbH, C-226/07), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que « l'article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, en ce qu'il prévoit l'exonération des produits énergétiques utilisés pour produire de l'électricité de la taxation prévue par cette directive, a un effet direct en ce sens qu'il peut être invoqué par un particulier devant les juridictions nationales - en ce qui concerne une période pendant laquelle l'Etat membre concerné était en défaut d'avoir transposé dans le délai prescrit cette directive dans son droit national - dans le cadre d'un litige, tel que celui au principal, l'opposant aux autorités douanières de cet Etat, en vue d'écarter l'application d'une réglementation nationale qui serait incompatible avec cette disposition et, partant, d'obtenir le remboursement d'une taxe contraire à celle-ci » ; que, si l'article 21 § 5 troisième alinéa de la même directive dispose ce qui suit « une entité qui produit de l'électricité pour son propre usage est considérée comme un distributeur. Nonobstant les dispositions de l'article 14, paragraphe 1, sous a), les États membres peuvent exonérer les petits producteurs d'électricité, pour autant qu'ils taxent les produits énergétiques utilisés pour produire cette électricité », cette disposition, qui, si elle avait été appliquée aurait interdit le cumul de l'exonération du gaz naturel utilisé pour produire de l'électricité et de l'électricité ainsi produite, n'était, en aucune façon, de nature à remettre en cause la possibilité d'invocabilité directe de l'exonération prévue par l'article 14 paragraphe 1 sous a) de ladite directive, dès lors qu'antérieurement à la date limite de transposition de cette directive, soit le 31 décembre 2003, et jusqu'au 31 décembre 2010, aucune disposition législative de droit français n'exonérait, après en avoir défini la qualité, les petits producteurs d'électricité de la taxation de la fourniture d'électricité ; qu'au contraire, dans leur rédaction antérieure au 1er janvier 2011, les dispositions des articles L. 2333-2 et L. 3333-2 du code général des collectivités territoriales, permettaient aux communes et aux départements d'établir une taxe sur les fournitures d'électricité de faible ou moyenne puissance ; que, si, aux points 35, 37 et 38 de l'arrêt du 17 juillet 2008 susvisé, la Cour de justice a observé que la question de l'application de l'article 21, paragraphe 5, troisième alinéa de la directive 2003/96 n'entrait pas dans les prévisions de l'instance considérée, c'est après avoir remarqué, au point 35 du même arrêt, qu'en République fédérale allemande, la loi relative à la taxe sur l'électricité, antérieure à la date limite de transposition de la directive 2003/96, « prévoyait en substance, l'exonération de l'électricité produite par des entités dont les installations n'excèdent pas un certain seuil de puissance électrique nominale », ce qui explique que la haute juridiction européenne, ait estimé devoir préciser, nonobstant, par l'obiter dictum développé dans les points 36, 37 et 38 précités, que la question de l'exonération des petits producteurs d'électricité n'entrait pas dans la cause qu'elle avait à régler ; qu'enfin, l'article 21 paragraphe 5 troisième alinéa de la directive 2003/96 ne prévoit qu'une faculté d'exonération qui, au demeurant, comme on l'a dit, n'a pas été utilisée par la législation fiscale française pertinente antérieurement au 1er janvier 2004 ; que ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2011, soit postérieurement à la période de taxation incriminée, que les dispositions des articles 265 bis 3 a) du code des douanes et de l'article L. 3333-2 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction résultant de l'article 23 de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, ont exonéré de la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité qu'ils instituent les petits producteurs d'électricité qui la consomment pour les besoins de leur activité ; qu'ainsi, l'arrêt de la Cour de justice du 17 juillet 2008 a pleinement révélé l'invalidité du texte fondant la taxation incriminée, d'autant plus que son dispositif affirme l'applicabilité directe de l'article 14 § 1 sous a) de la façon la plus péremptoire et sans aucune réserve ; qu'en concluant en sens contraire, la cour d'appel a donc bien violé les articles 352 et 352 ter du code des douanes ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 juillet 2008 (Flughafen Köln/Bonn GmbH, C-226/07) se limite à énoncer le caractère inconditionnel et suffisamment précis de l'article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, qui confère un effet direct à cette disposition prévoyant l'exonération de taxation des produits énergétiques utilisés pour produire de l'électricité, et ne statue pas sur l'article 21, paragraphe 5, de la même directive, qui instaure une dérogation au principe d'exonération des produits énergétiques lorsque ceux-ci sont utilisés pour produire une électricité qui n'est pas elle-même taxée, la cour d'appel en a exactement déduit que cette décision juridictionnelle n'avait pas révélé un défaut de validité, au sens de l'article 352 ter du code des douanes, du texte fondant la perception de la TICGN recouvrée par l'administration des douanes ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Vermandoise industries aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour la société Vermandoise industries
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de la société anonyme Vermandoise Industries en annulation de la décision de la direction régionale des douanes et droits indirects de Rouen du 08 novembre 2011 en ce qu'elle rejette partiellement sa demande de remboursement de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel déposée le 24 décembre 2010 et en condamnation de la direction régionale des douanes et droits indirects de Rouen au remboursement de la somme de 103.320 ¿, avec intérêts au taux légal à compter de la date de paiement de la taxe au fournisseur pour la période du 1er janvier 2005 au 24 décembre 2007.
AUX MOTIFS QUE « en application de l'article 352 ter, 1er alinéa, du Code des douanes, dans sa rédaction résultant de l'article 44 de la loi 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, applicable au litige, lorsque le défaut de validité d'un texte fondant la perception d'une taxe recouvrée par les agents de la direction nationales des douanes et des droits indirects a été révélé par une décision juridictionnelle, l'action en restitution mentionnée à l'article 352 ne peut porter, sans préjudice des dispositions de l'article 352 bis, que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle au cours de laquelle cette décision est intervenue ; (...) que la société Vermandoise Industries se prévaut de l'arrêt rendu le 17 juillet 2008 par la Cour de justice des Communautés européennes (C-226/07, Flughafen Koln/Bonn GmbH c./ Hauptzollamt Koln), qui, selon l'appelante, dit que les dispositions du droit national relatives à la taxation litigieuse étaient incompatibles avec la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 ; (¿) que la disposition de la directive applicable au présent litige est l'article 21, § 5, troisième alinéa, qui dispose : « Une entité qui produit de l'électricité pour son propre usage est considérée comme un distributeur. Nonobstant les dispositions de l'article 14, sous a), les Etats membres peuvent exonérer les petits producteurs d'électricité, pour autant qu'ils taxent les produits énergétiques utilisés pour produire cette électricité.» (¿) que force est de constater que, dans la décision invoquée, la Cour de justice des Communautés européennes n'a pas examiné la portée de l'article 21, § 5, de la directive ; qu'en effet, il résulte des énonciations de l'arrêt que la Cour était saisie d'une demande de décision préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 14, § 1, sous a) de la directive (§ 1), que le litige opposait l'aéroport de Cologne-Bonn au service central des douanes de Cologne relativement à une demande de remboursement de la taxe sur le gazole utilisé pour la production d'électricité par des groupes électrogènes au sol, fondée sur cette disposition de la directive (§ 2) ; que, si l'arrêt a cité l'article 21, § 5, troisième alinéa, de la directive (§ 9), il n'a pas examiné son sens et sa portée, la discussion portant exclusivement sur le sens et la portée de l'article 14, § 1, sous a) et le dispositif disant pour droit que ce texte « a un effet direct en ce sens qu'il peut être invoqué par un particulier devant les juridictions nationales » ; Qu'il s'ensuit que cet arrêt ne peut constituer la décision juridictionnelle ayant révélé l'invalidité de la disposition du Code des douanes applicable au présent litige ; que la société Vermandoise Industries ayant adressé à l'administration sa demande de remboursement le 24 décembre 2010, sa demande en remboursement de la taxe acquittée antérieurement au 24 décembre 2007 est prescrite ; qu'en conséquence, sa demande en justice est irrecevable (¿) qu'il s'évince de ces constatations, tous autres arguments des parties étant inopérants ou surabondants, que les demandes de la société Vermandoise Industries aux fins de voir annuler la décision de la direction régionale des douanes en date du 08 novembre 2011 en ce qu'elle a rejeté partiellement sa demande de remboursement de la taxe déposée le 24 décembre 2010 et condamner la direction régionale des douanes aÌ lui rembourser la somme de 103.320 ¿, représentant la taxe versée pour les années 2005, 2006 et 2007, sont irrecevables ».
ALORS QUE , aux termes de l'article 352 ter du code des douanes, lorsque le défaut de validité d'un texte fondant la perception d'une taxe recouvrée par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects a été révélé par une décision juridictionnelle, l'action en restitution mentionnée à l'article 352, ne peut porter, sans préjudice de l'article 352 bis, que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle au cours de laquelle cette décision est intervenue ; que, par l'arrêt rendu le 17 juillet 2008 (Flughafen Köln/Bonn GmbH, C- 226/07), la Cour de justice de la communauté européenne a dit pour droit que « l'article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, en ce qu'il prévoit l'exonération des produits énergétiques utilisés pour produire de l'électricité de la taxation prévue par cette directive, a un effet direct en ce sens qu'il peut être invoqué par un particulier devant les juridictions nationales -en ce qui concerne une période pendant laquelle l'Etat membre concerné était en défaut d'avoir transposé dans le délai prescrit cette directive dans son droit national- dans le cadre d'un litige, tel que celui au principal, l'opposant aux autorités douanières de cet Etat, en vue d'écarter l'application d'une réglementation nationale qui serait incompatible avec cette disposition et, partant, d'obtenir le remboursement d'une taxe contraire à celle-ci » ; que, si l'article 21 § 5 troisième alinéa de la même directive dispose ce qui suit « Une entité qui produit de l'électricité pour son propre usage est considérée comme un distributeur. Nonobstant les dispositions de l'article 14, paragraphe 1, sous a), les États membres peuvent exonérer les petits producteurs d'électricité, pour autant qu'ils taxent les produits énergétiques utilisés pour produire cette électricité », cette disposition, qui, si elle avait été appliquée aurait interdit le cumul de l'exonération du gaz naturel utilisé pour produire de l'électricité et de l'électricité ainsi produite, n'était, en aucune façon, de nature à remettre en cause la possibilité d'invocabilité directe de l'exonération prévue par l'article 14 paragraphe 1 sous a) de ladite directive, dès lors qu'antérieurement à la date limite de transposition de cette directive, soit le 31 décembre 2003, et jusqu'au 31 décembre 2010, aucune disposition législative de droit français n'exonérait, après en avoir défini la qualité, les petits producteurs d'électricité de la taxation de la fourniture d'électricité ; qu'au contraire, dans leur rédaction antérieure au 1er janvier 2011, les dispositions des articles L. 2333-2 et L. 3333-2 du code général des collectivités territoriales, permettaient aux communes et aux départements d'établir une taxe sur les fournitures d'électricité de faible ou moyenne puissance ; que, si, aux points 35, 37 et 38 de l'arrêt du 17 juillet 2008 susvisé, la Cour de justice a observé que la question de l'application de l'article 21, paragraphe 5, troisième alinéa de la directive 2003/96 n'entrait pas dans les prévisions de l'instance considérée, c'est après avoir remarqué, au point 35 du même arrêt, qu'en République fédérale allemande, la loi relative à la taxe sur l'électricité, antérieure à la date limite de transposition de la directive 2003/96, « prévoyait en substance, l'exonération de l'électricité produite par des entités dont les installations n'excèdent pas un certain seuil de puissance électrique nominale », ce qui explique que la haute juridiction européenne, ait estimé devoir préciser, nonobstant, par l'obiter dictum développé dans les points 36, 37 et 38 précités, que la question de l'exonération des petits producteurs d'électricité n'entrait pas dans la cause qu'elle avait à régler ; qu'enfin, l'article 21 paragraphe 5 troisième alinéa de la directive 2003/96 ne prévoit qu'une faculté d'exonération qui, au demeurant, comme on l'a dit, n'a pas été utilisée par la législation fiscale française pertinente antérieurement au 1er janvier 2004 ; que ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2011, soit postérieurement à la période de taxation incriminée, que le les dispositions des articles 265 bis 3 a) du code des douanes et de l'article L. 3333-2 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction résultant de l'article 23 de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, ont exonéré de la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité qu'ils instituent les petits producteurs d'électricité qui la consomment pour les besoins de leur activité ; qu'ainsi, l'arrêt de la Cour de justice du 17 juillet 2008 a pleinement révélé l'invalidité du texte fondant la taxation incriminée, d'autant plus que son dispositif affirme l'applicabilité directe de l'article 14 §1 sous a) de la façon la plus péremptoire et sans aucune réserve ; qu'en concluant en sens contraire, la cour a donc bien violé les articles 352 et 352 ter du code des douanes.