LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 17 de la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ;
Attendu, selon l'arrêt du 30 novembre 2012, que M. X... a été engagé par contrats à durée déterminée du 21 décembre 2001 au 4 février 2002 par la caisse d'allocations familiales de la Réunion comme agent administratif polyvalent, puis du 22 juin 2009 au 6 décembre 2009 par la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (CGSSR) comme technicien d'installation-maintenance ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que, pour accueillir la demande de titularisation du salarié, l'arrêt énonce que l'article 17 de la convention collective dispose littéralement de l'hypothèse d'un recrutement « dans les services » et non de celle d'un recrutement successif dans plusieurs branches, que la notion de « service » doit être entendue comme intentionnellement large et que les rédacteurs de l'article 17 n'ont pas entendu préciser que l'emploi se rapportait aux services du même organisme employeur, ce dont il s'infère que lesdits services se rapportent à tout organisme employeur signataire de la convention ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 17 de la convention collective du 8 février 1957 prévoit que tout nouvel agent sera titularisé au plus tard après six mois de présence effective dans les services en une ou plusieurs fois et qu'il en résulte que seul peut revendiquer une titularisation l'agent qui a passé plus de six mois, en une ou plusieurs fois, dans les services du même organisme employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les deuxième et troisième moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 30 novembre 2012 et 29 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'AVOIR constaté que M. X... aurait dû être titularisé à compter du 6 décembre 2009, déclaré le licenciement de celui-ci sans cause réelle et sérieuse, dit que la rupture du contrat de travail était intervenue définitivement le 6 décembre 2009, et condamné la CGSSR à payer à M. X... les sommes de 5.200 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.000 € à titre d'indemnité pour défaut de procédure, 1.716,88 € à titre d'indemnité de licenciement, 1.716,88 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 171,68 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct, et 600 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
AUX MOTIFS PROPRES d'abord QUE « il convient de relever que le salarié considère que les dispositions de l'article 17 sont suffisamment claires pour ne souffrir aucune interprétation mais ajoute paradoxalement qu'il convient de se référer à la circulaire du 12/11/2010 comme élément de preuve qu'au moment de la survenance du litige sa titularisation était de droit alors qu'il avait été recruté dans le cadre d'un ou de plusieurs contrats à durée déterminée, pour une ou successivement plusieurs branches de la Sécurité Sociale, au bout de six mois d'emploi, ininterrompu ou non. Or, l'article 17 dispose littéralement de l'hypothèse d'un recrutement "dans les services" et non de celle d'un recrutement successif dans plusieurs branches. Mais la notion de "service" doit être entendue comme intentionnellement large, à savoir dans les services d'un organisme employeur. En l'espèce, il n'est pas contesté que M. X... a été successivement recruté par deux organismes employeurs. De même, il convient d'observer que les rédacteurs de l'article 17 n'ont pas entendu préciser que l'emploi se rapportait aux services du même organisme employeur, ce dont il s'infère que les dits services se rapportent à tout organisme employeur signataire de la convention. De même, la circulaire susvisée ayant pour objet: " les possibilités et limites au recours aux contrats à durée déterminée" ne précise pas davantage si la succession des CDD intéresse un ou plusieurs organismes employeurs alors qu'elle a manifestement pour objet de restreindre le champ d'application de l'article 17 et qu'elle explique avoir pour objet de palier les "éventuelles fragilités de l'évolution conventionnelle". La directive ayant pour finalité d'infléchir et préciser les dispositions de l'article 17, il appartenait à son rédacteur de préciser, le cas échéant, que la dérogation nouvelle aux dispositions de l'article 17 concernait le même organisme employeur. Ce qu'ils n'ont pas fait, n'entendant donc pas restreindre dans ce sens son champ d'application. Par ailleurs, il convient de retenir l'existence et la remise au salarié au moment de l'embauche d'un document valant attestation sur l'honneur de n'avoir jamais travaillé dans un organisme de sécurité sociale tel que la CPAM, la CRAM, la CAF, l'URSSAF, la CNAMTS, la CNATAVS et la CNAF. De par sa formulation négative cette attestation ne peut s'analyser de la part de l'organisme employeur qui la sollicite que comme une mesure de précaution ayant nécessairement pour fin de s'assurer de l'existence ou non d'embauches, quelle que soit leur antériorité, auprès des différentes branches de la sécurité sociale, et de pouvoir ainsi être en mesure, pour le moins de moduler, l'application des dispositions de l'article 17 de la convention. Il convient de retenir que le libellé de ce document se rapporte à toutes les branches de la sécurité sociale et non au seul organisme sollicitant l'attestation. Il résulte de ces considérations que la titularisation de droit doit être constatée, dès lors que la durée globale des deux contrats à durée déterminée successifs conclus avec deux organismes employeurs signataires de la convention, est, en l'espèce, supérieure à six mois. Le jugement est confirmé sur ce point. La titularisation du salarié, par l'effet de l'application de la convention collective, entraîne ipso facto la requalification du contrat qui devient à durée indéterminée. La rupture de la relation de travail du fait de l'employeur doit s'analyser comme un licenciement. (...) le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse » ;
AUX MOTIFS PROPRES ensuite QUE « La cour dans son arrêt précité a retenu en substance que la titularisation de droit du salarié, par l'effet de l'application de la convention collective, entrainait ipso facto la requalification du contrat qui devient à durée indéterminée, avant de considérer que la rupture de la relation de travail intervenue du fait de l'employeur le 6 décembre 2009 s'analysait comme un licenciement qui devait être déclaré sans cause réelle et sérieuse. Le salarié demande vainement la prise en compte de son ancienneté au 30 novembre 2012, date du prononcé de l'arrêt précité, alors que cette décision s'est prononcée sur la qualification de la rupture intervenue le 6 décembre 2009 à la date d'expiration du contrat à durée déterminée, et a définitivement jugé qu'aucune réintégration ne pouvait intervenir, de sorte que l'ancienneté n'a pu courir au-delà de la date du 6 décembre 2009. (...) A la date du 6 décembre 2009, le salarié disposait d'une ancienneté de 6 mois et 3 semaines répartie comme suit : du 21 décembre 2001 au 31 janvier 2002 au sein de la caisse d'allocations familiales de la Réunion, du 22 juin au 6 décembre 2009 au sein de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Réunion. Faute de disposer de l'ancienneté d'une année requise par l'article L.1234-9 du Code du travail, Monsieur X... est débouté de sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement. L'article L. 1234-1 du Code du travail dispose que" Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit : 1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ; 2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois; 3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois". Au regard des pièces versées au débat, Monsieur X... percevait un salaire brut de 1.716,88 € par mois (fait non discuté), et aurait dû réaliser un préavis d'une durée de un mois. L'employeur est donc tenu à lui verser la somme de 1.716,88 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis. Selon l'article L. 3141-22 du Code du travail, l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis est égale au dixième de la rémunération brute qui aurait dû être touchée par le salarié au cours de la période de référence. Il en résulte que Monsieur X... est fondé à obtenir une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis s'élevant à hauteur de 171,68 € ; La caisse appelante ne discute pas le principe d'une indemnité pour défaut de procédure qui, eu égard au préjudice subi par son agent privé d'une procédure régulière de licenciement, sera fixé à la somme de 1.000 €. L'intimé licencié sans cause réelle et sérieuse est fondé en sa demande en indemnisation fondée sur l'article L. 1235-5 du Code du Travail. Eu égard à son ancienneté précitée, à son âge (né en 1982) et au montant de son salaire au moment de la rupture de son contrat, il convient d'allouer à l'intimé suite à la perte de son emploi la somme de 5.200 € à ce titre. Le préjudice moral invoqué par l'intimé repose sur la considération que le respect de la convention collective appliquée à l'espèce aurait permis sa titularisation sous contrat à durée indéterminée au sein des services de la caisse qui lui auraient assuré un emploi stable. L'application erronée par l'employeur de la convention collective applicable caractérise une attitude fautive de ce dernier à l'endroit de son employé à l'origine d'un préjudice distinct de la perte de l'emploi subie à cette occasion par l'intimé à l'issue d'un contrat à durée déterminée dont les conséquences sont aggravées suit à la requalification par l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement et par la perte d'une chance d'accéder à une certaine stabilité de son emploi et à la rémunération qui s'y attache. L'intimé est fondé à ce titre à percevoir la somme, de 5.000 € »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « il résulte des pièces du dossier et des déclarations des parties que M. X... a travaillé à la Caisse d'Allocations Familiales de la Réunion du 21 décembre 2001 au 18 janvier 2002, soit pour une période d'un mois et jours. Le 22 juin 2009, il sera embauché à la CGSSR pour une durée de trois mois. Le septembre 2009, les parties signent un avenant à ce contrat pour la période du 22 septembre au 6 décembre 2009. Il aurait donc travaillé à la CGSSR pour une durée de 5 mois et jours. Aucune des parties ne conteste que la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 s'applique aussi bien à la Caisse d'Allocations Familiales qu'à la CGSSR. Attendu que l'article 17 de la convention précitée prévoit en son premier alinéa que « tout nouvel agent sera titularisé, au plus tard après 6 mois de présence effective dans les services en une ou plusieurs fois ». Pour la défenderesse, M. X... a signé un contrat de travail à durée déterminée non avec l'ensemble des organismes régis par le Code de la Sécurité Sociale mais uniquement avec son employeur la CGSSR. En conséquence, elle n'a pas à prendre en considération le contrat de travail signé entre M. X... et la CAF. A la lecture des articles 16, 16 bis, 17, 18 de ladite convention, il apparaît clairement qu'on ne saurait séparer les organismes tels la CPAM, CRAM, CAF, URSSAF etc¿ Pour cette raison d'ailleurs, la CGSSR fait signer une attestation sur l'honneur que le salarié embauché n'a jamais travaillé dans un organisme de sécurité sociale. M. X... rappel dans son courrier du 30 novembre 2010 avoir signé cette attestation. En conséquence, la durée du contrat de travail de M. X... s'apprécie en additionnant la période durant laquelle il a travaillé à la CAF de la Réunion à celle où il a travaillé à la CGSSR. Il totalise donc 6 mois et 26 jours de travail au sein de ces organismes. La titularisation comme le souligne l'article 17 de la convention doit se faire au plus tard après six mois de présence effective dans les services, en une ou plusieurs fois. Le conseil condamne donc la CGSS de la Réunion en la présence de son représentant légal à titulariser M. X... » ;
1. ALORS QU'aux termes de l'article 17 de la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, « tout nouvel agent sera titularisé au plus tard après six mois de présence effective dans les services en une ou plusieurs fois » ; qu'il en résulte que seul peut revendiquer une titularisation l'agent qui a passé plus de six mois, en une ou plusieurs fois, dans les services du même organisme employeur ; qu'en jugeant le contraire, au prétexte notamment que le texte ne précise pas qu'il doit s'agir des services du même organisme employeur et que la circulaire du 12 novembre 2010 ayant manifestement pour objet de restreindre le champ d'application de l'article 17 et indiquant avoir pour objet de pallier les "éventuelles fragilités de l'évolution conventionnelle" ne précise pas davantage si la succession des CDD intéresse un ou plusieurs organismes employeurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2. ALORS en outre QU'en fondant sa décision sur la remise au salarié au moment de l'embauche d'un document valant attestation sur l'honneur de n'avoir jamais travaillé dans un organisme de sécurité sociale tel que la CPAM, la CRAM, la CAF, l'URSSAF, la CNAMTS, la CNATAVS et la CNAF, s'analysant de la part de l'organisme employeur qui la sollicite comme une mesure de précaution ayant nécessairement pour fin de s'assurer de l'existence ou non d'embauches, quelle que soit leur antériorité, auprès des différentes branches de la sécurité sociale, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 17 de la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué du 29 novembre 2013 d'AVOIR condamné la CGSSR à payer à M. X... la somme de 1.716,88 € à titre d'indemnité de licenciement,
AUX MOTIFS QUE « à la date du 6 décembre 2009, le salarié disposait d'une ancienneté de 6 mois et 3 semaines répartie comme suit : du 21 décembre 2001 au 31 janvier 2002 au sein de la caisse d'allocations familiales de la Réunion, du 22 juin au 6 décembre 2009 au sein de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Réunion. Faute de disposer de l'ancienneté d'une année requise par l'article L.1234-9 du Code du travail, Monsieur X... est débouté de sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement »
1. ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le chef de dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en condamnant la CGSSR à payer à M. X... une indemnité de licenciement, après avoir constaté dans ses motifs qu'il devait être débouté de cette demande compte tenu de son ancienneté inférieure à un an, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2. ALORS en tout état de cause QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en condamnant l'exposante à payer au salarié une somme de 1.716,88 ¿ à titre d'indemnité de licenciement, quand ce dernier sollicitait à ce titre la somme de 1.030,12 ¿ dans ses conclusions d'appel en vue de l'audience du 25 juin 2013 (p. 7) oralement soutenues (cf. arrêt p. 2, dernier §), la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué du 29 novembre 2013 d'AVOIR condamné la CGSSR à payer à M. X... la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct, et 600 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE « Le préjudice moral invoqué par l'intimé repose sur la considération que le respect de la convention collective appliquée à l'espèce aurait permis sa titularisation sous contrat à durée indéterminée au sein des services de la caisse qui lui auraient assuré un emploi stable. L'application erronée par l'employeur de la convention collective applicable caractérise une attitude fautive de ce dernier à l'endroit de son employé à l'origine d'un préjudice distinct de la perte de l'emploi subie à cette occasion par l'intimé à l'issue d'un contrat à durée déterminée dont les conséquences sont aggravées suite à la requalification par l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement et par la perte d'une chance d'accéder à une certaine stabilité de son emploi et à la rémunération qui s'y attache. L'intimé est fondé à ce titre à percevoir la somme, de 5.000 € » ;
ALORS QUE le juge ne peut allouer des dommages et intérêts s'ajoutant à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition de caractériser une faute de l'employeur ayant entraîné un préjudice distinct de celui pris de la perte injustifiée de l'emploi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un tel préjudice, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.