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30/09/2015 | FRANCE | N°14-15784

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2015, 14-15784


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et les articles L. 2411-1, L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er juillet 2000 en qualité de caissière par la Société de distribution de Lesparre (Sodil), qui exploite un centre commercial, et promue responsable du service qualité au mois de janvier 2006, a été élue déléguée du personnel le 21 décembre 2009 ; que placée en arrêt de travail pour maladie à compter du

30 mars 2010, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclass...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et les articles L. 2411-1, L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er juillet 2000 en qualité de caissière par la Société de distribution de Lesparre (Sodil), qui exploite un centre commercial, et promue responsable du service qualité au mois de janvier 2006, a été élue déléguée du personnel le 21 décembre 2009 ; que placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 30 mars 2010, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 20 février 2011 après autorisation de l'inspection du travail ; que soutenant avoir subi un harcèlement moral, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que l'autorisation administrative de licenciement ne prive pas la salariée de demander devant le juge judiciaire l'indemnisation du préjudice qu'elle a pu subir du fait des manquements commis par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, notamment dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat, à moins que les manquements invoqués par la salariée aient été nécessairement pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation ; que les griefs formés par la salariée, qui ont été portés à la connaissance de l'autorité administrative, ont été nécessairement pris en considération par celle-ci, de sorte qu'ils n'auraient pu être invoqués à l'encontre de l'employeur que dans le cadre d'une contestation de l'autorisation de licenciement ;
Attendu, cependant, que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la Société de distribution de Lesparre aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président, et signé par Mme Reygner, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement de Mme Y... empêchée, en l'audience publique du trente septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes tendant à voir la société Sodil condamnée à lui verser la somme de 17.600 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... a été licenciée par une lettre du 10 février 2011 après que l'inspection du travail a autorisé ce licenciement pour inaptitude selon une décision du 2 février 2011 visant notamment une enquête contradictoire, l'avis favorable du comité d'entreprise du 7 janvier 2011, et en considération des avis du médecin du travail des 16 et 8 juillet 2010, du refus de deux propositions de reclassement validées par le médecin du travail, et de l'absence de lien entre la procédure engagée et le mandat de représentation de la salariée ; que cette autorisation n'a fait l'objet d'aucun recours administratif de sorte qu'il est impossible aujourd'hui à la salariée de remettre ce licenciement en cause et d'en solliciter l'annulation ; que sans violation du principe de la séparation des pouvoirs, la décision administrative ne la prive pas de demander devant les juridictions de l'ordre judiciaire l'indemnisation du préjudice qu'elle a pu subir du fait des manquements commis par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, notamment dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat, à moins que les manquements invoqués par la salariée aient été nécessairement pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation ; qu'en l'espèce, la société Sodil a adressé une demande d'autorisation de licenciement à l'inspection du travail le 17 janvier 2011 ; qu'il ressort de la lecture de cette pièce qu'étaient rappelés de façon explicite l'historique du processus de déclaration d'inaptitude de Mme X..., de la recherche de son reclassement au sein de l'entreprise, qui s'était soldée par le refus de la salariée des deux propositions qui lui avaient faites, et de la procédure de licenciement elle-même ainsi que de l'attitude de Mme X... dans ce cadre ; que l'employeur fait également expressément référence à l'enquête qu'il a fait diligenter par les délégués du personnel à réception du courrier de Mme X... du 16 avril 2010 et à ses résultats, synthétisés dans la demande d'autorisation, dont il ressort, selon l'employeur, « qu'il ne peut en être déduit une situation de harcèlement moral tel que semble l'induire les 2 lettres de Mme X... en date du 16/04/2010 et du 13/12/2010 », qui avaient été adressées à la direction ; que celle du mois d'avril, intitulée en objet « situation de crise », a déclenché l'enquête des délégués du personnel à la demande de la direction et dénonçait les conditions dans lesquelles elle estimait avoir subi la « dégradation de son poste de travail» et de « nombreuses vexations » et les conséquences sur son état de santé ; que celle du mois de décembre dénonçait ce qu'elle nommait « une situation de harcèlement » et décrivait les éléments de faits qu'elle soumet à l'appréciation de la cour dans la présente procédure ; que Mme Sylvie X... en adressait le même jour une copie à l'inspection du travail jointe à un courrier dans lequel elle faisait état d'un entretien du 1er décembre 2010 avec l'inspectrice, au cours duquel elle aurait rendu compte de sa propre initiative du « harcèlement » qu'elle « subissait depuis de nombreux mois » ; que l'ensemble de ces circonstances établit que les griefs faits aujourd'hui à l'employeur par Mme Sylvie X... sur le fondement des dispositions des articles L. 1222-1, L. 4121-1 et L. 6321-1 du code du travail et 1134 du code civil, ont été portés à la connaissance de l'inspection du travail avant sa décision du 2 février 2011, tant par l'employeur que par la salariée, et ont été nécessairement pris en considération par l'autorité administrative, de sorte qu'ils ne pouvaient être invoqués à l'encontre de l'employeur que dans le cadre d'une contestation de l'autorisation de licenciement ; que par conséquent, la demande de Mme X... n'est pas fondée ;
ALORS QUE dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas, en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ; qu'en retenant, pour débouter la salariée de ses demandes de dommages intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail, que les manquements que celle-ci invoquait avaient été nécessairement pris en considération par l'autorité administrative et, par suite, ne pouvaient être invoqués à l'encontre de l'employeur que dans le cadre d'une contestation de l'autorisation de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1222-1, L. 1152-1 à L. 1152-3, L. 1154-1, L. 2411-1 du code du travail ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-15784
Date de la décision : 30/09/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 20 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2015, pourvoi n°14-15784


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.15784
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