La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2015 | FRANCE | N°13-26897

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 septembre 2015, 13-26897


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1134 et 2321 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 29 septembre 2008, Mme X... s'est engagée, pour le compte de la société TF Electricité plomberie (la société TF), à payer à première demande à la société Comptoir central Del (le créancier) tout montant jusqu'à concurrence de 120 000 euros ; que la société TF ayant été mise en liquidation judiciaire le 21 septembre 2009, le créancier a assigné Mme X... en

paiement, laquelle a contesté la qualification de son engagement ;
Attendu que pour...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1134 et 2321 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 29 septembre 2008, Mme X... s'est engagée, pour le compte de la société TF Electricité plomberie (la société TF), à payer à première demande à la société Comptoir central Del (le créancier) tout montant jusqu'à concurrence de 120 000 euros ; que la société TF ayant été mise en liquidation judiciaire le 21 septembre 2009, le créancier a assigné Mme X... en paiement, laquelle a contesté la qualification de son engagement ;
Attendu que pour qualifier l'engagement litigieux d'engagement à première demande, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'acte du 29 septembre 2008 prévoit qu'en cas de dénonciation par le garant, celui-ci restera tenu des sommes dues par le client au titre des factures échues ou à échoir et des marchandises livrées et en cours de facturation à la date d'effet de la dénonciation, le garant n'étant, en tout état de cause, tenu de la dette de la société TF que si celle-ci dénonce son propre engagement envers le créancier ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir retenu qu'en application d'une clause du contrat, Mme X... demeurait tenue, en cas de dénonciation de son engagement, des dettes de la société TF déjà nées à ce moment, ce qui caractérisait un lien entre la dette de celle-ci et l'engagement du garant incompatible avec le caractère autonome de la garantie à première demande, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Comptoir central aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quinze.
Le conseiller rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Mme X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société Comptoir Central Del la somme de 120 000 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2009, avec anatocisme ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, contrairement à ce que soutient la requérante, l'acte signé par elle le 29 septembre 2008 est une garantie à première demande et non un acte de cautionnement ; cet acte non ambigu est rédigé dans les termes de l'article 2321 du code civil ; l'erreur matérielle commise au verso dudit acte et rectifiée par les parties et le premier juge ne remet aucunement en cause sa nature ; c'est par suite à bon droit que le premier juge par des motifs que la Cour adopte, a condamné la requérante en exécution de cet acte à payer à la société Comptoir Central Del la somme de 120 000 ¿ ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 2321 du code civil dispose que « la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues ; le garant n'est pas tenu en cas d'abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d'ordre ; le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie ; sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation garantie » ; l'article 2288 du même code dispose que « celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation si le débiteur n'y satisfait pas lui-même » ; qu'il est de jurisprudence constante que l'engagement de payer, dans la limite d'un montant, toute somme réclamée par le bénéficiaire sans pouvoir différer le paiement ni soulever d'exception consiste en une garantie autonome ; qu'il est également de jurisprudence constante que les garanties ne sont pas privées d'autonomie par de simples références au contrat de base, n'impliquant pas appréciation des modalités d'exécution de celui-ci pour l'évaluation des montants garantis ou pour la détermination des durées de validité ; que la société Comptoir Central Del produit un document intitulé Garantie à Première Demande, signé par Mme X... le 29 septembre 2008 pour compte de la SA TF Electricité Plomberie, à payer irrévocablement à la SA Comptoir Central, indépendamment de la validité et des effets juridiques des liens contractuels existant à ce jour entre Comptoir Central et TF, à première demande de Comptoir Central, selon les modalités ci-dessous et sans faire valoir d'exception ni d'objection, résultant desdits liens contractuels ou d'une quelconque contestation y afférente, tout montant jusqu'à concurrence de 120 000 ¿ ; Mme X... fait valoir qu'elle s'est engagée d'ordre et pour le compte de TF alors qu'un garant autonome ne s'engage que pour son propre compte ; il ne résulte toutefois pas de l'expression d'ordre et pour le compte de la SARL TF Electricité Plomberie que Mme X... se serait engagée à payer la dette de cette société ; il en résulte, en revanche, qu'elle s'est engagée en considération de l'obligation souscrite par celle-ci ; qu'il convient par conséquent de rejeter cet argument ; que Mme X... fait également valoir que le document litigieux indique qu'en cas de dénonciation, le garant restera tenu des sommes dues par le client Comptoir Central ; en page 2, ce document indique certes, « Cet engagement prend effet à compter de ce jour. Il est conclu pour une durée d'une année et se poursuivra par tacite reconduction d'année en année, sauf faculté pour le garant de le dénoncer par lettre recommandée avec accusé de réception, adressée à la société Comptoir Central moyennant un préavis de 90 jours avec la date anniversaire ; en cas de dénonciation, le garant restera tenu des sommes dues par le client Comptoir Central (sic) résultant des factures échues ou à échoir et des marchandises livrées en cours de facturation, à la date de prise d'effet de la dénonciation » ; ce document comporte, tout d'abord, une erreur matérielle ; en page 1, il indique en effet que le client est la société TF ; il convient par conséquent de comprendre qu'en cas de dénonciation, le garant restera tenu des sommes dues par le client TF ; il apparaît, en tout état de cause, que le garant n'est tenu de la dette de cette dernière société que si elle dénonce son propre engagement ; que cet engagement ne consiste donc pas à payer la dette de cette société ; il convient par conséquent de rejeter cet argument ; que le document litigieux indique, par ailleurs, que la modification ou la disparition des liens ou des rapports de fait ou de droit pouvant exister à ce jour entre TF et Comptoir Central ne pourra dégager le garant de la présente garantie ; toutes les dispositions du présent engagement conserveront leur plein effet, quelle que soit l'évolution financière ou juridique de TF ou de Comptoir Central ; qu'il en résulte que cet engagement ne suit pas l'obligation garantie ; ce document indique en outre que Mme X... s'engage sans faire valoir d'exception ni d'objection résultant des liens contractuels de TF et Comptoir Central ou d'une quelconque contestation y afférente ; qu'il en résulte que le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie ; que l'autonomie de cet engagement apparaît dès lors caractérisée
ALORS QUE la résiliation d'une garantie autonome, qui ne dépend en aucun cas du contrat de base pour l'évaluation des montants garantis ou la durée de la garantie, emporte libération totale, immédiate et définitive du garant, de telle sorte que n'est pas autonome, et doit être qualifié de cautionnement, l'engagement par lequel un garant reste tenu, postérieurement à la résiliation, des dettes du débiteur principal nées avant cette date ; que dès lors, en considérant que l'engagement de Mme X... à l'égard de la société Comptoir Central Del constituait une garantie autonome, après avoir pourtant constaté qu'en cas de dénonciation sa part, elle restait tenue, postérieurement à la date de prise d'effet de la dénonciation, des dettes de la société TF, débiteur principal, nées jusqu'à cette date, obligation qui caractérisait l'existence d'un contrat de cautionnement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé, ensemble, les articles 2321 et 1134 du code civil ;
ALORS, en tout état de cause, QUE Mme X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la clause selon laquelle en cas de dénonciation de son engagement de garant, elle restait tenue des dettes de la société TF, débiteur principal, nées jusqu'à la date de la dénonciation caractérisait un lien entre la dette principale et son obligation, contredisant la qualification de garantie autonome donnée par les parties à l'engagement et créant ainsi une ambiguïté quant à la nature de ce dernier ; que dès lors, en se bornant, sans répondre à ce moyen, à affirmer que l'acte était une garantie à première demande et ne comportait aucune ambiguïté impliquant une interprétation, la cour d'appel a privé sa décision de motivation, en méconnaissance de l'article 445 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-26897
Date de la décision : 29/09/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 06 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 sep. 2015, pourvoi n°13-26897


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.26897
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award