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22/09/2015 | FRANCE | N°14-20380;14-20384;14-20397

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 septembre 2015, 14-20380 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° S 14-20. 380, W 14-20. 384 et K 14-20. 397 ;
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Vu les articles 101, 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige et l'avenant n° 83 du 24 avril 2006 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que les représ

entants des employeurs et des organisations syndicales représentatives de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° S 14-20. 380, W 14-20. 384 et K 14-20. 397 ;
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Vu les articles 101, 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige et l'avenant n° 83 du 24 avril 2006 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé pour les salariés entrant dans le champ d'application de ce secteur ; que la société AG2R prévoyance a été désignée aux termes de l'article 13 de cet avenant pour gérer ce régime et l'article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de l'avenant n° 83 de souscrire les garanties qu'il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l'accord a été étendu au plan national, par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; que la société Les Roger, Mme X... et Mme Y..., ayant refusé de s'affilier au régime géré par la société AG2R prévoyance, celle-ci a saisi un tribunal de grande instance pour obtenir paiement d'un rappel de cotisations ;
Attendu que pour rejeter ces demandes, les arrêts retiennent que la clause de désignation contenue dans l'avenant n° 83 est contraire aux dispositions du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) aux motifs que la société AG2R bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, n'établit pas qu'elle est soumise au contrôle de l'Etat, de sorte que le caractère économique de son activité doit être reconnu ; que la société AG2R, en tant qu'entreprise exerçant une activité économique, se devait en conséquence d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques, parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services et de prévoyance qu'elle propose ; que faute de justifier de cette mise en concurrence, sa désignation ne respecte pas les prescriptions de l'article 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Attendu cependant que la Cour de justice de l'Union européenne a décidé, par un arrêt du 3 mars 2011 (AG2R prévoyance c/ Beaudout, C437/ 09) que l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné à un seul opérateur, sans possibilité de dispense, était conforme à l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'elle a jugé, par le même arrêt, pour autant que l'activité consistant dans la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause devait être qualifiée d'économique, que les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'opposaient pas, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; qu'enfin, il résulte des dispositions des articles 102 et 106 du traité que celles-ci n'imposent pas aux partenaires sociaux de modalités particulières de désignation du gestionnaire d'un régime de prévoyance obligatoire ;
Qu'en statuant comme elle a fait, en subordonnant la validité de la clause de désignation à une mise en concurrence préalable par les partenaires sociaux de plusieurs opérateurs économiques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 7 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;
Condamne la société Les Roger, Mme X... et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Les Roger, Mme X... et Mme Y... à payer, chacune, la somme de 1 000 euros à la société AG2R prévoyance ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi n° S 14-20. 380 par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société AG2R prévoyance
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté l'institution de prévoyance AG2R de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que l'adhésion de la société les Roger à AG2R Prévoyance est obligatoire, et qu'en conséquence, il lui soit ordonné de régulariser son adhésion en retournant dûment complété et signé l'état nominatif du personnel ainsi que les bulletins individuels d'affiliation de tous les salariés accompagnés de tous les justificatifs permettant d'enregistrer les affiliations, et que la société les Roger soit condamnée à lui payer les cotisations de l'ensemble de ses salariés prévues aux avenants numéro 83 et 100 et dues depuis le 1er janvier 2007,
AUX MOTIFS QUE « l'institution de prévoyance AG2R Prévoyance a été désignée aux termes de l'article 13 de l'avenant pour gérer ce régime ; que I'article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de l'avenant n° 83 de souscrire les garanties qu'il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l'accord a été étendu au plan national par arrêté ministériel du 16 octobre 2006 à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; que la société les Roger faisant valoir qu'elle avait contracté en 2006 auprès du cabinet Abela une complémentaire santé offrant des garanties supérieures à celles proposées par AG2R Prévoyance, a refusé de s'affilier au régime géré par cette dernière, qui, soutenant que l'adhésion était obligatoire, l'a assignée en régularisation forcée de son adhésion à compter du 1er janvier 2007 et en paiement des cotisations arriérées échues depuis cette date ; que les parties s'opposent sur la licéité au regard du droit interne et du droit communautaire des articles 13 et 14 de l'avenant n º 83 ; Attendu qu'en raison de la primauté du droit communautaire sur le droit interne, il convient d'analyser la validité des dites clauses au regard des articles 101, 102 et 106 du Traité de fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) ; que l'article 13 de l'avenant-dit clause de désignation-a désigné AG2R Prévoyance comme organisme assureur du régime remboursements complémentaires des frais de soins de santé ; que l'article 14 - dit clause de migration - a rendu obligatoire l'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie à ce régime, y compris pour les entreprises ayant un contrat complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par l'avenant ; que l'article 101 du TFUE dispose que sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ; Que l'article 106 paragraphe 1 dispose que les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques. et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du traité et paragraphe 2 que les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur est impartie ; Que l'article 102 dispose qu'est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ; Attendu que par arrêt du 3 mars 2011, la CJUE, saisie d'une demande de décision préjudicielle introduite par le tribunal de grande instance de Périgueux dans le cadre d'un litige opposant la sarl Beaudout Père et Fils à AG2R Prévoyance dans les mêmes circonstances, a dit pour droit que l'article 101 du TFUE lu en combinaison avec l'article 4, paragraphe 3 du TUE, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des salariés d'un secteur d'activité déterminé, un accord issu de négociations collectives qui prévoit l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné, sans possibilité de dispense ; que cette décision est motivée par le fait que l'avenant litigieux résulte d'une négociation collective et contribue à l'amélioration des conditions de travail des salariés en leur garantissant les moyens nécessaires pour faire face à des frais liés à une maladie, un accident du travail, à une maladie professionnelle ou encore à une maternité, mais. également en réduisant les dépenses qui, à défaut d'un tel accord, auraient dû être supportés par les salariés ; qu'un tel accord ne relève donc pas, en raison de sa nature et de son objet, de l'article 101 du TFUE ; que ce même arrêt a dit pour droit que, pour autant que l'activité consistant dans la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause doit être qualifiée d'économique, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, les articles 102 et 106 du TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité'pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; que l'interprétation de l'article 102 TFUE nécessite préalablement que soit reconnue à AG2R la qualification d'entreprise qui comprend, dans le contexte du droit de la concurrence de l'Union, toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement, laquelle se définit comme une activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné ; qu'en l'occurrence, il résulte de l'article L. 931-1 du code de la sécurité sociale qu'AG2R, en tant qu'institution de prévoyance relevant de ce code, est une personne de droit privé ayant un but non lucratif et dont l'objet est la couverture des dommages corporels liés aux accidents et à la maladie ; que la finalité sociale du régime de protection sociale complémentaire obligatoire pour tous les salariés d'un secteur économique n'est néanmoins pas suffisante pour exclure la qualification d'activité économique, exclusion possible seulement si le régime concerné met en oeuvre le principe de solidarité et s'il est soumis au contrôle de l'Etat qui l'a instauré ; qu'AG2R met en oeuvre un principe de solidarité dès lors que la nature des prestations servies ainsi que l'étendue de la couverture accordée ne sont pas proportionnelles au montant des cotisations et sont servies, dans certains cas, indépendamment du paiement des cotisations dues ; que si les circonstances dans lesquelles AG2R a pu bénéficier ou non d'une marge de négociation quant aux modalités de son engagement ne sont pas renseignées, il convient néanmoins de prendre en considération le fait que l'avenant n° 83 reconnaît un rôle prépondérant aux partenaires. sociaux dans · la détermination et le réexamen des garanties collectives dont bénéficient les salariés, de sorte que le contrôle de l'Etat n'est pas établi ; qu'il s'ensuit que le caractère économique de l'activité d'AG2R étant reconnu, la clause de migration stipulée à l'avenant n º 83 est conforme aux articles 102 et 106 TFUE qui lui sont applicables ; néanmoins que les circonstances dans lesquelles AG2R a été désignée par cet avenant ne sont pas connues, alors que l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale et l'article 1 de la loi n º 89-1009 du 31 décembre 1989 telle que modifiée par la loi n° 94-678 du 8 août 1994, prévoient que les garanties collectives complémentaires dont bénéficient les salariés peuvent être instaurées de différentes manières et que les activités de prévoyance peuvent être confiées non seulement à des institutions de prévoyance et de mutualisation, mais également à des entreprises d'assurance, et alors que la société les Roger rappelle qu'aucune autre entreprise qu'AG2R ne peut avoir accès au marché en raison de son appartenance au groupe. AG2R Mondiale, qui comprend ISICA, caisse de retraite qui gère depuis longtemps la retraite complémentaire des boulangers, ce que AG2R ne nie pas, considérant au contraire que cette appartenance serait avantageuse pour les salariés concernés ; que le principe de solidarité qui caractérise le fonctionnement du régime complémentaire géré par AG2R, mais également la nature économique de son activité, permettent de retenir qu'elle est investie d'une mission d'intérêt économique général au sens de l'article 106 paragraphe 2 du TFUE qui prévoit que les entreprises chargées de la gestion de ces services sont soumises aux règles de la concurrence, alors qu'il n'est pas démontré qu'AG2R puisse invoquer la limitation prévue par cet article pour le cas où l'application de ces règles feraient échec en droit ou en fait à l'accomplissement de la mission particulière qui lui a été impartie ; que AG2R, entreprise exerçant une activité économique se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques, parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services et de prévoyance qu'elle propose ; que contrairement à ce qu'affirme AG2R, l'exigence d'un appel d'offre n'est pas incompatible avec celle d'un fonds de mutualisation, une politique de prévention et une action sociale, impératifs pouvant faire l'objet d'un cahier des charges, et ne met pas en cause l'indépendance des partenaires à la négociation collective, libres d'opérer leur choix entre les propositions sur des critères qu'ils auront préalablement définis ; faute de justifier de cette mise en concurrence, la désignation de l'institution de prévoyance AG2R Prévoyance ne respecte donc pas les prescriptions de l'article du TFUE sus visé ; que celle-ci n'est dès lors pas fondée à demander l'adhésion forcée de la société les Roger ni sa condamnation à paiement d'arriérés de cotisations à compter du 1er janvier 2007 ; que la demande de paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive n'est par voie de conséquence pas davantage fondée ; que le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions et AG2R Prévoyance déboutée de l'ensemble de ses demandes ; que la non conformité de la clause de désignation au regard du droit communautaire étant retenue, il devient inopérant de statuer sur le moyen tiré de l'illicéité des clauses de migration et de désignation au regard du droit interne »
1°) ALORS QUE dans un arrêt du 3 mars 2011, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a décidé que les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'opposaient pas à ce que les pouvoirs publics investissent, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; que la Cour de justice a ainsi considéré que les clauses de désignation et de migration prévues par l'avenant numéro 83 litigieux ne méconnaissaient pas les articles 102 et 106 du TFUE ; qu'en jugeant néanmoins que la validité de ces clauses n'était pas acquise et dépendait du fait qu'AG2R Prévoyance ne soit pas une entreprise ou qu'une mise en concurrence préalable fasse échec à l'accomplissement de sa mission, la cour d'appel a violé les articles 102 et 106 du TFUE ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, les institutions de prévoyance, régies par des dispositions d'ordre public, sont des personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif, administrées paritairement par des membres adhérents et des membres participants définis à l'article L. 931-3, à savoir, s'agissant des membres adhérents, la ou les entreprises ayant adhéré à un règlement de l'institution ou souscrit un contrat auprès de celle-ci et, s'agissant des membres participants, les salariés, anciens salariés et leur ayants droits ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes d'Ag2r prévoyance, a retenu que bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, Ag2r prévoyance était, en l'absence de contrôle de l'État, une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle était en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle proposait, et que faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'Ag2r prévoyance était illicite ; qu'en statuant ainsi, malgré le contrôle exercé par les partenaires sociaux sur l'institution, et par l'État dans le cadre de l'extension de l'avenant n° 83 désignant Ag2r par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, la cour d'appel a violé les articles L. 931-1 et L. 931-3 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 102 et 106 du TFUE ;
3°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, Ag2r Prévoyance a fait valoir qu'une institution de prévoyance appartenait aux entreprises ainsi qu'à leurs salariés, lesquels désignaient le conseil d'administration paritaire parmi leur membres, que ledit conseil détenait seul le pouvoir, et que tel n'était pas le cas d'une entreprise d'assurance, prestataire de service et tiers aux entreprises, que grâce au régime mis en place au niveau de la branche, Ag2r avait pu faire évoluer le niveau de ses prestations et financer des actions de prévention à hauteur de 500 000 euros ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes d'Ag2r prévoyance, a retenu que bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, Ag2r prévoyance était, en l'absence de contrôle de l'État, une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle était en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle proposait, et que faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'Ag2r prévoyance était illicite ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le contrôle exercé par l'État lors de l'extension de l'avenant de désignation par arrêté, ni sur le contrôle exercé par les salariés et entreprises, partenaires sociaux, sur l'organisme qu'ils désignaient, mettant en évidence l'absence de marge de négociation de l'organisme, et permettant le développement d'actions de prévention et de droits non contributifs qui ne pourraient être imposés à une entreprise tierce, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ET ALORS QU'encore plus subsidiairement, aucun texte n'impose que la désignation d'un organisme de prévoyance complémentaire prévue par une convention collective soit soumise à une mise en concurrence préalable ou à un appel d'offres ; qu'il en va ainsi fut-ce dans l'hypothèse où l'organisme de prévoyance complémentaire est qualifié d'entreprise ; qu'en considérant toutefois, pour juger illicite la clause de désignation prévue par l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie pâtisserie, en date du 24 avril 2006, qu'AG2R Prévoyance ne justifiait pas d'une mise en concurrence préalable avec d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose, la cour d'appel a violé les articles 18, 56, 102 et 106 du TFUE.
Moyen produit au pourvoi n° W 14-20. 384 par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société AG2R prévoyance
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté l'institution de prévoyance AG2R de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que l'adhésion de Mme Elisabeth X... à AG2R Prévoyance est obligatoire, et qu'en conséquence, il lui soit ordonné de régulariser son adhésion en retournant dûment complété et signé l'état nominatif du personnel ainsi que les bulletins individuels d'affiliation de tous les salariés accompagnés de tous les justificatifs permettant d'enregistrer les affiliations et qu'elle soit condamnée à lui payer diverses sommes à titre des cotisations dues depuis le 1er janvier 2007,
AUX MOTIFS QUE « l'institution de prévoyance AG2R Prévoyance a été désignée aux termes de l'article 13 de l'avenant pour gérer ce régime ; que I'article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de l'avenant n º 83 de souscrire les garanties qu'il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l'accord a été étendu au plan national par arrêté ministériel du 16 octobre 2006 à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; Attendu que Mme Elisabeth X..., faisant valoir qu'elle avait contracté en 2006 auprès du cabinet Abela une complémentaire santé offrant des garanties supérieures à celles proposées par AG2R Prévoyance, a refusé de s'affilier au régime géré par cette dernière, qui, soutenant que l'adhésion était obligatoire, l'a assignée en régularisation forcée de son adhésion à compter du 1er janvier 2007 et en paiement des cotisations arriérées échues depuis cette date ; que les parties s'opposent sur la licéité au regard du droit interne et du droit communautaire des articles 13 et 14 de l'avenant n º 83 ; Attendu qu'en raison de la primauté du droit communautaire sur le droit interne, il convient d'analyser la validité des dites clauses au regard des articles 101, 102 et 106 du Traité de fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) ; que l'article 13 de l'avenant-dit clause de désignation-a désigné AG2R Prévoyance comme organisme assureur du régime remboursements complémentaires des frais de soins de santé ; que l'article 14- dit clause de migration-a rendu obligatoire l'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie à ce régime, y compris pour les entreprises ayant un contrat complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par l'avenant ; que l'article 101 du TFUE dispose que sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ; Que l'article 106 paragraphe 1 dispose que les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques. et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du traité et paragraphe 2 que les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur est impartie ; Que l'article 102 dispose qu'est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ; Attendu que par arrêt du 3 mars 2011, la CJUE, saisie d'une demande de décision préjudicielle introduite par le tribunal de grande instance de Périgueux dans le cadre d'un litige opposant la sarl Beaudout Père et Fils à AG2R Prévoyance dans les mêmes circonstances, a dit pour droit que l'article 101 du TFUE lu en combinaison avec l'article 4, paragraphe 3 du TUE, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des salariés d'un secteur d'activité déterminé, un accord issu de négociations collectives qui prévoit l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné, sans possibilité de dispense ; que cette décision est motivée par le fait que l'avenant litigieux résulte d'une négociation collective et contribue à l'amélioration des conditions de travail des salariés en leur garantissant les moyens nécessaires pour faire face à des frais liés à une maladie, un accident du travail, à une maladie professionnelle ou encore à une maternité, mais. également en réduisant les dépenses qui, à défaut d'un tel accord, auraient dû être supportés par les salariés ; qu'un tel accord ne relève donc pas, en raison de sa nature et de son objet, de l'article 101 du TFUE ; que ce même arrêt a dit pour droit que, pour autant que l'activité consistant dans la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause doit être qualifiée d'économique, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, les articles 102 et 106 du TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité'pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; que l'interprétation de l'article 102 TFUE nécessite préalablement que soit reconnue à AG2R la qualification d'entreprise qui comprend, dans le contexte du droit de la concurrence de l'Union, toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement, laquelle se définit comme une activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné ; qu'en l'occurrence, il résulte de l'article L. 931-1 du code de la sécurité sociale qu'AG2R, en tant qu'institution de prévoyance relevant de ce code, est une personne de droit privé ayant un but non lucratif et dont l'objet est la couverture des dommages corporels liés aux accidents et à la maladie ; que la finalité sociale du régime de protection sociale complémentaire obligatoire pour tous les salariés d'un secteur économique n'est néanmoins pas suffisante pour exclure la qualification d'activité économique, exclusion possible seulement si le régime concerné met en oeuvre le principe de solidarité et s'il est soumis au contrôle de l'Etat qui l'a instauré ; qu'AG2R met en oeuvre un principe de solidarité dès lors que la nature des prestations servies ainsi que l'étendue de la couverture accordée ne sont pas proportionnelles au montant des cotisations et sont servies, dans certains cas, indépendamment du paiement des cotisations dues ; que si les circonstances dans lesquelles AG2R a pu bénéficier ou non d'une marge de négociation quant aux modalités de son engagement ne sont pas renseignées, il convient néanmoins de prendre en considération le fait que l'avenant n° 83 reconnaît un rôle prépondérant aux partenaires. sociaux dans · la détermination et le réexamen des garanties collectives dont bénéficient les salariés, de sorte que le contrôle de l'Etat n'est pas établi ; qu'il s'ensuit que le caractère économique de l'activité d'AG2R étant reconnu, la clause de migration stipulée à l'avenant n º 83 est conforme aux articles 102 et 106 TFUE qui lui sont applicables ; néanmoins que les circonstances dans lesquelles AG2R a été désignée par cet avenant ne sont pas connues, alors que l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale et l'article l de la loi n º 89-1009 du 31 décembre 1989 telle que modifiée par la loi n º 94-678 du 8 août 1994, prévoient que les garanties collectives complémentaires dont bénéficient les salariés peuvent être instaurées de différentes manières et que les activités de prévoyance peuvent être confiées non seulement à des institutions de prévoyance et de mutualisation, mais également à des entreprises d'assurance, et alors que Mme X... rappelle qu'aucune autre entreprise qu'AG2R ne peut avoir accès au marché en raison de son appartenance au groupe. AG2R Mondiale, qui comprend ISICA, caisse de retraite qui gère depuis longtemps la retraite complémentaire des boulangers, ce que AG2R ne nie pas, considérant au contraire que cette appartenance serait avantageuse pour les salariés concernés ; que le principe de solidarité qui caractérise le fonctionnement du régime complémentaire géré par AG2R, mais également la nature économique de son activité, permettent de retenir qu'elle est investie d'une mission d'intérêt économique général au sens de l'article 106 paragraphe 2 du TFUE qui prévoit que les entreprises chargées de la gestion de ces services sont soumises aux règles de la concurrence, alors qu'il n'est pas démontré qu'AG2R puisse invoquer la limitation prévue par cet article pour le cas où l'application de ces règles feraient échec en droit ou en fait à l'accomplissement de la mission particulière qui lui a été impartie ; que AG2R, entreprise exerçant une activité économique se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques, parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services et de prévoyance qu'elle propose ; que contrairement à ce qu'affirme AG2R, l'exigence d'un appel d'offre n'est pas incompatible avec celle d'un fonds de mutualisation, une politique de prévention et une action sociale, impératifs pouvant faire l'objet d'un cahier des charges, et ne met pas en cause l'indépendance des partenaires à la négociation collective, libres d'opérer leur choix entre les propositions sur des critères qu'ils auront préalablement définis ; faute de justifier de cette mise en concurrence, la désignation de l'institution de prévoyance AG2R Prévoyance ne respecte donc pas les prescriptions de l'article du TFUE sus visé ; que celle-ci n'est dès lors pas fondée à demander l'adhésion forcée de Mme X... ni sa condamnation à paiement d'arriérés de cotisations à compter du I " janvier 2007 ; que la demande de paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive n'est par voie de conséquence pas davantage fondée ; que le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions et AG2R Prévoyance déboutée de l'ensemble de ses demandes ; que la non conformité de la clause de désignation au regard du droit communautaire étant retenue, il devient inopérant de statuer sur le moyen tiré de l'illicéité des clauses de migration et de désignation au regard du droit interne »
1°) ALORS QUE dans un arrêt du 3 mars 2011, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a décidé que les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'opposaient pas à ce que les pouvoirs publics investissent, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; que la Cour de justice a ainsi considéré que les clauses de désignation et de migration prévues par l'avenant numéro 83 litigieux ne méconnaissaient pas les articles 102 et 106 du TFUE ; qu'en jugeant néanmoins que la validité de ces clauses n'était pas acquise et dépendait du fait qu'AG2R Prévoyance ne soit pas une entreprise ou qu'une mise en concurrence préalable fasse échec à l'accomplissement de sa mission, la cour d'appel a violé les articles 102 et 106 du TFUE ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, les institutions de prévoyance, régies par des dispositions d'ordre public, sont des personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif, administrées paritairement par des membres adhérents et des membres participants définis à l'article L. 931-3, à savoir, s'agissant des membres adhérents, la ou les entreprises ayant adhéré à un règlement de l'institution ou souscrit un contrat auprès de celle-ci et, s'agissant des membres participants, les salariés, anciens salariés et leur ayants droits ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes d'Ag2r prévoyance, a retenu que bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, Ag2r prévoyance était, en l'absence de contrôle de l'État, une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle était en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle proposait, et que faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'Ag2r prévoyance était illicite ; qu'en statuant ainsi, malgré le contrôle exercé par les partenaires sociaux sur l'institution, et par l'État dans le cadre de l'extension de l'avenant n° 83 désignant Ag2r par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, la cour d'appel a violé les articles L. 931-1 et L. 931-3 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 102 et 106 du TFUE ;
3°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, Ag2r Prévoyance a fait valoir qu'une institution de prévoyance appartenait aux entreprises ainsi qu'à leurs salariés, lesquels désignaient le conseil d'administration paritaire parmi leur membres, que ledit conseil détenait seul le pouvoir, et que tel n'était pas le cas d'une entreprise d'assurance, prestataire de service et tiers aux entreprises, que grâce au régime mis en place au niveau de la branche, Ag2r avait pu faire évoluer le niveau de ses prestations et financer des actions de prévention à hauteur de 500 000 euros ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes d'Ag2r prévoyance, a retenu que bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, Ag2r prévoyance était, en l'absence de contrôle de l'État, une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle était en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle proposait, et que faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'Ag2r prévoyance était illicite ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le contrôle exercé par l'État lors de l'extension de l'avenant de désignation par arrêté, ni sur le contrôle exercé par les salariés et entreprises, partenaires sociaux, sur l'organisme qu'ils désignaient, mettant en évidence l'absence de marge de négociation de l'organisme, et permettant le développement d'actions de prévention et de droits non contributifs qui ne pourraient être imposés à une entreprise tierce, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ET ALORS QU'encore plus subsidiairement, aucun texte n'impose que la désignation d'un organisme de prévoyance complémentaire prévue par une convention collective soit soumise à une mise en concurrence préalable ou à un appel d'offres ; qu'il en va ainsi fut-ce dans l'hypothèse où l'organisme de prévoyance complémentaire est qualifié d'entreprise ; qu'en considérant toutefois, pour juger illicite la clause de désignation prévue par l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie pâtisserie, en date du 24 avril 2006, qu'AG2R Prévoyance ne justifiait pas d'une mise en concurrence préalable avec d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose, la cour d'appel a violé les articles 18, 56, 102 et 106 du TFUE.
Moyen produit au pourvoi n° K 14-20. 397 par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société AG2R prévoyance
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté l'institution de prévoyance AG2R de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que l'adhésion de Madame Y... à AG2R Prévoyance est obligatoire, et qu'en conséquence, il lui soit ordonné de régulariser son adhésion en retournant dûment complété et signé l'état nominatif du personnel ainsi que les bulletins individuels d'affiliation de tous les salariés accompagnés de tous les justificatifs permettant d'enregistrer les affiliations, et que Madame Y... soit condamnée à lui payer les cotisations de l'ensemble de ses salariés dues depuis le 1er janvier 2007,
AUX MOTIFS QUE « l'institution de prévoyance AG2R Prévoyance a été désignée aux termes de l'article 13 de l'avenant pour gérer ce régime ; que I'article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de l'avenant n º 83 de souscrire les garanties qu'il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l'accord a été étendu au plan national par arrêté ministériel du 16 octobre 2006 à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; que Madame Y... faisant valoir qu'elle avait contracté en 2006 auprès du cabinet Abela une complémentaire santé offrant des garanties supérieures à celles proposées par AG2R Prévoyance, a refusé de s'affilier au régime géré par cette dernière, qui, soutenant que l'adhésion était obligatoire, l'a assignée en régularisation forcée de son adhésion à compter du 1er janvier 2007 et en paiement des cotisations arriérées échues depuis cette date ; que les parties s'opposent sur la licéité au regard du droit interne et du droit communautaire des articles 13 et 14 de l'avenant n º 83 ; Attendu qu'en raison de la primauté du droit communautaire sur le droit interne, il convient d'analyser la validité des dites clauses au regard des articles 101, 102 et 106 du Traité de fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) ; que l'article 13 de l'avenant-dit clause de désignation-a désigné AG2R Prévoyance comme organisme assureur du régime remboursements complémentaires des frais de soins de santé ; que l'article 14- dit clause de migration-a rendu obligatoire l'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie à ce régime, y compris pour les entreprises ayant un contrat complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par l'avenant ; que l'article 101 du TFUE dispose que sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ; Que l'article 106 paragraphe 1 dispose que les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques. et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du traité et paragraphe 2 que les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur est impartie ; Que l'article 102 dispose qu'est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ; Attendu que par arrêt du 3 mars 2011, la CJUE, saisie d'une demande de décision préjudicielle introduite par le tribunal de grande instance de Périgueux dans le cadre d'un litige opposant la sarl Beaudout Père et Fils à AG2R Prévoyance dans les mêmes circonstances, a dit pour droit que l'article 101 du TFUE lu en combinaison avec l'article 4, paragraphe 3 du TUE, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des salariés d'un secteur d'activité déterminé, un accord issu de négociations collectives qui prévoit l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné, sans possibilité de dispense ; que cette décision est motivée par le fait que l'avenant litigieux résulte d'une négociation collective et contribue à l'amélioration des conditions de travail des salariés en leur garantissant les moyens nécessaires pour faire face à des frais liés à une maladie, un accident du travail, à une maladie professionnelle ou encore à une maternité, mais. également en réduisant les dépenses qui, à défaut d'un tel accord, auraient dû être supportés par les salariés ; qu'un tel accord ne relève donc pas, en raison de sa nature et de son objet, de l'article 101 du TFUE ; que ce même arrêt a dit pour droit que, pour autant que l'activité consistant dans la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause doit être qualifiée d'économique, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, les articles 102 et 106 du TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité'pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; que l'interprétation de l'article 102 TFUE nécessite préalablement que soit reconnue à AG2R la qualification d'entreprise qui comprend, dans le contexte du droit de la concurrence de l'Union, toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement, laquelle se définit comme une activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné ; qu'en l'occurrence, il résulte de l'article L. 931-1 du code de la sécurité sociale qu'AG2R, en tant qu'institution de prévoyance relevant de ce code, est une personne de droit privé ayant un but non lucratif et dont l'objet est la couverture des dommages corporels liés aux accidents et à la maladie ; que la finalité sociale du régime de protection sociale complémentaire obligatoire pour tous les salariés d'un secteur économique n'est néanmoins pas suffisante pour exclure la qualification d'activité économique, exclusion possible seulement si le régime concerné met en oeuvre le principe de solidarité et s'il est soumis au contrôle de l'Etat qui l'a instauré ; qu'AG2R met en oeuvre un principe de solidarité dès lors que la nature des prestations servies ainsi que l'étendue de la couverture accordée ne sont pas proportionnelles au montant des cotisations et sont servies, dans certains cas, indépendamment du paiement des cotisations dues ; que si les circonstances dans lesquelles AG2R a pu bénéficier ou non d'une marge de négociation quant aux modalités de son engagement ne sont pas renseignées, il convient néanmoins de prendre en considération le fait que l'avenant n° 83 reconnaît un rôle prépondérant aux partenaires. sociaux dans · la détermination et le réexamen des garanties collectives dont bénéficient les salariés, de sorte que le contrôle de l'Etat n'est pas établi ; qu'il s'ensuit que le caractère économique de l'activité d'AG2R étant reconnu, la clause de migration stipulée à l'avenant n º 83 est conforme aux articles 102 et 106 TFUE qui lui sont applicables ; néanmoins que les circonstances dans lesquelles AG2R a été désignée par cet avenant ne sont pas connues, alors que l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale et l'article l de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 telle que modifiée par la loi n º 94-678 du 8 août 1994, prévoient que les garanties collectives complémentaires dont bénéficient les salariés peuvent être instaurées de différentes manières et que les activités de prévoyance peuvent être confiées non seulement à des institutions de prévoyance et de mutualisation, mais également à des entreprises d'assurance, et alors que Madame Y... rappelle qu'aucune autre entreprise qu'AG2R ne peut avoir accès au marché en raison de son appartenance au groupe. AG2R Mondiale, qui comprend ISICA, caisse de retraite qui gère depuis longtemps la retraite complémentaire des boulangers, ce que AG2R ne nie pas, considérant au contraire que cette appartenance serait avantageuse pour les salariés concernés ; que le principe de solidarité qui caractérise le fonctionnement du régime complémentaire géré par AG2R, mais également la nature économique de son activité, permettent de retenir qu'elle est investie d'une mission d'intérêt économique général au sens de l'article 106 paragraphe 2 du TFUE qui prévoit que les entreprises chargées de la gestion de ces services sont soumises aux règles de la concurrence, alors qu'il n'est pas démontré qu'AG2R puisse invoquer la limitation prévue par cet article pour le cas où l'application de ces règles feraient échec en droit ou en fait à l'accomplissement de la mission particulière qui lui a été impartie ; que AG2R, entreprise exerçant une activité économique se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques, parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services et de prévoyance qu'elle propose ; que contrairement à ce qu'affirme AG2R, l'exigence d'un appel d'offre n'est pas incompatible avec celle d'un fonds de mutualisation, une politique de prévention et une action sociale, impératifs pouvant faire l'objet d'un cahier des charges, et ne met pas en cause l'indépendance des partenaires à la négociation collective, libres d'opérer leur choix entre les propositions sur des critères qu'ils auront préalablement définis ; faute de justifier de cette mise en concurrence, la désignation de l'institution de prévoyance AG2R Prévoyance ne respecte donc pas les prescriptions de l'article du TFUE sus visé ; que celle-ci n'est dès lors pas fondée à demander l'adhésion forcée de Madame Y... ni sa condamnation à paiement d'arriérés de cotisations à compter du 1er janvier 2007 ; que la demande de paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive n'est par voie de conséquence pas davantage fondée ; que le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions et AG2R Prévoyance déboutée de l'ensemble de ses demandes ; que la non conformité de la clause de désignation au regard du droit communautaire étant retenue, il devient inopérant de statuer sur le moyen tiré de l'illicéité des clauses de migration et de désignation au regard du droit interne »
1°) ALORS QUE dans un arrêt du 3 mars 2011, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a décidé que les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'opposaient pas à ce que les pouvoirs publics investissent, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; que la Cour de justice a ainsi considéré que les clauses de désignation et de migration prévues par l'avenant numéro 83 litigieux ne méconnaissaient pas les articles 102 et 106 du TFUE ; qu'en jugeant néanmoins que la validité la clause de désignation n'était pas acquise et dépendait du fait qu'AG2R Prévoyance ne soit pas une entreprise ou qu'une mise en concurrence préalable fasse échec à l'accomplissement de sa mission, la cour d'appel a violé les articles 102 et 106 du TFUE ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, les institutions de prévoyance, régies par des dispositions d'ordre public, sont des personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif, administrées paritairement par des membres adhérents et des membres participants définis à l'article L. 931-3, à savoir, s'agissant des membres adhérents, la ou les entreprises ayant adhéré à un règlement de l'institution ou souscrit un contrat auprès de celle-ci et, s'agissant des membres participants, les salariés, anciens salariés et leur ayants droits ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes d'Ag2r prévoyance, a retenu que bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, Ag2r prévoyance était, en l'absence de contrôle de l'État, une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle était en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle proposait, et que faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'Ag2r prévoyance était illicite ; qu'en statuant ainsi, malgré le contrôle exercé par les partenaires sociaux sur l'institution, et par l'État dans le cadre de l'extension de l'avenant n° 83 désignant Ag2r par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, la cour d'appel a violé les articles L. 931-1 et L. 931-3 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 102 et 106 du TFUE ;
3°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, Ag2r Prévoyance a fait valoir qu'une institution de prévoyance appartenait aux entreprises ainsi qu'à leurs salariés, lesquels désignaient le conseil d'administration paritaire parmi leur membres, que ledit conseil détenait seul le pouvoir, et que tel n'était pas le cas d'une entreprise d'assurance, prestataire de service et tiers aux entreprises, que grâce au régime mis en place au niveau de la branche, Ag2r avait pu faire évoluer le niveau de ses prestations et financer des actions de prévention à hauteur de 500 000 euros ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes d'Ag2r prévoyance, a retenu que bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, Ag2r prévoyance était, en l'absence de contrôle de l'État, une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle était en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle proposait, et que faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'Ag2r prévoyance était illicite ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le contrôle exercé par l'État lors de l'extension de l'avenant de désignation par arrêté, ni sur le contrôle exercé par les salariés et entreprises, partenaires sociaux, sur l'organisme qu'ils désignaient, mettant en évidence l'absence de marge de négociation de l'organisme, et permettant le développement d'actions de prévention et de droits non contributifs qui ne pourraient être imposés à une entreprise tierce, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ET ALORS QU'encore plus subsidiairement, aucun texte n'impose que la désignation d'un organisme de prévoyance complémentaire prévue par une convention collective soit soumise à une mise en concurrence préalable ou à un appel d'offres ; qu'il en va ainsi fut-ce dans l'hypothèse où l'organisme de prévoyance complémentaire est qualifié d'entreprise ; qu'en considérant toutefois, pour juger illicite la clause de désignation prévue par l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie pâtisserie, en date du 24 avril 2006, qu'AG2R Prévoyance ne justifiait pas d'une mise en concurrence préalable avec d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose, la cour d'appel a violé les articles 18, 56, 102 et 106 du TFUE.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-20380;14-20384;14-20397
Date de la décision : 22/09/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 07 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 sep. 2015, pourvoi n°14-20380;14-20384;14-20397


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.20380
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