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17/09/2015 | FRANCE | N°14-11940

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 septembre 2015, 14-11940


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail ;
Attendu que constitue un travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur le lieu de travail dans des locaux déterminés imposés par l'employeur, peu important les conditions d'occupation de tels locaux, afin de répondre à toute nécessité d'intervention sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., agent du patrimoine, a été

mis à disposition par la ville de Nancy à la Société d'histoire de la Lorra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail ;
Attendu que constitue un travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur le lieu de travail dans des locaux déterminés imposés par l'employeur, peu important les conditions d'occupation de tels locaux, afin de répondre à toute nécessité d'intervention sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., agent du patrimoine, a été mis à disposition par la ville de Nancy à la Société d'histoire de la Lorraine et du musée lorrain afin d'assurer principalement des fonctions de gardien de salles ; qu'entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2007, il a effectué soixante-dix semaines d'astreintes durant lesquelles il bénéficiait d'un logement situé dans l'enceinte du musée ; que soutenant que ces temps d'astreinte constituait du temps de travail effectif, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des dispositions légales relatives au repos compensateur et limiter à une certaine somme la réparation du préjudice subi pour le non-respect par l'employeur des dispositions relatives aux durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail, l'arrêt retient qu'en temps normal, l'intéressé était libre de vaquer à des occupations personnelles, de sorte que quoique logé au sein du musée il restait dans sa sphère privée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que pendant les périodes d'astreinte le salarié était tenu de rester dans l'enceinte du musée afin de pouvoir répondre aux situations d'urgence, et qu'il ne pouvait en sortir que sur autorisation de l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, ainsi que des congés payés y afférents, en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des dispositions légales relatives au repos compensateur, et limite à la somme de 5 000 euros la réparation du préjudice subi pour le non-respect par l'employeur des dispositions relatives aux durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail, l'arrêt rendu le 13 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la Société d'histoire de la Lorraine et du musée lorrain aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Société d'histoire de la Lorraine et du musée lorrain et les condamne à payer à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, ainsi que des congés payés y afférents, en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des dispositions légales relatives au repos compensateur (article L. 3121-26 du code du travail), et limité à la somme de 5 000 € la réparation du préjudice subi pour le non- respect par l'employeur des dispositions relatives aux durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail (articles L. 3121-35 et L. 3132-1 du code du travail)
AUX MOTIFS QUE Attendu qu'en application de l'article L 3121-5 du Code du travail applicable à la relation de travail en cause s'agissant d'un contrat de travail de droit privé, une période d'astreinte s'entend comme celle pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ;
Attendu que la semaine d'astreinte à laquelle était soumis le salarié est définie par le règlement de service qui dispose :
"Une astreinte 24h / 24h est mise en place tous les jours de l'année. C'est une astreinte sur site avec mise à disposition d'un appartement pour nécessité de service. L'agent d'astreinte prend son poste le vendredi à 18 heures jusqu'au vendredi 18h. ( ... ) L'agent d'astreinte bénéfice du paiement de 18 heures supplémentaires + 1 week-end + 4 nuits et d'un repos compensatoire le samedi, dimanche et lundi qui suivent sa semaine d'astreinte."

Attendu que le salarié se prévaut de la fiche de poste intitulée "agent d'astreinte au musée lorrain" ainsi que d'un relevé établi par lui-même de ses activités durant la semaine d'astreinte, pour démontrer qu'il effectuait en tenue de surveillant un travail effectif recouvrant notamment le contrôle des bonnes conditions de visite du musée, la mise en place et le contrôle de l'équipe d'agents d'accueil, la relation entre les surveillants et la direction, des rondes, la tenue des registres de sécurité, l'ouverture et la fermeture des portes du musée, des missions à l'extérieur pour les besoins du musée à la Poste, à la banque et auprès des fournisseurs, l'accomplissement de travaux exceptionnels de nettoyage, de manutention et d'entretien, la surveillance des entreprises travaillant dans les salles de réserve, l'accueil du facteur et les transferts du courrier vers les bâtiments administratifs, la sortie et l'entrée des poubelles, le branchement et le débranchement de l'alarme" ;
Mais attendu que ces tâches étaient accomplies dans le temps de travail correspondant à la durée légale de 35 heures et dans les 15,81 heures supplémentaires payées systématiquement et décomptées dans une note très précise produite par la SHLML sans contestation ni remarque adverse sur sa teneur ; que ces dernières étaient en effet allouées à M. Jean-Claude X... au titre des tâches effectuées en dehors des 35 heures, à savoir en particulier, le samedi matin, midi et soir, le dimanche matin, midi et soir, et les autres jours de la semaine, le matin à 5 heures 45, et les autres jours de la semaine, à 8 heures, à 9 heures 30, à 13 heures 45 et le soir ;
Attendu qu'il ressort également de la note du 17 décembre 2007 précitée et des positions concordantes sur ce point des parties qu'au cours de la semaine d'astreinte, le salarié devait se trouver impérativement dans l'appartement mis à sa disposition ou dans l'enceinte du musée, tandis que la fiche de poste ajoute qu'il dormait dans l'appartement mis à sa disposition, qu'il ne pouvait s'absenter pendant la journée sans autorisation et qu'il ne devait pas se séparer de son téléphone portable ; qu'il est établi par des photographies et non contesté que le tableau de l'alarme se trouvait sans ce logement, de sorte qu'en cas de déclenchement il pouvait prendre les mesures requises c'est-à-dire se rendre à la centrale de surveillance du Palais Ducal ;
Attendu qu'une fois accomplies toutes les tâches rappelées dans les documents sus décrits et dont le temps était rémunéré comme il l'a été indiqué au titre de la durée légale de travail et par le paiement de 15,81 heures supplémentaires, il était imposé à M. Jean-Claude X... de se trouver dans le logement affecté à la permanence, et dont les éléments de confort médiocre relevés par le salarié ne sont pas déterminants ; que cette présence obligatoire était dégagée de toute sujétion particulière telle que ronde ou intervention ponctuelle, autre que celle de répondre à la situation d'urgence qui pouvait être un éventuel déclenchement de l'alarme à raison d'une situation anormale, tels qu'intrusion, incendie ou dysfonctionnement ; qu'en temps normal, l'intéressé était libre de vaquer à ses occupations personnelles, de sorte que quoique logé au sein du musée il restait dans la sphère de sa vie privée ;
Attendu que les dérangements qu'ont pu provoquer les déclenchements d'alarme voire des contraintes exceptionnelles supplémentaires possibles quoique non démontrées comme l'ouverture du musée au cours d'une pause pour ouvrir la porte à des entreprises chargées de faire des travaux, ont certes constitué des heures de travail effectif qui devaient être payées ; mais qu'elles l'ont été exactement par les 2,1 heures qui sont le reliquat des 18 heures supplémentaires accordées pour une semaine d'astreinte, après utilisation des 15,81 heures exploitées systématiquement au cours de chaque semaine dite "d'astreinte" comme il l'a été démontré ;
Attendu qu'il s'ensuit que c'est à tort que M. Jean-Claude X... prétend au paiement d'une part d'heures supplémentaires au titre des heures exactement qualifiées par la SHLML d'astreintes et d'autre part d'une indemnité de congés payés y afférents ;
Attendu qu'il est aussi sollicité des dommages-intérêts au titre de la privation du bénéfice du repos compensateur ; que cette demande postule que M. Jean-Claude X... a effectué 167 heures supplémentaires chaque semaine de congés payés, ce qui est erroné ; qu'il n'explique pas en quoi les trois jours de repos compensateur qui lui étaient accordés à la suite de chaque semaine dite "d'astreinte" ne le remplissait pas de ses droits à cet égard ; qu'il s'ensuit qu'il sera débouté également de ses demandes de ce chef ;
Attendu que de manière laconique, M. Jean-Claude X... sollicite également le paiement d'une somme de 20 000 ¿ en réparation du non-respect de l'article L 3121-34 selon lequel la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures ; que le relevé des heures supplémentaires effectuées chaque jour d'astreinte, même en intégrant le travail effectif causé par un éventuel déclenchement d'alarme, ne permet pas de faire ressortir plus de dix heures de travail par jour ;
Que M. Jean-Claude X... soulève aussi la violation de l'article L 3131-1 du Code du travail pour soutenir sa demande en alléguant n'avoir pas bénéficié d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives ; que le temps de travail effectif imposé au salarié respectait cette obligation ;
Qu'en revanche c'est à juste titre qu'il se plaint d'avoir travaillé plus de six jours par semaine contrairement aux prescriptions de l'article L 3132-1 du Code du travail, puisqu'il effectuait des heures de travail effectif chaque jour de la semaine, pendant les périodes d'astreinte ;
Que le salarié se fonde aussi à l'appui de cette dernière demande de dommages et intérêts sur l'article L 3121-35 du Code du travail selon lequel au cours d'une même semaine la durée de travail ne peut excéder 48 heures ; que certes, le temps d'intervention à raison du déclenchement de l'alarme, n'entre pas en ligne de compte s'agissant d'une intervention d'urgence au sens de l'article L 3132-4 du Code du travail ; mais que les décomptes qui précèdent établissent que l'intéressé travaillait toujours pendant 50,81 heures par semaine ;
Attendu que l'allocation de la somme de 5 000 € réparera exactement la violation des articles L 3132-1 et L 3121-35 telle que décrite ci-dessus, compte tenu notamment de la durée de cinq ans pendant lesquels le salarié a été soumis à ce régime et de la fréquence de ces violations qui revenaient chaque mois ;
Attendu qu'il ressort des motifs qui précèdent que les conditions de l'organisation de la semaine d'astreinte qui mettent en péril la vie privée du salarié, en méconnaissance de l'article 9 du Code civil, ou qui portent atteinte aux droits du salarié par des restrictions non justifiées par la nature de la tâche à accomplir ou non proportionnée au but recherché qui est la sécurité et les nécessités de l'entreprise en méconnaissance de l'article L 1121-1 du Code du travail, sont exactement indemnisées par l'allocation de dommages et intérêts ;
ALORS QU'une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que l'agent d'astreinte prend son poste le vendredi à 18 heures jusqu'au vendredi 18 heures ; que la fiche de poste versée aux débats confirme que pendant la semaine d'astreinte : l'agent d'astreinte « a l'obligation de se tenir dans l'enceinte du musée », l'astreinte étant effectuée « en tenue de surveillant », la « présence de l'agent d'astreinte est impérative jour et nuit au musée », l'agent d'astreinte ne peut sortir qu'à la condition d'avoir « impérativement obtenu » une autorisation ; qu'il résulte de ces constatations que l'agent d'astreinte n'est pas libre de vaquer librement à des occupations personnelles pendant la semaine complète de présence 7jours/7 24heures/24, et ne bénéficie d'aucun jour de repos (du vendredi au vendredi) ; qu'en refusant d'en déduire que tenu de demeurer en permanence dans les locaux du Musée Lorrain, pendant une période ininterrompue de 7 jours, et 24 heures sur 24, l'agent d'astreinte se trouvait à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, et de requalifier ce temps d'astreinte en temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail ;
ALORS QUE nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que chacun a droit au respect de sa vie privée ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que l'agent d'astreinte était tenu de demeurer en permanence dans les locaux du Musée Lorrain, pendant une période ininterrompue de 7 jours, et 24 heures sur 24 ; qu'en ne tenant pas pour illicite, comme il lui était demandé, cette atteinte manifeste aux droits de personnes et aux libertés individuelles, la cour d'appel a violé les articles 9 du code civil et 1121-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-11940
Date de la décision : 17/09/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 13 décembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 sep. 2015, pourvoi n°14-11940


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.11940
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