LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° H 14-11.010 et T 14-11.135 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Nasr X... a été engagé, courant 1991, en qualité d'employé de station-service par la société Prestige des produits pétroliers ; qu'à compter du 20 juin 2007, la location-gérance du fonds de commerce a été reprise par la société Paris Etoile ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur et sur le premier moyen du pourvoi du salarié :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen du pourvoi du salarié, pris en sa première branche :
Vu les articles R. 1452-6 et R. 1452-7 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société Paris Etoile à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral lié aux conditions de la rupture de la relation de travail, l'arrêt retient que ce préjudice ne relève pas du contentieux dont est saisie la cour ;
Qu'en statuant ainsi, alors que toutes les demandes dérivant du même contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l'objet d'une même instance et que les demandes nouvelles relatives à ce contrat sont recevables en tout état de cause, même en appel, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société Paris Etoile à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, l'arrêt rendu le 21 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Paris Etoile aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Paris Etoile et condamne celle-ci à payer à M. Nasr X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour pour la société Paris Etoile, demanderesse au pourvoi n° H 14-11.010
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SARL PARIS ETOILE à payer à M. Nasr X... d'une part, la somme de 12.436,94 euros à titre à titre de rappel de salaire, soit un rappel de salaire de 303,34 euros par mois sur 41 mois à compter d'avril 2008, d'autre part, celle de 1.243, 69 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférents, dit qu'au titre de la rémunération du temps supplémentaires, le salarié est fondé à réclamer 15 minutes par jour jusqu'à août 2008, pour les jours de travail où il était du matin et 30 minutes pour tous les jours de travail, soit à compter de novembre 2011, le salaire de M. Nasr X... est majoré de 303,34 euros, mesure intégrée dans le salaire payé jusqu'à janvier 2012 inclus, et la SARL PARIS ETOILE est condamné à payer à M. Nasr X... la somme de 7.192, 30 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires du 20 juin 2007 au 31 janvier 2012, et celle de 719,23 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférents, avec les intérêts à compter du 20 mars 2012.
AUX MOTIFS QUE : Sur les heures supplémentaires et congés payés afférents et la pause journalière ; que la convention collective nationale du commerce des services de l'automobile (article 1.10) applicable prévoit que "les journées de travail d'une durée égale ou supérieure à 6 heures doivent âtre interrompues par une ou plusieurs pauses ; que la durée totale de la pause ou des pauses journalières, y compris celle pouvant être consacrée aux repas, ne peut être inférieure à une demi-heure sauf accord du salarié ; que par note de service du 1er juin 2008, la direction a rappelé "les heures d'ouverture de la station soit : de 7h à 21h en semaine et de 8h à 20h, les week end et jours fériés" et s'est plainte de ce que le non respect des heures "d'ouverture" entraînait le mécontentement des clients ainsi qu'une perte importante "de litrages de carburant" et encore de ce que certains employés "abandonnent leur poste" pendant leurs heures de travail sans la permission de l'employeur, "laissant leur collègue seul avec une charge de travail importante aux heures de pointe et sans sécurité" ; comme le premier juge, la cour déduit des termes de cette note que les salariés ont été empêchés de prendre la pause conventionnelle d'une demi heure ; que cette analyse n'est pas remise en cause par les attestations, versées par l'employeur, de deux clients qui témoignent que "M. Y... et ses collègues étaient souvent en pause lors de leur passage à la station ou de celle de deux salariés, M. Z... et Mme A..., qui certifie, pour l'un, que les pompistes avaient la possibilité de faire une pause quand ils le voulaient, pour l'autre, que les pompistes ne voulaient pas être remplacés pendant leur pause afin de ne pas perdre leurs pourboires ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que M. X... pouvait prétendre au paiement d'une demi heure supplémentaire par jour travaillé au titre du temps de pause ; que sur le temps d'ouverture et de fermeture de la station service (comprenant le temps d'habillage/déshabillage) ; qu'il n'est pas contesté que l'employeur a remis au salarié une tenue de travail, qui a été montrée à l'audience, ainsi que des chaussures. Le constat d'huissier versé par M. X... indique que les personnes présentes portent toutes la tenue complète AVIA ; que le règlement intérieur du 22 janvier 2010 (article 3) indique au titre de la prévention des accidents que les salariés sont tenus d'utiliser les moyens de protection mis à leur disposition et de respecter les consignes définies à cet effet (port de casque, gants, chaussures de sécurité, tenue ignifugée.. )" ; que le temps d'habillage et de déshabillage devait par conséquent faire l'objet d'une contrepartie ; qu'au vu des éléments fournis de part et d'autre (notamment, constats d'huissier et attestations), la cour est en mesure d'estimer que le temps de travail nécessaire à l'ouverture et de la station service ainsi qu'à l'habillage et au déshabillage était au total de 15 minutes par jour ; qu'aucun élément probant n'est versé quant au temps nécessaire à la fermeture de la station ; que le jugement du 16 janvier 2012 qui a retenu un temps de 15 mn pour l'ouverture de la station sans prendre en compte le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage sera donc réformé en ce sens sans que les condamnations pécuniaires prononcées à ce titre par le jugement du 20 mars 2012 soient modifiées (arrêt attaqué p. 5, 6 et 7)
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE (jugement 16 janvier 2012) : « selon les dispositions de l'Article 1.10 de la convention collective, qui reprennent les dispositions légales en les modifiant au bénéfice des salariés « Les journées de travail d'une durée égale ou supérieure à 6 heures doivent être interrompues par mie ou plusieurs pauses. La durée totale de la pause ou des pauses journalières, y compris celle pouvant être consacrée au repas, ne peut être inférieure à une demi-heure sauf accord du salarié » ; que par note de service du 1er juin 2008, la direction s'est plainte que certains salariés abandonnent leur poste pendant leurs heures de travail exigeant ainsi que les salariés soient à sa disposition pendant toute la durée de leur service d'une durée de sept heures, la société PARIS ETOILE ne peut pas soutenir avec succès devant le conseil de prud'hommes qu'elle accorde à M. X... un temps de pause qu'il renonce à prendre ; celui-ci a donc été privé de la possibilité de s'arrêter de travailler pendant 30 minutes instituée par les dispositions des articles L. 3121-33 du code du travail et 1.10 de la convention collective et il a subi de ce fait un préjudice ; que par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article L. 3121-2 du code du travail le temps de pause éludé est rémunéré comme du temps de travail si pendant la durée correspondante le salarié est resté à la disposition de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à ses occupations ; telle est la situation de l'espèce comme le révèlent les termes de la note de service du 1er juin 2008 ; qu'il en résulte que M. X... est fondé à demander réparation de son préjudice pour le paiement de la rémunération d'une demi-heure par jour ; qu'il résulte de ce qui précède que les heures supplémentaires dues sont les suivantes : - 15 minutes par jour jusqu'à août 2008 pour les jours de travail où le demandeur était du matin - et 30 minutes pour tous les jours de travail » (jugement entrepris du 16 janvier 2012 p. 6 et 7).
ALORS QUE 1°) : dans ses conclusions d'appel (p.13 et s.), la Société PARIS ETOILE avait démontré que « comme pour les temps d'habillage et de déshabillage (...), l'ouverture de la station se déroulait pendant leur temps de travail » ; qu'en se bornant d'une part, à dire que « le temps de travail nécessaire à l'ouverture de la station service ainsi qu'à l'habillage et au déshabillage était au total de 15 minutes par jour », et d'autre part, à affirmer, par motifs adoptés des premiers juges (jugement entrepris du 16 janvier 2012, p.6) sans le justifier, que le salarié se serait nécessairement présenté 15 minutes avant l'ouverture à 7 heures, pour préparer le site, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1315 du Code civile et L. 3171-4 du Code du travail
ALORS QUE 2°) : seules les périodes de pause pendant lesquelles le salarié demeure à la disposition de l'employeur et ne peut vaquer librement à ses occupations personnelles constituent du travail effectif ; qu'en l'espèce, l'exposante avait démontré dans ses conclusions d'appel (p.16 et s.) que la note de service du 1er juin 2008 avait eu pour objet d'organiser les temps de travail et de repos des salariés pour des mesures de sécurité, sans pour autant que les salariés soient obligés de rester à la disposition de l'employeur, pendant leur période de pause ; qu'en se fondant exclusivement sur cette note de service du 1er juin 2008 pour décider le contraire, sans s'expliquer sur ce point, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L.3121-2 du Code du travail.
Moyens produits par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, M. X..., demandeur au pourvoi n° T 14-11.135
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement d'une somme de 5 000 € au titre de la contrepartie financière pour le temps d'habillage et de déshabillage et d'avoir dit que le salarié n'était fondé au titre de la rémunération des heures supplémentaires à ne réclamer que 15 minutes par jour pour l'ouverture de la station et l'habillage et le déshabillage ;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que l'employeur a remis au salarié une tenue de travail, qui a été montrée à l'audience, ainsi que des chaussures ; que le constat d'huissier versé par Monsieur X... indique que les personnes présentes portent toutes la tenue complète Avia ; que le règlement intérieur du 22 janvier 2010 (article 3) indique au titre de la prévention des accidents que les salariés sont tenus d'utiliser les moyens de protection mis à leur disposition et de respecter les consignes définies à cet effet « ( port de casque, gants, chaussures de sécurité, tenue ignifugée.,) ». Le temps d'habillage et de déshabillage devait par conséquent faire l'objet d'une contrepartie ; qu'au vu des éléments fournis de part et d'autre (notamment, constats d'huissier et attestations), la cour est en mesure d'estimer que le temps de travail nécessaire à l'ouverture et de la station-service ainsi qu'à l'habillage et au déshabillage était au total de 15 minutes par jour ; qu'aucun élément probant n'est versé quant au temps nécessaire à la fermeture de la station ; que le jugement du 16 janvier 2012 qui a retenu un temps de 15 mn pour l'ouverture de la station sans prendre en compte le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage sera donc réformé en ce sens sans que les condamnations pécuniaires prononcées à ce titre par le jugement du 20 mars 2012 soient modifiées (arrêt page 7).
ALORS QUE, lorsque les opérations d'habillage et de déshabillage doivent être réalisées sur le lieu de travail et qu'elles ne sont pas assimilées à un temps de travail effectif, le temps nécessaire à ces opérations doit faire l'objet de contreparties soit sous forme de repos, soit financières, déterminées par accord collectif ou par le contrat de travail; qu'il résulte de l'article L. 3121-3 du code du travail qu'en l'absence d'accord collectif ou de clauses dans le contrat de travail, il appartient au juge de fixer la contrepartie dont doivent bénéficier les salariés qui le saisissent ; qu'en l'espèce, après avoir admis que le salarié était fondé en sa demande concernant le temps d'habillage et de déshabillage, la cour d'appel a considéré que le jugement du 16 janvier 2012 qui avait retenu un temps de 15 minutes pour l'ouverture de la station sans prendre en compte le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage devait être réformé en ce sens sans pour autant que les condamnations pécuniaires prononcées à ce titre par le jugement du 20 mars 2012 soient modifiées ; qu'en statuant de la sorte quand il lui appartenait de déterminer, en fonction des prétentions respectives des parties la contrepartie financière dont elle avait admis le principe, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé les articles L. 3121-3 du code du travail et les articles 4 et 12 du code de procédure civile ;
SUR LE
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Nasr X... de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société Paris Etoile à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... fait valoir que la société Paris Etoile communiquait les plannings mensuellement et avec une avance qui allait de quelques jours à un mois, alors qu'avec le précédent employeur, ils étaient établis une fois par an ; qu'il en a résulté des difficultés pour les salariés pour s'organiser ; qu'il a demandé, en vain, la transmission des plannings dans un délai préalable de 6 mois ; qu'il a été mis à pied à la suite d'une garde à vue résultant notamment des fautes de l'employeur, puis traité dans des conditions humiliantes ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en avril 2013 ; qu'il a fait l'objet d'arrêts maladie à caractère professionnel ; que toutes ces années de conflit avec la société Paris Etoile l'ont « brisé » ; que lorsque comme en l'espèce les horaires de travail sont variables, l'établissement des plannings relève du pouvoir propre de l'employeur, sauf abus qui n'est pas ici caractérisé ; qu'en effet, l'employeur affirme, sans être démenti, qu'il communiquait les plannings mensuels au plus tard le 20 de chaque mois pour le mois suivant entier et qu'il ne s'est jamais opposé à des changements d'horaires ou à des demandes de congé afin notamment de permettre à Monsieur X... d'être présent à l'occasion du suivi médical de son enfant ; que le préjudice lié aux conditions de la rupture de la relation de travail ne relève pas du contentieux dont est à ce jour saisie la cour ; que la demande sera rejetée et le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE lorsque comme en l'espèce les horaires de travail sont variables l'établissement des plannings relève du pouvoir propre de l'employeur, sauf abus que les pièces produites (relatives au suivi médical particulier d'un enfant de Monsieur X...) n'établissent pas en l'espèce ; qu'il n'est en particulier même pas soutenu que l'employeur ait refusé une modification d'horaire motivée par le suivi de l'enfant ; que la demande doit dès lors être rejetée ;
ALORS QUE, d'une part, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont toujours recevables même en cause d'appel ; qu'en refusant de se prononcer sur le préjudice lié à la rupture du contrat de travail aux motifs qu'il ne relevait pas du contentieux dont elle était saisie à ce jour, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-7 du code du travail ;
ALORS QUE, d'autre part, il appartient à la cour d'appel de statuer en fait et en droit sur toutes les demandes dont elle est saisie ; qu'en refusant de se prononcer sur le préjudice lié à la rupture du contrat invoqué par le salarié, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.