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10/09/2015 | FRANCE | N°14-24691

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 septembre 2015, 14-24691


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 juin 2014), que Mme X..., souffrant d'un lymphome malin ayant nécessité, entre les mois de juillet et de novembre 2007, un traitement de chimiothérapie comportant des anthracyclines, a été hospitalisée en urgence en janvier 2008, en raison d'une insuffisance cardiaque révélant une cardiopathie sévère ; qu'imputant cette pathologie au traitement, Mme X... et ses deux filles ont formé une demande d'indemnisation au

titre de la solidarité nationale, auprès de l'Office national d'indemnis...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 juin 2014), que Mme X..., souffrant d'un lymphome malin ayant nécessité, entre les mois de juillet et de novembre 2007, un traitement de chimiothérapie comportant des anthracyclines, a été hospitalisée en urgence en janvier 2008, en raison d'une insuffisance cardiaque révélant une cardiopathie sévère ; qu'imputant cette pathologie au traitement, Mme X... et ses deux filles ont formé une demande d'indemnisation au titre de la solidarité nationale, auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande ;
Attendu qu'après avoir relevé, par une appréciation exclusive de dénaturation, que, s'ils ne pouvaient totalement exclure la toxicité des anthracyclines dans la survenue de l'atteinte cardiaque de Mme X..., les experts formulaient plusieurs réserves quant au lien de causalité entre l'affection et le traitement, en raison notamment de la faible quantité des doses administrées, de la survenance précoce de la cardiopathie, du contexte inflammatoire, d'images pulmonaires atypiques et de la constatation d'une récupération quasi-totale, circonstance rarissime, ce qui leur permettait d'envisager d'autres facteurs à l'origine de l'accident, la cour d'appel a pu en déduire, sans avoir à procéder à d'autres recherches que ses constatations rendaient inopérantes, que les préjudices dont les consorts X... demandaient l'indemnisation n'étaient pas directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins au sens de l'article L. 1142-1, II du code de la santé publique ; que le moyen, non fondé en ses quatre premières branches, est inopérant en sa cinquième en ce qu'il critique des motifs surabondants ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes tendant à voir dire et juger qu'elle a été victime d'une affection iatrogène en ce que le traitement par anthracyclines qui lui a été administré a été à l'origine de la pathologie cardiaque qu'elle a développée, dire et juger que Madame X... justifie des conditions ouvrant droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale au regard du taux de 33 % de déficit fonctionnel permanent, et en conséquence, de voir condamner l'ONIAM à indemnisation de ses préjudices ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre doit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ; qu'il résulte de l'expertise judiciaire que Mme X..., âgée de 47 ans, sans antécédent, a présenté un lymphome malin à grandes cellules de haut grade de localisation gastrique, qu'elle a subi au Centre Léon Bérard huit cures de chimiothérapie, que les doses d'anthracycline qui lui ont été administrées n'étaient ni anormales ni considérables, mais pouvaient néanmoins être agressives pour le coeur ; que l'historique médical de la pathologie cardiaque peut, au vu du rapport d'expertise, être résumé comme suit : - le 27 juin 2007, c'est-à-dire avant la chimiothérapie, Mme X... disposait d'une fonction cardiaque parfaitement normale, - le 27 janvier 2008, elle a subi une dyspnée aiguë nécessitant une hospitalisation d'urgence avec mise en évidence d'une insuffisance cardiaque et transfert à l'hôpital cardiologique, - le premier compte-rendu cardiologique du 15 février 2008 expose que la dyspnée est apparue après une hyperthermie, que l'embolie pulmonaire peut être écartée, que l'échocardiographie montre une myocardiopathie dilatée, pouvant être attribuée aux anthracyclines, - après une amélioration symptomatique en avril 2008 grâce à la bonne réponse au traitement diurétique, Mme X... a fait une nouvelle décompensation cardiaque en mai 2008, - une amélioration significative des paramètres cardiaques est constatée en juillet 2008 (dyspnée réduite aux efforts importants mais hypotension orthostatique), - en août 2008, des arthralgies diffuses et des lourdeurs palpébrales apparaissent, faisant évoquer une myasthénie et une miliaire pulmonaire, - en novembre 2008, la fonction cardiaque est quasi normale, d'où il résulte une consolidation sur ce point, mais d'autres symptômes persistent (pulmonaire bilatérale de type miliaire et pneumatose kystique colique diffuse), - le 15 juillet 2009, intervient une nouvelle dégradation transitoire de la fonction cardiaque, - l'état cardiaque de Mme X... est stable le jour de l'expertise ; que les experts rappellent que pour des doses d'anthracycline inférieures ou égales à 400 mg/m2, la survenue d'une insuffisance cardiaque est statistiquement de 0,14% ; qu'ils précisent que la prescription d'anthracycline peut induire des complications cardiaques quelque soit la dose ; qu'ils considèrent que la toxicité des anthracyclines ne peut être totalement exclue dans la survenue de l'atteinte cardiaque de Mme X... ; qu'ils formulent cependant plusieurs réserves sur le lien de causalité entre les anthracyclines et la cardiopathie, notamment en raison de la faible quantité des doses administrées, de la survenance précoce de la cardiopathie par rapport à l'administration des anthracyclines, de l'existence d'un contexte fébrile, avec possibilité d'un co-facteur infectieux, et de la constatation d'une régression rapide et d'une récupération quasi-totale, ce qui est rarissime ; qu'ils indiquent en substance : "les circonstances de survenance de cette cardiopathie, avec un contexte inflammatoire, des images pulmonaires atypiques, permettent d'envisager d'autres facteurs responsables de cet accident" ; qu'ils évoquent à ce titre la possibilité d'une sarcoïdose, même si celle-ci ne peut être retenue de manière certaine, en raison de l'absence de support anatomopathologique ; qu'ils indiquent en outre que Mme X... a présenté une pneumatose d'origine inconnue, et très invalidante ; qu'en définitive les experts ne sont nullement affirmatifs sur l'origine de la cardiopathie et ne concluent pas à une imputabilité certaine de celle-ci au traitement par anthracycline ; qu'en conséquence, même si les médecins traitants ont évoqué une cardiopathie aux anthracyclines, il ne peut être retenu que les préjudices subis par Mme X... sont "directement imputables" au traitement qui a été administré ; que les conditions exigées pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies ; que le jugement qui a débouté les appelantes de leurs demandes doit être confirmé (arrêt, p. 5 et 6) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE dans le cas présent il convient de rappeler que Mme Anna X..., atteinte d'un lymphome malin de haut grade de localisation gastrique, a donc été traitée par chimiothérapie dont certains composants sont des anthracyclines ; que les experts précisent, dans leurs conclusions et leurs réponses aux dires des parties, que "l'option chimiothérapique choisie Adriblastine, Rituxitnat, Endoxan...n'est pas fautive car obligatoire pour guérir la malade, l'Adriamycine reste un produit incontestable ; sa non utilisation, ou un traitement abrégé aurait eu un impact sur la rémission complète et la guérison", alors qu'auparavant, les mêmes experts indiquent encore que "l'introduction d'une autre anthracycline moins cardiotoxique constituerait assurément et sans discussion une faute thérapeutique... et une administration selon un mode différent constituerait assurément et sans discussion une faute thérapeutique » ; qu'il découle de ces conclusions que Mme Anna X..., compte tenu de la gravité de son état antérieur, ne pouvait pas échapper au traitement ainsi appliqué par ses médecins qui se trouve être le seul lui permettant une rémission de son lymphome malin de haut grade ; qu'en conséquence, si Mme Anna X... a pu subir un dommage en lien avec le traitement chimiothérapique effectué, ce qui n'est d'ailleurs pas établi de manière certaine compte tenu des autres conclusions des experts qui ne sont nullement affirmatives sur le lien entre le traitement et l'affection cardiaque subie, pour autant ce traitement, obligatoire selon les experts sous peine de constituer une faute dans les soins, n'a pas eu pour le patient de conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution très péjorative de celui-ci ; qu'ainsi, les conditions posées par l'article L. 1142-1-II du code de la sante publique ne sont pas remplies, et Mme Anna X... ne peut arguer d'une affection iatrogène pour prétendre obtenir une indemnisation au titre de la solidarité nationale et elle sera donc purement et simplement déboutée de toutes ses demandes (jugement, p. 2) ;
1°) ALORS QU'il résulte du rapport d'expertise médicale que même si l'accident cardiaque de Mme X... pouvait avoir eu d'autres co-facteurs et était survenu dans des conditions atypiques, la toxicité des anthracyclines ne pouvait être exclue comme cause de la cardiopathie développée par la patiente, les experts concluant à une « atteinte cardiaque secondaire à la chimiothérapie » qui « pourrait être un accident médical non fautif ou un aléa thérapeutique » ; qu'en jugeant que les experts n'avaient pas conclu à l'imputabilité certaine de la cardiopathie de Mme X... au traitement par anthracycline qui lui avait été administré dans le cadre de la chimiothérapie, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS, subsidiairement, QUE selon l'article L. 1142-1, II du code de la santé publique, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret ; que pour écarter la prise en charge des préjudices subis par Mme X... au titre de la solidarité nationale, la cour d'appel a jugé que ceux-ci ne pouvaient être considérés comme directement imputables au traitement par anthracycline ; qu'en statuant ainsi après avoir constaté que les experts indiquaient que la prescription d'anthracyclines pouvait induire des complications cardiaques quelque soit la dose, de sorte que la toxicité de ce traitement ne pouvait être exclue dans la survenue de l'atteinte cardiaque de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, II du code de la santé publique ;
3°) ALORS, subsidiairement, QUE pour juger que les experts n'avaient pas conclu à l'imputabilité certaine de la cardiopathie au traitement par anthracycline, la cour d'appel a retenu que ceux-ci avaient formulé plusieurs réserves sur ce lien de causalité au regard des conditions d'apparition et de guérison de la cardiopathie ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si, comme le faisait valoir Mme X... (conclusions d'appel p. 17 et s.), ces réserves n'avaient pas été finalement levées par les experts au regard des données de la littérature médicale, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1142-1, II du code de la santé publique ;
4°) ALORS, subsidiairement, QUE dans ses conclusions, Mme X... faisait valoir, d'une part, que la sarcoïdose évoquée par les experts était restée à l'état de simple hypothèse et que les troubles cardiaques, résorbés avant tout traitement par corticothérapie, ne pouvaient être rattachés à celle-ci (conclusions p. 14) et, d'autre part, que les autres pathologies évoquées par les experts, pneumatose et complications liées à la corticothérapie, étaient apparues postérieurement à la survenance de la cardiopathie, dans des conditions ne permettant pas non plus de les rattacher à celle-ci (conclusions p. 16) ; qu'en retenant, pour juger que les experts n'avaient pas conclu à l'imputabilité certaine de la cardiopathie au traitement par anthracycline, que ceux-ci indiquaient que d'autres facteurs responsables de cet accident pouvaient être envisagés, et invoquaient à ce titre la possibilité d'une sarcoïdose et la pneumatose d'origine inconnue développée par Mme X..., sans répondre aux chefs précités des conclusions de cette dernière selon lesquels les conditions d'apparition de ces pathologies ne remettaient pas en cause le rôle causal du traitement par antracyclines dans l'apparition de la cardiopathie, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences légales de motivation et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE l'article L. 1142-1, II du code de la santé publique ne subordonne pas la réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale au caractère non obligatoire du traitement ayant provoqué un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ; qu'à supposer adoptés les motifs du jugement, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever que le traitement de chimiothérapie administré à Mme X... était obligatoire pour en déduire l'absence de conséquence anormale de ce traitement au regard de l'état de santé de la patiente ou de l'évolution de celui-ci ; qu'en statuant ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-24691
Date de la décision : 10/09/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 17 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 sep. 2015, pourvoi n°14-24691


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.24691
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