La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2015 | FRANCE | N°14-22707

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 septembre 2015, 14-22707


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 février 2014) et les productions, que sur la base d'un plan social élaboré en 1979 et 1980, les sociétés du groupe Rhône Poulenc, aux droits desquelles se trouvent la société Rhodia et la société Aventis Pharma, devaient accorder aux salariés qui accepteraient de quitter l'entreprise pour motif économique entre 57 et 60 ans une allocation complémentaire de retraite (ACR) devant être versée à l'âge de 65 ans par l'une des de

ux caisses du groupe, dont la Caisse d'allocation complémentaire de vieilless...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 février 2014) et les productions, que sur la base d'un plan social élaboré en 1979 et 1980, les sociétés du groupe Rhône Poulenc, aux droits desquelles se trouvent la société Rhodia et la société Aventis Pharma, devaient accorder aux salariés qui accepteraient de quitter l'entreprise pour motif économique entre 57 et 60 ans une allocation complémentaire de retraite (ACR) devant être versée à l'âge de 65 ans par l'une des deux caisses du groupe, dont la Caisse d'allocation complémentaire de vieillesse, décès et invalidité (CAVDI) ; qu'après leur départ anticipé à la retraite, les salariés concernés, estimant que l'ACR qui leur était versée par la CAVDI n'avait pas été calculée conformément aux coefficients de bonification prévus dans le plan social ont obtenu la condamnation définitive des sociétés du groupe Rhône Poulenc, au titre de leur responsabilité contractuelle, à leur verser des dommages-intérêts correspondant à la fraction de revalorisation éludée, payable pour partie sous forme de capital et pour partie sous forme de rente viagère ; qu' après leur décès, la CAVDI, qui avait intégralement exécuté au profit des salariés les condamnations ainsi prononcées, a refusé de payer à leurs conjoints survivants une allocation complémentaire de réversion calculée de la même manière ; qu'estimant que les sociétés du groupe Rhône Poulenc, en ne respectant pas les engagements du plan social, avaient engagé leur responsabilité délictuelle, Mme X... et quinze autres veuves de salariés bénéficiaires du plan social les ont assignées en indemnisation de leur préjudice ; que l'une des veuves, Joséphine Y..., étant décédée le 6 septembre 2012, ses ayants droit, MM. Yves et André Y... ont repris l'instance ;
Attendu que les sociétés Rhodia et Aventis Pharma font grief à l'arrêt de les condamner à payer aux défenderesses diverses sommes à titre de dommages-intérêts par trimestre leur vie durant, arrêtées au 30 juin 2010, majorées des revalorisations à échoir depuis cette date jusqu'à celle de leur paiement, outre les revalorisations ultérieures, alors, selon le moyen :
1°/ que la note du 13 janvier 1983 intitulée « cessation anticipée d'activité à partir de 55 ans intervenant dans le cadre d'un contrat de solidarité » consacrant l'engagement unilatéral consenti par la société Rhône Poulenc ne vise au titre de ses « bénéficiaires » que les « salariés démissionnaires » ; que cette note est muette concernant leurs ayant droits, ce dont il résulte clairement que la société ne s'est pas engagée vis-à-vis de ces derniers; qu'en retenant que la société Rhône Poulenc avait conféré « implicitement mais nécessairement » à ses salariés un avantage vieillesse non seulement personnel, mais aussi un avantage réversible à leur épouse, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'un manquement contractuel ne peut engager la responsabilité de son auteur à l'égard des tiers que s'il constitue également une faute quasi délictuelle ; qu'en se bornant à faire référence aux décisions de justice ayant condamné les sociétés du groupe Rhône Poulenc à verser à leurs anciens salariés des dommages-intérêts sur le fondement des engagements pris envers eux, pour en déduire qu'elles avaient engagé leur responsabilité délictuelle envers les ayants droits de ces derniers, sans caractériser en quoi l'inexécution de leurs engagements contractuels envers leurs anciens salariés avait constitué une faute quasi délictuelle envers leurs veuves, après avoir affirmé que les tiers à un contrat sont fondés à invoquer tout manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement leur a causé un dommage, sans avoir à rapporter d'autre preuve, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ;
Et attendu qu'après avoir constaté qu'en application de l'article 7 des statuts de la CAVDI l'allocation de réversion est proportionnelle à l'allocation que percevait le conjoint, l'arrêt retient que chacune des veuves des salariés concernés subit un préjudice personnel par la privation d'une partie de ses droits propres à la perception de la fraction réversible revalorisée de l'allocation complémentaire de retraite et que ce préjudice résulte de l'inexécution par ces sociétés de leurs obligations contractuelles ;
Qu'en l'état de ces seules constatations et énonciations et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche du moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Rhodia et Aventis Pharma aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Rhodia et Aventis pharma, les condamne in solidum à payer à Mme Z... et aux quinze autres défendeurs la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quinze, signé par Mme Flise, président, et par Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Rhodia, la société Aventis Pharma
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société RHODIA à verser aux défenderesses au pourvoi diverses sommes à titre de dommages et intérêts par trimestre leur vie durant, arrêtées au 30 juin 2010, majorées des revalorisations à échoir depuis cette date jusqu'à celle de leur paiement outre les revalorisations ultérieures, ainsi qu'une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Au soutien de leur appel, les deux sociétés soutiennent tout d'abord que les salariés avaient formé des demandes contentieuses non pas contre la CAVDI mais contre leurs anciens employeurs et il leur a été alloué des dommages-intérêts. De ce fait, les demandes indemnitaires des veuves de ces salariés qui réclament 60 % du montant de ces sommes se heurtent à la prescription de dix ans et n'ont pas de fondement juridique.Sur la prescription, les intimées ont fondé leurs actions sur le fait qu'après le décès de leurs conjoints salariés et bénéficiaires de prestations indemnitaires versées en application de décisions judiciaires qui avaient consacré l'obligation des sociétés Rhodia et Aventis Pharma à tenir à leur égard des engagements non respectés, les dites sociétés avaient cessé tout versement à leur égard; il s'en déduit que le point de départ de la prescription de dix ans prévue à l'article 2270-1 du code civil doit avoir pour point de départ, la date du décès de leurs conjoints respectifs, date à partir de laquelle la société n'a pas respecté ses engagements.Il résulte des pièces communiquées par les intimées que les décès de leurs conjoints sont tous survenus à partir du 30 avril 2008. La saisine du tribunal de grande instance étant intervenue courant 201l, il n'y a pas lieu de constater la prescription décennale.Sur le fond de la demande, il ressort des éléments du dossier que sur la base d'un plan social élaboré en 1979 et 1980, les sociétés du groupe Rhône Poulenc aux droits desquelles se trouvent les sociétés Rhodia et Aventis Pharma devaient accorder aux salariés qui acceptaient de quitter l'entreprise pour motif économique entre 57 et 60 ans, une allocation complémentaire de retraite revalorisable selon certains coefficients en considération de droits acquis en vigueur à la signature de ce plan social.Après leur départ anticipé à la retraite, les salariés estimant que la revalorisation de leur allocation complémentaire de retraite n'avait pas été correctement calculée ont obtenu la condamnation définitive des sociétés du groupe Rhône Poulenc au titre de la responsabilité contractuelle à leur verser des dommages-intérêts correspondant à la fraction de revalorisation éludée payable partie sous forme de capital et partie sous forme de rente jusqu'à leur décès.
Au décès des salariés concernés, la CAVDI qui avait exécuté les termes des décisions de condamnations n'a pas versé aux conjoints survivants une allocation complémentaire de réversion calculée de la même manière.Contrairement à ce que soutiennent les sociétés du groupe, il ressort des éléments ci-dessus exposés que chacune des veuves de salariés subit un préjudice personnel par la privation d'une partie de ses droits propres à la perception de la fraction réversible revalorisée de l'allocation complémentaire de retraite. Ce préjudice résulte de l'inexécution par ces sociétés de leurs obligations contractuelles dès lors qu'en application de l'article 7 des statuts de la CAVDI, l'allocation de réversion est proportionnelle à l'allocation que percevait le conjoint.Par d'exacts motifs que la cour fait siens, le premier juge a retenu qu'en application des articles 1165, 1382 et 1383 du code civil, la responsabilité délictuelle des défenderesses peut être mise en jeu, puisque les tiers à un contrat sont fondés à invoquer tout manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement leur a causé un dommage.De même, les dispositions du jugement ayant fixé le montant des condamnations ne sont pas discutées en elles-mêmes.Le jugement sera donc confirmé dans toutes ses dispositions.L'équité commande d'allouer à l'ensemble des intimées une seule indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1 500 euros »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Rhône Poulenc s'était engagé à ce que ses salariés quittant l'entreprise bénéficient d'une ACR "en tenant compte des prestations estimées à leur valeur à 60 ans."Les prestations déductibles sont affectées d'un coefficient qui dépend de l'âge ainsi déterminé au moment où la société Rhône Poulenc a établi son plan :- pour la sécurité sociale 25% à 60 ans 50% à 65 ans - pour les régimes complémentaires ARRCO et AGIRC :78% à 60 ans 100% à 65 ans Au moment où les salariés ont pris leur retraites avaient été votées les ordonnances Questiaux qui ont abaissé l'âge de la retraite à 60 ans, si bien que Rhône Poulenc a fait calculer les ACR en déduisant 50% et 100% des avantages servis par la sécurité sociale et les régimes complémentaires.Si les salariés ont été déboutés de leurs demandes à l'encontre de la CADVI, les statuts de celle-ci ne permettant pas de faire droit aux demandes des salariés, Rhône Poulenc a été condamné à des dommages-intérêts correspondant exactement au différentiel non versé.Il ne peut être contesté que l'ACR est un avantage vieillesse qui comme tel a vocation à réversion, après décès de son titulaire. En effet il résulte de l'article 7 du règlement de la CADVI que "la veuve d'un allocataire a droit, à partir de 50 ans, à une allocation de réversion égale à 60 % de l'allocation que percevait le conjoint ".
Il s'en suit implicitement mais nécessairement, que Rhône Poulenc en négociant les plans sociaux a conféré à ses salariés un avantage vieillesse non seulement personnel, mais aussi un avantage réversible à l'épouse.Qu'à cet égard il convient d'observer les nombreuses dispositions des plans qui visent à garantir les ressources du conjoint survivant en lui assurant une continuité de son revenu, par exemple: allocation en cas de décès de sommes versées par les ASSEDIC, garantie décès, rente de conjoint...En outre, il convient de rappeler que les procès à l'encontre de l'IRP.RP dont le règlement intérieur était différent de celui de la CADVI, ont reconnu aux salariés un droit à pension retraite calculé sur les bases ci-avant rappelées, si bien que sans nouveau procès leurs veuves perçoivent une pension de réversion calculée telle que la réclament les demanderesses.Par suite l'employeur qui n'a pas respecté ses engagements contractuels à l'égard de ses salariés, a également commis une faute à l'égard des veuves, en les privant d'un droit directement lié à l'octroi d'une pension retraite de leur conjoint.Qu'ainsi par application des articles 1165, 1382,1383 du Code civil la responsabilité délictuelle des défenderesses peut être mise jeu, les tiers à un contrat étant fondés à invoquer tout manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement leur a causé un dommage, sans avoir à rapporter d'autre preuve.Par suite, il sera fait droit aux réclamations des demanderesses dans les termes du dispositif, les défenderesses étant déboutées de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile »
1/ ALORS QUE la note du 13 janvier 1983 intitulée « cessation anticipée d'activité à partir de 55 ans intervenant dans le cadre d'un contrat de solidarité » consacrant l'engagement unilatéral consenti par la société RHONE POULENC ne vise au titre de ses « bénéficiaires » que les « salariés démissionnaires » ; que cette note est muette concernant leurs ayant droits, ce dont il résulte clairement que la société ne s'est pas engagée vis-à-vis de ces derniers; qu'en retenant que la société Rhône Poulenc avait conféré « implicitement mais nécessairement » à ses salariés un avantage vieillesse non seulement personnel, mais aussi un avantage réversible à leur épouse, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2/ ALORS QU'un manquement contractuel ne peut engager la responsabilité de son auteur à l'égard des tiers que s'il constitue également une faute quasi délictuelle ; qu'en se bornant à faire référence aux décisions de justice ayant condamné les sociétés du groupe RHONE POULENC à verser à leurs anciens salariés des dommages et intérêts sur le fondement des engagements pris envers eux, pour en déduire qu'elles avaient engagé leur responsabilité délictuelle envers les ayants droits de ces derniers, sans caractériser en quoi l'inexécution de leurs engagements contractuels envers leurs anciens salariés avait constitué une faute quasi-délictuelle envers leurs veuves, après avoir affirmé que les tiers à un contrat sont fondés à invoquer tout manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement leur a causé un dommage, sans avoir à rapporter d'autre preuve, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-22707
Date de la décision : 10/09/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 04 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 sep. 2015, pourvoi n°14-22707


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.22707
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award