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09/07/2015 | FRANCE | N°14-22227

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 juillet 2015, 14-22227


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 10 juin 2014), qu'Hervé X..., salarié de la société PSA Peugeot Citroen en qualité de cariste, s'est pendu dans son garage le 20 mai 2010 ; que sa veuve, Mme X..., née Y..., a demandé à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier (la caisse) la prise en charge du suicide de son époux au titre de la

législation professionnelle ; que la caisse ayant rejeté sa demande, elle a s...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 10 juin 2014), qu'Hervé X..., salarié de la société PSA Peugeot Citroen en qualité de cariste, s'est pendu dans son garage le 20 mai 2010 ; que sa veuve, Mme X..., née Y..., a demandé à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier (la caisse) la prise en charge du suicide de son époux au titre de la législation professionnelle ; que la caisse ayant rejeté sa demande, elle a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen :
1°/ que le suicide d'un salarié à son domicile survenu par le fait du travail constitue un accident de travail ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que la victime effectuait un travail sur un rythme 3x8 depuis plus de vingt ans, qui était exigeant et stressant, s'était vu récemment reprocher des fautes quant à la sécurité de la manutention et avait demandé un changement de poste depuis mars 2009 motivé par son état de fatigue, mutation qui n'avait pas eu lieu, qu'il avait depuis peu un nouveau supérieur avec lequel il avait dit à sa mère ne pas s'entendre, qui lui donnait à faire des heures supplémentaires, prétendument à sa demande, en dépit de son état de fatigue et de stress et enfin que le suicide avait eu lieu au moment où il devait se rendre à son travail ; qu'en décidant néanmoins qu'il n'existait pas de lien entre le suicide de M. X... et son travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ qu'au demeurant, il résulte de ses constatations, propres et adoptées, que la victime était épuisée et stressée et avait pour ces raisons, reconnues par ses supérieurs, demandé dès mars 2009 un changement de poste qui lui a été refusé ; qu'il a également été constaté qu'il avait mis fin à ses jours au moment où il devait se rendre à son travail ; que par conséquent, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, retenir l'absence de lien causal entre le suicide et le travail ; que ce faisant, elle a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'accident du travail peut provenir d'une usure progressive au travail, découlant d'un rythme épuisant, de responsabilités lourdes et de reproches dans le travail ; qu'en exigeant la survenance d'un évènement particulier survenu les jours précédant le décès de nature à perturber fortement la victime ou à provoquer un choc psychologique, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que les cinq membres du personnel, collègues de travail ou supérieurs hiérarchiques de l'intéressé, entendus au cours de l'enquête administrative diligentée par la caisse pensent tous sans exception que le geste d'Hervé X... n'a pas de lien avec son activité professionnelle ; que tous ont également pu constater que l'attitude de l'intéressé avait changé depuis quelques mois, qu'il se renfermait de plus en plus sur lui-même et avait adopté des comportements inadéquats (vol d'un téléphone portable, dissimulation des clés d'un collègue) mais aucun n'a été en mesure de donner des précisions sur les raisons de ce malaise ; que le médecin du travail, lorsqu'il l'a examiné le 23 février 2010, soit trois mois avant son suicide, l'avait déclaré apte à son travail, alors que les signes d'un changement de son attitude avaient déjà été observés par ses collègues de travail ; qu'ils n'ont pas non plus fait état de relations conflictuelles au travail ; que s'agissant du souhait de changer de poste, la responsable de groupe indique qu'elle lui avait parlé d'un changement de poste s'il le désirait et qu'il y avait des opportunités à venir ; que le secrétaire du comité d'établissement confirme que Hervé X... désirait changer de poste, mais pas dans l'urgence ; que lors de son entretien d'évaluation du 18 février 2010, ce dernier mentionnait que son poste de cariste lui plaisait mais que par la suite, il souhaiterait changer de chantier car le poste qu'il occupait était très fatigant ; que lors de l'entretien annuel réalisé en mars 2009, il envisageait une mobilité fonctionnelle et/ ou géographique « mais pas dans l'immédiat » ; qu'il semble donc que la volonté de changer de poste existait mais n'avait pas un caractère urgent et impérieux ; que la mère d'Hervé X... évoque que celui-ci lui avait dit en janvier 2010 qu'il avait un nouveau chef et ne s'entendait pas avec lui, le courant ne passant pas ; qu'il ne peut toutefois être fait de lien entre une mésentente avec son responsable, au demeurant hypothétique, et un acte aussi grave que le suicide, d'autant que celui-ci travaillait depuis près de vingt ans au sein de l'entreprise et était un salarié apprécié et bien noté ; que les appréciations figurant dans son évaluation du mois de février 2010 n'étaient pas de nature, objectivement, à provoquer en lui un sentiment d'injustice, ou une quelconque émotion négative pouvant conduire à un geste désespéré ; qu'il n'est pas fait état d'un événement particulier qui serait survenu dans le contexte professionnel pendant les jours précédant le décès et qui aurait été de nature à perturber fortement l'intéressé ou à provoquer un choc psychologique ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel a pu, sans se contredire, retenir qu'il n'était pas démontré que le décès de la victime était dû à son travail, de sorte qu'il ne pouvait être pris en charge au titre de la législation professionnelle ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Rozier aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par M. Poirotte, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du neuf juillet deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes tendant à voir dire et juger que le suicide de son époux doit être considéré comme un accident du travail, que l'employeur a commis une faute inexcusable et tendant au versement de l'employeur à elle et ses enfants de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE les premiers juges, par des motifs pertinents que la cour adopte, ont décidé à bon droit que la preuve d'un lien de causalité n'est pas rapportée entre le suicide d'Hervé X... et son travail ; qu'il y a lieu d'ajouter que le médecin du travail, lorsqu'il l'a examiné le 23 février 2010, soit trois mois avant son suicide, l'avait déclaré apte à son travail, alors que les signes d'un changement de son attitude (malaise dans sa personne, renfermement sur lui-même) avaient déjà été observés par ses collègues de travail ; que les appréciations figurant dans son évaluation du mois de février 2010 n'étaient pas de nature, objectivement, à provoquer en lui un sentiment d'injustice, ou une quelconque émotion négative pouvant conduire à un geste désespéré ; qu'en effet, les conclusions de cet entretien sont rédigées comme suit : « la fonction de cariste sherpa est exigeante du point de vue des responsabilités, elle peut aussi être stressante, mais M. X... est bien organisé, il est aussi très consciencieux et calme ce qui lui permet d'effectuer correctement son travail. Il propose souvent des idées pour améliorer son poste, il faut continuer ainsi. Un déclic sécurité sur les enjeux de la manutention serait le bienvenu. Bon travail » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Mme X... a, le jeudi 20 mai 2010 à 14h45, retrouvé son époux, M. X..., pendu dans le garage de leur maison ; qu'il devait ce jour-là prendre son poste à 13h00 mais n'était pas parti travailler ; que Mme X... a régularisé le 21 mai 2010 une déclaration d'accident du travail dans laquelle elle mentionne que " les conditions de travail liées au poste (cariste en 3x8) et le changement récent (début 2010) de son encadrement N + 2, responsable d'unité, ont généré chez Hervé des comportements inhabituels et anormaux depuis 2 à 3 mois (cf. sa hiérarchie). Hervé n'a pas pu maîtriser cet état de stress élevé et progressif. L'acte ultime en fut cet accident du travail qui s'est traduit par la mise à la fin de ses jours par pendaison chez lui " ; que le suicide s'étant produit alors que le salarié ne se trouvait pas sous la subordination de l'employeur, il incombe à Mme X... d'établir que les conditions de travail ont joué un rôle dans le décès de M. X... et constituent une des causes de sa mort ; que cinq membres du personnel de la société Peugeot Citroën Automobiles, collègues de travail ou supérieurs hiérarchiques de M. X..., ont été entendus au cours de l'enquête administrative diligentée par la CPAM de l'Allier ; que tous, sans exception, pensent que le geste de M. X... n'a pas de lien avec son activité professionnelle ; que tous ont également pu constater que l'attitude de M. X... avait changé depuis quelques mois, qu'il se renfermait de plus en plus sur lui-même et avait adopté des comportements inadéquats (vol d'un téléphone portable, dissimulation des clés d'un collègue) mais aucun n'a été en mesure de donner des précisions sur les raisons de ce malaise ; qu'ils n'ont pas non plus fait état de relations conflictuelles au travail ; que s'agissant du souhait de changer de poste, Mme A..., responsable de groupe, indique qu'elle lui avait parlé d'un changement de poste s'il le désirait et qu'il y avait des opportunités à venir ; que M. B..., secrétaire du Comité d'établissement de Sept Fons, confirme que M. X... désirait changer de poste, mais pas dans l'urgence ; que lors de son entretien d'évaluation du 18 février 2010, M. X... mentionnait que son poste de cariste lui plaisait mais que par la suite, il souhaiterait changer de chantier car le poste qu'il occupait était très fatigant ; que lors de l'entretien annuel réalisé en mars 2009, M. X... envisageait une mobilité fonctionnelle et/ ou géographique " mais pas dans l'immédiat " ; qu'il semble donc que la volonté de changer de poste existait mais n'avait pas un caractère urgent et impérieux ; que la mère de M. X... évoque que celui-ci lui avait dit en janvier 2010 qu'il avait un nouveau chef et ne s'entendait pas avec lui, le courant ne passant pas ; qu'il ne peut toutefois être fait de lien entre une mésentente avec son responsable, au demeurant hypothétique, et un acte aussi grave que le suicide, d'autant que M. X... travaillait depuis près de vingt ans au sein de l'entreprise et était un salarié apprécié et bien noté ; qu'il n'est pas fait état d'un évènement particulier qui serait survenu dans le contexte professionnel pendant les jours précédant le décès et qui aurait été de nature à perturber fortement M. X... ou à provoquer un choc psychologique ; qu'il n'existe ainsi aucun élément de preuve laissant penser que le suicide de M. X... serait survenu par le fait du travail ; qu'en outre, M. C..., son responsable d'unité, signale que M. X..., qui ne faisait auparavant jamais d'heures supplémentaires, avait depuis avril 2010 décidé d'en faire à sa demande, ce qui ne correspond pas au comportement habituel d'un salarié qui rencontrerait de grandes souffrances dans le cadre de son travail ; que du tout, il résulte que M. X... souffrait d'un profond mal-être qui n'était pas imputable à son activité professionnelle au sein de la société PEUGEOT CITROËN AUTOMOBILES ;
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE le suicide d'un salarié à son domicile survenu par le fait du travail constitue un accident de travail ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que la victime effectuait un travail sur un rythme 3x8 depuis plus de vingt ans, qui était exigeant et stressant, s'était vu récemment reprocher des fautes quant à la sécurité de la manutention et avait demandé un changement de poste depuis mars 2009 motivé par son état de fatigue, mutation qui n'avait pas eu lieu, qu'il avait depuis peu un nouveau supérieur avec lequel il avait dit à sa mère ne pas s'entendre, qui lui donnait à faire des heures supplémentaires, prétendument à sa demande, en dépit de son état de fatigue et de stress et enfin que le suicide avait eu lieu au moment où il devait se rendre à son travail ; qu'en décidant néanmoins qu'il n'existait pas de lien entre le suicide de M. X... et son travail, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les dispositions de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QU'au demeurant, il résulte de ses constatations, propres et adoptées, que la victime était épuisée et stressée et avait pour ces raisons, reconnues par ses supérieurs, demandé dès mars 2009 un changement de poste qui lui a été refusé ; qu'il a également été constaté qu'il avait mis fin à ses jours au moment où il devait se rendre à son travail ; que par conséquent, la Cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, retenir l'absence de lien causal entre le suicide et le travail ; que ce faisant, elle a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS, ENFIN, QUE l'accident du travail peut provenir d'une usure progressive au travail, découlant d'un rythme épuisant, de responsabilités lourdes et de reproches dans le travail ; qu'en exigeant la survenance d'un évènement particulier survenu les jours précédant le décès de nature à perturber fortement la victime ou à provoquer un choc psychologique, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-22227
Date de la décision : 09/07/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 10 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 jui. 2015, pourvoi n°14-22227


Composition du Tribunal
Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.22227
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